Le
ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le secrétaire
d’État américain John Kerry sont parvenus à un accord décisif sur la
Syrie après des entretiens marathon. C’est la première fois que la
communauté internationale est si proche de résoudre le conflit, mais la
mise en œuvre de l’accord sera un défi encore plus grand en raison du
grand nombre de parties prenantes.
Lors d’une conférence de presse le 9 septembre, Lavrov a décrit l’accord comme un paquet «important, pratique et concret», comprenant cinq documents qui ne seront pas rendus publics car ils contiennent des «informations assez sensibles et sérieuses». Pour sa part, Kerry a fait référence au plan comme «approche plus prescriptive et de plus grande envergure que ce que nous avons été en mesure de mettre en place à ce jour».
Voici ce dont la Russie et les États-Unis sont convenus.
La
première étape consiste à fixer un cessez-le-feu national que personne,
y compris les forces de Damas et les groupes d’opposition armés, n’est
autorisé à violer. Cela implique l’abstention du gouvernement syrien de
mener des frappes aériennes dans des zones où l’opposition, dite
modérée, est située. Ces régions ont été décrites «très spécifiquement»,
a déclaré Kerry. La cessation des hostilités commencera par une période
de 48 heures après le coucher du soleil le 12 septembre et sera
reconduite pendant 48 heures si elle tient.
«Cela
exige l’arrêt de toutes les attaques, y compris les bombardements
aériens et toute tentative d’acquérir des territoires supplémentaires au
détriment des parties en conflit. Elle exige un accès humanitaire sans
entrave et soutenu à tous les assiégés même les plus difficiles à
atteindre, y compris d’Alep», explique Kerry.
Si
toutes les parties prenantes adhèrent au cessez-le pendant au moins
sept jours, la Russie et les États-Unis vont passer à la deuxième étape.
Celle-ci consiste à créer un centre de mise en œuvre conjoint pour, selon Kerry, «travailler ensemble au développement des frappes militaires» contre al-Nusra, la branche d’al-Qaïda en Syrie
qui a récemment affirmé avoir rompu les liens avec l’organisation
terroriste, et Daesh, le groupe brutal qui contrôle encore de vastes
zones en Irak et en Syrie.
«Je tiens à
souligner que ces mesures ne peuvent être mises en œuvre efficacement
que si toutes les parties respectent leurs obligations», a observé le chef de la diplomatie américaine, ajoutant que l’accord n’est pas «basé sur la confiance», mais plutôt «sur un moyen de fournir la surveillance et le respect de l’intérêt mutuel et d’autres choses».
Ceci a également été une source de préoccupation majeure pour Moscou. Lavrov a averti que «personne ne peut donner cent pour cent de garanties» que l’accord apportera la paix en Syrie car de nombreuses parties prenantes, avec des agendas contradictoires, sont «impliquées dans ce casse-tête».
M. Lavrov a mentionné la «séparation physique» des terroristes d’opposition modérée sur le terrain comme «la priorité».
Le
diplomate russe a déclaré que le gouvernement syrien était d’accord
avec le plan et prêt à remplir ses obligations. Pour sa part, Kerry a
déclaré que l’opposition «a indiqué qu’elle est prête» à répondre aux «normes que nous avons établies» à condition que Damas prouve son sérieux au sujet de l’accord et que le cessez-le-feu tienne.
Gazeta.ru observe que l’accord «pourrait modifier considérablement le conflit syrien», car il est possible que la Russie et les États-Unis «présentent un front uni contre les terroristes».
Le Dr Theodore Karasik, conseiller principal chez Gulf State Analytics,
a averti que l’accord pourrait subir le même sort que le premier
cessez-le feu qui était entré en vigueur en février.
«La
situation sur le terrain est en constante évolution. Elle ressemble à
une tour de Babel où l’on ne peut parvenir à un accord avec quiconque.
Cela signifie que toute entente à long terme pourrait être condamnée», a-t-il déclaré au journal.
Voilà
pourquoi autant Lavrov que Kerry ont demandé à plusieurs reprises à
toutes les personnes concernées d’adhérer au plan. Si elles le font,
l’affaire pourrait «réduire la violence, soulager la douleur, et
permettre la reprise du mouvement vers une paix négociée et une
transition politique en Syrie, comme l’a dit Kerry. Nous croyons que le plan tel qu’il est présenté – s’il est appliqué, et suivi – peut être un tournant, un moment de changement», a-t-il ajouté.
Le 10 septembre 2016 – Source sputniknews
Quelles sont les concessions exigées par les États-Unis et refusées par la Russie ?
Alors que le secret entoure toujours les
négociations entre les Russes et les États-Unis sur le déroulement du
processus politique en Syrie, nombre de signes indiquent que la Russie a
refusé de plier devant les conditions américaines, considérant qu’elles
revenaient à une ingérence dans les affaires intérieures d’un État
souverain et à une violation flagrante des « Accords de Vienne » ; des
conditions toujours adoptées par l’Administration américaine, bien
qu’elle ait été obligée, du fait des défaites subies et de l’équilibre
des forces sur le terrain, de renoncer à réclamer la démission immédiate
du Président Bachar al-Assad en acceptant que son mandat se prolonge le
temps de ladite « période transitoire » telle qu’elle la conçoit.
En effet, depuis les accords de Vienne, il n’est plus question de
refuser les négociations à l’ombre du Président syrien, mais malgré
cette résignation de Washington et de l’ensemble des capitales coalisées
dans la guerre « sur » la Syrie :
- Les États-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, continuent d’exiger que le Président syrien ne soit pas candidat pour un nouveau mandat, ce que la Russie aurait refusé de cautionner pour les raisons évoquées plus haut, les « Accords de Vienne » affirmant que c’est au peuple syrien de décider de l’avenir de son pays et de choisir ses dirigeants par la voie des urnes ; des sources diplomatiques ayant affirmé que ce refus russe était ferme et une ligne rouge qui ne tolèrerait ni compromis, ni discussion.
- Les États-Unis et l’Arabie saoudite ne ménagent aucun effort pour aboutir à un règlement qui disloquerait l’unité nationale et torpillerait le principe d’un État syrien laïc, consacré par ces mêmes « Accords de Vienne » ; là aussi, des sources diplomatiques ont révélé que les États-Unis proposent des formules copiées sur les systèmes politiques du Liban avec les « Accords de Taëf » et de l’Irak [système sectaire mis en place sous la houlette de l’administrateur civil américain Paul Bremer ; NdT] pour y installer un système confessionnel dans le but de prolonger l’agitation interne et les ingérences étrangères, internationales et régionales; ce qui est, avant tout, l’objectif d’Israël.
- Et parallèlement à leur plan de « gel militaire de la géographie des combats » par la trêve, les États-Unis travaillent à transformer les lignes de démarcation qui en résulteraient en frontières géographiques séparant des zones contrôlées par les terroristes, ou leurs agents, et des zones contrôlées par l’Armée syrienne, dans le but de saper la souveraineté de l’État syrien et de contrôler les ressources et le mouvement du marché et des marchandises ; ce qui correspond à une formule US de prédilection consistant en la fabrication de cantons pour ébranler les structures de l’État central. Ainsi, les États-Unis persistent à tenter d’appliquer leur propre recette de fédéralisation, en dépit des réserves de leur allié turc quant au soutien du projet fédéral des Kurdes de l’YPG [Unités de protection du peuple].
Restent beaucoup d’autres questions sur ce que préparent les
planificateurs US pour les zones contrôlées par Daech, afin d’empêcher
l’Armée arabe syrienne et l’État syrien de les récupérer, lorsque
l’heure de les frapper aura sonné.