Un point particulièrement intéressant est celui qui porte sur le lien avec l’Iran dont le Hezbollah est souvent présenté comme un proxy L’article rappelle l’ancienneté des liens qui unissent les Chiites du Liban à l’Iran. Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, l’Iran n’a adhéré au chiisme que relativement récemment et sa transition vers le chiisme a été accompagnée par des clercs venus du Jabal Âmil, actuel Sud Liban. En outre, des liens personnels, familiaux notamment, unissent depuis longtemps les clercs chiites libanais et leurs homologues iraniens.
L’article rappelle aussi les circonstances de la création du Hezbollah, en tant que réunion de forces dont l’objectif commun était la lutte contre l’occupation sioniste.
Aujourd’hui nous assistons à une confrontation entre le Hezbollah et la Haganah sioniste qui a un certain nombre de points communs avec ce qui se passe à Gaza: emploi massif de l’aviation par le régime sioniste pour attaquer des objectifs civils, maisons, immeubles résidentiels, stations de distribution d’eau potable, casernes de pompiers, ambulances etc.. La différence est la capacité du Hezbollah, malgré l’assassinat de certains de ses plus hauts dirigeants, à repousser les incursions des fantassins de la Haganah ainsi que celle d’atteindre avec ses roquettes et ses drones des objectifs dans la profondeur de la Palestine occupée.
Les perspectives de victoire militaire contre le Hezbollah et les autres mouvements de résistance libanais ou palestiniens sont semble-t-il faibles. Raison pour laquelle le régime sioniste s’emploie, avec l’accord de la Grande Bretagne, des Etats Unis et de la France à commettre de grandes destructions et à tuer de nombreux civils. Le but étant de créer un climat politique au Liban qui amènerait le gouvernement de ce pays à accepter un accord de cessez-le-feu qui tournerait le dos à la résolution 1701 du Conseil de Sécurité de l’ONU et ouvrirait la voie à une neutralisation voire un démantèlement du Hezbollah, y compris par une intervention militaire occidentale.
L’amour pour l’entité sioniste des Occidentaux les aura frappés d’amnésie, leur faisant oublier la leçon du camp Drakkar et celui des Marines basés à l’aéroport de Beyrouth, deux forces présentes à Beyrouth sans mandat onusien et officiellement sur demande d’un pseudo gouvernement libanais.
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Malgré les tentatives incessantes d’Israël de donner une image fausse et de démanteler le Hezbollah, l’organisation a survécu. Un regard sur l’histoire et les objectifs de l’organisation explique le maintien de sa puissance et montre à quel point ce qui est dit dans les médias occidentaux est faux.
Le Hezbollah, qui signifie en arabe «le parti de Dieu » , également appelé «la Résistance islamique du Liban», fait de plus en plus la une des journaux ces derniers mois, alors qu’Israël poursuit sa guerre contre le Liban. Plus tôt cette semaine, le nouveau ministre israélien de la Guerre, Yizrael Katz, a annoncé la «défaite» du Hezbollah. L’organisation a répondu par des tirs de roquettes sans précédent et de nouvelles attaques de drones sur Haïfa et Tel-Aviv, démontrant ainsi sa capacité militaire.
Début octobre, Israël a lancé son offensive contre le Liban avec des bipeurs piégés qui ont tué des dizaines de Libanais, principalement des civils. Ces attaques ont été suivies d’une série d’assassinats de hauts responsables militaires du Hezbollah, culminant avec l’assassinat du secrétaire général de l’organisation Hassan Nasrallah, puis du candidat le plus sérieux à sa succession, le chef du conseil exécutif du Hezbollah, Hashem Safiyyudin. Israël a ensuite lancé une campagne de bombardements massifs au sud du Liban, qui s’est étendue à la vallée de la Bekaa et au mont Liban, visant prétendument les arsenaux de roquettes du Hezbollah.
Mais le Hezbollah ne s’est pas effondré. Au contraire, il a intensifié jour après jour ses opérations militaires, en utilisant des roquettes plus puissantes et à plus longue portée et en opposant une résistance farouche aux tentatives d’incursion israéliennes dans le sud.
Comme lors de la guerre syrienne qui a duré dix ans, et dans laquelle le Hezbollah a joué un rôle majeur, et comme en 2006, lorsqu’il a repoussé une nouvelle offensive israélienne au Liban, l’organisation est devenue l’objet de spéculations, de curiosité et de récits contradictoires à son sujet. Alors, qui est le Hezbollah ? Que veut-il ? Comment fonctionne-t-il ? Et dans quelle mesure ce que l’on dit à son sujet en Occident et dans les médias est-il vrai ?
Libanais, chiites ou pro-palestiniens ?
D’une certaine manière, le Hezbollah est le produit de la rencontre de conflits politiques, sectaires, de classe et régionaux au Liban dans les années 1980. L’organisation est née en réponse à l’invasion et à l’occupation du Liban par Israël en 1982, mais ses racines remontent au mouvement chiite qui a débuté comme un mouvement de protestation sociale. La plupart des fondateurs du Hezbollah avaient fait leurs premiers pas en tant qu’activistes dans les rangs du « Mouvement des démunis », lancé par le religieux et leader social irano-libanais Mousa Sadr au milieu des années 1970, à une époque où les chiites étaient parmi les communautés les plus marginalisées et les plus pauvres du Liban.
Alors qu’Israël attaquait à plusieurs reprises le Liban pour contrer les combattants de la résistance palestinienne basés dans le sud du pays, Mousa Sadr fut l’un des premiers à appeler à une résistance libanaise organisée et à fonder les « Légions de la résistance libanaise », dont l’acronyme arabe se lit « Amal », ce qui signifie également « Espoir ». Cette organisation devint bientôt la milice chiite engagée dans la guerre civile, notamment après la disparition de Sadr en 1978 [Moussa Sadr a disparu en Libye où il effectuait une visite officielle. On suppose qu’il a été assassiné par les autorités de ce pays, NdT].
Après l’invasion du Liban par Israël et l’occupation de Beyrouth en 1982, le Parti Communiste Libanais avait lancé le «Front de la Résistance Nationale Libanaise», rejoint par d’autres partis de gauche et nationalistes, qui était devenu la principale force de résistance à Israël. C’est alors que plusieurs militants islamiques d’Amal, d’autres mouvements chiites, d’organisations caritatives, de mosquées et d’associations de quartier se sont réunis à l’école religieuse islamique Al-Muntazar dans la ville de Baalbek et ont décidé qu’ils avaient besoin d’une force islamique dédiée uniquement à la résistance à l’occupation israélienne. Ils la baptisèrent «Hezbollah», en référence au verset 56 de la sourate 5 du Coran, qui dit que « les partisans de [ou ceux qui sont loyaux à] Dieu seront victorieux »
Les fondateurs du Hezbollah avaient deux points communs : la priorité donnée à la résistance à Israël, en mettant de côté toutes les autres divergences politiques, et leur accord sur la référence religieuse à adopter. Cette «référence religieuse» est une tradition chiite vieille de plusieurs siècles, selon laquelle chaque communauté choisit un érudit religieux qui répond à certaines qualifications et accepte son jugement religieux sur les questions importantes sur lesquelles la communauté ne parvient pas à s’entendre. Les membres fondateurs du Hezbollah qui se sont rencontrés à Baalbek ont convenu d’accepter comme référence religieuse le chef religieux et dirigeant iranien, l’ayatollah Khomeini.
Un «Proxy iranien» ?
Les relations du Hezbollah avec l’Iran ont toujours été un sujet de controverse, l’organisation étant accusée d’être le mandataire de l’Iran au Liban et dans la région. Cependant, les racines des liens entre le Hezbollah et l’Iran sont plus anciens que l’établissement du régime iranien actuel et plus complexes qu’on ne le présente souvent. En fait, ce sont des érudits religieux, des mystiques et des prêcheurs libanais du mont Amel, l’actuel sud du Liban, qui ont introduit le chiisme en Iran au XVIIe siècle. Les liens entre les chiites des deux pays se sont maintenus, avec des échanges de chefs religieux, d’érudits et d’étudiants, et la création de liens familiaux. Mais en 1982, ces relations ont pris une nouvelle dimension.
Alors que les forces israéliennes assiégeaient Beyrouth, la République islamique d’Iran, récemment créée, avait envoyé des membres de sa garde révolutionnaire en Syrie voisine et proposé au gouvernement syrien de l’aider à combattre l’invasion israélienne. Cette force iranienne a ensuite changé sa mission, lorsqu’il est devenu clair qu’Israël n’avait pas l’intention d’envahir la Syrie, et a commencé à offrir une formation à tous les Libanais qui voulaient résister à l’occupation. L’organisation naissante, le Hezbollah, est devenue le principal recruteur de volontaires et le principal organisateur des combattants nouvellement formés, ce qui lui a permis de développer sa base militante en peu de temps. Cette relation entre l’organisation libanaise et les Gardiens de la Révolution iranienne s’est développée et s’est poursuivie jusqu’à ce jour.
Cependant, le défunt chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a expliqué à plusieurs reprises dans des interviews aux médias la distinction entre la relation du groupe avec l’État iranien et son guide suprême. Selon Nasrallah, le Hezbollah considère l’Iran comme un pays «ami et allié», tandis qu’il considère le guide suprême, Khomeiny et son successeur Khamenei, comme sa «référence religieuse» à laquelle il ne se réfère que pour les questions qui nécessitent une décision religieuse. Cette distinction reste floue pour beaucoup, car le guide suprême est également le chef de l’État en Iran, et parce qu’au niveau idéologique, il est aussi la « référence religieuse » de l’État iranien. Cependant, d’autres partis libanais ont des relations plus déséquilibrées, dépendantes et explicites avec les pays étrangers. Un exemple en est la relation entre l’Arabie saoudite et le parti « Futur » du Premier ministre assassiné Rafic Hariri, qui se bat pour représenter la communauté sunnite. Un autre exemple est celui des Phalanges libanaises, parti d’extrême droite anti-palestinien, qui a monopolisé la représentation des chrétiens maronites pendant la guerre civile, et ses relations avec les États-Unis, la France et même Israël pendant l’invasion de 1982. Un contexte complexe qui fait que la relation du Hezbollah avec l’Iran est loin d’être une particularité dans la culture politique libanaise.
Le Hezbollah en politique
En quarante-deux ans d’existence, le Hezbollah est devenu une force politique majeure au Liban. Il n’est resté qu’un mouvement de résistance jusqu’en 1995, année où il s’est présenté pour la première fois aux élections législatives. À l’époque, la guerre civile libanaise venait de se terminer et la nouvelle génération de jeunes Libanais cherchait quelque chose de nouveau en quoi croire et autour duquel s’unir. La bataille pour le Sud occupé leur a fourni cela, augmentant la popularité du Hezbollah. L’organisation a également commencé à développer des programmes sociaux pour aider les familles de ses combattants tombés au combat, comme des établissements de santé et des écoles, qui ont également apporté une assistance aux Libanais pauvres.
Cette popularité s’est encore accrue après le retrait israélien du Liban en 2000, qui a marqué la première libération sans conditions d’un territoire arabe occupé. Le Hezbollah a continué à remporter des succès électoraux, maintenant une présence croissante au parlement libanais et dans de nombreuses municipalités, en particulier dans les régions chiites comme le sud et la Bekaa, et forgeant des alliances avec d’autres partis libanais.
En 2008, le Hezbollah a conclu un accord d’alliance avec la nouvelle force chrétienne émergente, le «Courant patriotique libre», dirigé par l’ancien général de l’armée libanaise Michel Aoun, qui, ironiquement, s’était forgé une image héroïque dans les années 1980 en s’opposant à la présence militaire syrienne au Liban. Cette alliance inhabituelle entre chiites et chrétiens a donné au Hezbollah un poids sans précédent sur la scène politique libanaise lorsque Aoun est devenu président du Liban en 2016. Selon la Constitution libanaise, le président de la république doit être un chrétien maronite, et le Hezbollah avait soudain un puissant allié qui a réussi à accéder au palais présidentiel de Baabda, avec le soutien du Hezbollah. Cela, entre autres choses, comme la capacité militaire du Hezbollah à déclencher ou à empêcher une guerre avec Israël, lui a valu l’accusation de contrôler l’État libanais.
Cependant, le Hezbollah n’a jamais été le seul parti à avoir une telle influence sur la politique libanaise, et la position globale de l’État libanais est inébranlable sur plusieurs questions,en opposition à celle du Hezbollah. Par exemple, l’État libanais n’a jamais accepté les propositions du Hezbollah de demander l’aide de l’Iran pour moderniser et renforcer l’armée libanaise, ou d’acheter du carburant à l’Iran pour résoudre la crise du carburant dans le pays en 2021. Plus important encore, le Hezbollah n’a accédé qu’aux fonctions de l’État accessibles par le biais des élections, au parlement ou dans les municipalités, mais ne s’est jamais vu attribuer un poste clef dans les administrations gouvernementales ou dans le système judiciaire. Cela est dû, selon le Hezbollah et ses alliés, à la pression extérieure exercée sur le Liban, principalement par les pays occidentaux, qui considèrent le Hezbollah comme une organisation terroriste.
Plus qu’une organisation militante
Une qualification de « terroriste » qui a placé le Hezbollah dans la ligne de mire des administrations américaines successives, qui ont systématiquement apporté un soutien inconditionnel à chaque guerre israélienne visant à détruire le Hezbollah, même si elle causait la destruction du reste du Liban. Dans la dernière tentative en cours, Israël a fait de son mieux en ciblant le sommet de la pyramide du Hezbollah, Nasrallah, et plusieurs dirigeants clés qui l’entouraient. Cependant, la capacité du parti libanais à encaisser les coups et à poursuivre le combat, sans faiblir, a démontré que contrairement à la croyance populaire sur les organisations arabes et moyen-orientales, le Hezbollah n’est pas une secte idéologique dirigée par un ou quelques hommes charismatiques. En fait, Nasrallah lui-même a déclaré à plusieurs reprises que le Hezbollah n’avait pas de chef, mais un «système de direction», régi par des institutions, avec un processus continu de formation de nouveaux dirigeants, prêts à entrer en lice chaque fois qu’un poste se libère.
Mais l’aspect le plus important du Hezbollah, et le plus souvent négligé, est qu’il est bien plus qu’une organisation militante avec une cause et des armes. Le Hezbollah représente la tradition et la lutte de plusieurs décennies d’une composante clef de la société libanaise. Il est aussi le représentant le plus fort, aujourd’hui, du choix politique de résistance aux États-Unis et à Israël au Liban, qui est beaucoup plus ancien et beaucoup plus diversifié que le Hezbollah lui-même. C’est aussi une force sociale avec une forte présence dans tous les domaines de la vie publique libanaise, de la politique à l’éducation, en passant par le caritatif, l’art et la culture. Et en temps de guerre, il représente les sentiments de larges pans de la société libanaise, qui s’étendent au-delà des limites des communautés religieuses ou du sectarisme politique.
Par Dziri (revue de presse : Mounadil al Djazaïri – 16 novembre 2024)*
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