En extrapolant les pires travers du monde contemporain,
Giacomo Papi imagine le retour du fascisme en Italie dans un roman aussi
glaçant qu’hilarant.
« Le recensement des intellos de gauche » développe l’hypothèse qu’à
l’heure où l’intelligence se rétrécit chaque jour sur les réseaux
sociaux, la haine des philosophes et des intellectuels pourrait devenir
le fonds de commerce d’une classe politique cynique et opportuniste.
A
l’heure où en France un YouTubeur d’extrême-droite appelle
tranquillement au meurtre des électeurs de la France Insoumise dans une
vidéo sous forme de tutoriel à laquelle YouTube ne trouve rien à redire,
un écrivain italien, Giacomo Papi, fait de ce postulat le scénario
d’une politique-fiction explosive. [1]
Son roman : « Le recensement des intellos de gauche » démarre sur l’enregistrement d’un talk-show où un intellectuel invité (le professeur Prospero) a le malheur de citer Spinoza. Invectivé par le présentateur de l’émission puis un ministre invité à ses côtés (« Vous devriez avoir honte ! Faire des citations savantes alors que le peuple meurt de faim ! ») il est assassiné en rentrant chez lui, à coups de gourdin.
L’assassinat n’est pas franchement condamné par la classe politique : si on reconnaît du bout des lèvres que la violence est inacceptable, nombreuses sont les personnalités à considérer que l’écrivain est responsable de son malheur. Car après tout, les italiens ont le droit de se détendre après leur journée de labeur, sans avoir à réfléchir ni « se sentir inférieur », comme le rappelle le présentateur de l’émission incriminée, qu’on a du mal à imaginer - bien qu’il soit italien - avec un autre visage que celui de Cyril Hanouna.
Ce premier meurtre est suivi d’un autre, puis d’un troisième. Les coupables ne sont jamais arrêtés et l’opinion publique s’en moque. A l’assemblée nationale, le « Premier ministre de l’intérieur » (dans le monde de Papi, le poste de Premier Ministre a fusionné avec celui de ministre de l’intérieur depuis que les frontières ont été fermées) propose de créer un corps de police pour veiller sur la sécurité des intellectuels de gauche. Pour cela, il devient nécessaire de les recenser dans un registre national, ce qui ne peut se faire qu’en contrôlant le domicile des suspects. Trop de livres dans une bibliothèque, des vestes en tweed dans la penderie vous rendent coupables : votre vie sera désormais sous surveillance policière, à vos frais.
« Les brigades de l’ignorance bienheureuse »
A
coups de boutoirs, l’opinion est manipulée. Le gouvernement prend des
mesures pour éviter la colère du peuple, considérée comme « légitime »
contre les élites qui ne font rien pour se faire aimer. Il est décrété
que les intellectuels ont désormais le devoir de se faire comprendre des
citoyens. Le Premier ministre de l’intérieur propose une «
simplification populaire de la langue italienne » [2] et installe le «
redressement linguistique ». Une nouvelle bureaucratie de fonctionnaires
linguistes se met en place. Un seul critère pour être recruté : ne pas
être diplômé.
De nouveaux
dictionnaires sont imprimés, recensant les mots interdits et ceux
autorisés. Subtilement, le vocabulaire appartenant à la gauche («
exploitation », « aliénation », « esclavagisme ») disparaît. Ce n’est
que le début. On abolit par décret le subjonctif, que plus personne
n’utilise. On simplifie la ponctuation, remplacée par des émoticônes.
Dans
le futur immédiat de cette dystopie très crédible - presque un
glissement léger de notre réalité - le savoir s’est mué en arrogance, le
langage en outil de domination illégitime. Les intellectuels, par leur
simple érudition, sont considérés comme une caste d’insupportables
privilégiés.
Entre les lignes du roman,
on comprend subtilement que l’Italie a basculé à nouveau dans le
fascisme. Les roms, les clandestins et les homosexuels ont déjà été
persécutés. C’est maintenant au tour des intellectuels. La haine du
progressisme et la détestation des livres évoquent instantanément les
autodafés organisés par les nazis. La télévision a pris le pas sur la
littérature, les réseaux sociaux sur la pensée. Bienvenue dans un monde
où le shampoing est plus important que les livres.
« L’ignorance n’est plus seulement un handicap social : de nos jours, c’est aussi un choix »
En
extrapolant les pires travers du populisme contemporain. Giacomo Papi
tape juste et renvoie aux errements de notre époque. Le lecteur français
pensera souvent au monde dans lequel évolue Papacito, à l’espace que
revendique Cyril Hanouna, aux commentaires lunaires lus sur Facebook,
déposés par des internautes fiers de leur ignorance.
C’est
la force du texte : s’emparer des déraillements d’aujourd’hui
(apparemment identiques en France et en Italie) tout en faisant écho à
ce qui définit le fascisme : l’instauration d’un ordre nouveau, la
détestation de la pensée construite, la flatterie du peuple, la
toute-puissance de la bureaucratie et la violence physique exercée
contre les opposants politiques.
Pourtant, Papi n’oublie jamais d’être drôle. Parfois glaçant, son manuscrit provoque tout au long de la lecture de nombreux éclats de rire. Une deuxième histoire s’écrit en parallèle de la première dans les notes de bas de page du roman, qui font apparaître des suggestions de correction par un fonctionnaire linguiste, lui-même corrigé par son supérieur hiérarchique. Une sorte de mise en abyme de la révolution proposée. C’est le travail atterrant opéré par ce binôme qui apporte la meilleure conclusion possible au roman.
Dans son analyse de la disparition du langage en tant qu’outil d’appréhension du monde [2], « Le recensement des intellos de gauche » évoque bien sûr le « 1984 » de George Orwell et sa novlangue. Concluons donc sur une citation de l’écrivain anglais qui constitue un parfait résumé du roman de Papi : “La dictature s’épanouit sur le terreau de l’ignorance”. Ce que Platon avait déjà formulé deux mille cinq cent ans plus tôt, un peu différemment : “La démocratie est la dictature de l’ignorance”.
● « Le recensement des intellectuels de gauche » , Giacomo Papi, éditions Grasset, 234 pages (19,00 euros)
Source : Blast
[1] Des
centaines d’activistes israéliens d’extrême droite scandent « Mort aux Arabes !
» à Jérusalem-Est
Jérusalem. Mort aux Arabes |
Imaginez le tohu-bohu dans les médias menteurs occidentaux si des hordes de manifestants à Damas ou à Téhéran scandaient « Mort aux juifs » et arboraient des pancartes avec les mêmes slogans. L’Occident aurait trouvé là une nouvelle justification pour tuer 400 milles Syriens ou des millions d’Iraniens, et pour détruire totalement ces deux pays. Mais, j’ai beau chercher sur Internet, je n’ai trouvé aucune condamnation venant d’un gouvernement occidental de ces appels au meurtre que l’on devrait qualifier d’antisémites. En effet, 99% des sémites sont Arabes.
Dans la même veine, l’actuel Premier ministre d’Israël, Naftali Bennett, se définit comme étant « à la droite » de Benjamin Netanyahu. Lorsqu’on lui a demandé en 2018 s’il préconiserait une politique de « tirer pour tuer » contre les enfants palestiniens franchissant la frontière de Gaza, Bennett avait affirmé que « ce ne sont pas des enfants, ce sont des terroristes.
« Si vous attrapez des terroristes, vous devez simplement les tuer », avait également estimé le nouveau Premier ministre israélien en 2013. Lorsqu’un collègue a rappelé qu’une telle approche était illégale, Naftali Bennett a fait référence à son propre temps dans l’armée israélienne. « J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie – et il n’y a aucun problème avec ça », avait-il affirmé.
[2] Sur la route du servage. Neuralink Brain Chip mettra fin au langage dans 5 à 10 ans
Hannibal Genséric
THE U.S. GETTING READY TO PULL THE PLUG AND BLAME ITS ENEMIES!---THEN WAR!
RépondreSupprimerhttp://prophecyinthemaking.blogspot.com/2021/06/july-4th-false-flag-attack.html
https://reseauinternational.net/idiocratie-hollywood-et-la-montee-de-la-stupidite-occidentale/
RépondreSupprimerTexte très très médiocre. Ne pas oublier le fascisme libéral (Goldberg) qui contrôle planète avec le grand capital et le ridicule de Mélenchon qui vaut bien celui de Papacito. Castelnau remet le melon chiant ministre de Jospin, sénateur et faux opposant à sa place : "Le patron de la France insoumise n’a pas été le dernier à hurler avec les loups : « Les barbares sont aux portes ! Intolérable violence ! La république en danger ! No pasaran ! » Entre autres inepties, il s’est fendu d’un tweet où tout est catastrophique : « cette fois-ci vous commencez à comprendre que les violents passent à l’acte ? Je suis solidaire du président ». Texte calamiteux, avec l’invention d’un danger fasciste, ce que son patron Lionel Jospin qualifiait de « théâtre », et le ralliement soi-disant républicain au fake-président."
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