vendredi 7 février 2025

La Pravda américaine : les Protocoles Des Sages de Sion

La semaine dernière, j’ai publié un long article sur la confrontation mondiale qui monte entre la Chine et les États-Unis, et qui compare leurs forces relatives sur les facteurs économiques, technologiques et militaires. Mon évaluation puise beaucoup d’éléments dans les écrits d’un dirigeant d’entreprise chinois en retraite du nom de Hua Bin, dont je cite les articles  récents sur son Substack.

Hua semble très bien informé et équilibré, et j’ai trouvé que la plupart de ses analyses et des faits qu’il avance étaient tout à fait crédibles et fondés ; nombre de ses analyses sont très proches de celles que j’ai produites au fil des dernières années. Bien que certains Occidentaux pourraient fortement remettre en cause ses positions, je pense que presque aucun de ses articles n’est à considérer comme bizarre ou irrationnel.

  • American Pravda: China vs. America
    Une revue complète des facteurs économiques, technologiques et militaires
    Ron Unz • The Unz Review • le 13 janvier 2025 • 14,200 mots

Mais il existe une exception majeure à cet égard. Comme je l’ai écrit :

Tous ces posts sur Substack ont été produits par un auteur chinois d’évidence intelligent et disposant d’une très bonne formation, et bien que nombre de détails spécifiques puissent être âprement remis en cause par certains de ses homologues occidentaux adhérant à la pensée dominante, je doute que le moindre élément présenté puisse être considéré comme choquant ou comme relevant d’un extrémisme inacceptable.

Pourtant, les tabous idéologiques de la société chinoise sont considérablement différents des nôtres, et il s’ensuit que certains des autres posts qu’il a publiés durant la première moitié du mois de décembre relèvent d’une catégorie totalement différente. Malgré nos déclamations prétentieuses selon lesquelles nous vivrions dans une société libre, dans la sphère dominante, tout universitaire occidental, tout dirigeant du gouvernement, tout journaliste ou dirigeant d’entreprise exprimant des idées aussi controversées se verrait sur-le-champ purgé de toute respectabilité, et verrait sans doute sa carrière et sa réputation détruites, allant peut-être jusqu’à se faire emprisonner dans certains pays, ou voir confisqués ses actifs financiers et bancaires. Comme je l’ai parfois mentionné dans mes écrits, ce type de sanctions sociales sont liées à une observation sagace, que l’on attribue souvent — mais à tort — à Voltaire :

Si tu veux savoir qui te dirige, trouve simplement qui tu n’as pas le droit de critiquer.

Les titres des posts produits par Hua indiquent leur contenu incendiaire :

Il commence son premier post en exprimant sa position de manière très claire :

À l’issue d’une année d’observation de la criminalité et de l’inhumanité flagrantes des actions d’Israël au Moyen-Orient, j’ai décidé d’enquêter, au sein de documents historiques, sur ses ombres orales nationales / raciales / religieuses.

Il semble exister de nombreuses sources dans lesquelles trouver des éclairages, et il existe de nombreuses perspectives analytiques intéressantes, comme :

  • La relation entre le déclin de l’Ouest et la montée des Juifs dans l’establishment politique occidental, particulièrement aux États-Unis
  • La convergence totale entre Sionisme et néo-conservatisme, jusqu’à un stade où ils constituent désormais des concepts interchangeables
  • Le rôle joué par les Juifs dans la montée du militarisme et du chauvinisme en Occident
  • Les similarités et parallèles surprenants (peut-être pas si surprenants que cela) entre les idéologies et actions sionistes et nazies

Un document historique intéressant semble constituer un bon point de départ pour comprendre le Judaïsme et le Sionisme — les Protocoles des Sages de Sion.

L’auteur, observateur extérieur totalement dépourvu de notre propre conditionnement idéologique intense déployé depuis des générations, s’est contenté de parcourir de nombreux éléments de ce document notoire du début du XXème siècle, et a noté avec quelle bizarrerie ces éléments se sont avérés conformes à ce qui s’est produit en Occident depuis cette époque, surtout eu égard aux stratégies politiques réussies employées par nos minorités juives et sionistes très puissantes.

Henry Ford, Le Juif International, et les Protocoles

J’ai lu les Protocoles une fois ou deux, et la dernière fois que je l’ai fait remonte à 2018, alors que j’écrivais un article discutant de ce sujet en profondeur. Ce même article se centrait également sur Le Juif International, une suite des années 1920 publiée par l’industriel milliardaire Henry Ford, qui avait introduit auprès du public étasunien les Protocoles. Comme je l’explique dans mon article :

Ford lui-même était un individu très intéressant, même si très peu de manuels d’histoire abordent son rôle dans l’histoire du monde. Bien que les raisons exactes de sa décision d’augmenter le salaire minimum qu’il donnait à ses employés à 5 $ par jour, en 1914 – le double du salaire moyen des travailleurs industriels de l’époque – puissent être contestées, cela semble avoir joué un rôle énorme dans la création de notre classe moyenne. Il a également adopté une politique hautement paternaliste consistant à fournir de bons logements d’entreprise et d’autres commodités à ses travailleurs, un écart total par rapport au capitalisme des « barons voleurs » si largement pratiqué à l’époque, apparaissant ainsi comme un héros mondial pour les travailleurs industriels et leurs avocats. En effet, Lénine lui-même avait considéré Ford comme une figure dominante du firmament révolutionnaire mondial, faisant abstraction de ses vues conservatrices et de son engagement envers le capitalisme et se concentrant plutôt sur ses remarquables réalisations en matière de productivité ouvrière et de bien-être économique. C’est un détail oublié de l’histoire que, même après que l’hostilité considérable de Ford à la Révolution russe est devenue largement connue, les Bolcheviques décrivaient encore leur propre politique de développement industriel comme du « fordisme ». En effet, il n’était pas rare de voir des portraits de Lénine et de Ford accrochés côte à côte dans les usines soviétiques, représentant les deux plus grands saints séculiers du panthéon bolchevique.

Quant à The Dearborn Independent, Ford avait apparemment lancé son journal sur une base nationale peu de temps après la fin de la guerre, avec l’intention de se concentrer sur des sujets controversés, en particulier ceux liés au mauvais comportement des juifs, dont il pensait que la discussion était ignorée ou censurée par presque tous les médias grand public. Je savais qu’il était depuis longtemps l’une des personnes les plus riches et les plus respectées en Amérique, mais j’étais encore étonné de découvrir que son hebdomadaire, qui m’était auparavant presque inconnu, avait atteint une diffusion nationale totale de 900 000 exemplaires en 1925, ce qui en faisait le deuxième plus grand du pays et de loin le plus grand ayant une distribution exclusivement nationale. Je n’ai pas trouvé de moyen facile d’examiner le contenu d’un numéro typique, mais apparemment les articles anti-juifs des deux premières années avaient été rassemblés et publiés sous forme de livres courts, constituant ensemble les quatre volumes de The International Jew : The World’s Foremost Problem, un travail notoirement antisémite mentionné à l’occasion dans mes manuels d’histoire. Finalement, ma curiosité a pris le dessus, j’ai alors cliqué sur quelques boutons d’Amazon.com, acheté l’ensemble et me suis demandé ce que j’y découvrirais.

Bien qu’Amazon en ait par la suite pratiqué la purge, cette suite reste disponible sur mon site internet, au format HTML plutôt pratique à lire.

Après une discussion portant sur le contenu général de la suite publiée par Ford, je me suis concentré sur ses articles les plus controversés, à savoir ceux qui présentaient et analysaient les Protocoles.

Comme nous l’avons déjà dit, la plus grande partie de Le Juif International semble une récitation plutôt monotone de plaintes concernant le mauvais comportement des juifs. Mais il y a une exception majeure, qui a un impact très différent sur notre esprit moderne, à savoir que l’écrivain a pris très au sérieux Les Protocoles des Sages de Sion. Probablement aucune « théorie du complot » des temps modernes n’a été soumise à un anathème et à un ridicule aussi important que Les Protocoles, mais un voyage de découverte acquiert souvent une dynamique qui lui est propre et je suis devenu curieux de la nature de ce document infâme.

Apparemment, les Protocoles sont apparus pour la première fois au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, et le British Museum en a conservé une copie en 1906, mais ils ont attiré relativement peu d’attention à l’époque. Tout cela a changé après la Révolution bolchevique et le renversement de nombreux autres anciens gouvernements à la fin de la Première Guerre mondiale qui ont conduit de nombreuses personnes à chercher une cause commune derrière tant d’énormes bouleversements politiques. De ma distance de plusieurs décennies, le texte des Protocoles m’a semblé plutôt fade et même ennuyeux, décrivant de façon assez longue un plan de subversion secrète visant à affaiblir les liens du tissu social, à monter les groupes les uns contre les autres, à prendre le contrôle des dirigeants politiques par la corruption et le chantage et, finalement, à restaurer la société selon des lignes hiérarchiques rigides avec un tout nouveau groupe en contrôle. Certes, on y trouve beaucoup de perspicacité politique ou psychologique, notamment l’énorme pouvoir des médias et les avantages de mettre en avant des hommes de paille politiques – des hommes de paille profondément compromis ou incompétents et donc facilement contrôlables. Mais rien d’autre ne m’a vraiment sauté aux yeux.

Peut-être une des raisons pour lesquelles j’ai trouvé le texte des Protocoles si peu inspirant est qu’au cours du siècle qui a suivi sa publication, ces notions d’intrigues diaboliques par des groupes cachés sont devenues un thème si commun dans nos médias de divertissement, avec des milliers de romans d’espionnage et d’histoires de science-fiction présentant quelque chose de similaire, bien que ceux-ci impliquent généralement des moyens beaucoup plus excitants, comme une super-arme ou une drogue puissante. Si un méchant d’un film de James Bond proclamait son intention de conquérir le monde simplement par une simple subversion politique, je pense qu’un tel film disparaîtrait immédiatement du box-office.

Mais il y a cent ans, ces notions étaient apparemment passionnantes et nouvelles, et j’ai trouvé la discussion des Protocoles dans de nombreux chapitres de Le Juif International beaucoup plus intéressante et informative que la lecture du livre lui-même. L’auteur des livres de Ford semble le traiter comme n’importe quel autre document historique, en disséquant son contenu, en spéculant sur sa provenance et en se demandant s’il s’agissait ou non de ce qu’il prétendait être, à savoir un compte rendu approximatif des déclarations d’un groupe de conspirateurs poursuivant la maîtrise du monde, ces conspirateurs étant largement considérés comme une fraternité d’élite de juifs du monde entier.

D’autres contemporains semblent avoir pris les Protocoles très au sérieux. L’auguste Times of London l’a pleinement approuvé, avant de se rétracter plus tard sous une forte pression, et j’ai lu que plus d’exemplaires ont été publiés et vendus dans l’Europe de l’époque que tout autre livre, à l’exception de la Bible. Le gouvernement bolchevique de Russie a considéré le volume à sa manière puisque la simple possession des Protocoles justifiait l’exécution immédiate.

Bien que Le Juif International conclue que les Protocoles sont probablement authentiques, le style et la présentation du livre me font douter de cette probabilité. En naviguant sur Internet il y a une douzaine d’années, j’ai découvert une grande variété d’opinions différentes, même dans l’enceinte de l’extrême-droite, où l’on discute librement de ces questions. Je me souviens qu’un auteur de forum a quelque part qualifié les Protocoles de « basés sur une histoire vraie », suggérant que quelqu’un qui était familier avec les machinations secrètes de l’élite juive internationale contre les gouvernements existants de la Russie tsariste et d’autres pays avait rédigé le document pour exposer son point de vue sur leurs plans stratégiques, et une telle interprétation semble parfaitement plausible.

Un autre lecteur prétendait que Les Protocoles n’étaient que de la pure fiction, mais qu’ils n’en étaient pas moins importants. Il a fait valoir que la perspicacité des méthodes par lesquelles un petit groupe de comploteurs peut tranquillement corrompre et renverser de puissants régimes place ce livre aux côtés de la République de Platon et du Prince de Machiavel comme l’un des trois grands classiques de la philosophie politique occidentale, et lui vaudrait une place sur la liste de lecture obligatoire de tous les cours de sciences politiques pour débutants. En effet, l’auteur des livres de Ford souligne qu’il y a très peu de mentions des juifs dans les Protocoles, et tous les liens implicites avec les conspirateurs juifs pourraient être complètement rayés du texte sans affecter son contenu.

Ici également, les Protocoles ont été purgés par Amazon, mais j’ai conservé sur mon site internet la version intégrale du document, au format HTML.

Et, ironiquement, l’héritage culturel le plus durable de l’agitation anti-juive généralisée des années 1920 est peut-être le moins reconnu. Comme mentionné plus haut, les lecteurs modernes pourraient trouver le texte des Protocoles plutôt ennuyeux et fade, presque comme s’ils avaient été tirés du monologue extrêmement long d’un des méchants diaboliques d’un film de James Bond. Mais je ne serais pas surpris que ce soit l’inverse. Ian Fleming a créé ce genre au début des années 1950 avec sa série de best-sellers internationaux, et il serait intéressant de spéculer sur la source de ses idées.

Flemming a passé sa jeunesse dans les années 1920 et 1930, lorsque Les Protocoles étaient parmi les livres les plus lus dans une grande partie de l’Europe et que les principaux journaux britanniques racontaient les complots réussis de Schiff et d’autres banquiers juifs internationaux pour renverser le gouvernement de l’allié tsariste de la Grande-Bretagne et le remplacer par la domination bolchevique juive. De plus, son service ultérieur dans un service de renseignement britannique lui aurait certainement permis d’avoir accès à des détails de cette histoire qui allaient bien au-delà des manchettes publiques. Je pense que c’est plus qu’une pure coïncidence que deux de ses méchants les plus mémorables, Goldfinger et Blofeld, aient des noms à consonance juive, et que tant d’intrigues impliquent des plans de conquête du monde par le SPECTRE, une organisation internationale secrète et mystérieuse hostile à tous les gouvernements existants. Les Protocoles eux-mêmes sont peut-être à moitié oubliés aujourd’hui, mais leur influence culturelle survit probablement dans les films de James Bond, dont les 7 milliards de dollars de recettes brutes les classent comme la série de films la plus réussie de l’histoire, lorsqu’on ajuste les calculs pour tenir compte de l’inflation.

Les Renseignements Militaires étasuniens, les Juifs, et les Protocoles

L’année suivante, j’ai lu une étude de recherche historique fascinante au sujet des convictions idéologiques entretenues par les Renseignements Militaires étasuniens durant la première moitié du XXème siècle. Ce travail important m’a amené à produire un long article en 2019, décrivant quelques-unes de mes principales conclusions :

C’est ce que j’ai récemment pensé lorsque j’ai décidé de lire une remarquable analyse de l’armée américaine par Joseph W. Bendersky de la Virginia Commonwealth University, historien juif spécialisé dans les études sur l’Holocauste et l’histoire de l’Allemagne nazie. L’année dernière, j’avais parcouru quelques pages de son livre pour mon long article sur la négation de l’Holocauste, mais j’ai maintenant décidé de lire attentivement l’ouvrage entier, publié en 2000.

Benderska consacré dix années complètes de recherches à son livre, fouillant de façon exhaustive les archives du renseignement militaire américain ainsi que les documents personnels et la correspondance de plus de 100 personnalités militaires et officiers du renseignement. « Jewish Threat » s’étend sur 500 pages, dont quelque 1350 notes de bas de page, les sources archivistiques répertoriées occupant à elles seules sept pages complètes. Son sous-titre est « Politiques Anti-Semite de l’U.S. Army » et il fait valoir de manière extrêmement convaincante qu’au cours de la première moitié du XXe siècle et même après, les hauts gradés de l’armée américaine et surtout du renseignement militaire ont fortement souscrit aux notions qui aujourd’hui seraient universellement rejetées comme « théories antisémites du complot ».

En termes simples, les chefs militaires américains de ces décennies croyaient largement que le monde faisait face à une menace directe de la part de Juifs organisés, qui avaient pris le contrôle de la Russie et cherchaient également à renverser et à prendre le contrôle de l’Amérique et du reste de la civilisation occidentale.

Dans ces cercles militaires, on croyait fermement que de puissants éléments juifs avaient financé et dirigé la révolution bolchevique russe et qu’ils organisaient des mouvements communistes similaires ailleurs pour détruire toutes les élites existantes de Gentils [non-Juifs] et imposer la suprématie juive dans toute l’Amérique et dans le reste du monde occidental. Alors que certains de ces dirigeants communistes étaient des « idéalistes », de nombreux participants juifs étaient des opportunistes cyniques, cherchant à utiliser leurs partisans crédules pour détruire leurs rivaux ethniques et gagner ainsi la richesse et le pouvoir suprême. Bien que les agents de renseignement en vinrent graduellement à douter que les Protocoles des Sages de Sion fut un document authentique, la plupart croyaient que ce travail notoire fournissait une description raisonnablement exacte des plans stratégiques des dirigeants juifs pour subvertir l’Amérique et le reste du monde et établir la domination juive.

Bien que les prétentions de Bendersky soient certainement extraordinaires, il fournit une énorme quantité de preuves convaincantes à l’appui, citant ou résumant des milliers de dossiers de renseignements déclassifiés, et appuyant son cas en puisant dans la correspondance personnelle de plusieurs des agents en cause. Il démontre de façon concluante qu’au cours des mêmes années où Henry Ford publiait sa série controversée « The International Jew », des idées similaires, mais beaucoup plus tranchantes, étaient omniprésentes dans notre propre communauté du renseignement. En effet, alors que Ford se concentrait surtout sur la malhonnêteté, la malfaisance et la corruption juives, nos professionnels du renseignement militaire considéraient le judaïsme organisé comme une menace mortelle pour la société américaine et la civilisation occidentale en général. D’où le titre du livre de Bendersky.

Ces croyances répandues ont eu d’importantes conséquences politiques. Au cours des dernières décennies, nos principaux partisans des restrictions en matière d’immigration ont régulièrement soutenu que l’antisémitisme n’avait joué absolument aucun rôle dans la loi de 1924 sur l’immigration, qui réduisait considérablement l’immigration européenne, et les débats et les discours que l’on trouve dans le Congressional Record ont eu tendance à appuyer leurs revendications. Cependant, l’année dernière, j’ai émis l’hypothèse que la sensibilisation généralisée des dirigeants juifs [aux États-Unis] à la Révolution bolchevique avait peut-être été un facteur important derrière cette législation, mais qui n’a pas été divulgué. Les recherches de Bendersky confirment pleinement mes soupçons, et il révèle que l’un des anciens officiers militaires qui craignaient le plus la subversion des immigrants juifs, a joué un rôle crucial dans l’orchestration de la législation, dont le principal objectif non déclaré était d’éliminer tout nouvel afflux de Juifs d’Europe orientale.

La majeure partie des documents fascinants cités par Bendersky provient de rapports de renseignement et de lettres officielles contenues dans des archives militaires. Par conséquent, nous devons garder à l’esprit que les agents qui produisent de tels documents auraient certainement choisi leurs mots avec soin et évité de mettre toutes leurs pensées controversées sur papier, ce qui laisse supposer que leurs croyances réelles auraient pu être beaucoup plus extrêmes. Un cas particulier de la fin des années 1930 impliquant un général de haut rang donne un aperçu des opinions et des conversations privées probables d’au moins certaines de ces personnes.

Bien que son nom ne signifie rien aujourd’hui, le chef d’état-major adjoint George Van Horn Moseley a passé la plupart des années 1930 comme un des généraux les plus respectés des États-Unis, ayant été considéré pour le commandement supérieur de nos forces armées et servant également de mentor personnel à Dwight D. Eisenhower, au futur secrétaire d’État George C. Marshall, et à de nombreuses autres figures militaires importantes. Il semble avoir été très apprécié au sein de notre establishment militaire et avait une excellente réputation personnelle.

Moseley avait aussi des opinions très arrêtées sur les grands enjeux publics de l’époque, et après sa retraite en 1938, il a commencé à se libérer de la discipline militaire et à faire la promotion de ses opinions de façon agressive en participant à une tournée nationale de conférences. Il dénonça à plusieurs reprises la montée en puissance militaire de Roosevelt et, dans un discours prononcé au début de 1939, il déclara que « la guerre proposée aujourd’hui a pour but d’établir l’hégémonie juive à travers le monde ». Il a déclaré que seuls les Juifs profiteraient de la guerre, et affirmé que les principaux Juifs de Wall Street avaient financé la Révolution russe, en avertissant les Américains de ne pas laisser l’histoire se répéter. Bien que le franc-parler de Moseley lui ait rapidement valu une réprimande de la part de l’administration Roosevelt, il a également reçu des lettres privées de soutien d’autres généraux de haut rang et de l’ancien président Herbert Hoover.

Dans son témoignage au Congrès juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Moseley est devenu encore plus franc. Il déclara que les « escouades d’assassins » des communistes juifs avaient tué « des millions de chrétiens », mais que « heureusement, le caractère du peuple allemand s’était éveillé » contre ces traîtres en leur sein et que par conséquent « nous ne devrions pas reprocher aux Allemands de régler le problème du Juif sur leur territoire pour toujours ». Il a même exhorté nos dirigeants nationaux à « tirer profit » de l’exemple allemand pour s’attaquer au problème national juif de l’Amérique qui s’envenimait.

Comme on pouvait s’y attendre, l’éloge que Moseley fit en 1939 de la politique juive de l’Allemagne devant le Congrès provoqua une puissante réaction médiatique, avec une manchette dans The New Republic le dénonçant comme « une cinquième colonne » nazi, The Nation l’attaquant de la même manière ; et après la guerre, la plupart des personnages publics prirent progressivement leurs distances. Mais Eisenhower et Marshall continuèrent à le considérer en privé avec beaucoup d’admiration et restèrent en correspondance amicale pendant de nombreuses années, suggérant fortement que sa dure appréciation des Juifs n’avait guère été un secret profond dans son cercle personnel.

Bendersky affirme que les cinquante caisses de mémoires, de documents privés et de correspondances de Moseley  » contiennent toutes sortes d’arguments antisémites jamais manifestés dans l’histoire de la civilisation occidentale « , et d’après les divers exemples extrêmes qu’il donne, peu de gens pourraient contester ce verdict. Mais il note aussi que les déclarations de Moseley différaient peu des descriptions des Juifs exprimées par le général George S. Patton immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, et même de certains généraux à la retraite jusque dans les années 1970.

J’ai été extrêmement impressionné par le travail de recherche étendu réalisé en archives par Bendersky, et il ne me viendrait pas à l’idée de remettre en question sa précision sur ces sujets, mais j’ai trouvé le reste de ses éléments moins intéressants, et j’ai été frappé par certains faits importants qu’il a totalement ignorés :

Mais bien plus graves que les manquements de Bendersky dans des domaines extérieurs à son expertise professionnelle sont les omissions massives et flagrantes que l’on retrouve au cœur même de sa thèse. Ses centaines de pages de texte démontrent certainement que pendant des décennies, nos meilleurs professionnels militaires ont été très préoccupés par les activités subversives des communistes juifs, mais il semble négligemment rejeter ces craintes comme absurdes, presque illusoires. Pourtant, les faits réels sont très différents. Comme je l’ai brièvement noté l’année dernière après mon examen superficiel de son livre :

Le livre compte plus de 500 pages, mais lorsque j’ai consulté l’index, je n’ai trouvé aucune mention des Rosenberg, ni de Harry Dexter White, ni d’aucun des très nombreux espions juifs révélés par les décryptages de Venona, et le terme « Venona » lui-même est également absent de l’index. Les rapports montrant que la direction des bolcheviques russes était majoritairement juive sont généralement traités comme sectaires et paranoïaques, tout comme les descriptions du même déséquilibre ethnique au sein du Parti communiste américain, sans parler du soutien financier important apporté aux bolcheviques par les banquiers internationaux juifs. A un moment donné, il rejette le lien entre les Juifs et le communisme en Allemagne en notant que « moins de la moitié » de la direction du Parti communiste était juive ; mais comme moins d’un Allemand sur cent venait de cette origine ethnique, les Juifs étaient manifestement surreprésentés parmi les dirigeants communistes à hauteur de 5 000 %. Cela semble être le genre de malhonnêteté et d’innombrables erreurs que j’ai régulièrement rencontrées parmi les experts juifs de l’Holocauste.

 


Certes, le livre de Bendersky a été publié juste 18 mois après la publication du premier volume de Venona de John Earl Haynes et Harvey Klehr au début de 1999. Mais les Venona Decrypts eux-mêmes avaient été déclassifiés en 1995 et ont rapidement commencé à circuler au sein de la communauté académique. Pour Bendersky, ignorer obstinément la réalité indéniable d’un vaste et écrasant réseau juif d’agents staliniens se trouvant près du sommet de l’administration Roosevelt, tout en ridiculisant les officiers militaires qui faisait de telles déclarations à l’époque, soulève de sérieux doutes sur sa crédibilité en tant qu’historien objectif.

Comme je l’ai souligné plus tôt cette année :

 

De 1941 à 1944, le vice-président de FDR était Henry Wallace, qui aurait succédé à la présidence si Roosevelt ne l’avait pas révoqué l’année juste avant de décéder. Et bien que Wallace lui-même n’ait pas été déloyal, ses principaux conseillers étaient surtout des agents communistes. En effet, il déclara plus tard qu’une administration Wallace aurait inclus Laurence Duggan comme secrétaire d’État et Harry Dexter White comme secrétaire du Trésor, installant ainsi des hommes de main staliniens au sommet du gouvernement, vraisemblablement soutenus par de nombreux fonctionnaires de niveau inférieur d’une conviction politique similaire. On pourrait se demander, en plaisantant, si les Rosenberg – plus tard exécutés pour trahison – auraient été chargés de notre programme de mise au point d’armes nucléaires.

Le fait que le gouvernement national américain du début des années 1940 ait en fait été à l’extrême limite – ou plutôt à un battement de cœur – de tomber sous le contrôle communiste est une vérité très désagréable. Et nos livres d’histoire et nos médias populaires ont gardé un silence total sur cet épisode remarquable au point que même parmi les Américains instruits d’aujourd’hui, je soupçonne que moins de 5% sont conscients de cette sombre réalité.

 

Le projet Venona a constitué la preuve définitive de l’ampleur massive des activités d’espionnage soviétique en Amérique, que de nombreux journalistes et historiens du courant dominant nient régulièrement depuis des décennies, et il a également joué un rôle secret crucial dans le démantèlement de ce réseau d’espionnage hostile à la fin des années 40 et dans les années 50. Mais Venona a été presque étouffé un an après sa naissance. En 1944, des agents soviétiques ont pris conscience de l’effort crucial de décryptage du code secret et, peu après, ont fait en sorte que la Maison-Blanche de Roosevelt publie une directive ordonnant l’arrêt du projet et l’abandon de tous les efforts visant à découvrir l’espionnage soviétique. La seule raison pour laquelle Venona a survécu, ce qui nous a permis de reconstruire plus tard la politique fatidique de l’époque, était que l’officier du renseignement militaire responsable du projet, risquant la cour martiale, a désobéi directement à l’ordre présidentiel explicite et à continué son travail.

Cet officier était le colonel Carter W. Clarke, mais sa place dans le livre de Bendersky est beaucoup moins favorable, étant décrit comme un membre éminent de la « clique » antisémite qui constitue les méchants de son récit. En effet, Bendersky condamne en particulier Clarke pour avoir semblé croire encore dans la réalité essentielle des Protocoles des sages de Sion dans les années 1970, citant une lettre qu’il avait écrite à un frère d’armes officier en 1977 :

Si, comme les Juifs l’affirment, les Protocoles des Sages de Sion ont été élaborés par la police secrète russe, comment se fait-il que tout ce qu’ils contiennent a déjà été adopté et que le Washington Post et le New York Times défendent si fermement le reste.

 

Nos historiens doivent sûrement avoir du mal à digérer le fait remarquable que l’officier responsable du projet vital Venona, dont la détermination désintéressée l’a sauvé de la destruction par l’administration Roosevelt, est en fait resté un croyant à vie dans l’importance des Protocoles des sages de Sion.

Prenons un peu de recul et replaçons les conclusions de Bendersky dans leur contexte. Nous devons reconnaître que pendant la majeure partie de l’ère couverte par ses recherches, le renseignement militaire américain constituait la quasi-totalité de l’appareil de sécurité nationale américain – l’équivalent d’une CIA, de la NSA et du FBI – et était responsable de la sécurité internationale et intérieure, bien que ce dernier portefeuille ait été progressivement assumé par la propre organisation en expansion de J. Edgar Hoover à la fin des années 1920.

Les années de recherches diligentes de Bendersky démontrent que pendant des décennies, ces professionnels expérimentés – et bon nombre de leurs commandants suprêmes – étaient fermement convaincus que des éléments majeurs de la communauté juive organisée complotaient impitoyablement pour prendre le pouvoir en Amérique, détruire toutes nos libertés constitutionnelles traditionnelles et, finalement, acquérir la maîtrise sur le monde entier.

Je n’ai jamais cru en l’existence des ovnis en tant que vaisseaux spatiaux extraterrestres, rejetant toujours ces notions comme des absurdités ridicules. Mais supposons que des documents gouvernementaux déclassifiés révèlent que pendant des décennies, presque tous nos officiers supérieurs de la Force aérienne avaient été absolument convaincus de la réalité des OVNIs. Pourrais-je continuer dans mon refus insouciant d’envisager de telles possibilités ? À tout le moins, ces révélations m’obligeraient à réévaluer sérieusement la crédibilité probable d’autres personnes qui auraient fait des affirmations similaires au cours de la même période.

Le professeur John Beaty, sur le sujet des conspirations organisées par des Juifs

Dans cet article de 2019, je poursuivais en discutant les travaux produits par un ancien officier des Renseignements Militaires, dont l’ouvrage était devenu un énorme best-seller chez les conservateurs quelques années après la seconde guerre mondiale. Bien qu’il ne fasse jamais mention directe des Protocoles, l’ensemble de son texte décrit les sinistres machinations de groupes juifs organisés suivant les mêmes termes exactement, affirmant qu’ils réussissaient à subvertir notre société dans le cadre de leur tentative de prise de contrôle des États-Unis, et peut-être ensuite le monde entier.

Il y a quelques années, je suis tombé sur un livre qui m’était totalement inconnu, datant de 1951 et intitulé Iron Curtain Over America de John Beaty, un professeur d’université très respecté. Beaty avait passé ses années de guerre dans le renseignement militaire, étant chargé de préparer les rapports de briefing quotidiens distribués à tous les hauts responsables américains résumant les informations de renseignement acquises au cours des 24 heures précédentes, ce qui était évidemment un poste à responsabilité considérable.

En tant qu’anticommuniste zélé, il considérait une grande partie de la population juive américaine comme profondément impliquée dans des activités subversives, constituant ainsi une menace sérieuse pour les libertés traditionnelles américaines. En particulier, la mainmise juive croissante sur l’édition et les médias rendait de plus en plus difficile pour les points de vue discordants d’atteindre le peuple américain, ce régime de censure constituant le « rideau de fer » décrit dans son titre. Il accusait les intérêts juifs de pousser à une guerre totalement inutile contre l’Allemagne hitlérienne qui cherchait depuis longtemps de bonnes relations avec l’Amérique mais qui avait subi une destruction totale en raison de sa forte opposition à la menace communiste qui était soutenue par les Juifs d’Europe.

Beaty dénonçait aussi vivement le soutien américain au nouvel État d’Israël, qui nous coûtait potentiellement la bonne volonté de millions de musulmans et d’Arabes. Et en passant, il a également critiqué les Israéliens pour avoir continué à prétendre qu’Hitler avait tué six millions de juifs, une accusation hautement invraisemblable qui n’avait aucun fondement apparent dans la réalité et semblait n’être qu’une fraude concoctée par les juifs et les communistes, visant à empoisonner nos relations avec l’Allemagne de l’après-guerre et à soutirer au peuple allemand qui souffrait depuis déjà longtemps de l’argent pour l’État juif.

Il dénonçait aussi le procès de Nuremberg, qu’il décrivait comme une «tache indélébile majeure» sur l’Amérique et une «parodie de justice». Selon lui, la procédure était dominée par des Juifs allemands vengeurs, dont beaucoup se livraient à la falsification de témoignages ou avaient même des antécédents criminels. En conséquence, ce «fiasco fétide» n’a fait qu’enseigner aux Allemands que «notre gouvernement n’avait aucun sens de la justice». Le sénateur Robert Taft, le chef républicain de l’immédiat après-guerre, avait une position très similaire, ce qui lui a valu plus tard l’éloge de John F. Kennedy dans Profiles in Courage. Le fait que le procureur en chef soviétique de Nuremberg ait joué le même rôle lors des fameux procès staliniens de la fin des années 1930, au cours desquels de nombreux anciens bolcheviques ont avoué toutes sortes de choses absurdes et ridicules, n’a guère renforcé la crédibilité des procédures aux yeux de nombreux observateurs extérieurs.

À l’époque comme aujourd’hui, un livre prenant des positions aussi controversées avait peu de chance de trouver un éditeur new-yorkais, mais il fut quand même publié par une petite entreprise de Dallas, puis remporta un énorme succès, étant réimprimé dix-sept fois au cours des années suivantes. Selon Scott McConnell, le rédacteur en chef fondateur de The American Conservative, le livre de Beaty est devenu le deuxième texte conservateur le plus populaire des années 1950, ne se classant qu’après le classique emblématique de Russell Kirk, The Conservative Mind.

Bendersky consacre plusieurs pages à une discussion sur le livre de Beaty, qui, selon lui, « compte parmi les diatribes antisémites les plus vicieuses de l’après-guerre ». Il décrit également l’histoire de son immense succès national, qui a suivi une trajectoire inhabituelle.

Les livres d’auteurs inconnus qui sont publiés par de minuscules éditeurs se vendent rarement à beaucoup d’exemplaires, mais le travail a attiré l’attention de George E. Stratemeyer, un général à la retraite qui avait été l’un des commandants de Douglas MacArthur, et il a écrit une lettre d’approbation a Beaty. Beaty a commencé à inclure cette lettre dans son matériel promotionnel, suscitant la colère de l’ADL  [Anti Defamation League], dont le président national a contacté Stratemeyer, lui demandant de répudier le livre, qui a été décrit comme une « amorce pour les groupes marginaux déments » partout en Amérique. Au lieu de cela, Stratemeyer a donné une réponse cinglante à l’ADL, la dénonçant pour avoir proféré des « menaces voilées » contre « la liberté d’expression et de pensée » et tenté d’établir une répression à la soviétique aux États-Unis. Il déclara que tout « citoyen loyal » devrait lire The Iron Curtain Over America, dont les pages révélaient enfin la vérité sur la situation de notre pays, et il commença à promouvoir activement le livre dans tout le pays en attaquant la tentative juive de le faire taire. De nombreux autres généraux et amiraux américains de haut rang se sont rapidement joints à Stratemeyer pour appuyer publiquement le travail, tout comme quelques membres influents du Sénat américain, ce qui a conduit à ses énormes ventes nationales.

Ayant maintenant découvert que les vues de Beaty étaient tout à fait cohérentes avec celles de presque tous nos professionnels du renseignement militaire, j’ai décidé de relire son petit livre, et j’en ai été profondément impressionné. Son érudition et son sang-froid étaient exactement ce que l’on pouvait attendre d’un universitaire accompli, titulaire d’un doctorat de l’Université Columbia, qui avait atteint le grade de colonel au cours de ses cinq années de service dans le renseignement militaire et dans l’état-major général. Bien que fortement anti-communiste, Beaty était, de toute évidence, un conservateur modéré, très judicieux dans ses affirmations et ses propositions. La dénonciation hystérique de Bendersky a une influence fâcheuse sur la crédibilité de l’émetteur de cette fatwa.

Le livre de Beaty a été écrit il y a près de 70 ans, au tout début de notre longue guerre froide, et n’est guère exempt de diverses erreurs largement répandues à l’époque, ni de préoccupations profondes concernant diverses calamités qui ne se sont pas produites, comme une troisième guerre mondiale. De plus, puisqu’il a été publié quelques années seulement après la victoire de Mao en Chine et au milieu de notre propre participation à la guerre de Corée, sa discussion sur ces grands événements contemporains est beaucoup plus longue et détaillée que ce qui intéresserait probablement les lecteurs actuels. Mais si l’on laisse de côté ces petites imperfections, je pense que le récit qu’il donne des circonstances réelles de l’implication de l’Amérique dans la Première et la Seconde Guerres mondiales et leurs conséquences immédiates est largement supérieur aux versions fortement inclinées et expurgées que nous trouvons dans nos livres d’histoire standard. Et la responsabilité quotidienne de Beaty en temps de guerre de rassembler et de résumer tous les renseignements collectés, puis de produire un résumé qui serait distribué à la Maison-Blanche et à nos autres hauts fonctionnaires lui a certainement fourni une image beaucoup plus précise de la réalité que celle du scribe typique de troisième main.

Nous devrions au moins reconnaître que le livre de Beaty fournit un excellent résumé des croyances des officiers du renseignement militaire américain et de bon nombre de nos principaux généraux au cours de la première moitié du XXe siècle.

L’énorme best-seller conservateur du professeur Beaty, paru en 1951, soulève des sujets très intéressants, et l’an dernier, j’ai publié un long article considérant de nettement plus près cet ouvrage ainsi que les critiques extrêmement dures qui lui ont été opposées. Au début de cet article, je note que bien que l’auteur fût rapidement diabolisé par des groupes juifs, il avait été avant sa publication considéré comme un universitaire relevant absolument de la sphère dominante, une personnalité ayant remporté divers honneurs au fil des années, et dont les activités n’avaient jamais soulevé la moindre controverse, cependant que ses fonctions durant la guerre lui avaient fourni un point d’observation idéal pour comprendre la nature véritable de ce conflit.

Né en 1890 en Virginie occidentale, Beaty a passé sa licence et son master à l’université de Virginie, puis a obtenu son doctorat de philosophie à l’université de Columbia, en 1921. Il démarra sa carrière en 1919, consacrée à l’enseignement de la langue anglaise à la Southern Methodist University (SMU) de Dallas ; il fut titularisé en 1922, et prit sa retraite en 1957. Durant une grande partie de cette période, il fut président de son département, et mena une carrière réussie d’écrivain et d’universitaire, signant ou cosignant une bonne dizaine d’ouvrages, qui furent utilisés par plus de 700 universités étasuniennes. Durant cette longue carrière, il jouit de divers honneurs et distinctions académiques, allant jusqu’à devenir président de la Conférence des Professeurs d’anglais à l’Université. Il semble que jusqu’en 1951, il n’ait jamais attiré de controverse notable.

Mais Beaty était un patriote qui s’était engagé dans l’armée de réserve, et lorsque les États-Unis avaient commencé à s’impliquer dans la seconde guerre mondiale, son statut fut activé en 1941, et il rallia nos services de Renseignements Militaires au grade de capitaine, où il resta jusqu’en 1947, lorsqu’il quitta l’armée avec le grade de colonel, et reprit sa carrière académique. Durant ces années de guerre, son rôle auprès du gouvernement avait été très important, puisqu’il était responsable de la section historique, et avait également pour tâche de résumer tous les renseignements étasuniens disponibles pour en faire un rapport quotidien, distribué à la Maison-Blanche ainsi qu’à tous nos dirigeants politiques et militaires de premier rang. Plus tard la même année, il eut également pour mission d’interviewer et de faire le point avec des milliers de nos soldats en retour de mission, dont certains très hauts placés, et de rassembler les informations collectées pour les dossiers du gouvernement. Au vu de ces activités de premier ordre, on ne pouvait sans doute trouver que peu d’Étasuniens mieux au fait de presque tous les aspects de nos informations de guerre que Beaty à son retour à la vie civile, en 1947.

Je me suis attelé à explorer la nature des principales critiques exprimées contre son livre, et ai découvert que presque toutes les attaques publiques s’étaient en fait centrées sur un sujet absolument périphérique et apparaissaient comme totalement injustifiées, une conclusion qui est venue renforcer sa crédibilité.

Au début des années 1950, les Protocoles s’étaient vus totalement discrédités au sein des cercles dominants, et en faire mention était absolument exclu de toute discussion publique. Beaty était un universitaire réputé, et bien qu’il ait dû entendre parler des Protocoles, je ne sais pas s’il a jamais porté attention à ce document controversé, ni s’il a pu le lire voire le prendre avec quelque sérieux.

Qui plus est, tous les sujets importants qu’il discute dans son livre sont en lien avec l’actualité, ou avec le passé récent, sur la base de ses préoccupations que la société et la démocratie étasuniennes puissent être menacées par une subversion politique juive et par l’influence juive écrasante sur les médias. Une grande partie de ces informations provenaient du rôle central qu’il occupa au sein de nos services de renseignements durant la guerre, nourries par les recherches étendues qu’il put conduire durant les années qui suivirent.

Et pourtant, bien qu’aucune mention des Protocoles n’apparaisse dans son texte, les activités des groupes juifs organisés décrites factuellement par Beaty avec moult détails apparaissent comme étrangement semblables à ce que les Protocoles ont décrit un demi-siècle plus tôt. Le livre de Beaty semble donc affirmer avec force la valeur des Protocoles comme guide du comportement subversif juif, même si l’auteur a pu totalement rejeter ce document.

Ainsi, vu sous cette lumière, le livre de Beaty tend à soutenir la perspective produite par Henry Ford et de nombreuses personnes dans son camp. Ils ont souvent affirmé que nonobstant l’identité de l’auteur des Protocoles, ou la raison pour laquelle ceux-ci furent écrits, l’importance du document résidait dans la précision avec laquelle il décrit la réalité de leur monde. Par exemple, au cours d’une interview publiée dans l’édition du 17 février 1921 du New York World, Ford avait produit cette déclaration restée célèbre :

La seule affirmation qu’il me sied de produire au sujet des PROTOCOLES est qu’ils correspondent à ce qui est en train de se passer. Ils ont été écrits il y a seize années, et ils ont décrit la situation mondiale jusqu’à présent. ILS LA DÉCRIVENT ENCORE ACTUELLEMENT.

Des auteurs éminents et de premier plan s’expriment au sujet du pouvoir juif caché

En résultante de la publication de cet ouvrage, Beaty a été totalement diabolisé durant toute la suite de sa carrière, subissant les mêmes dénonciations abruptes que celles que l’on trouve de nos jours dans les pages du livre de Bendersky, paru en 2000. Pourtant, en dehors de cet ouvrage, Beaty était connu comme une personnalité des plus respectables, et comme un universitaire étasunien ayant fait une belle carrière au milieu du XXème siècle. Son nom a depuis lors été totalement oublié.

Mais à la fin 2022, j’ai brièvement discuté un livre intéressant publié des décennies plus tôt par une personnalité universitaire nettement plus en vue.

En contraste marqué, un ouvrage différent, publié il y a tout juste un siècle, pourrait aujourd’hui être considéré comme produit d’une frange conspiratrice, mais on ne l’avait absolument pas considéré ainsi à l’époque, étant donné que l’auteur était largement considéré comme l’un des intellectuels les plus en vue des États-Unis et que l’ouvrage fit l’objet de commentaires favorables dans l’influent Library Digest. David Starr Jordan était le président fondateur de l’université de Stanford, un scientifique en biologie qui publia au moins quatre-vingt-dix ouvrages, la plupart d’entre eux de nature scientifique, mais certains intégrant des travaux de politique publique plus large.

Unseen Empire, qui est paru en 1912, tombe dans cette dernière catégorie, et bien que les États-Unis et les puissances européennes majeures restassent en théorie des pays souverains, leurs lourdes dépenses militaires improductives les avaient peu à peu englués dans les toiles serrées de la dette, ce qui amena la plupart d’entre eux à se faire les vassaux politiques d’un réseau de puissants financiers, l’« empire invisible » qui constitue le titre de ce livre. Aussi, en lieu de place de rois, de parlements ou de kaisers, les véritables dirigeants de l’Europe étaient un jeu de dynasties bancaires interconnectées et mariées entre elles, pour la plupart juives : les Stern et les Cassel en Grande-Bretagne, les Fould et les Pereire en France, les Bleichroder en Allemagne, les Gunzburg en Russie, les Hirsche en Autriche, les Goldschmid au Portugal, les Camondo en Turquie, les Sassoon en Orient, et au-dessus d’eux tous, les Rothschild de Londres et de Paris.

Bien que dans le monde contemporain une telle description puisse paraître insensée ou à tout le moins incendiaire, Jordan la présente factuellement, sans rancœur, et de fait cette affirmation particulière ne constitue même pas le thème principal de son analyse. Le président de l’université de Stanford considérait la guerre moderne comme désastreuse pour une société, mais avançait même que les guerres étaient devenues tellement ruineuses qu’elles ne pouvaient pas durer longtemps. Qui plus est, puisque les véritables propriétaires de l’Europe estimaient qu’elles nuisaient aux affaires, aucune guerre majeure ne pouvait éclater.

De toute évidence, les prédictions produites par Jordan furent démontées quelques années après, mais les événements qui ont suivi ont semblé indiquer que son analyse n’était pas totalement fausse. Par exemple, selon le récit de Stoddard, une grande partie de l’élite juive britannique, disposant souvent de racines allemandes comme les Rothschild, était largement considérée comme faisant partie du camp de la paix, au point qu’en 1916 les publications relevant la ligne dure dénonçaient les financiers germano-juifs comme sapant la fermeté militaire continue de la Grande-Bretagne. De même, Zelikow rapporte que Paul Warburg, le vide-président germano-juif de la réserve fédérale des États-Unis, était un supporter enthousiaste des tentatives menées par Wilson de faire pression sur la Grande-Bretagne pour qu’elle fît la paix, y compris en décourageant les banques étasuniennes, à la fin de l’année 1916, de consentir de nouveaux emprunts demandés par la Grande-Bretagne pour acheter des livraisons. Dans des communications privées, le très pro-britannique dirigeant de l’empire bancaire J.P. Morgan dénonça cette décision, et se prononça pour une attaque publique contre l’influence germano-juive dont il estimait qu’elle se trouvait derrière cette politique de paix. De même, nombre des riches intérêts juifs en Allemagne se trouvaient en général dans le camp de la paix. La principale erreur commise par Jordan fut sans doute de surestimer le pouvoir politique détenu par les intérêts financiers dominants en Europe.

Le livre de Jordan est paru en 1912, plusieurs années après la mise en lumière des Protocoles, mais bien avant la réussite de la Révolution bolchevique qui les porta à l’attention du grand public, si bien qu’il est très peu probable que l’auteur, ou l’un ou l’autre de ses lecteurs, aient jamais entendu parler de ce document controversé. Par conséquent, il est tout à fait intriguant qu’au sommet absolu de la dominance mondiale de l’Europe, un intellectuel public étasunien de premier plan ait publié un livre bien considéré expliquant tranquillement que presque toutes les grandes puissances du continent avaient perdu sans faire de bruit le contrôle de leurs propres destinées politiques au profit d’un « empire invisible » de familles banquières juives étroitement liées entre elles, une perspective tellement semblable à une grande partie de ce qui était explicitement présenté dans les Protocoles, alors que c’est un document à peu près contemporain.

Une décennie après la parution du livre de Jordan, un auteur anglo-français éminent, et intellectuel public conservateur et catholique, publia également un ouvrage qui ne fait aucunement mention des Protocoles, mais décrit des éléments correspondant étroitement à certains de leurs contenus. Les Juifs, petit volume de 1922, signé par Hilaire Belloc, produit des efforts énormes pour traiter avec justice le sujet exposé par son titre, tout en décrivant les relations souvent troubles entre cette petite minorité britannique et l’écrasante majorité chrétiennes peuplant le pays.

Belloc souligne le conflit persistant entre les deux groupes, et discute des moyens possibles de le résoudre. Mais il indique également que durant la récente première guerre mondiale, les élites politiques britanniques avaient subitement découvert avec désarroi que leur propre système financier, ainsi qu’une grande partie de leurs produits de base vitaux à l’échelle mondiale étaient totalement sous le contrôle de monopoles étroitement tenus par des Juifs internationaux, une situation par eux considérée comme inacceptable pour une nation puissante et gouvernant ses propres destinées. En outre, au cours des années récentes, les Juifs s’étaient rendus responsables de certains des pires scandales financiers impliquant les dirigeants les plus éminents du pays, et l’auteur prédit qu’à moins que des améliorations soient réalisées, la combinaison entre ces divers facteurs promettait inévitablement de déboucher sur un soulèvement populaire massif contre la puissance et l’influence juives.

L’édition de 1937 de son livre comprenait un long chapitre introductif décrivant la vague de persécutions anti-juives qui avait commencé en Allemagne nazie, visant à faire quitter le pays aux Juifs. Bien que Belloc condamne fermement ces politiques, il explique qu’elles trouvèrent leur influence dans d’autres pays de toute l’Europe, démontrant l’importance d’une résolution plus décente du problème juif qui suppurait.

Il souligne également que bien que tous les Juifs ne soient pas communistes, le dangereux mouvement communiste était dirigé presque partout par des Juifs, expliquant pourquoi la phrase « Communisme juif » apparaissait aussi souvent dans les conversations ordinaires, mais très rarement dans les médias dominés par les Juifs. La guerre civile espagnole qui faisait rage représentait un champ de bataille clé contre le communisme, et Belloc documente lourdement l’idée que les faits véritables de ce conflit étaient totalement différents de ceux qui étaient rapportés par les médias, de même, pour des raisons ethniques très semblables, que les circonstances de la révolte arabe en Palestine contre la colonisation sioniste croissante n’étaient pas non plus présentées de manière honnête.

Belloc a produit plus de 150 ouvrages, et il a figuré, avec H.G. Wells, George Bernard Shaw, et G.K. Chesterton, parmi les quatre grands personnages des lettres edwardiennes. Pourtant, en tant que non spécialiste, je n’étais qu’à peine conscient de son œuvre, et supposais vaguement qu’il avait constitué un auteur antisémite marginal. Je soupçonne fortement que les accusations qui ont pesé sur lui en permanence après la parution de ce petit ouvrage ont été responsables de sa disparition médiatique récente, dans la poursuite d’un schéma que j’ai remarqué de manière répétée avec les autres écrivains et penseurs qui ont traité des sujets très sensibles. De fait, bien que Belloc ait toujours très fermement condamné Hitler et ses politiques, je pense que la plupart des Étasuniens actuels n’ont jamais rencontré son nom que comme un homonyme du grand méchant nazi apparaissant dans le film à succès de Steven Spielberg de 1981 : les Aventuriers de l’arche perdue.

On peut trouver un autre parallèle remarquable avec les affirmations produites dans les Protocoles dans un livre différent, paru presque soixante-dix années plus tard.

Le XIXème siècle a marqué l’apogée britannique, au cours duquel le pays s’est démarqué comme étant la plus grande puissance mondiale, en possession d’un empire ceinturant le monde, sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Et l’un des premiers ministres les plus importants de cette ère fut Benjamin Disraeli, un Juif de naissance, qui prit le contrôle du canal de Suez, couronna la Reine Victoria comme Impératrice de l’Inde, et obtint une grande réussite lors de la conférence de Berlin, tout en créant également le parti conservateur moderne. L’un des alliés et amis proches de Disraeli était Lord Nathan Rothschild, le rejeton juif de l’une des dynasties bancaires les plus riches au monde, dont le père, Lionel de Rothschild, avait pavé la voie au parlement pour Disraeli en faisant adopter la loi permettant à des non-chrétiens de prêter serment.

La combinaison de tous ces facteurs classerait sans doute Disraeli comme le Juif ethnique le plus puissant et influent politiquement de toute l’histoire humaine, à cette date en tous cas, aucun rival ne me venant à l’esprit. Par conséquent, je pense qu’il convient de prendre au sérieux ses déclarations et opinions sur les sujets juifs.

Au début de sa carrière, Disraeli avait été écrivain, et l’un de ses ouvrages les plus célèbres fut Coningsby, un roman politique publié en 1844, quelques années après que l’auteur entrât pour la première fois au parlement. Comme le souligne l’un des chapitres de l’ouvrage de Ford, l’un des personnages centraux dépeints par Disraeli est Sidonie, une Juive extrêmement riche et branchée, dont le modèle a largement été considéré comme Lord Lionel de Rothschild. Et dans divers passages, Sidonie révèle qu’un réseau secret de Juifs internationaux influence ou domine l’ensemble des gouvernements majeurs de l’Europe :

Je résolus de me rendre en personne à Saint Petersbourg. J’eus à mon arrivée une discussion avec le ministre russe des finances, le comte Cancrin ; je posai les yeux sur le fils d’un Juif lituanien… J’eus dès mon arrivée une audience avec le représentant espagnol, Senor Mendizabel ; je contemplai un de mes semblables, le fils d’un Nuevo Christiano, un Juif d’Aragon… En conséquence de ce qui transpirait à Madrid, je me rendis directement à Paris pour consulter le président du conseil français ; je contemplai le fils d’un Juif français, un héros, un maréchal impérial… Nous nous concentrâmes sur la Prusse ; et le président du conseil produisit une candidature pour le représentant de Prusse, qui se présenta quelques jours après notre conférence. Le comte Arnim entra au cabinet, et je contemplai un Juif prussien… Ainsi, voyez-vous, mon cher Coningsby, le monde est gouverné par des personnages très différents de ce qu’imaginent ceux qui ne sont pas dans les coulisses…

On n’observe jamais un grand mouvement intellectuel en Europe au sein duquel ne participeraient pas massivement les Juifs. Les premiers Jésuites étaient des Juifs. Cette diplomatie russe mystérieuse qui alarme tant l’Europe occidentale est organisée et principalement menée par des Juifs. Cette puissante révolution qui se prépare actuellement en Allemagne, et qui sera, dans les faits, une seconde Réforme plus grande encore, et dont on sait si peu de choses encore en Angleterre, se développe entièrement sous les auspices de Juifs.

Ainsi, que les Protocoles aient été fondés sur une réalité ou aient été purement inventés, des éléments importants de leur contenu résonnent dans ce que les plus puissants Juifs d’Europe purent révéler ou inventer une ou deux générations plus tôt dans son célèbre roman.

L’analyse conspirationniste de Douglas Reed

La page Wikipédia consacrée aux Protocoles des Sages de Sion comprend 10000 mots, et comprend une multitude de références et de notes, et comme d’habitude, elle constitue la vision extrêmement propre à l’establishment sur ce sujet controversé. Les quelques premières phrases sont toujours saupoudrées de fortes dénonciations, décrivant les Protocoles comme « une fabrication, un plagiat, une fraude », tout en soulignant que leur lecture figurait au programme de certaines écoles en Allemagne nazie. L’introduction explique que le document « a joué un rôle clé dans la popularisation de l’idée d’une conspiration juive internationale » et se termine en citant un universitaire le décrivant comme « sans doute l’ouvrage d’antisémitisme le plus influent jamais écrit. »

La vaste majorité des Occidentaux dominants contemporains entretiennent sans doute exactement cette vision au sujet des Protocoles, une vision totalement différente des conclusions de l’auteur chinois curieux qui a enquêté sur ce que ce document affirme. Et malgré sa taille plus que conséquente, l’article Wikipédia ne fait absolument aucune mention des opinions de nos professionnels des Renseignements Militaires, ni de la ressemblance entre les Protocoles et le contenu des livres de Beaty, Jordan, Belloc ou Disraeli. Je considère ces derniers ouvrages comme suffisamment importants et crédibles pour justifier l’intérêt d’explorer les Protocoles dans les moindres détails. Par conséquent, je me suis concentré sur l’analyse produite par d’autres auteurs moins connus, dont les écrits conspirationnistes ont pris le document très au sérieux.

Prenons le cas de Douglas Reed, un journaliste dont le nom est aujourd’hui presque totalement tombé dans l’oubli. Durant la plus grande partie des années 1930 et 1940, Reed a d’abord tenu lieu de correspondant en Europe de premier plan pour le très influent Times of London, puis a été un auteur à gros succès, avec de nombreux best-sellers internationaux à son crédit, des ouvrages décrivant la politique contemporaine de l’Europe. Comme il fut l’un des premiers et des plus acérés critiques envers Hitler, sa carrière a prospéré, mais après la seconde guerre mondiale, il est également devenu très critique envers l’activisme juif et le sionisme, et a perdu par conséquent son emprise sur les publications de premier plan.

Reed a alors passé plusieurs années, au début des années 1950, à réaliser des recherches et à écrire son magnum opus, un ouvrage complet et très conspirationniste paru sous le titre La Controverse de Sion. Cet ouvrage s’étale sur presque 300 000 mots et l’on a trouvé son manuscrit non publié dans les effets personnels de Reed après sa mort, en 1976. Publié quelques années plus tard, l’ouvrage est ensuite devenu très influent dans les cercles anti-juifs et anti-sionistes.

La Controverse de Sion
Douglas Reed • 1978 • 286,000 mots

Son long ouvrage analyse en profondeur les Protocoles, et il consacre tout un chapitre long de 7400 mots à leur contenu et à leur provenance incertaine, apportant sans doute le meilleur et le plus équitable traitement à ce sujet parmi tous les auteurs qui les ont pris au sérieux. Bien qu’il considère les Protocoles comme un description authentique et extrêmement importante des forces sombres et conspiratrices promulguant la révolution mondiale, et que les attaques véhémentes contre le document soient totalement infondées, il n’entretenait aucune certitude au sujet des origines véritables de ce document :

Leur attribution à des « Sages » juifs n’est pas étayée et devrait être rejetée, sans préjugé vis-à-vis d’autres éléments de preuve au sujet de la direction juive de la révolution mondiale en tant que telle. L’attaque juive contre ce document avait pour but, non pas de disculper la communauté juive, mais de mettre fin à la publication du plaidoyer selon lequel il « agitait l’esprit public sans occasion ni justification. » Les arguments avancés étaient bancals ; ils affirmaient que les Protocoles ressemblaient fortement à des publications antérieures et constituaient par conséquent des « plagiats » ou des « faux documents », alors que ce que cela démontrait réellement était une évidence : que les Protocoles s’inscrivaient dans la littérature continue de la conspiration. Ils pourraient tout aussi bien constituer le produit de non-Juifs ou de révolutionnaires anti-juifs ; cela ne présente qu’une importance secondaire.

Chose ironique, Reed note qu’une publication parue en 1913 avait accusé les Jésuites d’un complot relativement semblable, mais qu’après que l’organisation catholique avait émis un simple déni, le sujet avait rapidement été oublié. En contraste flagrant, la furie sans précédent de la réaction juive aux Protocoles semblait avoir pour but non seulement de réfuter leur propre rôle au sein d’une telle conspiration, mais même l’existence possible de tout complot, une position considérée par Reed comme ridicule sur la base d’autres éléments.

Et Reed poursuit son récit : les Protocoles ont attiré pour la première fois l’attention en 1920, lorsque le document fut traduit en anglais par un éminent correspondant de la Grande-Bretagne en Russie, qui mourut peu de temps après. Son employeur, le Morning Post, figurait parmi les plus anciens et les plus sobres des journaux britanniques, et son éditeur demanda à l’ensemble de son personnel de publier vingt-trois articles sur le sujet, appelant à une enquête minutieuse. Le Times of London se positionnait à l’époque comme l’organe médiatique le plus influent du monde, et adopta une position semblable dans un long article paru le 8 mai 1920, cependant que Lord Sydenham, une autorité de premier plan de l’époque, en fit autant dans les pages du Spectator. Le journal de Henry Ford publia bientôt une longue suite d’articles étasuniens discutant et faisant la publicité des Protocoles, finissant par vendre un million et demi d’exemplaires au total.

Les groupes juifs organisés réagirent avec une furie massive et prolongée à toutes ces publications, un barrage de critiques qui porta bientôt un coup d’arrêt permanent à toute discussion publique impartiale sur les questions juives. Dans les années qui ont suivi, ces attaques avaient contraint la vente du Morning Post et finalement son dépôt de bilan. Soumis à une pression considérable, le Times changea rapidement d’avis et déclara que le document constituait un faux et un plagiat, et dans les deux années qui suivirent, le propriétaire du Times fut déclaré fou par un docteur dont on ne connaît pas le nom, à l’étranger, et on lui retira par la force le contrôle de ses publications. Il mourut ensuite dans des circonstances plus que douteuses.

Reed consacre tout un chapitre de 5900 mots à ce dernier incident, et affirme disposer d’informations personnelles au sujet de l’étrange histoire qu’il révèle pour la première fois.

Alfred Harmsworth Lord Northcliffe avait fondé le journalisme populaire, et s’était établi comme le baron médiatique le plus puissant de Grande-Bretagne. Il possédait le Daily Mail, le Daily Mirror et de nombreuses autres publications, et acquit en 1908 le Times of London ainsi que le Sunday Times. À l’époque, Northcliffe était un Rupert Murdoch ou un William Randolph britannique, et disposait sans doute d’une position nettement plus dominante encore que ces personnalités. Pour exemple de cette influence, le fier engagement de Northcliffe pour une victoire britannique incontestée dans la première guerre mondiale l’amena apparemment à jouer un rôle central pour mettre fin aux tentatives menées en 1916 de conclure des négociations de paix, en faisant chuter le premier ministre qui avait poursuivi cette politique.

Reed commença sa carrière journalistique comme jeune assistant auprès de Northcliffe, et il a expliqué la manière dont celui-ci a renversé sa position sur le sionisme en 1922, après avoir visité la Palestine et découvert que la vaste population palestinienne était menacée par l’invasion juive. Pourtant, lorsque l’impérieux Northcliffe orienta le Times dans la direction d’une publication de cette nouvelle position, sa demande fut rejetée, ce qui l’amena à exiger la démission de l’éditeur en chef. Mais au lieu de cela, Northcliffe fut bientôt déclaré fou, et après s’être plaint d’avoir été empoisonné, il mourut subitement à l’âge de 57 ans. Reed n’a révélé ces événements étranges que dans son livre paru des décennies plus tard, affirmant que le soutien de Northcliffe envers les Protocoles et sa nouvelle opposition au sionisme avaient sans doute scellé son destin.

La description produite par Reed de la fin étrange de Northcliffe m’a fortement surpris. Le récit apparaît dans un manuscrit qui n’est paru qu’après la mort de son auteur, plus de 55 ans après les faits qu’il relate, si bien que je n’était pas certain de pouvoir prendre au sérieux le récit de Reed en lisant son livre. Mais en 2023, j’ai découvert qu’un long article de 1922, paru dans un journal canadien, avait pleinement confirmé le renversement complet de la position de Northcliffe sur le sionisme, et sa promesse de lancer une campagne médiatique en Grande-Bretagne pour s’opposer à la poursuite de cette politique en Palestine, la déclaration publique de Northcliffe ayant rapidement été suivie par la déclaration officielle de sa folie, sa mise à l’isolement, et sa mort précoce. En outre, le magistral ouvrage de Ronen Bergman paru en 2018, Rise and Kill First, un long volume sur l’histoire du sionisme et des assassinats israéliens, s’ouvre sur le début des années 1920 avec des affaires d’assassinats visant à protéger le projet sioniste et à empêcher tout relâchement du soutien britannique envers ce projet. Ainsi, la combinaison de tous ces éléments extérieurs, m’a amené à accepter dans son ensemble le récit remarquable produit par Reed.

L’ouvrage posthume de Reed sur les Juifs et le sionisme est dépourvu de notes et de références. Pour cette raison, et du fait de son contenu extrêmement conspirationniste, je ne considère pas l’ouvrage comme très fiable. Cependant, sur les multitudes de points de divergences qu’il présente vis-à-vis du récit officiel des événements historiques, j’estime que Reed avait sans doute raison à 70 à 80%, et bien que ses affirmations soient à traiter avec une grande prudence, il faut également les prendre très au sérieux.

Nesta Webster et d’Autres Auteurs Conspirationnistes

Reed explique comment les Protocoles furent traduits et portés à l’attention du public en 1920 par le correspondant en Russie du Morning Post. L’équipe de ce journal fit par la suite paraître plus de vingt articles, pour la plupart anonymes, décrivant et analysant le projet supposément en cours d’une domination juive sur le monde, révélée par le document. Plus tard, la même année, la plupart de ces articles furent assemblées dans The Cause of World Unrest, un ouvrage publié en Grande-Bretagne et aux États-Unis, comprenant une longue introduction écrite par l’éditeur en chef du Morning Post, et dont on trouve facilement de nos jours le contenu en ligne.

Ces articles citent de manière répétée les travaux de Nesta Webster, une auteure britannique qui avait fait paraître l’année précédente une longue analyse historique de la révolution française, et deux de ses contributions personnelles à la suite du Morning Post sur les Protocoles étaient également intégrées à la fin de l’ouvrage. Il est possible qu’elle ait contribué nettement plus que cela à l’ensemble de la suite anonyme.

L’année suivante, Webster a publié World Revolution, son ouvrage nettement plus long traitant de sujets très liés, décrivant l’apparition et la croissance de mouvements secrets et conspirateurs visant à renverser l’ensemble des monarchies chrétiennes établies en Europe et à les remplacer par des gouvernements socialistes radicaux. L’auteur renvoie tout ceci au mouvement Illuminati d’Adam Weishaupt au XVIIIème siècle, affirmant que ce projet avait peu à peu subverti les loges maçonniques en France et dans l’ensemble de l’Europe continentale, puis avait utilisé la Franc-maçonnerie comme véhicule pour ses complots révolutionnaires dangereux.

Webster affirme que les Juifs n’ont constitué qu’un élément insignifiant au départ de ce mouvement conspirateur, mais qu’au milieu du XIXème siècle, ils avaient déployé leur énorme richesse pour s’emparer d’une influence énorme au sein de ce projet, devenant sans doute sa principale force. Elle consacre la plus grande partie de son dernier chapitre aux Protocoles, et considère son contenu comme un excellent résumé des projets secrets derrière ces mouvements subversifs, que le document fût ou ne fût pas ce qu’il affirmait constituer.

Sur la base de mes propres lectures historiques en provenance de l’establishment, j’avais toujours considéré le sujet des complots révolutionnaires secrets ourdis par les Illuminati, les Francs-maçons ou par d’autres groupes semblables comme la quintessence de la folie émanant de cinglés, et je n’avais jamais entendu parler de Webster, qui avait été la principale auteure sur ce type de sujet. Mais j’ai découvert que certains contemporains éminents de Webster avaient été très impressionnés par son érudition et étaient parvenus à des conclusions plus ou moins semblables.

Par exemple, à peu près au moment où le Morning Post lançait sa longue suite d’articles au sujet des Protocoles, Winston Churchill, ministre membre du Cabinet, publiait un article majeur dans l’Illustrated Sunday Herald, y adoptant des positions relativement semblables au sujet des dangereux complots ourdis par des Juifs internationaux subversifs, tout en faisant les éloges du travail de recherche stupéfiant produit par Webster :

Il y a des gens qui apprécient les Juifs, et d’autres qui ne les apprécient pas ; mais aucun homme sensé ne peut douter de la théorie selon laquelle ils constituent indubitablement la race la plus formidable et la plus remarquable jamais apparue dans le monde…

Et il se pourrait bien que cette même race stupéfiante soit actuellement en train de produire un autre système de morale et de philosophie, aussi malveillant que le Christianisme fut bienveillant, et qui, si on ne l’arrête pas, provoquera l’effondrement irrémédiable de tout ce que le Christianisme a rendu possible…

Pour commencer, il y a les Juifs qui, habitant dans tous les pays du monde, s’identifient à ce pays, pénètrent sa vie nationale, et tout en adhérant loyalement à leur propre religion, se considèrent comme des citoyens au sens le plus entier de l’État qui les a accueillis…

En opposition violente à toute cette sphère d’efforts juifs s’élèvent les desseins des Juifs internationaux… Ce mouvement n’est pas nouveau parmi les Juifs. Depuis les jours de Sparacus-Weishaupt, jusqu’à ceux de Karl Marx et de Trotsky (en Russie), de Bela Kun (en Hongrie), de Rosa Luxembourg (en Allemagne) et d’Emma Goldman (aux États-Unis), cette conspiration de taille mondiale pour le renversement de la civilisation et la reconstitution de la société sur la base d’un développement arrêté, d’une malveillance envieuse, et d’une égalité impossible, a connu une croissance continue. Comme Mme Webster, l’auteure moderne, l’a fort bien démontré, elle a joué un rôle tout à fait discernable dans la tragédie de la Révolution française. Elle a constitué la raison d’être de chaque mouvement subversif durant le XIXème siècle ; et désormais, cette bande de personnalités extraordinaires en provenance des souterrains des grandes villes d’Europe et des États-Unis s’est saisie du peuple russe par les cheveux et est devenue en pratique maîtresse incontestée de cet énorme empire.

Les Juifs terroristes

Il n’est pas nécessaire d’exagérer le rôle joué dans la création du Bolchevisme et dans sa mise en application concrète de la Révolution russe par ces Juifs internationaux et pour la plupart athées. Il est incontestablement très important ; il dépasse sans doute tous les autres. À l’exception notable de Lénine, la majorité des personnalités de premier plan sont juives. Qui plus est, l’inspiration principale et la puissance du mouvement provient des dirigeants juifs. Ainsi, Tchitcherin, un pur Russe, est éclipsé par son subordonné insignifiant Litvinoff, et l’influence de Russes comme Bukharin ou Lunacharski n’est pas comparable avec la puissance de Trotsky, ou de Zinovieff, le dictateur de la Citadelle Rouge (Pétrograd), ou celle de Krassin ou de Radek — tous Juifs. Au sein des institutions soviétiques, la prédominance des Juifs est encore plus stupéfiante. Et la partie dominante, voire principale, du système de terrorisme appliqué par les Commissions Extraordinaires visant à combattre la Contre-Révolution a été prise par des Juifs, et dans certains cas notables par des Juives. Cette même prédominance maligne a été accaparée par des Juifs durant la brève période de terreur au cours de laquelle Bela Kun a dirigé la Hongrie. Le même phénomène s’est produit en Allemagne (surtout en Bavière), aussi loin que l’on a permis à cette folie de prendre pour proie la prostration temporaire du peuple allemand. Bien que dans tous ces pays on trouve de nombreux non-Juifs aussi méchants que les pires des Juifs révolutionnaires, le rôle joué par ces derniers en proportion de leur nombre au sein de la population est stupéfiant…

Le fait qu’en de nombreuses instances, les intérêts juifs et les lieux de culte juifs soient exclus du champ de l’hostilité universelle des Bolcheviques a eu pour tendance à associer de plus en plus en Russie la race juive avec les vilenies qui y sont actuellement perpétrées…

Il est particulièrement important, au vu de ces circonstances, que les Juifs nationaux de tous les pays, qui sont fidèles à leur terre d’adoption, fassent un pas en avant à toute occasion, comme nombre d’entre eux en Angleterre l’ont déjà fait, et prennent un rôle prédominant dans chaque mesure visant à combattre la conspiration bolchevique.

  • Sionisme Contre Bolchevisme
    Un combat pour l’âme du peuple juif
    Winston Churchill • Illustrated (London) Sunday Herald • 8 février 1920 • 2,100 mots

De fait, un siècle après sa parution, cet article incendiaire écrit en 1920 par Churchill a provoqué une furieuse dispute pour déterminer si le futur premier ministre britannique avait ou non soutenu les Protocoles. Bien que ce document ne soit d’évidence pas mentionné dans son texte, je pense que nombreux des sentiments qu’il exprime sont d’une nature très semblable.

Le focus complet réalisé par Webster sur l’histoire des mouvements conspirateurs secrets, culminant dans celui établi dans les Protocoles, semble avoir constitué une source centrale d’information pour de nombreux autres auteurs, dont Reed et Churchill. J’ai donc essayé d’évaluer sa crédibilité en examinant certains de ses autres livres sur des sujets semblables.

L’année ayant précédé son ouvrage sur les Protocoles, elle avait publié La Révolution française, un long volume de 1919, remettant en cause vertement le récit traditionnel de cet événement renversant. Les historiens avaient typiquement décrit les révolutionnaires comme inspirés par des notions croissantes de liberté, culminant dans un soulèvement semi-spontané contre un régime absolu sclérosé.

Mais Webster, au lieu de cela, affirme que le soulèvement révolutionnaire avait en fait découlé de plusieurs projets conspirateurs se recouvrant les uns les autres, parmi lesquels les tentatives du très riche et très puissant Louis Philippe, Duc d’Orléans, en vue de prendre la place de son cousin Louis XVI sur le trône de France. Cela avait fusionné avec les tentatives anti-monarchiques des Illmunati et des Francs-maçons, dont les organisations s’étaient rendues responsables de la création du réseau de Clubs Jacobins révolutionnaires si souvent soulignés dans les manuels d’histoire. Bien que je n’aie pas encore terminé la lecture de ce long ouvrage et que je ne sois pas spécialiste de la période, son analyse historique m’est apparue solidement fondée sur les sources les plus fiables de l’époque.

Un autre ouvrage de Webster que j’ai pour projet de lire, mais que je n’ai jusqu’ici qu’effleuré, est Sociétés Secrètes et Mouvements Subversifs, paru en 1924. Cet ouvrage résume apparemment ses recherches accumulées sur ces sujets controversés, et comprend une Annexe qui réfute vertement les allégations de plagiat au sujet des Protocoles, qui était apparues dans les médias durant les quelques années précédentes.

Selon la page Wikipédia qui lui est consacrée, cette année là, Hilaire Belloc avait commencé à la dénoncer en privé comme « antisémite » et à qualifier son travail de « lunatique », et elle a fini par devenir un soutien actif de l’Union des Fascistes britannique de Sir Oswald Mosley.

En 1931, Waters Flowing Eastward fut publié par L. Fry, le nom de plume de Paquita “Mady” de Shishmareff, la veuve née à San Francisco d’un officier tsariste russe tué par les Bolcheviques, et le révérend Denis Fahey a produit une édition revue et corrigée dans les années 1950.

Son travail était très lourdement centré sur les Juifs, le sionisme, et les Protocoles, et l’auteur affirmait avoir été l’une des premières sources principales pour la suite de Ford Le Juif International. Elle apportait également les origines supposées des Protocoles, dont elle affirmait qu’ils avaient été écrits par un Sioniste éminent de la première heure, puis obtenus par un Russe en 1884 auprès d’une loge maçonnique parisienne. Pourtant, l’éditeur a transmis une histoire totalement différente sur ces origines, affirmant que le document avait circulé au premier Congrès sioniste de 1897 à Basel, en Suisse, et qu’une copie en avait été obtenue subrepticement.

Nonobstant la fiabilité du moindre de ces éléments contradictoires, certaines personnes ont décrit cette brève collection de documents et d’essais comme l’un des meilleurs et des plus complets travaux sur les Protocoles, si bien que cela semble absolument mériter un examen.

Dans le même temps, The World Conquerors était publié en 1958 par Louis Marshalko, dont la quatrième de couverture décrivait le fier auteur anti-communiste comme ancien correspondant spécial pour deux journaux hongrois de premier plan, et romancier, dramaturge et poète, avec des centaines d’articles à son crédit.

Outre accepter la réalité des Protocoles et se montrer extrêmement hostile envers les Juifs et le sionisme, Marshalko apporte un récit des événements de la seconde guerre mondiale en très forte divergence par rapport au récit conventionnel. Il affirme que les Juifs organisés furent à la fois les instigateurs et les vainqueurs ultimes de cet énorme conflit mondial, dont les véritables détails et les véritables conséquences sont totalement différents de ce que croient la plupart des Étasuniens.

Ce livre, sans doute publié en des circonstances difficiles, semble totalement criblé d’erreurs patentes, si bien qu’on ne peut réellement compter sur quasiment rien de ce qu’il expose. Cependant, après avoir comparé la version des événements historiques produite par Marshalko à la version contraire enseignée au lycée et à l’université, il m’a fallu reconnaître que ce récit — en dépit des nombreuses erreurs qu’il porte — est sans doute proche de la réalité à environ 50 à 60 %, un verdict très triste pour ce qui concerne l’état de nos livres d’histoire standards.

Examen des Protocoles

À l’issue d’une lecture attentive de l’ensemble des ces éléments, mon ancienne perspective sur la nature des Protocoles n’aura guère changé. Je reste extrêmement sceptique sur l’idée que le document puisse être ce qu’il prétend, à savoir le résumé de diverses présentations produites par les dirigeants d’une organisation conspiratrice de Juifs d’élite décrivant leur projet de prise de contrôle de la plupart des pays européens, et en fin de compte du monde entier.

D’un autre côté, je continue de considérer les Protocoles comme une description raisonnablement juste des stratégies et tactiques employées par divers mouvements conspirateurs, souvent fortement juifs, dans le but d’acquérir le pouvoir politique.

Cependant, une autre pensée intéressante m’est venue à l’esprit. Chacun s’accorde à l’idée que bien que les Protocoles aient au départ été divulgués il y a de nombreuses années, le document n’aura commencé à attirer l’attention du grand public qu’au lendemain de la réussite de la Révolution bolchevique, bientôt suivie par des soulèvements et prises de pouvoir tenus en échec en Allemagne, en Hongrie et dans divers autres pays. Sans la Révolution bolchevique, les Protocoles seraient restés totalement obscurs et oubliés.

Aux yeux des Européens et des Étasuniens de l’époque, la correspondance entre le plan d’action secret et le résultat publiquement connu a dû apparaître comme totalement mystérieuse. Les Protocoles décrivaient les moyens suivant lesquels une organisation conspiratrice dirigée par des Juifs comptait renverser les monarchies chrétiennes et s’emparer du pouvoir, peut-être au lendemain d’une plus grande guerre et d’un bouleversement social, et c’est exactement ce qu’avaient fait les Bolcheviques conspirateurs, dirigés par des Juifs, en 1917. Selon les Protocoles, le Christianisme allait être supprimé, et à l’issue d’une brève période de transition empreinte de bouleversements politiques, un nouveau régime dictatorial très sévère allait être imposé, avec des Juifs à sa tête, et c’est ce qui avait fini par se produire en Russie bolchevique. Bien que supposément radicaux, les conspirateurs juifs décrits dans les Protocoles se verraient secrètement assistés par de riches banquiers juifs, et Jacob Schiff, Olaf Aschberg et d’autres personnalités avaient joué précisément ce rôle nécessaire aux Bolcheviques.

Ainsi, les événements politiques russes totalement inattendus de 1917 et de la suite semblaient avoir été entièrement prédits dans un document publié en Russie dix ou douze années plus tôt, ce qui amena naturellement à répandre largement l’idée parmi de nombreuses personnes sincères que les Protocoles devaient être authentiques. Ce verdict a été encore renforcé lorsque les Bolcheviques victorieux ont déclaré que le simple fait d’être en possession des Protocoles constituait un crime capital.

Mais considérée avec des années ou des décennies de recul, et même désormais plus d’un siècle, cette conclusion apparaît comme totalement incertaine.

Pour autant que je puisse en juger, il n’a existé aucune connexion d’aucune sorte entre les Bolcheviques et les Protocoles, ni la moindre indication que Lénine ou tout autre dirigeant bolchevique ait jamais entendu parler du document jusqu’à ce qu’il commence à attirer l’attention en Grande-Bretagne, des années après que leur propre révolution fut couronnée de succès. Les similitudes entre le projet bolchevique et le document qui circulait déjà une ou deux décennies plus tôt étaient soit de pures coïncidences, soit le résultat de la nature générale des organisations conspiratrices et subversives, ou encore de l’activisme politique juif.

Bien qu’ils ne l’aient pas exprimé en ces termes, cette conclusion semble avoir été partagée par les premiers champions des Protocoles, comme les officiers des Renseignements Militaires étasuniens et Henry Ford. Il s’agit sans doute d’une raison importante pour laquelle tout discussion sérieuse au sujet de ce document s’est rapidement étiolée parmi les personnes sensées, même parmi celles qui dirigeaient l’extrême droite ou qui se montraient fortement anti-juives ou ouvertes aux idées de conspirations. Par exemple, Wilmot Robertson, dans son ouvrage fondateur de 1972 La Majorité Dépossédée, ne fait que deux références brèves et plutôt désobligeantes aux Protocoles dans deux ou trois notes de pied de page. De même, l’ouvrage Le Déclin étasunien, paru en 1981 sous la plume du professeur Revilo Oliver, tourne en ridicule les Protocoles, les considérant comme une évidente fabrication.

Dans le même temps, après avoir été purgés de ses éléments juifs, le récit central des Protocoles — une organisation internationale sinistre et secrète visant à la conquête du monde — s’est transformé en élément de base pour des scripts hollywoodiens, quasiment omniprésent dans les films et les émissions télévisuelles que j’ai pu voir depuis mon enfance. James Bond affrontait régulièrement le SPECTRE, Des agents très spéciaux met en scène une confrontation contre THRUSH chaque semaine, et Maxwell Smart, [Max la Menace, NdT] l’agent 86 travaillant pour CONTROL, déjouait à chaque fois les desseins diaboliques de l’organisation KAOS. Ainsi, ce qui commença comme une fiction a fini par revenir à la même catégorie d’écriture.

Cependant, il existe des personnes intelligentes qui continuent à prendre très au sérieux ce document composé de vingt-quatre parties.

Pour une analyse très intéressante et nettement plus conspirationniste, traitant largement les Protocoles comme fondamentalement authentiques, je recommande une discussion d’une heure produite par le Dr. Nicholas Kollerstrom, filmée en 2017, et disponible sur BitChute. Kollerstrom était un historien des sciences bien en vue, qui s’est fait purger de l’Université de Londres presque une décennie plus tôt pour avoir enquêté sur des aspects de l’Holocauste, et qui a par la suite publié un excellent livre sur ce sujet, sous le titre Breaking the Spell.

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Le chercheur commence par souligner qu’au lendemain de la Révolution bolchevique très juive de 1917, les Protocoles ont gagné une énorme popularité dans toute l’Europe et le reste du monde, et affirme que seule la Bible a été plus diffusée et lue que ce document à l’époque.

J’entretiens personnellement des doutes vis-à-vis de nombreuses idées énoncées par Kollerstrom, mais certains des points qu’il énonce apparaissent comme extrêmement pertinents. À en croire le récit conventionnel, les Protocoles ont été concoctés comme ouvrage de propagande antisémite au tout début du XXème siècle, alors qu’ils ne font strictement aucune mention du sionisme, ce qui semble constituer une omission stupéfiante au vu de la nature controversée de ce mouvement de haut niveau. Kollerstrom énonce donc la thèse plausible selon laquelle le document a du être écrit avant le lancement par Theodore Herzl de ce mouvement, dans les années 1890, même si des éléments très mineurs comme la mention « darwinisme, marxisme, nietzschéisme » ont pu être ajoutés par la suite. Il note également qu’un témoignage sous serment avait établi que l’exemplaire original des Protocoles était en langue française avant d’avoir été traduit en russe et distribué dans ce pays.

Comme le démontre la page Wikipédia qui leur est consacrée, les Protocoles partagent indéniablement un grand nombre de passages avec un livre obscur publié en 1864 par Maurice Joly, un Juif français dont l’ouvrage satirique critiquait vertement Napoléon 3, et qui fut par conséquent rapidement supprimé par le gouvernement napoléonien. Selon le récit officiel, une police secrète tsariste ou un quelconque autre groupe antisémite aurait produit les Protocoles en plagiant le livre de Joly.

Mais Kollerstrom considère cette idée comme très peu plausible, ce livre n’ayant rien à voir avec les Juifs ou l’antisémitisme, et au vu du fait qu’en obtenir un exemplaire des décennies plus tard, lorsque les Protocoles furent supposément produits, aurait constitué une tâche extrêmement difficile. Joly avait été membre de diverses loges maçonniques à Paris, si bien que Kollerstrom affirme avec conviction qu’il est nettement plus probable que son propre livre ait emprunté des éléments aux Protocoles, un document qui devait donc être d’ores et déjà disponible dans les cercles politiques qu’il fréquentait.

Kollerstrom suggère que les Protocoles, constituant un projet aussi brutalement logique et éclatant de stratégie politique juive, impliquant de nombreux éléments financiers, a sans doute été écrit par un membre de la puissante famille Rothschild, puis a été divulgué par une suite de conférences devant des membres de ses disciples maçonniques ou juifs, peut-être dès les années 1830 ou 1840. Mais tout cela me semble extrêmement spéculatif. Reste que je pense que Kollerstrom établit bel et bien que le document original a été produit en France, des décennies avant qu’un exemplaire en parvienne en Russie, et qu’il finisse par être porté à l’attention du public.

Les Protocoles contiennent des éléments peu plausibles, et les auteurs qui ont promu ce document au fil des décennies ont parfois proposé des notions encore plus excentriques. Mais je pense qu’aucune de ces inventions n’a jamais atteint certains des développements qui se sont véritablement passé dans la vie politique étasunienne récente.

Ces sombres auteurs conspirationnistes, dont la plume prodiguait des avertissements sur d’infâmes complots juifs, auraient-ils osé prédire que l’ensemble des membres d’une session conjointe du Congrès étasunien finiraient par accorder cinquante-huit standing ovations à Benjamin Netanyahou, le premier ministre israélien ? Ou qu’une acclamation aussi inédite a été donnée peu de temps après une suite de verdicts de la Cour Internationale de Justice, prononcés à la quasi-unanimité, déclarant que lui et l’ensemble de son gouvernement se rendaient plausiblement coupables de génocide ?

Le week-end dernier, TikTok est tombé, l’une de nos plateformes de réseaux sociaux les plus populaires s’est faite bannir, en dépit des 170 millions d’Étasuniens qui en font usage. Des déclarations publiques honnêtes, prodiguées par des personnalités politiques de premier plan, ont confirmé que la raison la plus probable de cette purge était la volonté de TikTok de permettre une discussion non censurée du conflit entre Israël et Gaza, ce qui a débouché sur le résultat extrêmement déséquilibré que le lobby israélien en était arrivé à considérer l’application comme une menace énorme, quasiment existentielle, vis-à-vis de son pouvoir.

Ici, un document historique incroyable : Blinken affirme que le système de relations publiques israélien est en train d’échouer, parce que les réseaux sociaux permettent aux gens de voir directement ce qui est en train de se produire. Il n’est plus possible de modeler ce récit, et les faits présentent une résonance émotionnelle. Romney affirme que oui, c’est pour cette raison que nous avons banni TikTok https://t.co/NeykVeZVRd

— Ryan Grim (@ryangrim) le 5 mai 2024

Les raisons pour lesquelles #AIPAC détestent tellement TikTok :
« Je suis aux côtés d’Israël » : 2 millions de vues
« Libérez la Palestine, Libérez Gaza » etc : 150 millions !
2 millions contre 150 millions pic.twitter.com/kaOAXBw02F
— S.L. Kanthan (@Kanthan2030) le 14 mars 2024

Pourtant, il se peut que cette décision de censure politique patentée ait produit de sérieux retours de flamme. De nombreux anciens utilisateurs de TikTok ont commencé à migrer vers Rednote, un autre réseau social chinois populaire, qui est également exempt de la lourde censure politique étasunienne.

Mais comme cette dernière plateforme est également disponible en Chine, de nombreux Étasuniens qui l’utilisent actuellement ont commencé à interagir avec des Chinois de la rue pour la première fois, et découvrent que ce qu’on leur a raconté au sujet des deux sociétés est très différent de la réalité, un développement qui pourrait produire des conséquences politiques fatidiques.

Un élément central souligné par les Protocoles était que diriger une population subjuguée exige le maintien d’un contrôle étroit sur les médias et les autres moyens de communication de masse. Il serait très ironique que les plateformes de réseaux sociaux de la Chine communiste, non contents de rendre la liberté de penser au peuple étasunien, lui permette également de découvrir que sa vie quotidienne ordinaire n’a pas besoin de rester aussi difficile qu’elle l’est devenue dans notre propre pays. Voici les Tweets qui en ont découlé, mis en exergue par un post récent d’Andrew Anglin.

Les États-Unis sont-ils plus avancés que la Chine ? Xiaohongshu a laissé sans voix des Étasuniens.
美国比中国先进吗?小红书 把美国人给干沉默了。 pic.twitter.com/LEIGlhfSEv
— 雁过留声 (@szygls) le 17 janvier 2025

Voici pourquoi les États-Unis interdisent TikTok ou quoique ce soit qui vient de Chine.
Quelques conversations avec des Chinois normaux sur Xiaohongshu (Rednote) ont fait prendre conscience à de nombreux Étasuniens de la toxicité de leur système. pic.twitter.com/pIkpRqFlWW

— Li Jingjing 李菁菁 (@Jingjing_Li) le 17 janvier 2025

La plateforme Rednote révèle aux citoyens étasuniens les produits dans le vent qui ne sont pas accessibles, en raison d’interdictions et de barrières douanières. Toutes les informations qu’ils reçoivent au sujet de la Chine sont fausses. L’heure est-elle venue d’une vraie révolution aux États-Unis ? #RedNote #Xiaohongshu #tiktokrefugees pic.twitter.com/veJWV4Wydc

— Johannes Maria (@luo_yuehan), le 18 janvier 2025

Et merde ! Les Chinois et les Étasuniens comparent désormais leurs factures médicales sur RedNote : pic.twitter.com/tnRJgLeU7E
— Carl Zha (@CarlZha), le 16 janvier 2025

L’interdiction de TikTok va marquer l’histoire comme l’une des pires décisions de politique étrangère jamais prises : les utilisateurs migrent vers l’application chinoise RedNote pour découvrir le degré de propagande qu’ils ont subi de la part des médias de l’establishment étasunien. pic.twitter.com/qbemMDOaoD

— Ian Miles Cheong (@stillgray), le 16 janvier 2025

Il se trouve qu’il y a deux semaines, j’ai été interviewé par une petite organisation médiatique chinoise du nom de Thinkers Forum, et dans l’un des extraits qu’ils ont publié il y a quelques jours, je suggère que les États-Unis pourraient bien être au bord d’une révolution politique. L’extrait vidéo approche désormais les 400 000 vues sur YouTube, un résultat étonnamment élevé, qui suggère que ma remarque honnête pourrait bien avoir touché une corde sensible chez de nombreux Étasuniens.

Lien vers la vidéo

Par Ron Unz − Le 20 janvier 2025 − Source Unz Review
Via le Saker Francophone

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VOIR AUSSI :

Pour comprendre le monde, lisez les Protocoles de Sion (2ème parie).

LECTURE ESSENTIELLE. La Controverse de Sion
 Introduction aux Protocoles des sages de Sion

Les Protocoles des Sages de Sion sont-ils authentiques ?
Sionisme 101: Protocole VII – Guerre Universelle
Protocoles des sages de Sion : Protocole I
Protocoles II, III, et IV des sages de Sion
Protocoles V à IX des sages de Sion
Protocoles X XI XII des sages de Sion
Protocoles XIII et XIV des sages de Sion
Protocoles XV et XVI des sages de Sion
Protocoles XVII, XVIII, et XIX des sages de Sion
Protocoles XX à XXIV des sages de Sion
Protocoles XXV à XXVII des sages de Sion

 Hannibal GENSÉRIC

 

4 commentaires:

  1. Ayant lu hier cet article sur le Saker, j’ai été surpris par le fait que les protocoles étaient le livre le plus lu après la Bible, au début du Xxe siècle.

    Comment une affaire pareille a-t-elle pu être oubliée. De nos jours, la plupart des gens trouvent que c’est un faux, bien qu’ils constatent que tout se déroule comme annoncé dans les protocoles

    Beaucoup de gens sont ne sont pas rationnels. Ils sont incapables de tirer les conclusions dérangeantes imposées par les faits.

    Machin

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  2. les liens ne sont plus valides.

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    1. Exact .
      La censure Google (blogspot c'est Google) a supprimé beaucoup d'articles défavorables aux juifs. H. Genséric

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    2. Ahhhhh la démocratie et la liberté d'expression... Pierre angulaire du rayonnement du phare occidental dans les ténèbres de l'obscurantisme...

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