Le 2 septembre, lors
du Forum économique oriental qui se tient à Vladivostok, le président
russe a donné une interview au holding international d’information
Bloomberg – la discussion portait sur les questions clés de la politique
et de l’économie mondiales. Voici l’essentiel des propos de
Vladimir Poutine.
Vladimir
Poutine interviewé par le rédacteur en chef de l'agence Bloomberg News John Micklethwait |
Le premier ministre japonais Shinzo Abe était parmi les invités du
forum de Vladivostok. Interrogé par Bloomberg sur un accord éventuel
entre la Russie et le Japon concernant l’archipel des Kouriles
(territoire disputé par la Russie et le Japon suite à la Seconde Guerre
mondiale), Vladimir Poutine a déclaré que la Russie était prête à
reprendre le dialogue, qui avait été gelé à l’initiative du Japon il y a
quelques années. Il ne s’agit pourtant pas de commerce autour de ces
territoires, il faut chercher un compromis qui puisse convenir aux deux
parties.
« Cela n’a rien à voir avec un quelconque échange ou une vente », a précisé M. Poutine. « Il s’agit de trouver une solution qui ne désavantagerait aucune des parties ».
2. La révision des résultats de la Seconde Guerre mondiale est inadmissible
Le correspondant de Bloomberg a demandé en plaisantant à Vladimir
Poutine si la Russie était, par exemple, prête à rendre Kaliningrad
(ancienne ville allemande de Königsberg, rattaché à l’issue de la
Seconde Guerre mondiale). Le président a pourtant répondu avec tout son
sérieux : la révision des résultats de la Seconde Guerre mondiale est
une boîte de Pandore et il serait très dangereux de l’ouvrir.
« Nous devrons discuter de Kaliningrad mais aussi des territoires
de l’Est d’Allemagne, de la ville (ukrainienne, ndlr) de Lvov,
anciennement partie de la Pologne, et ainsi de suite », a déclaré M. Poutine. Il estime qu’il est préférable d’éviter cela.
3. Moscou continuera à développer et à diversifier ses relations avec Pékin
Le président russe explique la baisse des échanges commerciaux avec
la Chine (70 milliards de dollars en 2015 contre 200 milliards visés à
l’horizon 2020) par la chute des prix du pétrole et du gaz, biens
d’exportation traditionnels pour la Russie. Cependant, la Chine reste un
partenaire très important pour la Russie et la coopération entre les
deux pays se développe dans de nombreux domaines.
Outre le commerce pur, la Russie et la Chine ont adopté un tout
nouveau niveau de coopération, explique le président russe. Il a énuméré
les nouveaux domaines de collaboration : programmes spatiaux,
construction mécanique, chemins de fer à grande vitesse, construction de
la centrale nucléaire de Tian Wan, etc.
4. La Russie appelle au gel de l’extraction pétrolière
A propos des prix du pétrole, tombés à un niveau historiquement bas,
M. Poutine a souligné : la Russie soutient l’idée d’une stabilisation
des prix via le gel du niveau de l’extraction et n’a pas changé sa
position. La stabilisation des prix n’a pas été possible à cause de la
politique menée par d’autres pays producteurs de pétrole, notamment
l’Arabie saoudite. Le président a déclaré que cette question pourrait
être soulevée lors de sa rencontre avec l’adjoint du prince héritier
saoudien au sommet du G20.
Pour Vladimir Poutine, la politique optimale des pays producteurs de pétrole se présenterait ainsi : gel de l’extraction à un certain
niveau avec un certain nombre d’avantages pour l’Iran, arrivé sur le
marché suite à la levée des sanctions. « L’Iran commence très bas, en
raison des célèbres sanctions qui ont été imposées à ce pays », a déclaré Vladimir Poutine. « Il serait injuste de maintenir le pays au niveau des sanctions ».
5. Le Kremlin prêt à une réduction du rôle de l’État dans l’économie russe
Dans son entretien avec Bloomberg, le président russe a évoqué la
vente potentielle de 19,5% des parts de la principale compagnie
pétrolière russe Rosneft (l’Etat possède actuellement 69,5% des parts)
et a indiqué que la Russie soutenait la poursuite de la privatisation
des actifs économiques. La vente d’un paquet d’actions de Rosneft est
prévue pour cette année. M. Poutine a également déclaré que la Russie
envisageait de privatiser une partie des parts d’Alrosa, l’une des plus
grandes compagnies d'extraction diamantifère au monde.
6. La Russie n’est pas impliquée dans le piratage des
serveurs du Parti démocrate ; Moscou est prêt à travailler avec
n’importe quel président américain
Poutine a de nouveau rejeté les accusations de piratage des serveurs
du Parti démocrate américain. La presse occidentale avait suggéré que
des hackers russes étaient derrière la fuite d’information. « Je ne sais rien de tout cela, la Russie n’a jamais fait une chose pareille au niveau étatique », a souligné le président.
Interrogé sur ses préférences entre Clinton et Trump pour le rôle de
locataire de la Maison Blanche, le président russe a répondu : « J’aimerais
travailler avec une personne capable de prendre des décisions
raisonnables et de mettre en œuvre les accords que nous concluons ». La Russie n’interfère pas dans les affaires internes des autres pays, a-t-il souligné.
7. Le G20 devrait se concentrer sur l’économie
A propos de la politisation croissante du sommet du G20 (qui se
tiendra à Hangzhou, en Chine, les 4 et 5 septembre), le président russe a
rappelé que le G20 était avant tout un forum de discussion sur
l’économie et que c’est précisément sur les questions économiques qu’il
faut se concentrer.
« Je pense que le G20 ne devrait pas s’en mêler (de politique, ndlr), il y a d’autres espaces pour cela »,
a déclaré Poutine à propos d’une éventuelle discussion sur la question
syrienne au sommet. Pour lui, l’Onu et le Conseil de Sécurité sont les
lieux les plus propices à ce genre de discussions.
8. La Russie est intéressée par une Europe stable et un euro fort
8. La Russie est intéressée par une Europe stable et un euro fort
Concernant l’avenir de l’Union européenne et de la zone euro après le
Brexit, Poutine a estimé que les principaux pays de l’Union occupaient
une position pragmatique sur les questions économiques, ce qui aiderait
probablement à renforcer l’euro et à répondre aux problèmes économiques
qui se posent devant l’Europe.
« Certaines décisions pourraient être prises pour consolider un
groupe de pays ayant de niveaux égaux de développement et ainsi, à mon
sens, renforcer l’euro », a déclaré le président. Il a rappelé que
40% des réserves de change russes étaient en euros, ainsi, malgré les
divergences politiques existantes, la stabilité de la zone euro est
capitale pour Moscou.
9. Les relations entre la Russie et la Grande-Bretagne dépendent des Etats-Unis
Au sommet du G20 à Hangzhou, M. Poutine rencontrera le nouveau
premier ministre britannique Theresa May pour la première fois.
Interrogé sur l’avenir des relations russo-britanniques dans le contexte
du Brexit, M. Poutine a répondu : « Les relations de la
Grande-Bretagne avec la Russie ne dépendent pas de sa présence ou de son
absence dans l’UE, mais de ses relations spéciales avec les
Etats-Unis ».
Pour Vladimir Poutine, les relations entre la Russie et la
Grande-Bretagne n’étaient pas au mieux ces derniers temps, mais
pourraient s’améliorer si Londres menait une politique extérieure plus
indépendante.
10. Un accord entre les Etats-Unis et la Russie sur la Syrie est possible
Le président a souligné que les pourparlers entre la Russie et les États-Unis sur la question syrienne étaient difficiles. Pour avancer, il
est nécessaire de délimiter l’opposition modérée et les terroristes et
cette question reste en suspens depuis le début des négociations. Par
ailleurs, le président russe estime qu’un progrès est possible
prochainement : « Je n’exclus pas que nous saurons nous entendre sur
quelque chose prochainement et présenterons nos accords à la communauté
internationale ».
M. Poutine a par ailleurs déclaré que la Russie était en contact avec
la Turquie et ne s’opposait pas à son opération dans le nord de la
Syrie.
2 septembre 2016
The
point is that John Micklethwait, the editor-in-chief of Bloomberg who
interviewed the Russian president, is not merely a journalist, but one
of many journalists who has participated for many years in meetings of
the Bilderberg Club as a full member of this shadow interest group whose
opinions determine the policies of Western countries. I think that this
explains the unusual format of the interview and the fact that Vladimir
Putin called Micklethwait a “specialist” and debated with him more like
a politician than a journalist…
If
we look at the interview with Putin from this point of view, then we
see that this can be considered as Putin’s response to the Western
political elite. Here are the key points which I would like to
highlight.
And
the final important element: the Russian president stressed that if
anyone in the American leadership tries to “get rid of us,” we will
survive and “who knows who will lose more with such an approach.”
Then
Putin broke the interview format and asked a direct question to the
Bilderberg Club representative. Putin asked whether he wants to repeat
the Cuban Missile Crisis. John Micklethwait quickly replied that “no one
wants to.” From my point of view, this was another clear and
unambiguous message to our Western partners. As they say, a kind word
and a nuclear weapon can achieve more than just a kind word. All that
remains is to hope that our Western partners will draw the right
conclusions from the Russian president’s words.