Avec toute sa finesse d’analyse habituelle, Alastair Crooke nous propose, en cette époque de transition politique aux États-Unis, de faire le point sur la situation géopolitique mondiale à partir de la vision américaine de la réalité. Nous reprenons ci-dessous son analyse relative à la politique étrangère de Biden-Harris.
L’État bleu [Démocrate] a tout pris. Et maintenant, il est donc aussi responsable de toute future «casse». Trump n’est plus là et, «quelle coïncidence», un projet a émergé le jour même de son départ, (qui circulait déjà « dans les deux partis depuis quelques mois »). Un projet préconisant implicitement un «retour à la case départ» : c’est-à-dire un retour aux jours d’avant Trump ; essentiellement un retour à l’époque précédant le dumping du TPP par Trump et le début de la confrontation commerciale avec la Chine.
C’est dans le domaine de la politique étrangère, cependant, que l’idée que l’équipe Biden reprenne les rênes de la précédente approche Obama-Biden est la plus déterminée – et la plus rigide (par exemple elle intensifie à nouveau ses efforts pour évincer le président Assad). Pourtant, c’est ici, parmi ces axes clés, que tant de choses ont changé. Des changements si importants qu’ils devraient remettre en question la validité de la « continuité » de l’approche d’Obama. En voici les principaux exemples :
Palestiniens-Israël
Quelle que soit l’opinion du camp Biden sur Trump, la réalité est qu’il a effectivement modifié les relations en politique étrangère dans trois domaines clés distincts. Lui et son équipe ont changé – de manière radicale – le point de vue des Américains sur la Chine. Trump a également lancé la narrative d’un Iran obligé à un nouvel accord (plutôt qu’y être invité, comme la Corée du Nord). Et il a ancré le récit d’un soutien américain sans réserve à Israël en tant qu’État juif, les Palestiniens étant laissés à eux-mêmes pour ramasser les miettes, du mieux qu’ils pouvaient, à la fin du dîner.
Chine
Même si certaines (ou toutes) ces initiatives ont mal tourné, il
s’agit néanmoins de « faits sur le terrain » qui
ont changé le monde. Le discours de Trump sur la Chine ne sera pas démenti (et
il y a peu de signes d’une volonté de Biden de le faire, si ce n’est un peu de
poudre aux yeux sur la guerre tarifaire) : « Trump avait
raison à propos de la Chine », a récemment déclaré un
collaborateur de Biden.
La vérité est pourtant que Trump a perdu la « guerre commerciale » contre la Chine. Même avant la crise, la Chine
faisait déjà preuve de résilience face aux salves douanières de Trump ; mais
une fois la pandémie maîtrisée, la demande d’équipements médicaux et
d’ordinateurs pour le travail à domicile a en fait augmenté son excédent
commercial avec les États-Unis. Depuis 2016, le déficit commercial des États-Unis
avec la Chine s’est accru (et non pas réduit) : ses exportations sont en hausse
(l’Asie achète davantage) et la part des États-Unis dans ces exportations a
diminué. Aujourd’hui, le déficit américain avec la Chine atteint
un niveau record.
Il n’y a pas grand-chose à faire pour changer cette situation. La
croissance chinoise est revenue et la Chine reste l’atelier de fabrication du
monde. C’est le plus grand marché de l’UE (ce qui place les
États-Unis au deuxième rang).
Cela oblige Biden à poursuivre cette guerre contre l’avance technologique de la
Chine. Mais pour que cela soit efficace (c’est-à-dire que cela ne fasse pas
plus de torts à l’Amérique qu’à la Chine), il faudrait que l’Amérique trouve
des alliés pour isoler la Chine. Mais justement, profitant de la période de
transition à Washington, l’UE s’est empressée de conclure un
accord commercial majeur avec la Chine. Cette
décision de l’UE (qui a provoqué la colère de l’administration américaine)
reflète d’ailleurs un changement d’attitude important de la part des Européens
(même si cela ne se fait pas sans controverse).
Le Conseil européen des relations extérieures (ECFR) a interrogé 15 000
personnes dans 11 pays : Il a constaté que six
sur dix pensaient que la Chine deviendrait plus puissante que les États-Unis
dans les dix prochaines années :
« Notre
enquête a montré que l’attitude des Européens envers les États-Unis a connu un
revirement massif. La majorité dans les principaux États membres pensent
maintenant que le système politique américain est brisé – et que la Chine sera
plus puissante que les États-Unis d’ici une décennie ; et que les Européens ne
peuvent pas compter sur les États-Unis pour les défendre »,
indique le rapport. Le résultat d’un tel sondage montre une véritable
métamorphose plutôt qu’un simple « changement ».
Russie
Au niveau de la Russie, il n’est pas surprenant qu’elle
n’attende guère plus que des représailles de la part du Deep
State américain (qui blâme toujours Moscou pour l’échec de la
tentative présidentielle de Clinton), et bien sûr, elle se trouve déjà soumise
à une tentative de changement de régime : Alexei Navalny renait en tant que « célébrité » à
l’Ouest, les gouvernements européens rivalisant pour le soutenir ; il est
maintenant retourné en Russie pour vérifier si, avec ce soutien et son nouveau
statut de célébrité, il pourrait « ressusciter » en
tant que mobilisateur de la « rue » russe,
contre Poutine. (Washington et Londres sont depuis longtemps
obsédés par la thèse de la fragilité de gouvernement russe).
Mais là encore, la Russie s’est transformée au cours des dernières années : Son
armée a été réorganisée – discrètement, sa dissuasion militaire a été
ré-imaginée d’une nouvelle manière. Mais le plus grand paradoxe est que, alors
que les États-Unis sont passés à une économie virtuelle expérimentale,
la Russie a fait le contraire. Elle est devenue économiquement «prudente». Elle est l’une des rares à avoir maintenu des variables
économiques fonctionnelles. Elle n’est pas encombrée par la dette ou les
déficits, et elle a investi dans sa capacité de production. D’ici peu, nous
assisterons à une fuite des capitaux occidentaux vers
la stabilité de l’économie russe. Le président Poutine ne sera pas
gêné par Navalny, ni par le retour de Bill Burns (l’ancien ambassadeur
américain en Russie).
Iran
Pourtant, l’inversion et la transformation la plus complète
du statu quo ante a eu lieu en Iran, un sujet
qui, « qu’il y soit prêt ou pas », viendra frapper
à la porte de Biden, dès le 21 février, date après laquelle l’Iran expulsera
les inspecteurs de l’AIEA. Biden dit qu’il espère un accord avec l’Iran.
Cependant, le contexte d’un
tel accord est devenu beaucoup, beaucoup plus compliqué depuis l’ère Obama.
Car l’ancien accord a été construit autour du seul problème nucléaire, (et son
déclenchement a été le l’acceptation de la part d’Obama d’un enrichissement de
l’uranium à 3,6 % dans le pays, vérifié par l’AIEA). À cette époque, la menace
d’une « bombe atomique » iranienne était
primordiale pour les États-Unis. Aujourd’hui, les armes nucléaires sont toujours
à l’ordre du jour – mais elles sont devenues une question secondaire : Ces
dernières années, alors que l’attention de l’Occident était centrée sur
sa « puissance » nucléaire, l’Iran,
discrètement, a mis en place une dissuasion beaucoup plus dangereuse à l’égard
d’Israël, et des États-Unis.
Le nouveau paradigme, créé secrètement, est qu’Israël se
trouve maintenant entouré de missiles de croisière et de drones d’attaque
intelligents et volant à ras du sol – en grand nombre – à Gaza, au Liban et en
Syrie, en Irak, en Iran et au Yémen. Ce nouveau paradigme est réel,
et a la capacité de dévaster Israël – et c’est un paradigme pour lequel Israël n’a pas (ou très
peu) de réponse.
Récemment, Netanyahou a écrit une lettre au vice-Premier ministre Gantz, disant
qu’il assumait désormais seul le commandement de la politique israélienne
envers l’Iran. Gantz et les fonctionnaires ont été scandalisés. Et les
responsables israéliens ont ensuite laissé entendre que derrière cette lettre
se cachait l’inquiétude de Netanyahou quant au fait que certains en Israël
avaient une opinion favorable envers l’initiative de Biden de rejoindre le
JCPOA. En fait, ce que les responsables de la sécurité ont dit derrière le dos
de Netanyahou, c’est qu’ils ont besoin d’une discussion approfondie avec
l’équipe de Biden – en secret (et sans fuites). Bien entendu. Ils doivent
discuter de ce nouveau paradigme de dissuasion iranien avec les États-Unis,
avant que ces derniers ne se lancent dans des négociations sur un « nouveau » JCPOA.
Pourquoi ? Parce que le retour des États-Unis dans le JCPOA ne changera rien à
la situation stratégique d’un Israël entouré de missiles intelligents. Comment
faire face à ce changement ? Netanyahou, pour des raisons électorales, veut
continuer avec sa « vieille
ligne » : Qui revient à découper la région comme un salami, et chasser les Iraniens du Liban, de Gaza, d’Irak, etc. Le
problème, c’est que cette
politique est un mensonge.
Les attaques « massives » de
Netanyahou contre les infrastructures iraniennes sont principalement des
initiatives de relations publiques, et sont soigneusement pensées pour éviter
une guerre (le plus souvent des entrepôts vides sont touchés). Netanyahou a
peur de déclencher une guerre à l’échelle de la région. En fait, Israël a
besoin d’une nouvelle approche radicale. Il a atteint un carrefour : Le
problème qui se pose maintenant est qu’Israël est tellement coincé par sa
propre création (la diabolisation initiale de l’Iran était faite pour ouvrir la
voie au changement de politique du parti travailliste qui voulait se
réconcilier avec son « proche étranger » arabe)
que toute solution est maintenant politiquement impossible. Ensuite, de savoir
si une nouvelle approche serait politiquement vendable aux États-Unis (étant
donné la prépondérance des lobbies pro-israéliens va-t-en-guerre) – et, enfin,
si un nouveau paradigme pourrait être vendu à un Iran transformé, qui a
maintenant le dessus pour décider de la paix ou de la guerre au Moyen-Orient.
Le monde est vraiment un espace transformé aujourd’hui, et avec une Amérique consumée par d’âpres luttes intestines et existentielles, on a l’embarras du choix pour les sujets qui pourraient mal tourner.
Par Alastair Crooke – Le 25 janvier 2021 – Source Strategic Culture
Via le Saker Francophone
Hannibal quel est le meilleur moteur de recherche pour éviter Google ? Merci de répondre ici.
RépondreSupprimerC'est une question que je me suis toujours posée, sans vraiment chercher à y répondre. Donc, je ne sais pas. Voici un élément de réponse :
RépondreSupprimerVoici une liste des moteurs de recherche alternatifs à Google les plus connus :
Bing : Moteur de recherche historique développé par Microsoft depuis 1998 (MSN Search), 2e plus gros moteur de recherche de France après Google
Yahoo! : Moteur de recherche très complet avec des fonctionnalités uniques
Qwant : Moteur de recherche français qui mise sur la protection des données depuis 2011
DuckDuckGo : “Le moteur de recherche qui ne vous espionne pas” d’après ses développeurs
Ecosia : Un moteur de recherche allemand qui s’engage auprès de la cause environnementale
StartPage par ixquick : Un métamoteur de recherche web qui protège votre vie privée
Lilo : Un moteur de recherche philanthropique qui redistribue ses revenus à la guise des internautes
Quora : Un moteur de questions-réponses enrichi par le système collaboratif
Xaphir : Moteur de recherche français (racheté par Qwant)
Yippy : Moteur de recherche qui trie les résultats en dossier selon les besoins de l’internaute
Merci...J'ai peur de tous en fait.
RépondreSupprimerDite moi si Trump est bel et bien partie où il faudra s'attendre à une expédition punitive ?
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