Avec le départ de Cameron en tant que Premier ministre
britannique, un autre politicien de haut rang qui disait qu’«Assad doit partir
», quitte la scène politique. Le président syrien Assad est toujours en place
et rien n’indique qu’il partira dans le proche avenir. Il semble que les faits
réels ont, encore de nos jours, plus de poids que les lieux communs de la
propagande de «changement de régime ».
Les faits restent si têtus qu’on commence à sentir à
nouveau quelques variations dans l’atmosphère politique.
L’armée syrienne et ses alliés sont en train de fermer
la seule route qui mène vers Alep-est. Pour cela ils doivent conduire une
intense guérilla urbaine (vidéo) contre les terroristes djihadistes.
Selon un porte-parole du Pentagone cette partie d’Alep
est détenue par al-Qaïda:
[C]’est principalement al-Nusra qui occupe Alep, et
bien sûr, al-Nusra ne fait pas partie des groupes qui ont signé l’accord de
cessation des hostilités.
Toutes les attaques contre la partie Est d’Alep sont
par conséquent tout à fait légitimes et respectueuses du cessez-le-feu.
Malgré cela, une nouvelle campagne médiatique «
d’indignation » va, sans nul doute, être menée pour condamner le « siège d’Alep
» soi-disant créé par ce blocage. Ces articles de propagande « indignés » comme
celui d’aujourd’hui dans le Los Angeles Times, ne font même pas état du fait que
l’ouest d’Alep, avec ses deux millions d’habitants, est du côté du
gouvernement. Quand Ils parlent de « Alep » ils parlent seulement de la partie
orientale. Ils exagèrent également le nombre de civils qu’il reste dans
Alep-est, en disant qu’il y en a plusieurs centaines de milliers.
Le journaliste du Guardian, Martin Chulov, est allé à
Alep-est plusieurs fois au cours des dernières années. Il y a un an, il y en
avait beaucoup moins, selon lui:
"Il reste dans l’est d’Alep environ 40.000
personnes sur une population estimée avant la guerre à environ un million
…"
Il est douteux que le nombre de personnes dans Alep-Est
ait augmenté depuis. Les combattants d’Alep-Est et leurs familles ont aussi eu
assez de temps pour se préparer à un siège.
Comme même l’article du LA Times l’admet :
"Anticipant un siège, les autorités locales ont
stocké de la nourriture pour trois mois et des fournitures médicales pour trois
à six mois, selon Sahloul".
Un article de Reuters le confirme:
"Les zones rebelles d’Alep ont stocké
suffisamment d’approvisionnement pour survivre à plusieurs mois de siège …
Les articles alarmistes sur une famine imminente dans
Alep-est qui ne manqueront pas d’être diffusés, sont d’ores et déjà
démystifiés.
Le changement d’atmosphère politique porte sur le fait
que « l’Occident et la Russie se sont mis d’accord sur qui sont les groupes
terroristes en Syrie qui doivent donc être combattus. C’est la conséquence d’un
changement de l’opinion publique.
Amnesty international vient d’affirmer, avec six ans
de retard, que plusieurs groupes de « rebelles modérés » soutenus par les
États-Unis avaient torturé et enlevé des civils, et régulièrement commis des
crimes de guerre. "Les rebelles modérés", qui ont récemment tenté une
nouvelle offensive à Lattaquié s’annoncent ouvertement comme des djihadistes
étrangers. Ahrar al Sham, qui, il n’y a pas longtemps écrivait des articles
d’opinion pour des journaux «occidentaux », et qui prétendait être « modéré »,
menace maintenant des «modérés » soutenus par les Etasuniens dans le sud la
Syrie parce qu’ils en ont assez du cessez-le-feu.
Le président français Hollande vient enfin de
reconnaître qu’al-Qaïda est un ennemi clé en Syrie et qu’il faut le combattre:
« Nous devons nous coordonner pour poursuivre les
actions contre Daesh mais aussi … prendre des mesures efficaces contre
Al-Nusra, » a dit Hollande, en en appelant à la Russie et aux
États-Unis.
En 2012, le gouvernement français saluait le rôle
d’Al-Qaïda. Fabius, le ministre des Affaires étrangères, avait déclaré : «
Nusra fait du bon boulot. »
Kerry, le Secrétaire d’Etat des États-Unis, non
seulement reconnait le rôle d’Al-Qaïda, mais il élargit maintenant la
qualification de terroriste à Ahrar al-Sham et à d’autres groupes salafistes:
« Il y a deux sous-groupes qui se sont créés à partir
de Daesh et Jabhat al-Nusra, à savoir Jaysh al-Islam, Ahrar al-Sham – qui se
battent parfois aux côtés des deux premiers pour lutter contre le régime Assad,
» a-t-il dit, se référant à deux groupes rebelles que
les États-Unis n’avaient pas désignés comme des groupes terroristes jusqu’à
présent.
C’est une concession très importante à la position de
la Russie qui a pendant des mois a plaidé pour que ces groupes soient ajoutés à
la liste terroriste des Nations Unies.
Il faut aussi noter que l’opposition syrienne de
salon, parrainée par le duo Arabie saoudite/ Etats-Unis, est à nouveau prête à
négocier avec le gouvernement syrien. Ce groupe avait rompu les négociations au
cours du dernier round. Quelqu’un leur a maintenant ordonné de revenir dans le
jeu.
Les Russes ont à nouveau démontré leur engagement
envers la Syrie. Ils soutiennent non seulement l’armée syrienne dans le siège
d’Alep-est, mais ils ont repris les frappes aériennes avec des bombardiers à
longue portée qui décollent de Russie. C’est un signe certain que la Russie est
plus que jamais prête à intensifier la lutte.
C’est probablement en Turquie que le plus grand
changement a lieu. Après avoir mené une politique étrangère catastrophique, le
Président Erdogan, à cause du choc causé par les récentes attaques terroristes
sur le sol turc ajouté à une forte pression économique, a décidé de changer de
cap. Il s’est séparé de son fidèle acolyte Davutoglu, et a tissé de meilleures
relations avec la Russie et d’autres pays. Après qu’il a présenté ses excuses
pour avoir abattu l’avion de chasse russe, la Russie a accepté de reprendre les
relations et de lever quelques sanctions économiques contre la Turquie. Mais il
faudra en faire plus avant que la Turquie ne retrouve une bonne réputation
internationale. La Turquie a adouci son langage mais sa position réelle sur la
Syrie n’a pas encore changé :
« La normalisation de la Syrie est possible, mais
tout le monde doit faire des sacrifices pour y arriver. Nos partenaires
stratégiques et les partenaires de la coalition doivent guérir les blessures en
Syrie et prendre plus de responsabilités. Nous, en Turquie, nous faisons ce
qu’il faut pour ouvrir les portes de la paix et de la sécurité », a déclaré Yildirim.
Mais Yıldırım a dit qu’il n’y aurait pas de rencontre
avec la Syrie dans l’immédiat. « Il faut d’abord mettre fin à l’oppression
et à la dictature. Quel accord peut-on conclure avec un régime qui a tué plus
d’un demi-million de ses habitants sans sourciller? Tout le monde est d’accord
avec ça », a-t-il dit.
C’est toujours « Assad doit partir », mais il y a un
léger changement de ton. La nouvelle position des États-Unis et de la France
sur Al-Qaïda et Ahrar al-Sham, tant choyés par la Turquie, augmente la pression
sur Ankara pour qu’il assouplisse sa position. Erdogan finira peut-être aussi
par se rendre compte que, tout comme Cameron, il sera obligé de quitter la
scène avant que le Dr Assad ne pense même à quitter son poste.
Tous les éléments ci-dessus ne sont en eux-mêmes que
de légers changements de positions mais pris tous ensemble ils révèlent un
changement significatif dans le climat politique qui règne sur la Syrie.
Par Moon of Alabama