vendredi 9 septembre 2016

Syrie - Qui l’emporte dans l’accord turco-russe ?

Deux grands titres prouvent à nouveau aujourd’hui que ce que les médias « occidentaux » racontent défie souvent la réalité.
Dans ce second article, on peut lire : "Isis a perdu le contrôle de ses derniers territoires à la frontière turque, selon des groupes de surveillance. Il ne pourra plus recevoir des combattants étrangers du reste du monde."
ISIS n’est pas du tout coupé du reste du monde, ni de l’OTAN. Les combattants ainsi que les marchandises peuvent toujours traverser la frontière avec la Turquie comme ils l’ont fait tout au long des dernières années.

Il suffit de jeter un œil à la carte :
La frontière turco-syrienne entre Azaz, Al-Ra’i et Jarablus, avec Daech (en gris) au sud, a toujours été ouverte au trafic entre les deux zones. Maintenant, l’armée turque et les forces turques par procuration des « rebelles modérés » sont passées dans la bande de terre verte côté syrien. Cela n’a pas scellé ni fermé la frontière, comme d’autres pays l’avaient demandé. Cela a simplement déplacé la frontière plus au sud. Le passage entre la zone tenue par ISIS et la zone contrôlée par les Turcs sera désormais plus facile parce que les médias n’auront pas accès à la zone. Des affaires seront conclues sans qu’on le voie, le trafic sera florissant et l’argent coulera à flot.
Il n’y a pas eu le moindre combat entre Daech et les forces turques pour cette bande de terre. Les Turcs ont dit à Daech de se déplacer vers le sud et Daech l’a fait avant que les Turcs et leurs mercenaires n’arrivent. Il n’y a pas eu une seule victime turque dans la lutte contre Daech sur la zone. Le changement de limite territoriale s’est fait, de toute évidence, par consentement mutuel.
C’est ridicule de la part de certains médias d’essayer de vendre cela comme la fermeture de la frontière ou l’isolement de Daesh. C’est tout le contraire.
Ce mouvement turc avait pour but principal d’empêcher les zones kurdes (en jaune) de l’est et de l’ouest de se rejoindre. Une bande de terre entièrement contrôlée par les Kurdes le long de la frontière l’aurait en effet scellée. Le trafic de Daech n’aurait pas été autorisé à passer les points de contrôle kurdes.
La Turquie va probablement essayer d’annexer la zone qu’elle a prise. Elle projette de construire des nouvelles villes du côté syrien pour abriter les réfugiés actuellement dans des camps en Turquie. La Turquie pourrait ainsi se décharger d’un gros fardeau que sa guerre contre la Syrie lui a mis sur le dos.
La Russie et l’Iran ont accepté que la Turquie s’installe dans cette zone en échange de sa promesse de cesser son soutien à l’attaque contre la ville d’Alep. Il est encore trop tôt pour savoir si la Turquie à l’intention de tenir sa promesse. Une partie des combattants turcs par procuration impliqués dans l’attaque d’Alep ont été ramenés à l’arrière et déplacés vers la bande frontalière occupée aujourd’hui par la Turquie. Mais le soutien matériel à l’attaque sous forme de munitions et d’autres fournitures semble se poursuivre.
Deux analystes respectables pensent que l’accord, même s’il n’est pas idéal, est toujours à l’avantage de la Russie et de la Syrie.
Elie Magnier dit que la politique russe en Syrie est comme une poupée Matriochka, composée de poupées qui rentrent les unes dans les autres. La plus perfectionnée de ces poupées a 50 niveaux d’imbrication pour un total de 51 poupées. Selon Magnier :
Poutine semble avoir sorti sa première poupée Matriochka en bombardant les ennemis de Damas en septembre dernier. Il a sorti la seconde poupée en acceptant un cessez-le-feu. Puis il a sorti une troisième poupée en aidant à assiéger Alep la première fois. Il a très habilement sorti la quatrième en soutenant Erdogan et en donnant son accord – avant Obama – pour que les troupes turques pénètrent en Syrie en toute sécurité.
Si la Turquie ne tient pas ses engagements, ou si les États-Unis tentent un mauvais coup, on verra apparaître une des 47 poupées restantes sous forme d’un nouveau plan russe.

Voilà l’avis de Raphaël Lebrujah du français Mediapart sur l’accord turco-russe :
Poutine vient de jouer un coup de maître. En effet, en plus d’avoir obtenu de nombreux avantages de la part d’Erdogan, il vient de jeter la Turquie, un vieil adversaire, dans l’enfer syrien. Erdogan s’est laissé emporter par son obsession, la lutte contre les kurdes. ...
La Russie a réussi l’exploit de faire d’une pierre trois coups contre trois adversaires du régime : les Kurdes, les islamistes syriens et la Turquie. En déstabilisant les relations à l’intérieur de ces trois acteurs et en les jetant les uns contre les autres, c’est un coup de maître. Mieux, les américains semblent divisés entre les pro-turcs et les pro-kurdes. En effet, la CIA et les politiques américains apparaîtraient plus proches des intérêts turcs et le pentagone, de celui des Kurdes.
Économiquement, la Russie gagne en ouvrant à nouveau le commerce avec la Turquie. Les Islamistes « modérés » qui sont dans la nouvelle zone turque sont maintenant séparés des groupes d’Al-Qaïda qui sont autour d’Alep. Les Turcs et les Kurdes en Syrie seront occupés à se battre entre eux pour un bon moment. Et la Russie peut utiliser les Kurdes contre la Turquie si Erdogan lui joue des tours. Des armes antichars ou anti-aériennes envoyées en contrebande dans l’est de la Turquie à travers l’Arménie désavantageraient fort l’armée turque dans sa lutte contre le PKK local. L’armée de conscription turque, déjà affaiblie par les purges qui ont suivi le récent coup, ne peut pas subir de lourdes pertes sans alarmer l’opinion publique turque.
Daech va continuer d’être relié à la Turquie. Mais sa puissance de combat est fortement diminuée et il est déjà en train de repasser au mode guérilla. Il évite maintenant la plupart du temps les batailles ouvertes. Il finira par être écrasé.
Toutefois Daech peut nous réserver encore des surprises car il a du personnel très bien entraîné. Son nouveau chef militaire, Gulmurod Khalimov, est un officier des forces spéciales du Tadjikistan, qui a été très bien formé dans la lutte contre le terrorisme par des forces spéciales et des conseillers américains. Il remplace le défunt Abou Omar al-Shishani, un officier géorgien des forces spéciales tchétchènes, qui lui aussi avait été très bien formé dans la lutte contre le terrorisme par des forces spéciales et des conseillers américains. Mais regardez plutôt là-bas ! Les Russes viennent juste de larguer une bombe baril ! Ici il n’y a rien à voir, rien du tout ...
Moon of Alabama
Traduction : Dominique Muselet
»» http://www.moonofalabama.org/2016/09/syria-who-wins-in-the-turkish-rus...
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Quel était l'accord entre la Russie, la Syrie et la Turquie ?

Si la Russie le voulait, elle pourrait déployer trois divisions blindées en Syrie dans les 72 heures et ainsi résoudre définitivement le problème des rebelles islamistes. Les États-Unis pourraient faire la même chose, dans leur poursuite de l’éviction de Bachar al-Assad du pouvoir.

Par conséquent, la participation des deux puissances en Syrie et les combats ont été exécutés principalement par procuration, tandis que chacune des deux grandes puissances essaie de tricher avec l’autre. Cet équilibre a été perturbé par l’intervention militaire turque dans le nord de la Syrie. L’intervention aurait pu ruiner les règles établies entre les États-Unis et la Russie. Toutefois, les choses ont été clarifiées et il y a une chance inespérée de conclure rapidement les hostilités en Syrie.
Après le 24 août 2016, date à laquelle l’armée turque a lancé l’opération autour de la ville de Jarablus, plusieurs séries de pourparlers – dont les derniers à Bagdad – ont eu lieu entre des officiers russes, syriens et turcs, sur la limitation et le contrôle des actions de la Turquie. Après le coup d’État manqué, la Turquie n’est plus la Turquie agressive qui abattit le jet russe Su-24 à la fin de 2015. Par conséquent, les sources turques disent qu’un consensus sur plusieurs points a été finalement atteint, en termes de limitation de l’opération turque Euphrates Shield en Syrie du Nord, conformément aux intérêts syriens. Des officiers de l’armée russe ont été acceptés comme arbitres, pour aider à contrôler les planificateurs de l’opération turque Euphrates Shield.
Le premier point imposé à la Turquie était un seuil en termes de forces déployées par son armée en Syrie, qui est de ne pas dépasser 8 000 soldats, soit deux brigades mécanisées, un régiment d’artillerie, un bataillon des forces spéciales, un escadron de F-16, et un composite d’hélicoptères, véhicules d’assaut amphibie et véhicules de transport.
Le deuxième point d’accord était la région, en Syrie, où l’armée turque pouvait se déplacer pour éliminer les combattants de État islamique. Il s’agit d’une bande entre les villes de Quarah Koubri et Jarablus (90 km) avec une profondeur de 30km depuis la frontière turco-syrienne. Dans le même temps, la Turquie s’est engagée à ne pas autoriser les militants rebelles de la FSA (Armée syrienne libre) à agir dans cette bande de façon indépendante, sans ordre des unités de l’armée turque.
Bien que l’armée syrienne soit intervenue dans la défense des combattants kurdes YPG entourés par des rebelles islamistes dans le quartier Sheikh Maqsoud d’Alep le 21 août 2016, le YPG a attaqué l’armée syrienne dans la ville d’Al-Hasaka, et l’a conquise. Par conséquent, il est également inclus dans le second ensemble de points, que l’armée turque a la permission du gouvernement syrien de chasser de la rive orientale de l’Euphrate (même en combattant) les rebelles kurdes (YPG) qui ont conquis la ville de Manbij aux mains d’État islamique avec l’aide des forces spéciales américaines. Le système de missiles russes S-400 n’abattra pas les avions turcs opérant au-delà de la bande km 90×30 si elles agissent contre les terroristes du PKK.
Le troisième point convenu concerne le retrait de la plupart des groupes rebelles contrôlés par les services de renseignement turcs, dans les zones de combat autour de la ville d’Alep et dans le gouvernorat de Lattaquié. Cette manœuvre permettra à l’armée syrienne d’atteindre la victoire finale dans la bataille pour Alep.
La Turquie promet que lorsque l’offensive des volontaires iraniens et de l’armée syrienne pour encercler et liquider État islamique commencera, les Turcs mettront en œuvre des forces et des moyens en même temps que l’armée syrienne. Peu importent les actions que les Kurdes mèneront contre État islamique, la Turquie va créer un cordon de sécurité le long de la frontière syro-turque, pour empêcher la dispersion des combattants de État islamique vers d’autres pays.

Par Valentin Vasilescu – Le 1er septembre 2016 – Source Katehon