Cela fait 16 ans que j’ai publié mon article " Leçons post-soviétiques pour un siècle post-américain" . Il était basé sur des prises de conscience que j’avais faites une décennie plus tôt, en 1996, à mon retour aux États-Unis, après avoir observé les conséquences de l’effondrement de l’Union soviétique. Depuis lors, je me suis concentré sur ce que je considérais comme les principales causes de l’effondrement, tant dans le cas soviétique qu’américain : une dette exorbitante, des problèmes dans le secteur de l’énergie et des systèmes politiques irréformables embourbés dans la corruption, leurs élites se berçant d’illusions dans leur sentiment de toute-puissance. Et voici maintenant une analogie vraiment effrayante : le baril de poudre qui a explosé sous l’URSS était le nationalisme et le séparatisme ethniques ; et le baril de poudre qui explose actuellement sous les États-Unis est l'(anti-)racisme « Éveillé/woke » : une autre marque de fascisme ethnique mais avec des caractéristiques américaines.
Cet article
s’ouvrait sur le paragraphe suivant :
Il y a une décennie et demie, le
monde est passé de bipolaire à unipolaire, parce que l’un des pôles s’est
effondré : L’Union Soviétique n’existe plus. L’autre pôle – symétriquement
nommé les États-Unis – ne s’est pas encore effondré, mais des grondements
inquiétants se font entendre à l’horizon. L’effondrement des États-Unis semble
à peu près aussi improbable aujourd’hui que l’effondrement de l’Union
soviétique semblait l’être en 1985.
À l’époque, mon message était perçu comme provocateur, et très éloigné de la pensée politique dominante. Mais le monde m’a depuis rattrapé. Les citations suivantes (traduction de ma part) sont tirées du discours de Vladimir Poutine et du Forum économique mondial de Saint-Pétersbourg qui se déroule actuellement.
Nous entendons des menaces venant du Congrès américain
et d’ailleurs. Cela se produit dans le cadre de processus politiques internes
aux États-Unis. Les personnes qui profèrent ces menaces supposent, semble-t-il,
que la puissance des USA, sa puissance économique, militaire et politique, est
telle que ce n’est pas grave, qu’ils y survivront. C’est ce qu’ils pensent.
Mais je vais vous dire quel est le problème, en tant
qu’ancien citoyen de l’Union soviétique. Le problème des empires, c’est qu’ils
s’imaginent être si puissants qu’ils peuvent se permettre de petites fautes de
calcul et des erreurs. Certains qu’ils corrompent, d’autres qu’ils effraient,
d’autres encore avec lesquels ils passent un accord, d’autres à qui ils donnent
des perles de verre, d’autres qu’ils effraient avec des navires de guerre – et
cela permet de régler les problèmes. Mais le nombre de problèmes ne cesse
d’augmenter. Il arrive un moment où ils ne peuvent plus y faire face. Les
États-Unis avancent à pas assurés sur le même chemin que l’Union soviétique.
C’est une chose que de telles pensées soient exprimées par un blogueur peu connu, c’en est une autre qu’elles soient exprimées par le leader expérimenté d’une superpuissance mondiale lors d’un forum international très prestigieux et très fréquenté. Ceux d’entre vous qui n’ont pas été attentifs, ou qui l’ont été mais considèrent l’effondrement des États-Unis comme une notion quelque peu fantaisiste et futuriste, doivent se réveiller. S’il y a quoi que ce soit que vous puissiez faire pour vous préparer, votre temps est compté. Ce n’est pas un exercice. Le renard arctique est à votre porte.
Dmitry Orlov
Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.
Le 5 juin 2021 – Source Club Orlov
Via le Saker Francophone
Le Forum de St Pétersbourg. Une cartographie du siècle eurasiatique.
Il est
impossible de comprendre les détails de ce qui se passe sur le terrain en
Russie et dans toute l’Eurasie, sur le plan commercial, sans suivre le Forum économique international de
Saint-Pétersbourg (SPIEF).
Allons donc droit au but et proposons quelques exemples choisis de ce qui a
été discuté lors des principales sessions.
L’Extrême-Orient russe. Voici une discussion sur
les stratégies, largement couronnées de succès, visant à stimuler les
investissements productifs dans l’industrie et les infrastructures dans
l’Extrême-Orient russe. L’industrie manufacturière en Russie a connu une
croissance de 12,2 % entre 2015 et 2020 ; en Extrême-Orient, elle était du
double, à 23,1 %. Et de 2018 à 2020, l’investissement en capital fixe par
habitant y était de 40 % plus élevé que la moyenne nationale. Les prochaines
étapes sont centrées sur l’amélioration des infrastructures, l’ouverture des
marchés mondiaux aux entreprises russes et, surtout, la recherche des fonds
nécessaires (Chine ? Corée du Sud ?) pour les technologies de pointe.
L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).
Comme j’ai pu le constater moi-même lors des précédentes éditions du forum, il
n’existe rien de comparable en Occident pour ce qui est de discuter
sérieusement d’une organisation telle que l’OCS, qui a progressivement évolué
de son objectif initial de sécurité vers un rôle politico-économique de grande
envergure.
La Russie a présidé l’OCS en 2019-2020, lorsque la politique étrangère a pris
un nouvel élan et que les conséquences socio-économiques du Covid-19 ont été
sérieusement abordées. Désormais, l’accent devrait être mis sur la manière de
rendre ces nations membres, en particulier les « stans » d’Asie
centrale, plus attrayantes pour les investisseurs mondiaux. Parmi les
intervenants figuraient l’ancien secrétaire général de l’OCS, Rashid Alimov, et
l’actuel secrétaire général, Vladimir Norov.
Le Partenariat eurasiatique. Cette discussion
portait sur ce qui devrait être l’un des nœuds essentiels du siècle
eurasiatique : le corridor international de transport nord-sud (INSTC). Un
précédent historique important s’applique : la route commerciale de la Volga
des 8e et 9e siècles qui reliait l’Europe occidentale à la Perse – et qui
pourrait maintenant être prolongée, dans une variante de la Route de la soie
maritime, jusqu’aux ports de l’Inde. Cela soulève un certain nombre de
questions, allant du développement du commerce et de la technologie à la mise
en œuvre harmonieuse de plateformes numériques. Les intervenants sont
originaires de Russie, d’Inde, d’Iran, du Kazakhstan et d’Azerbaïdjan.
Le partenariat de la Grande Eurasie. La Grande
Eurasie est le concept russe global appliqué à la consolidation du siècle
eurasien. Cette discussion est largement axée sur la Big Tech, notamment la
numérisation complète, les systèmes de gestion automatisés et la croissance
verte. La question est de savoir comment une transition technologique radicale
pourrait servir les intérêts de la Grande Eurasie.
Et c’est là que l’Union économique eurasienne (UEEA) dirigée par la Russie
entre en jeu : comment la volonté de l’UEEA de créer un grand partenariat
eurasien devrait-elle fonctionner dans la pratique ? Parmi les intervenants
figurent le président du conseil d’administration de la Commission économique
eurasienne, Mikhail Myasnikovich, et une relique du passé d’Eltsine : Anatoliy
Chubais, qui est désormais le représentant spécial de Poutine pour les « relations
avec les organisations internationales en vue de réaliser les objectifs de
développement durable ».
Il faut se débarrasser de tous ces billets verts
La table ronde la plus intéressante de la SPIEF était consacrée à la « nouvelle normalité » (ou anormalité)
post-Covid-19 et à la manière dont l’économie sera remodelée. Une sous-section
importante portait sur la manière dont la Russie peut éventuellement en tirer
parti, en termes de croissance productive. Ce fut une occasion unique de voir
la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, le gouverneur de la Banque
centrale russe, Elvira Nabiullina, et le ministre russe des finances, Anton Siluanov,
débattre autour de la même table.
En fait, c’est Siluanov qui a fait tous les gros titres concernant le SPIEF
lorsqu’il a annoncé
que la Russie allait abandonner totalement le dollar américain dans la
structure de son fonds national souverain et réduire la part de la livre
sterling. Ce fonds aura plus d’euros et de yuans, plus d’or, et la part du yen
restera stable.
Ce processus de dédollarisation en cours était plus que prévisible. En mai,
pour la première fois, moins de 50 % des exportations russes étaient libellées
en dollars américains.
Siluanov a expliqué que les ventes d’environ 119 milliards de dollars d’actifs
liquides passeront par la Banque centrale russe, et non par les marchés
financiers. En pratique, il s’agira d’un simple transfert technique d’euros
vers le fonds souverain. Après tout, cela fait déjà des années que la Banque
centrale se débarrasse régulièrement de ses dollars américains.
Tôt ou tard, la Chine suivra. En parallèle, certaines nations d’Eurasie, de
manière extrêmement discrète, se débarrassent également de ce qui est de facto
la monnaie d’une économie basée sur la dette, à hauteur de dizaines de
trillions de dollars, comme l’a expliqué en détail Michael Hudson. Sans compter
que les transactions en dollars américains exposent des nations entières à
l’extorsion d’une machine judiciaire extra-territoriale.
Sur le très important front sino-russe, qui a été abordé lors de toutes les
discussions du SPIEF, le fait est que l’association du savoir-faire technique
chinois et de l’énergie russe est plus que capable de consolider un marché
pan-eurasien massif et capable d’éclipser l’Occident. L’histoire nous apprend
qu’en 1400, l’Inde et la Chine étaient responsables de la moitié du PIB mondial.
Alors que l’Occident se vautre dans un effondrement auto-induit, la caravane
eurasienne semble inarrêtable. Mais il y a toujours ces satanées sanctions
américaines.
La session du club de discussion du Valdai a approfondi
l’hystérie : les sanctions servant un agenda politique menacent de vastes pans
de l’infrastructure économique et financière mondiale. Nous en revenons donc
une fois de plus au syndrome inéluctable du dollar américain servant d’arme,
déployé contre l’Inde qui achète du pétrole iranien et du matériel militaire
russe, ou contre les entreprises technologiques chinoises.
Des intervenants, dont le vice-ministre russe des finances, Vladimir Kolychev,
et le rapporteur spécial des Nations unies sur les « effets négatifs des
mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l’homme »,
Alena Douhan, ont débattu de l’inévitable nouvelle escalade des sanctions
anti-russes.
Un autre thème récurrent dans les débats du SPIEF est que, quoi qu’il arrive
sur le front des sanctions, la Russie dispose déjà d’une alternative à SWIFT,
tout comme la Chine. Les deux systèmes sont compatibles avec SWIFT au niveau
logiciel, de sorte que d’autres nations pourraient également l’utiliser.
Pas moins de 30 % du trafic de SWIFT concerne la Russie. Si cette « option »
nucléaire venait à se concrétiser, les nations commerçant avec la Russie
abandonneraient presque certainement SWIFT. En outre, la Russie, la Chine et
l’Iran – le trio « menaçant » l’hégémon – ont conclu des accords
d’échange de devises, bilatéralement et avec d’autres nations.
Cette année, le SPIEF a eu lieu quelques jours seulement avant les sommets du
G7, de l’OTAN et de l’UE, qui mettront en évidence l’insignifiance géopolitique
de l’Europe, réduite au statut de plateforme de projection de la puissance
américaine.
Et moins de deux semaines avant le sommet Poutine-Biden à Genève, le SPIEF a
surtout rendu un service à ceux qui y prêtent attention, en traçant certains des
contours pratiques les plus importants du siècle eurasien.
Par Pepe Escobar – Le 4 juin 2021 – Source The Saker’s Blog
Optimiste ! Et ton krach financier, où il en est ?
RépondreSupprimerVladimir !
RépondreSupprimerRègle #1 Jamais ! N'interrompez jamais votre ennemi, quand il fait des erreurs