Le secrétaire d’État américain Tillerson est contrarié que l’Arabie
saoudite et les Émirats arabes unis aient rejeté ses efforts pour calmer leur différend avec le
Qatar. Sa vengeance, assortie d’une menace de mesures plus sérieuses, prend la
forme d’une « fuite » dans le WaPo : Les Émirats Arabes Unis ont orchestré le piratage des sites du
gouvernement qatari, ce qui provoque des bouleversements régionaux, selon des
responsables du renseignement américain.
Les Émirats arabes unis ont orchestré le piratage de sites de médias
sociaux et d’information du gouvernement qatari, pour y poster de fausses
citations incendiaires attribuées à l’émir du Qatar, Sheikh Tamim Bin Hamad
al-Thani, à la fin du mois de mai, ce qui a déclenché le bouleversement en
cours entre le Qatar et ses voisins, selon des responsables du renseignement
américain.[a]
Des responsables ont pris conscience la semaine dernière que de nouvelles informations
recueillies par les services de renseignement des États-Unis confirmaient que,
le 23 mai, des membres importants du gouvernement des Émirats arabes unis
avaient discuté du plan et de sa mise en œuvre. Les
responsables ont déclaré qu’on ne savait pas si les Émirats arabes unis avaient
procédé aux piratages eux-mêmes ou avaient chargé quelqu’un d’autre de le
faire.
Que les Émirats arabes unis et / ou les Saoudiens soient impliqués dans le
piratage était assez clair depuis le début. Ils étaient les seuls à avoir un
vrai motif. Le Qatar avait déjà des preuves indéniables de la source du
piratage. Les sources anti-russes du Congrès ont ignoré ces preuves et accusé, comme d’habitude, la Russie et Poutine.
Le plus important, dans le message de Tillerson, n’est pas l’accusation de
piratage. Les piratages en eux-mêmes n’ont rien à voir avec le conflit, ni avec
les efforts de Tillerson pour le désamorcer. La « fuite » avertit les Émirats arabes unis et les dirigeants
saoudiens que les États-Unis ont les sources et les moyens nécessaires pour
savoir tout ce qui se passe dans leur gouvernement, même les discussions les
plus secrètes. La véritable menace pour eux est que la même source
révèle d’autres vilenies.
Il est douteux que cette menace modifie les manières de faire de ces
dirigeants. Ils se croient invincibles. Ian Welsh décrit leur état d’esprit
dans sa prédiction sur La
mort de l’Arabie saoudite et d’autres États du Golfe :
« C’est un
processus assez courant : toutes les dynasties finissent mal, parce que
les futurs rois élevés dans la richesse et le
pouvoir pensent que c’est l’état naturel des choses : ils croient qu’ils
sont brillants et qu’ils méritent tout ce qu’ils ont, alors qu’ils l’ont reçu
sur un plateau d’argent. Ils sont
rompus aux intrigues de palais et pensent que ça va être pareil au-dehors du
palais.
Mais il n’en est rien. »
Welsh arrive à la conclusion à laquelle je suis moi-même parvenu lorsque le récent conflit au cœur
du Conseil de coopération des États arabes du Golfe a éclaté :
Quelle que soit la façon dont le conflit avec le Qatar se termine, le
Conseil de coopération des États arabes du Golfe a (à nouveau) a montré qu’il
n’était qu’un faux-semblant. Rien ne pourra le reconstituer. Le « leadership »
de l’Arabie saoudite n’est que de l’intimidation brutale et il rencontrera de
l’opposition. Les plans des États-Unis pour un Conseil de coopération des États
arabes du Golfe uni sous la direction saoudienne et le contrôle des États-Unis
sont en lambeaux.
[…]
Les Saoudiens, et leur nouveau leadership, surestiment leurs capacités.
Trump a fait de même lorsqu’il leur a donné plus d’importance. Les « singes
saoudiens qui cassent le Macbook »1
parce qu’ils n’arrivent pas à rentrer dedans, n’ont pas les capacités
nécessaires pour être des acteurs politiques sérieux dans ce monde. Leur argent
ne peut pas éternellement dissimuler cette évidence.
La démarche de Tillerson et de quelques « officiels du
renseignement » peut être interprétée comme un signe de panique. La «
fuite » a révélé des « sources et des moyens ». Comme tous les autres
gouvernements, les
hauts fonctionnaires des EAU soupçonnaient les États-Unis d’écouter leurs délibérations
internes. Mais maintenant ils en sont sûrs. La date précise indiquée
dans la « fuite » les aidera à prendre des contre-mesures. Laisser
fuiter des « sources et des moyens » ne se fait pas à la légère. Que
l’administration américaine ait été contrainte de recourir à une telle mesure
montre qu’elle ne maîtrise pas la situation.
Lors de la chute de l’Empire ottoman [b],
la Grande-Bretagne a créé l’Arabie saoudite d’aujourd’hui. Deux guerres
mondiales ont mis fin à la puissance de la Grande-Bretagne. Les États-Unis ont
pris la relève à la tête de l’Empire, y compris des États du Golfe. Ils ont besoin de l’énergie fossile
et de l’accord monétaire qui va avec, selon lequel tous les échanges avec
l’Arabie saoudite doivent avoir lieu en dollars américains 2.
Il n’est pas dans l’intérêt des États-Unis d’avoir des problèmes avec l’Arabie
saoudite, mais c’est pourtant ce qui se profile. La « fuite » montre
l’inexpérience de la nouvelle administration étasunienne. Ce n’est pas
suffisant de désamorcer le conflit et d’atténuer ses conséquences.
Quelles stratégies Washington va-t-il maintenant adopter pour enrayer
l’instabilité qui s’annonce en Arabie saoudite et dans d’autres pays du
Golfe ?
Notes
- Kano.me est un site internet qui a pour but de permettre à tous de fabriquer son propre ordinateur… Pour promouvoir leur concept, Kano a créé une vidéo mettant en scène un singe qui semble au premier abord apprécier un MacBook. Il s’amuse avec l’ordinateur avant d’essayer de le démonter et, frustré, de le jeter par terre où il se brise. À la fin de la vidéo le slogan de Kano apparaît : « Entrez dans un ordinateur puis faites en un vous-même ».
- https://www.lorientlejour.com/article/1038372/etats-unis-arabie-saoudite-pacte-faustien-.html
Par Moon of Alabama – Le 17
juillet 2017
http://lesakerfrancophone.fr/washington-peut-il-empecher-la-mort-des-etats-du-golfe
http://lesakerfrancophone.fr/washington-peut-il-empecher-la-mort-des-etats-du-golfe
Hannibal GENSERIC