samedi 3 août 2024

Chèques en blanc pour la guerre : l’abdication du Congrès du Tonkin à Gaza

Alors que le carnage soutenu par les États-Unis à Gaza se poursuit et que la menace d’une violence croissante plane dans toute la région (au Liban, en Iran et qui sait où ailleurs), nous devons réfléchir plus profondément que jamais à la manière dont le peuple américain a historiquement été exclu du processus décisionnel en matière de politique étrangère. Un anniversaire à venir devrait nous rappeler ce qui nous a poussés sur cette voie antidémocratique.
La Conférence de Genève.

Il y a soixante ans, le 7 août 1964, le Congrès a accordé au président Lyndon Johnson le pouvoir de mener une guerre majeure au Vietnam, renforçant ainsi sa déférence de longue date à la présidence en matière de politique étrangère. Pas une seule fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le Congrès n’a exercé sa responsabilité constitutionnelle de voter sur des déclarations pour décider si, quand et où les États-Unis entrent en guerre.

La résolution du golfe du Tonkin de 1964 fut adoptée par le Congrès, en partie parce que la plupart des membres avaient confiance dans l’assurance du président qu’il ne cherchait pas à « déclencher une guerre plus large ». Cette confiance était mal placée. L’administration Johnson a gardé le secret et menti sur ses plans d’escalade militaire future au Vietnam. Elle a également menti sur l’incident utilisé pour persuader le Congrès de donner un chèque en blanc à LBJ pour utiliser la force militaire comme il le voulait : la fausse affirmation selon laquelle des navires américains avaient été la cible d’attaques non provoquées et sans équivoque de patrouilleurs nord-vietnamiens.

En fait, les États-Unis menaient une guerre secrète contre le Nord-Vietnam depuis 1961. Les destroyers américains qui, selon LBJ, naviguaient innocemment en « haute mer » étaient là pour soutenir les attaques sud-vietnamiennes (organisées par l’armée américaine et la CIA) contre les villages côtiers nord-vietnamiens. Le 2 août 1964, ces actes de guerre continus ont finalement poussé quelques patrouilleurs vietnamiens à poursuivre un destroyer américain qui, tirant en premier, a facilement neutralisé les petits navires. Les Vietnamiens réussirent à tirer quelques torpilles mais manquèrent leur cible. Il n’y eut aucune victime américaine. Pas vraiment Pearl Harbor.

De plus, la Maison Blanche affirma également avoir des preuves « sans équivoque » que des patrouilleurs nord-vietnamiens avaient attaqué à nouveau le 4 août. En fait, le commandant américain sur place envoya un « message éclair » exhortant les autorités civiles à retarder toute décision – car ce qui semblait au départ être une attaque pouvait être une fausse alerte provoquée par « des effets météorologiques anormaux sur le radar et des sonarmen (personnes utilisant le sonar) trop enthousiastes ». En quelques jours, il était presque certain qu’aucune seconde attaque n’avait eu lieu. Comme le président Johnson l’a dit à un assistant : « Bon sang, ces marins stupides et débiles tiraient juste sur des poissons volants ! »

Néanmoins, Johnson est passé à la télévision vers minuit le 4 août pour annoncer qu’il était de son « devoir » de lancer une frappe aérienne « de représailles ». Au moment où il parlait, 64 avions de guerre américains étaient en route pour bombarder le Nord-Vietnam. Le lendemain, LBJ a demandé au Congrès une résolution lui donnant le pouvoir de « prendre toutes les mesures nécessaires pour repousser toute attaque armée contre les forces des États-Unis ». Nous savons maintenant que le cœur de cette résolution avait été rédigé des mois plus tôt. L’administration n’attendait qu’un prétexte pour la faire passer en force au Congrès.

Nous savons aussi que les mensonges ne s’arrêtaient pas là. Cet automne-là, alors que Johnson faisait campagne pour la présidence, il se présentait comme un candidat de la paix, promettant qu’il n’enverrait pas « nos gars se battre pour des mecs asiatiques ». Se présentant contre le républicain pro-guerre Barry Goldwater, LBJ a remporté une victoire écrasante. Les Américains ont voté pour la paix et se sont retrouvés avec une guerre qui a tué plus de trois millions de Vietnamiens et 58 000 Américains.

Presque tous les hauts responsables de la politique étrangère américaine savaient que l’administration Johnson mentait à propos de l’incident du golfe du Tonkin, y compris Daniel Ellsberg, 33 ans. Par hasard, le premier jour de travail d’Ellsberg, l’un des « jeunes prodiges » du Pentagone de Robert McNamara, eut lieu le 4 août 1964. Ellsberg était alors un faucon de la guerre froide qui soutenait la mission américaine au Vietnam. Comme tous ses collègues, il n’élevait aucune objection interne aux frappes aériennes de Johnson ou aux efforts de l’administration pour vendre la résolution du golfe du Tonkin en usant de la tromperie. Et aucun initié n’a pensé une seconde à révéler ces mensonges au Congrès, aux médias ou au public.

Après un an au Pentagone, près de deux ans au Vietnam et deux autres années à rencontrer de jeunes militants anti-guerre et à étudier intensément l’histoire top secrète de 7.000 pages de la prise de décision au Vietnam, connue sous le nom de Pentagon Papers, Ellsberg a connu une conversion politique et morale spectaculaire. En 1967, il pensait que la guerre était une impasse insurmontable dont les États-Unis devaient trouver une issue pour sauver la face. En 1969, il considérait cette pratique comme fondamentalement immorale et injuste, et pensait que les États-Unis devaient se retirer unilatéralement et immédiatement.

À ce moment-là, Ellsberg décida de photocopier les documents du Pentagone et de les rendre publics, espérant que leur bilan sordide en matière de mensonges du gouvernement susciterait encore plus d’activisme anti-guerre. Il le fit en sachant qu’il pourrait être condamné à la prison à vie. Ellsberg a d’abord tenté de persuader les sénateurs opposés à la guerre de rendre publics les Pentagon Papers. Lorsque cette tentative a échoué, il a présenté les documents au New York Times et à 18 autres journaux. Chacun d’entre eux en a publié des extraits substantiels en juin 1971.

Plus tard cette année-là, Ellsberg s’est entretenu avec l’ancien sénateur de l’Oregon, Wayne Morse, l’un des deux seuls membres du Congrès à avoir voté contre la résolution du golfe du Tonkin. Ils ont parlé des documents des Pentagon Papers qui contenaient des preuves détaillées des mensonges de l’administration Johnson sur l’incident du golfe du Tonkin. Morse a dit à Ellsberg : « Si vous m’aviez donné ces documents, à l’époque, en 1964, la résolution du golfe du Tonkin n’aurait jamais été adoptée par la commission. Et si elle avait été présentée à l’assemblée, elle aurait été rejetée. »

On ne peut pas rejouer l’histoire, donc on ne peut pas tester les affirmations de Morse, mais Ellsberg a dit à plusieurs reprises que le plus grand regret de sa vie était de ne pas avoir révélé les mensonges du gouvernement sur le Vietnam beaucoup plus tôt. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles il ne l’a pas fait et pourquoi si peu de responsables dénoncent les méfaits de la sécurité nationale. La principale raison, comme Ellsberg l’a compris, est la culture intense du pouvoir, de la loyauté et du carriérisme qui caractérise les cercles de politique étrangère. Presque personne dans ces postes, même ceux qui ont de sérieuses objections aux politiques en cours, n’est prêt à risquer son statut d’initié et son accès au pouvoir et aux informations privilégiées. La plupart d’entre eux ont pleinement intériorisé l’hypothèse arrogante selon laquelle l’élite de la politique étrangère comprend bien mieux que le Congrès ou le peuple comment fonctionne le monde et comment les États-Unis devraient exercer leur pouvoir.

Et le Congrès, pour sa part, continue de permettre une présidence de plus en plus impériale qui décide quand et où les États-Unis entrent en guerre. Il n’utilise presque jamais le pouvoir de la bourse pour réduire le militarisme américain ou pour réduire le financement de guerres impopulaires. Le budget du Pentagone de près d’un billion (mille milliards) de dollars est approuvé sans discussion chaque année. Rien ne garantit qu’un Congrès plus engagé nous donnerait une politique étrangère moins militarisée et interventionniste. Mais cela le rendrait plus responsable devant une opinion publique qui, historiquement, a été bien plus opposée à la guerre que ses représentants. Comme à l’époque du Vietnam, une majorité d’Américains s’est opposée aux guerres du XXIe siècle en Irak et en Afghanistan bien des années avant qu’elles ne prennent fin. Et depuis au moins mars 2024, une majorité  d’Américains s’oppose à la guerre du gouvernement israélien contre Gaza, mais le Congrès continue de financer le soutien américain à cette guerre.

Nous avons assisté, au cours des dix derniers mois, à une vague sans précédent de protestations américaines en faveur des droits des Palestiniens. Pour de bonnes raisons. Au moins 40.000 Gazaouis, la plupart d’entre eux des civils, et beaucoup d’entre eux des enfants, ont été tués par la réponse aveugle et disproportionnée de l’armée israélienne au meurtre par le Hamas de quelque 1.200 Israéliens le 7 octobre 2023. Au moins 2 % de la population de Gaza (2,14 millions) a été tuée et au moins 75 % a été déplacée de ses foyers (beaucoup ont dû fuir à plusieurs reprises). Une étude récente de la revue médicale The Lancet estime que le nombre de morts à Gaza pourrait atteindre 186.000, même en cas de cessez-le-feu aujourd’hui.

Pour la plupart des Américains, ce niveau de souffrance est inimaginable. Pourtant, nous devons essayer de l’imaginer. Si nous étions à Gaza, au moins 6,5 millions d’entre nous seraient morts, en grande majorité des femmes, des enfants et d’autres civils. Des millions d’autres seraient parmi les morts et les mourants non comptabilisés – enterrés, perdus, malades, affamés. Au moins 240 millions d’entre nous seraient contraints de quitter leurs maisons, de partir sur les routes à la recherche d’un abri, de nourriture et d’eau, sous les attaques militaires incessantes et dans des dangers indescriptibles. [1]

Telle est la réalité à Gaza.

En fin de compte, seul un mouvement démocratique de masse a le potentiel de changer radicalement la politique étrangère des États-Unis. Le premier défi consiste à renverser l’affirmation sans fondement selon laquelle les États-Unis sont la plus grande force du bien au monde, la « nation indispensable » qui défend l’État de droit, la liberté et la démocratie. Notre bilan ne justifie pas une telle illusion. Ce n’est qu’une fois que cette idéologie et cette foi naïve auront été largement ébranlées que nous pourrons espérer saper l’infrastructure de longue date du militarisme américain – les 750 bases militaires sur le sol étranger, les exercices militaires annuels dans les deux tiers des pays du monde et le budget de « défense » qui équivaut à celui des neuf autres pays les plus militarisés.

Ellsberg et Morse avaient raison. Le peuple doit connaître la vérité. Mais nous avons depuis longtemps plus qu’assez de preuves pour exiger des changements fondamentaux dans la politique étrangère américaine. Nous ne pouvons pas attendre que le Congrès nous représente fidèlement. La voix du peuple doit être entendue.

2 août 2024

par Christian G. Appy

Source : CounterPunch

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[1] C'est comme si en France (68 millions d'habitants), Israël avait tué 1,36 millions de personnes (en majorité des femmes et des enfants) et aurait obligé 51 millions personnes à quitter leur lieu de résidence. Selon la revue médicale The Lancet le nombre de tués en France par Israël pourrait atteindre 6,3 millions de personnes.

H. Genséric

9 commentaires:

  1. C'était la situation économique et financière des USA qui mit fin à la guerre du Vietnam. En 1973....... les USA découplèrent l'Or comme garantie du $ devenu depuis une simple monnaie papier.

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  2. Les différents gouvernements américains depuis 1950 sont des traitres à l'Humanité et envers Dieu.
    Je leur enverrai des dizaines de tempêtes chaque année, histoire de les ruiner de plus en plus.
    Je suis dans une prison psychique américaine depuis ma naissance, s'ils croient que je vais me laisser faire, ils se trompent.

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  3. Vous...vous avez le choix..... ou prier intensément...ou prendre régulièrement vos pilules..... Faire les deux serait mieux....

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  4. Hello,
    Lyndon Johnson et Truman.

    La différence entre les deux est que la bombe du premier est une bombe à retardement LEARSI <

    Entre 12 000 à 20 000 bombes de 150 kg à 1 tonne ont été larguées sur Gaza depuis 9 mois et vous croyez le Lancet et ses 186.000 morts à Gaza ?

    Entre 12 000 à 20 000 bombes de 150 kgs ça fait...aucune envie de calculer tellement ceci me semble évident.

    Les 6 et 9 août 1945 les japonais en ont reçu "beaucoup" moins et il y a eu 350 000 morts pour ce qu'on a pu dénombrer.

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  5. Vercingetorige3 août 2024 à 23:05

    Je l'ai déjà écrit plusieurs fois un peu partout. Le truc est très simple, mais les hommes s'illusionnent échapper à leur responsabilités en le rendant le plus compliqué possible.

    Les États-Unis ont ete fondé en 1776, la même année de la fondation et financement par le juif Rothschild des Illuminati de Bavière, par le franc maçon George Washington en vue de la dominance mondiale juive. Soit la franc maçonnerie soit les Illuminati sont Juifs de fond en comble. La Révolution 1789 a été créé et fomentée par la même franc maçonnerie juive, ainsi le révolution bolchevique 1917 par le juif Lénine et les suivant 75 ans de Communisme rigoureusement juif comme son fondateur, le sataniste juif Karl Marx.

    Il ne s'agit pas de complotisme. Il s'agit d'un vrai et propre complot du Judaïsme qui, pour se protéger le cul, a créé et diffusé les concepts de complotisme et d’antisémitisme avec les quels fermer à l'avance la bouche des Goy.
    Ce qui ont réussi parfaitement car presque aucun analyste de haut niveau ose pointer du doigt le Judaïsme. Tout le monde se focalise sur le doigt qui indique la lune , mais personne ose indiquer directement la lune, à savoir le Judaïsme.

    Ensuite, avec ce que le professeur Robert Faurisson a appelle "mensonge phénoménal", de l'Holocauste, le Judaïsme a finalement réussi créer l’État d’Israël, que évidemment les peuples qui occupent la Palestine depuis des millénaires, n'en veulent pas savoir, d'autant plus que les usurpateurs juifs, par leur délire messianique, ne tolèrent pas la présence d'aucun animal Goy, dans ce cas là, d'aucun palestinien.

    Voila où nous en sommes et le clash entre occupés palestiniens et occupants juifs non seulement est inévitable, mais plongera le monde entier dans une guerre dans le vrai sens du mot, apocalyptique, guerre dont le principal responsable est évidemment le JUDAÏSME, mais aussi, en seconde instance, la CHRÉTIENTÉ' née de la poitrine déchirée de Jésus-Christ, condamné à mort il y a 2000 ans par ces mêmes Juifs, CHRÉTIENTÉ' qui a pratiquement trahi son Maître crucifié.

    Si nous les Chrétiens voulons nous sauver de l'Enfer que les Juifs et leur satellites ont librement et incroyablement choisi, il faut prendre conscience de ces faits, se repentir, pardonner jusqu’à aimer nos ennemies et prier sans cesse.

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    1. Je ne crois pas que tu sois Chrétien encore moins Européen....Mélanger du fatras historique avec des faits d'actualités ne fait pas une argumentation charpentée, c'est plus proche du charabia...... Laissez le pauvre Faurisson se reposer, PEU de gens le supportèrent lors de son calvaire ....

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  6. L'unique solution est d'éradiquer le juif, par nature menteur, pillard, haineux, genocidaire, diabolique, de la surface de notre terre !!

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    1. En coupant la tête de l'hydre partout, dans tous pays, avec la cohorte des sayanims sui leur sont dévoués. Ca fera une sacrée purge !!

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  7. L'avenir est ailleurs le passé est le présent ici :
    https://www.tiktok.com/@mag.abdoul/video/7381102990570179873
    New Orwell 1984
    Michel Dakar

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