mercredi 5 juillet 2017

Nouvelles armes russes : Fin du règne des porte-avions sur les mers



Les principaux pays de l’OTAN continuent de construire des porte-avions à propulsion nucléaire à larges ponts, qui sont le paraphe de l’expression de la puissance militaire. Ce sont une composante essentielle de presque toutes les opérations de combat majeures depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les porte-avions, instruments assurant la domination en mer, ont la capacité de projeter la puissance et d’intimider les autres pays, comme la Russie, par exemple. Est-ce que l’effet de ces grands navires plates-formes fera s’agenouiller la Russie ? La réponse est non. Pas de nos jours [1].
L’US Navy a reçu le 1er juin son premier porte-avions de nouvelle génération, l’USS Gerald R. Ford. Le coût de ce bâtiment approchera les 13 milliards de dollars pour le rendre opérationnel. On s’attend à ce qu’il entre en service cet été. Deux autres porte-avions de classe Ford, le John F. Kennedy et l’Enterprise, sont aussi prévus. Ce type de navire, avec son pont d’envol plus vaste, peut transporter plus d’aéronefs, d’armes, de carburant, et il est équipé de catapultes de lancement d’avions électromagnétiques conçues tout récemment. Dès son entrée en service, l’USS Ford sera soumis à une série de tests et il devrait être opérationnel en 2020.
Embarquant 75 à 90 avions, les navires de classe Ford sont prévus pour tenir la cadence de 160 envols par jour sur plus de 30 jours, avec une cadence de pointe de 270 sorties par jour.
Le HMS Queen Elizabeth, un porte-avions de 280 mètres et 65 000 tonnes, le plus grand et le plus puissant navire de la Royal Navy du Royaume-Uni, a entamé ses essais en mer le 26 juin [2]. Il entrera en service cette année et devrait atteindre sa capacité d’exploitation initiale en 2018. Le deuxième navire de cette classe, le HMS Prince of Wales, dont le lancement est prévu autour de l’été 2017, sera mis en service en 2020. Ce porte-avions est conçu pour les avions V/STOL ; son escadre aérienne se composera essentiellement de chasseurs-bombardiers F-35B Lightning II et d’hélicoptères Merlin pour décoller en vitesse en cas d’alerte ou de guerre anti-sous-marine. Il peut recevoir 250 Royal Marines et leurs hélicoptères d’attaque de soutien, et des bâtiments de transport de troupes.
La France a l’intention de construire son deuxième porte-avions. Certains experts pensent que sa construction débutera en 2020.
Les Russes considèrent les porte-avions comme des "sitting duck" (canards assis ou "cibles faciles").
- Le Raduga Kh-22 russe, un gros missile antinavire au rayon d’action opérationnel de 600 kilomètres, est embarqué sur les bombardiers Tu-22M3. En théorie, grâce à sa portée et son ogive à charge creuse d’une tonne, ce missile peut d’un seul coup mettre hors de combat un porte-avions. L’ogive est assez puissante pour faire un trou de 5 mètres de large et 12 mètres de profondeur dans la coque de tout navire qu’il touche.
- Le Kh-32, version améliorée du Kh-22, est capable de porter une ogive conventionnelle d’une tonne ou une ogive nucléaire de 1000 kilotonnes. La Russie est en train de finaliser ses essais. Le Kh-32 sera aussi embarqué sur les bombardiers supersoniques Tupolev Tu-22M3. Ce missile avant-gardiste est pratiquement invulnérable aux moyens antiaériens terrestres et aux intercepteurs du potentiel adversaire. Une fois lancé, il monte à 40 kilomètres d’altitude, dans la stratosphère, puis il plonge à pic droit sur son objectif. On s’attend à ce que la portée de ce missile aille jusqu’à 1000 kilomètres, contre 600 pour le Kh-22. Il peut foncer à au moins 5000 kilomètres/heure. La combinaison de sa vitesse et de sa trajectoire le rend pratiquement invulnérable aux défenses antiaériennes de l’ennemi et aux missiles intercepteurs.
- Le Tu-22M3 (Backfire) est un bombardier stratégique et maritime [flotte du Pacifique basé à Mongokhto, NdT] supersonique à grande autonomie de vol et aux ailes à géométrie variable. Capable de voler à l’altitude maximale de 14.000 mètres, il affiche 15 mètres/seconde de vitesse ascensionnelle, 900 kilomètres/heure de vitesse de croisière, 2300 kilomètres/heure de vitesse maximale et 7000 kilomètres de rayon d’action opérationnel. Pour gagner en autonomie, l’avion peut être équipé de perches de ravitaillement en vol. Tous les avions Tu-22M3 (la Russie en possède plus de 60) devraient être entièrement remis à niveau d’ici à fin 2018.
Dans le documentaire (Conversations avec monsieur Poutine [intégral en français, NdT]) d’Oliver Stone, le dirigeant russe parle d’un nouveau missile aux caractéristiques exceptionnelles, dont les capacités multiples lui permettent de déjouer toute défense antimissile. Le missile en question, le Zircon 3M22, est hypersonique, il fonce à 7400 kilomètres/heure, cinq fois la vitesse du son. Il est dit que sa portée est de 400 kilomètres. Il y aurait donc au maximum, à peine trois minutes et 15 secondes entre le lancement et l’impact.
Faits par l’État, les tests du Zircon sont prévus s’achever en 2017, et la production à la chaîne du missile devrait être lancée l’an prochain. Laissant les USA loin derrière, la Russie sera la seule nation du monde à lancer la production en série d’armes hypersoniques. Les premiers Zircons seront montés sur des navires. Selon Harry J. Kazianis, rédacteur en chef de The National Interest, ce genre de missiles « peut transformer les super-porte-avions US en cimetières de plusieurs milliards de dollars pour milliers de marins. » Armé de Zircons, même un petit navire devient un redoutable ennemi de porte-avions. Aucune arme capable d’arrêter le Zircon n’existe pour l’instant.
Les porte-avions sont de puissants navires dont il faut tenir compte, il n’y a pas de cibles faciles. Ils sont durs à approcher et guider un missile de façon à ce qu’ils les touchent, est une grande prouesse. Pourtant, l’époque où ils assuraient la suprématie en mer est révolue. Si les choses se gâtent, la Russie a les moyens de les attaquer et de les couler.
Alex Gorka
[1] Voir :



[2] Le ministère russe de la Défense se moque du porte-avions britannique HMS Queen Elizabeth

 « Contrairement à l’Amiral Kouznetsov, équipé de missiles anti-aériens, anti-sous-marins et, surtout, de missiles Granit visant les navires, le porte-avions britannique n’est qu’une grosse cible pratique en mer », a-t-il raillé.