Faisons une pause une seconde, et laissez-moi vous expliquer tout ça plus calmement. Car à chaque fois que je parle d'Israël, les gens ont l'impression que je parle de fantômes, de théologie, de prophéties, de métaphysique... ce n'est pas le cas du tout. Pas ce soir en tout cas. Ce soir, je vous parle de choses très concrètes : de ports, de routage, d'infrastructure. Des choses qui ont toujours joué un rôle central dans les affaires des siècles, et qu'aucune indignation morale ne peut affecter, que ça plaise ou pas.
Car c'est ça le problème : les gens s'évertuent à essayer de comprendre Israël comme s'il s'agissait d'une espèce de puzzle moral. Au hasard et pêle-mêle, on dira : c'est une démocratie sous pression, un peuple de l'alliance assiégé, un État religieux cherchant désespérément à se définir lui-même, une rhétorique de séminaire biblique placée à la tête des stratégies logistiques impérialistes du vingt-et-unième siècle...
Israël n'est pas un État.
C'est ce que j'appellerais : un nœud de commandement. Si vous le comprenez en ce sens, et pas comme une entité politique, alors les silences assourdissants, les abstentions, les asphyxies diplomatiques, tout commence à faire sens. Et pas à faire sens émotionnellement ou éthiquement, mais structurellement.Donc, laissez-moi y aller plus en douce, comme vous me demandez si souvent de le faire. Pour commencer, souvenez-vous que le vingtième siècle a fonctionné autour du canal de Suez. Eh bien, le vingt-et-unième siècle va fonctionner autour du canal Ben Gourion. Et quel que soit le nœud qui régira le corridor qui remplacera ou contournera Suez, il s'assurera de contrôler, non pas simplement une voie navigable, mais le pivot même entre la ceinture industrielle indo-pacifique et la zone financière méditerranéenne-atlantique.
Cette charnière deviendra de ce fait la plaque tournante mondiale pour l'énergie, les données numériques, les primes d'expédition, le déploiement de la robotique, et les architectures de défense à base d'Intelligence Artificielle. Israël n'a pas été mis en place comme un État-nation en conflit avec tout ce qui l'entoure, ce qu'il est à l'évidence aussi; mais ce n'est bien sûr pas une fin, juste un moyen. L'objectif, comme je vous le dis sans cesse, c'est une Pax Judaica commerciale perpétuelle : entièrement déterritorialisée, interconnectée et sécurisée.
Je sais que tout ça sonne un peu "ésotérique". Ça ne l'est pas du tout. Ce n'est qu'un banal calcul mathématique, appliqué à la question des chaînes d'approvisionnement. Vous n'avez pas besoin d'en passer par mille contorsions idéologiques pour comprendre pourquoi la Chine et la Russie se sont abstenues au Conseil de Sécurité. Vous n'avez pas besoin d'une théorie du complot théologique pour comprendre pourquoi les États du Golfe ont doctement acquiescé.
On peut résumer la chose simplement : ce corridor a plus de valeur pour le Capital que Gaza n'en a pour la conscience. Je ne le dis pas par cruauté; je le dis par souci de précision diagnostique. Car, tant que vous ne comprendrez pas la manière dont le Capital voit Israël, vous continuerez à décrypter notre siècle comme étant celui d'une tragédie morale, alors qu'il s'agit d'une ère de passation de pouvoir infrastructurelle.
Laissez-moi vous redire quelque chose, parce que je sais que nombre d'entre vous n'ont rien compris la première fois que je l'ai dit : Israël n'a pas été préservé en raison de son passé. Il a été préservé comme courroie de transmission. Le canal Ben Gourion, plus les ports de Haïfa, plus les fonds de reconstruction du Golfe, plus l'afflux de la main-d’œuvre indo-pacifique, tout cela ensemble constituera la construction du corridor commercial le plus précieux du monde, depuis que les Anglais ont pris le contrôle de l'Égypte pour obtenir la garantie de Suez.
Tout ceci n'a donc rien à voir avec la religion, mais tout avec les soixante-dix prochaines années de routage maritime. Vous me rétorquerez : mais quid de la démocratie? Quid du génocide? Et les normes? Et l'ONU? Et l'indignation du monde entier? Tout cela est bien réel, je n'ai jamais dit le contraire. Mais rien de cela n'exerce de contrainte effective sur quoi que ce soit, car l'âge de la conscience a rendu son dernier souffle quand le Capital est devenu post-national; quand l'accès aux ports a définitivement commencé à valoir beaucoup plus que l'opinion publique; quand le prix des vies humaines a cessé de peser lourd, à côté des contrats de surveillance de l'Intelligence Artificielle; quand on s'est mis à négocier les contrats de longue durée sur la reconstruction avant même que la phase de destruction ne soit entièrement achevée.
Je sais bien que certains d'entre vous sont scandalisés quand je parle de cette façon. Quand j'ôte à la géopolitique son voile de romantisme, et montre le banal registre de l'entrepôt qui se cache derrière l'hymne national. Mais quelqu'un doit bien se sacrifier à le faire.
Alors, laissez-moi vous résumer tout cela de la façon la plus succincte possible. Israël n'est pas en train de se défendre soi-même. Israël est une machine à déblayer des terrains et des parts de marché immobilier. Les élites globales, elles, ne sont pas en conflit les unes avec les autres. Elles sont déjà investies jusqu'au coup dans l'affaire, littéralement et en tous sens. La Chine a besoin de ce corridor pour les déchargements de l'indo-pacifique. La Russie en a besoin pour son approvisionnement énergétique vers le sud. Les pays du Golfe en ont besoin pour l'accroissement de leur Capital. L'Europe en a besoin pour une sécurité non-russe et non-ukrainienne de son routage maritime. Les Américains en ont besoin pour conserver leur souveraineté en matière de prix, sans charge territoriale directe. Tout le monde en profite, en fait; à part, bien entendu, les personnes qui vivent sur les terres qui sont en jeu.
C'est pourquoi Gaza ressemble à une espèce d'écran enfoui sous une couche de mousse. Ce n'est pas que le monde ne soit pas en état d'entendre les cris des Palestiniens. C'est que les puissances de ce monde ont d'ores et déjà annexé ces terres dans des contrats à longue durée.
C'est pourquoi je vous ai aussi répété sans cesse que le vingt-et-unième siècle ne serait pas multipolaire, mais infrastructurel. La polarité requiert l'idéologie, et la nation. L'infrastructure requiert des corridors et des notes de commandement. Israël, c'est le nœud central de tout ça. Pas culturellement, pas spirituellement, pas même militairement : mais logistiquement. Le corridor de Gaza ne permettra pas de simplement déplacer des navires; il déplacera des systèmes de surveillance, de l'externalisation de la robotique, de l'exportation biométrique de main-d’œuvre, des méga-projets de dessalement, enfin des systèmes de gestion par l'I.A. ne se souciant pas des frontières.
Qu'est-ce à dire, en très clair? Cela signifie qu'Israël ne sera pas un pays. Il sera le centre de confluence des échanges mondiaux pour le prochain empire commercial. Cet empire n'aura pas besoin d'agiter un quelconque drapeau. Il lui suffira d'émettre des contrats et de les faire signer. Vous devez comprendre cela, si vous voulez cesser d'halluciner que le monde est sens dessus dessous. Ce n'est pas du tout le cas : les puissants de ce monde ont toute leur tête, et savent parfaitement ce qu'ils font. Le monde, lui, s'aligne sagement et sans bruit.
Vous vous demandez : mais comment la Chine peut-elle tolérer le sionisme [N.B. : le Pr Jiang enseigne à Pékin, où ce cours est donné]? Parce que le gouvernement chinois regarde aux questions d'infrastructure, pas d'eschatologie. Vous vous demandez : pourquoi la Russie s'abstient-elle? Parce que le routage maritime du sud compte plus que l'éthique. Vous vous demandez : pourquoi est-ce que les monarchies du Golfe encaissent-elles tant d'humiliations sans moufter? Parce que l'accès au corridor garantit la souveraineté de la richesse nationale.
Voilà pourquoi j'insiste sur le fait qu'Israël n'est pas un État. C'est la Pax Judaica, pas au sens d'une destinée théologique, mais au sens d'une domination logistique. Oui, il y a une dimension métaphysique dans tout ça. Historiquement, ça a toujours été le cas lorsque le Levant était appelé à devenir le pivot d'un empire. Mais la métaphysique ne joue ici un rôle qu'en servant de bouclier narratif, pendant que le béton sèche.
Donc, certains d'entre vous aimeraient me voir condamner, me mettre en colère, moraliser. Je comprends tout à fait cette impulsion. Mais les considérations morales ne pourront faire cesser la construction d'un corridor, tandis même que les contrats à longue durée sont d'ores et déjà signés. Le canal Ben Gourion sera creusé. Le logiciel sera dûment installé; la main-d’œuvre, importée comme du bétail; la surveillance, parfaitement normalisée. Et la Palestine sera la préface effacée du roman du vingt-et-unième siècle, par le chapitre concernant la construction des infrastructures sur lesquelles roulera ce siècle. Je fais donc ici tout sauf exprimer un désir, comme vous vous en doutez bien. Je vous décris simplement le Grand Livre du Siècle, tel qu'il est en train de s'écrire sous nos yeux. Voilà.
J'ai besoin d'une pause pour respirer, là. Parce que oui, quand je dis toutes ces choses, je ne parle pas d'abstractions. J'ai vécu, littéralement et en tous sens, à l'école de l'Empire [NB : le Pr Jiang a grandi à Toronto et fait ses études à Yale]. J'ai mémorisé ses hymnes. J'ai inhalé par tous les pores son auto-mythologie. j'en étais imprégné des pieds à la tête.
Je n'ai été capable de renoncer à tout ce narratif qu'en en quittant les juridictions correspondantes. Si j'étais resté en Occident, jouissant d'un poste permanent comme Maître de conférences à Yale, brandissant mon patriotisme de salle de rédaction, j'aurais défendu l'idée de ce canal Ben Gourion comme étant celle d'une modernisation bienvenue. J'aurais peut-être joué des nuances, en appelant ce corridor une "nécessité regrettable". Je serais devenu l'un de ces énièmes responsables bilingues de l'anesthésie morale de l'Empire.
La Chine m'a donné de la distance. La distance m'a donné la lucidité. Donc, laissez-moi conclure de façon nette et sans fioritures. L'horreur à Gaza ne tient pas à un dysfonctionnement de l'Ordre Mondial. Elle est la précondition de sa nouvelle mouture. Je sais : le constat est brutal. Et il n'en est aussi pas moins vrai que vous n'avez pas à accepter cette Pax Judaica. Vous n'avez bien évidemment pas à approuver le projet de ce canal. Vous n'avez pas à vous pâmer devant le Capital transnational.
Seulement, voilà : vous devez arrêter de croire que le vingt-et-unième siècle a attendu votre permission pour faire ce qu'il fait. Vous ne pouvez pas condamner ce que vous refusez de diagnostiquer correctement. Vous ne pouvez résister avec votre simple sentimentalisme compassionnel. Israël n'est pas la ligne de front d'un clash civilisationnel. Il est le centre administratif d'un algorithme maritime. Ses enjeux, ce sont les ports, pas les prophéties. Les corridors, pas les questions d'Alliance.
Voilà la réalité qui se cache derrière tous les étendards, derrière toutes les indignations, derrière le chagrin télévisé. Et non, ce n'est pas bien. Ce n'est pas juste. C'est une honte absolue. Mais c'est déjà en voie de construction, et hélas très avancée. Et si vous voulez un futur où la Palestine ne soit pas juste une note en bas de bas de page édifiante du destin du Capital dans notre siècle, vous devez apprendre à regarder les infrastructures, avant de regarder les idéologies. Car l'époque où c'était le langage moral qui gouvernait le pouvoir est révolue depuis longtemps. Ce sont les connectivités économiques qui gouvernent désormais. Compris?
Bon, ce sera tout pour ce soir.
Traduction par Sybille Flamand
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Le projet de canal Ben Gourion, une alternative potentielle à Suez?
Alors que les enjeux géopolitiques et économiques du Moyen‑Orient restent plus que jamais au cœur des débats internationaux, une idée qui remonte aux années 1960 refait surface: le projet de canal Ben Gourion. Nommé en hommage à David Ben Gourion, Premier ministre d’Israël et figure emblématique de la création de l’État hébreu, ce projet audacieux envisage de relier le golfe d’Aqaba, à l’extrémité sud d’Israël (Eilat), à la mer Méditerranée, au niveau d’Ashkelon. S’il était réalisé, ce canal – long de 292,9 km, soit près d’une fois et demie la longueur du canal de Suez – constituerait non seulement une prouesse d’ingénierie, mais également un levier stratégique et économique majeur dans une région en constante évolution.
Le projet de canal Ben Gourion, tel qu’envisagé, présenterait plusieurs atouts:
· Itinéraire et dimension: le canal débuterait à Eilat, traverserait le désert israélien (pouvant s’étendre près de Gaza) et rejoindrait la côte méditerranéenne aux abords d’Ashkelon. Sa longueur de 292,9 km le rendrait nettement plus long que le canal de Suez, qui mesure 193,3 km.
· Capacité et modernité: conçu pour être doté de deux voies permettant une navigation simultanée dans les deux sens, le canal offrirait des dimensions adaptées aux plus grands navires de commerce, avec une profondeur et une largeur supérieures à celles de Suez.
· Investissement colossal: les estimations de coût varient de 16 à 55 milliards de dollars, reflétant l’ampleur des travaux et la technicité requise pour réaliser ce projet d’infrastructure d’exception.
H. Genséric
Les Palestiniens, les éternels dindons de la farce!
RépondreSupprimerDonc les Palestiniens propriétaires des terres exploités peuvent revendiquer un loyer et occuper une surface aquatique qui elle même se trouve sur du foncier Palestinien.Pas fini le bordel
RépondreSupprimerhttps://www.dropsitenews.com/p/gaza-israel-building-military-outposts-roads-permanent-presence-yellow-line?publication_id=2510348&post_id=182096463&isFreemail=true&r=1fhetu&triedRedirect=true
RépondreSupprimerL'entité sioniste se prépare à une présence permanente à Gaza(texte en anglais).
Donc un type chinois qui a transité par les USA et qui émet depuis la Chine, qui pourrait représenter un organe discret de messagerie d'un courant spécial chino-US, préfigurant une intégration des Nouveau-USA aux BRICS nous susurre qu'il faut se faire à l'idée que les populations ne sont rien, qu'Israël va devenir le centre du monde, que les membres des BRICS et le future Nouveau-USA sont une même chose, et on apprend par ailleurs que dans cette farce, il n'est plus question du Nouvel Ordre Mondial mais de la Nouvelle Organisation Mondiale, dont l'Europe est exclue et destinée à l'effacement, dans tout cela ce qui n'est pas dit c'est que les Nouveaux-USA sont en fait la colonie des Rétrécis, que les Rétrécis sont bien introduits en Russie et en Chine et en Inde et dans les autres BRICS, que tout le monde est d'accord, et que donc Jérusalem est déjà le centre du monde.
RépondreSupprimerça y va du bourrage de crâne ...
M. D. le fou sur le jeu d'échec
A la table de jeu du poker mondial menteur, quatre ou cinq très gros menteurs, à chaque tour de table on élimine un joueur, entre deux tours, les alliances se font et se défont, jusqu'à ce qu'il n'en reste que deux, et là on passe de la table de poker à la rue devant le saloon des western, c'est à qui va dégainer le premier
RépondreSupprimerSuite du programme "une espèce viable pour un avenir radieux"
MD
https://fr.topwar.ru/275428-izrail-hochet-zaruchitsja-podderzhkoj-ssha-pered-novymi-udarami-po-iranu.html
RépondreSupprimerLes sionistes cherchent à entrainer Trump dans une nouvelle guerre contre l'Iran!