Selon les
informations des renseignements irakiens, le massacre dirigé par les États-Unis
à Mossoul a coûté la vie à un nombre bien plus grand de civils irakiens que ce
qui a été rapporté précédemment.
Plus de 40.000 hommes, femmes et enfants ont été tués pendant ce siège sans répit long de
neuf mois à Mossoul, la deuxième ville d’Irak, selon un article publié jeudi
par le correspondant expérimenté au Moyen-Orient du quotidien britannique The
Indépendant, Patrick Cockburn.
La source de
Cockburn est l’ancien ministre des finances et des affaires étrangères du
gouvernement irakien, Hoshyar Zebari, un Kurde irakien qui a des liens étroits
avec le gouvernement régional irakien du Kurdistan. Le chiffre a été fourni par
le renseignement kurde.
« Le
chiffre avancé par M. Zebari pour le nombre de civils tués au cours du siège de
neuf mois est beaucoup plus élevé que ceux précédemment rapportés, mais le
service de renseignement du gouvernement régional du Kurdistan est réputé être
extrêmement précis et bien informé », a indiqué Cockburn
.
.
L’ampleur de la tuerie fait du siège de Mossoul l’un
des plus grands crimes de guerre depuis la Seconde Guerre mondiale. Avant que la ville tombe aux mains
de l’État islamique (ÉI) en juin 2014, elle avait une population d’environ 2
millions, au moment où le siège a commencé, il y avait encore au moins 1,2
million de civils pris au piège à Mossoul. Cette population a été soumise à une
violence horrible.
Auparavant,
le groupe de surveillance Airwars basé au Royaume-Uni avait fourni une estimation
de 5805 civils tués dans
les raids aériens par la « coalition » dirigée par les États-Unis entre le 19
février et le 19 juin. Ce chiffre ne tenait pas compte de ceux tués au
cours des quatre mois précédents du siège ni de ceux tués pendant les trois
dernières semaines du bombardement intensif qui a fait de la partie occidentale
de la vieille ville de Mossoul un champ de ruines.
Dans son
entretien avec Cockburn, Zebari a attribué une part importante du carnage au
bombardement d’artillerie implacable de l’ouest de Mossoul par la police
fédérale militarisée irakienne, par l’emploi d’armes imprécises dont le seul
usage possible est la démolition de quartiers entiers et non le ciblage des combattants
de l’État islamique.
Le rapport
publié plus tôt ce mois-ci par Amnesty International, intitulé At
any cost : The Civilian Catastrophe in West Mosul , (Coûte que coûte :
La catastrophe civile dans l’ouest de Mossoul), a également souligné l’effet
dévastateur de ces bombardements, qui servaient à compenser le manque d’un
nombre suffisant de soldats irakiens dûment formés pour engager le combat dans
les denses rues et ruelles de la Vielle ville de Mossoul.
« Les
forces pro-gouvernementales s’appuyaient largement sur des armes explosives aux
effets étendus tels que les IRAM (Munitions assistées par des fusées
improvisées) », a déclaré Amnesty. « Avec leurs capacités de ciblage
sommaire, ces armes ont fait des ravages dans l’ouest de Mossoul densément
peuplé, où de grands regroupements de civils ont été piégés dans des maisons ou
des abris improvisés. Même dans les attaques qui semblent avoir effectivement
atteint leur cible militaire, l’utilisation d’armes inadaptées ou l’omission de
prendre d’autres précautions nécessaires a entraîné une perte inutile de vies
civiles. »
Le rapport
décrit l’artillerie et les lance-roquettes employés par les forces irakiennes,
travaillant en étroite collaboration avec les « conseillers » des forces spéciales des États-Unis,
comme des « armes non-discriminantes » qui « ne doivent jamais être utilisées à
proximité des civils ».
Une
indication de l’ampleur de la tuerie provient, involontairement, du
gouvernement irakien lui-même. Après la proclamation de la « libération » de
Mossoul le 10 juillet, les responsables irakiens ont déclaré que leurs forces
avaient « liquidé 16.467 terroristes ». Au début du siège, les commandants
américains estimaient qu’il y avait entre 3000 et 5000 combattants de l’État
islamique dans la ville. Une explication évidente de cet écart est que tout
homme irakien tué dans la ville, combattants et civils, a été désigné comme
membre de l’ÉI.
En dépit de
la fanfare du gouvernement de Bagdad sur la « libération » de Mossoul et la
victoire contre l’ÉI, des combats sont toujours signalés dans la ville, où la
guérilla lance des attaques mortelles contre les forces gouvernementales.
Parallèlement,
il y a eu plusieurs reportages indiquant que les forces gouvernementales et les
milices alliées ont été impliquées dans des actes sauvages de punition
collective contre les survivants de Mossoul, y compris les exécutions sommaires
et la torture.
Human Rights
Watch a rapporté
mercredi que les observateurs internationaux avaient découvert un « site
d’exécution dans l’ouest de Mossoul ». L’organisation a relayé leur témoignage
selon lequel ils ont trouvé à l’intérieur d’un bâtiment vide « une rangée de
17 cadavres mâles, pieds nus mais en robe civile, entourés de flaques de sang.
Ils ont dit que beaucoup semblaient avoir eu les yeux bandés et leurs mains
liées dans le dos. » L’organisation humanitaire a cité un grand nombre
d’incidents similaires avec « des reportages incessants, des vidéos et des
photographies d’exécutions illégales et de passage à tabac par des soldats irakiens
».
Le Premier
ministre irakien Haidar al-Abadi a précisé que le gouvernement ne fera rien
pour mettre fin à ces atrocités. Il les a qualifiés d’« actes individuels et
peu répandus ».
Les grands groupes médiatiques américains ont presque
passé sous silence les informations sur les pertes civiles massives et les
crimes de guerre commis depuis la reprise de Mossoul. Le gouvernement irakien a lui-même
cherché à interdire l’entrée des journalistes dans la ville afin de dissimuler
le bain de sang et les exécutions sommaires qui continuent.
Tout en
abandonnant en grande partie sa couverture de la catastrophe humanitaire en
cours à Mossoul, le New York Times a publié jeudi un éditorial
hypocrite intitulé « Éviter la guerre avec l’Iran », qui a exprimé une certaine
inquiétude à l’égard des actes de plus en plus belliqueux du gouvernement Trump
visant à provoquer un tel conflit.
Le « journal
de référence » suggère qu’« il convient de rappeler la période qui a
précédé la guerre d’Irak en 2003, sans doute la plus grande erreur stratégique
de l’Amérique dans les temps modernes ». Il critique le gouvernement Bush
pour avoir lancé une guerre visant à renverser le régime de Saddam Hussein, « même
s’il n’avait rien à voir avec le 11 septembre et n’avait pas d’armes nucléaires
». Il ajoute : « Monsieur Bush a décidé de lancer une guerre préventive
sans une justification ni une stratégie solides. Une telle entrée en guerre mal
préparée pourrait se produire de nouveau. »
Le Times oublie comme par hasard dans cette
présentation cynique des choses, le fait qu’il a joué un rôle majeur en tant
qu’institution dans la promotion et la facilitation de la guerre en Irak.
Son
correspondant principal, Judith Miller, a travaillé intimement avec les
responsables américains pour promouvoir et embellir les faux « renseignements » sur les « armes de
destruction massive » irakiennes inexistantes. Thomas Friedman, le chroniqueur
principal des affaires étrangères du journal, a écrit des tonnes d’articles
préconisant ce qu’il a ouvertement avoué d’être une « guerre par choix » contre
l’Irak, en la justifiant
au nom de la démocratie, des droits de l’Homme et du pétrole.
Le journal a
donné le ton au reste des médias en matière de propagande, ce qui a ouvert la
voie à une guerre
d’agression criminelle qui a coûté la vie à plus
d’un million d’Irakiens et continue de générer le massacre à Mossoul.
Encore plus
effrayant, il y a un éditorial sur Mossoul intitulé « La ville est le champ de
bataille de l’avenir », paru dans le Wall Street Journal jeudi sous la
signature du commandant John Spencer, directeur adjoint de l’Institut de guerre
moderne de l’École militaire américaine de West Point, à New York.
« La
bataille pour Mossoul représente l’avenir de la guerre », souligne le
commandant Spencer, ajoutant que « les commandants américains devraient
imaginer comment ils pourraient gérer un environnement similaire ».
De toute
évidence, ils sont déjà allés plus loin que la simple imagination – par rapport
à l’Irak – des commandants américains ont dirigé une
grande partie de la destruction déchaînée sur la ville.
En faisant
écho à ce qui est maintenant la doctrine standard du Pentagone, le commandant
insiste sur le fait que les guerres auxquelles l’armée américaine va faire face
seront engagées dans les « villes – denses,
souvent surpeuplées et remplies d’obstacles : un labyrinthe d’immeubles
d’appartements, de tunnels dissimulés, de civils paniqués ».
Son
principal souci est que le Pentagone ne propose actuellement aucune formation
systématique de ses troupes pour le combat urbain et que le mot « siège » – la
stratégie barbare employée contre Mossoul – n’apparaît pas dans ses manuels
d’entraînement.
Il insiste
sur l’idée que les forces armées américaines « doivent être équipés pour
fonctionner dans les grandes villes avec de nouveaux équipements, entraînement
et doctrine ». Il avance une proposition modeste pour répondre à ce besoin
: « Les grandes villes comme Detroit et les arrondissements extérieurs de
New York ont d’énormes terrains vagues qui pourraient être redéveloppés en
toute sécurité en tant que sites d’entraînement urbains. »
En d’autres
termes, les troupes américaines doivent être formées dans l’art du combat
urbain et de la guerre de siège dans les villes américaines. La vraie idée qui
est derrière la proposition du commandant est d’encourager
vivement les commandants du Pentagone à « imaginer » l’utilisation de l’armée
pour écraser l’agitation révolutionnaire aux États-Unis eux-mêmes.
Bill Van Auken
Article paru en anglais, WSWS, le 21 juillet 2017
La source originale de cet article est wsws.org