mardi 20 septembre 2016

USA. Les seigneurs de la guerre prennent le pouvoir



A l'époque de l'Empire romain décadent et en décomposition, les seigneurs de guerre régionaux disposaient de tellement d'autorité qu’ils peuvent élaborer leurs propres politiques militaires et diplomatiques en dehors du gouvernement central. L’Amérique d'aujourd'hui rappelle cette époque. Elle appelle ses chefs de guerre des «commandants de combat» et ce titre n’est pas trompeur. Ces commandants de combat sont toujours à la recherche de nouvelles guerres et conflits, qui sont tous dans leur propre intérêt personnel, et dans celui de leurs échelons supérieurs dans l'armée, mais certainement pas dans l'intérêt général du peuple américain.
Ces commandants combattants (désignés par Cocos dans ce qui suit) américains dominent sur leurs propres fiefs virtuels, que le Pentagone appelle «zones de responsabilité» ou «AOR» pour «Areas Of Responsibility»
Imperium Americana’s Regional Warlords March to Their Own Drum Beats
Les chefs de guerre de l'Empire romain ont été appelés «proconsuls» et ils étaient nommés commandants militaires pour gouverner les territoires nouvellement conquis. Ces AOR romains, connus sous le nom proconsular imperia, différaient peu des AOR américains modernes. Cependant, les proconsuls romains étaient beaucoup plus responsables devant les empereurs romains que ne le sont, aujourd’hui, les Cocos américains devant le Président des États-Unis.
Le complexe militaire et de renseignement américain a divisé le monde en AOR sur lesquels les Cocos exercent de plus en plus leur autorité sur la prise de décision économique, politique, diplomatique et militaire des États-Unis. 
Résultat de recherche d'images pour "pacom centcom"
Ces commandements - Commandement US Central, Commandement du Pacifique, Commandement européen, Commandement du Sud, Commandement du Nord et Commandement d’Afrique - s'impliquent aussi dans les activités militaires et politiques des nations au sein de leurs AOR qui sont soit alliés avec les États-Unis ou qui dépendent, pour « leur sécurité », des États-Unis (Ainsi en est-il des pays arabes du Golfe, qui sont, en réalité des colonies américaines, gérées par les proconsuls américains). Ainsi aussi, le chef de l'US European Command agit aussi en tant que commandant suprême allié de l'Europe, le chef militaire de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). En effet, l'OTAN fait partie intégrante de l'hégémonie militaire des États-Unis.
Au troisième siècle après JC, divers gouverneurs romains ont pris les armes les uns contre les autres pour se tailler chacun son propre empire, sur les décombres de l'Empire romain en phase d’effondrement. Aujourd'hui, le même phénomène a lieu parmi les chefs de guerre de l'Amérique qui tentent d'étendre leurs AOR aux dépens de leurs rivaux.
L'un des plus agressifs de ces Cocos d'Amérique est le chef du Commandement américain du Pacifique, ou PACOM, l'amiral Harry Harris. À l'avant-garde du mal conçu et dangereux «pivot vers l'Asie» d'Obama, Harris a voulu récemment étendre son AOR à la zone déjà revendiquée par le Commandement central des États-Unis, ou CENTCOM. Alors que le chef du CENTCOM, le général Joseph Votel a été occupé à affronter militairement l'Iran dans le golfe Persique, Harris, dans un discours à San Diego, a parlé de son AOR englobant la région «Indo-Asia-Pacific», une indication claire que Harris est en train d’étendre son gouvernorat militaire à l'Océan Indien et à Asie du Sud.
Harris a récemment utilisé le terme «Indo-Asia-Pacific» pour décrire son «bol de riz» militaire devant un groupe d’un complexe militaro-industriel appelé le Conseil Consultatif Militaire San Diego. À l’image d’un général romain dictatorial, Harris a mis en garde, avec menaces à l’appui, le président philippin Rodrigo Duterte et son gouvernement contre toute autre déclaration anti-américains. Duterte s’est révolté contre ces menaces d’Harris en adoptant une politique plus conciliante envers la Chine dans le différend maritime de la mer de Chine du Sud et en exigeant que les États-Unis retirent leurs Forces Spéciales du sud des Philippines. Duterte est originaire de l'île méridionale de Mindanao.
Encore plus furieux contre Harris,  le Secrétaire aux Affaires Étrangères, Perfecto Yasay, a déclaré que son pays ne veut plus être considéré comme le «petit frère bronzé» de l'Amérique.
La tradition, dans la Marine d’Harris, est que les stewards philippins doivent obéir à tous les caprices des officiers de marine américains, cuisiner leurs repas et faire briller leurs chaussures, nettoyer leurs chiottes et repasser leurs uniformes. L'attitude paternaliste envers les Philippins par des agents tels que Harris n'a jamais vraiment disparu.
Harris fait savoir au groupe militariste de San Diego que sa patience avec Duterte est épuisée et il a adressé au président Philippin un avertissement sévère: «Nous avons été alliés aux Philippines depuis longtemps. Nous avons versé notre sang pour eux ... Nous avons combattu côte à côte pendant la Seconde Guerre mondiale. Je considère que notre alliance avec les Philippines doit être blindée ».
En d'autres termes, Harris a jeté le gant et fait à Duterte que le Commandement du Pacifique des États-Unis ne tolérerait aucun mouvement des Philippines soit vers la neutralité, soit vers  la Chine. Ce qui rend la déclaration de Harris alarmante, est qu'il a toujours été du ressort des présidents et des secrétaires d'État américains d’émettre ce genre de déclarations ou de démarches auprès des dirigeants étrangers. Sous Obama, cette autorité est maintenant tombée aux mains des Cocos. C’est bien un autre signe que la diplomatie américaine a été phagocytée par le Pentagone et ses plus hauts échelons.
L'extension de Harris de ses intérêts militaires en Asie du Sud signifie que son AOR et celle de CENTCOM maintiennent désormais la même «ligne de contrôle» militarisée dans la partie contestée du Cachemire entre les militaires rivaux d’Inde et du Pakistan. La région de Gilgit-Baltistan, dans le nord du Pakistan et du Ladakh au Cachemire, revendique des liens culturels et historiques aux royaumes bouddhistes de l'Himalaya et aimerait suivre son propre chemin. Mais ils sont assis à cheval sur la frontière PACOM-CENTCOM. Peut-être que Harris et Votel vont jouer au poker au club des officiers de Fort Myer près du Pentagone pour décider qui aura autorité sur ces territoires sécessionnistes.
Comme gouverneurs romains rivaux, Harris et Votel sont en lice pour l'influence dans les mêmes régions. Contrairement à deux généraux jouant un jeu vidéo militaire, Votel et son client Pakistan et Harris et son client l'Inde sont des concurrents nucléaires dans une région dangereuse. Toute escarmouche classique le long de la ligne de contrôle qui sépare les forces indiennes et pakistanaises au Cachemire ou le long de leur frontière nationale menace d'accélérer rapidement dans un conflit nucléaire régional, qui pourrait plonger les États-Unis dans une guerre.
Harris déplace également son théâtre Indo-Asie-Pacifique près des terres du  CENTCOM en élargissant les manœuvres PACOM dans l'océan Indien. Récemment, PACOM a tenu des exercices avec les forces militaires sri-lankaises dans la région Tamil rétive du nord du Sri Lanka, et il milite pour les mêmes droits de parité navale dont elle jouit maintenant avec l'Inde - le protocole logistique accord d'échange de (Lemoa) - à la fois avec le Sri Lanka et les Maldives.
Harris envisage une coalition navale alliée de quatre puissances : américaine, australienne, indienne,  et japonaise face à la Chine dans le Pacifique et l'Océan Indien. La marine japonaise a récemment rejoint la marine américaine dans des exercices en mer de Chine du Sud, destinés à envoyer un avertissement à la Chine. Cependant, de nombreux pays de la mer de Chine méridionale se souviennent encore de ce qu’était le Japon et sa grande « Asie orientale Sphère de coprospérité » qui subjugua leurs pays d'origine pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ces pays  et la Chine ont subi les mêmes sorts à la suite de l'agression militaire japonaise. Harris et ses acolytes militaires à Pearl Harbor et San Diego semblent oublier les leçons de la Seconde Guerre mondiale et comment l'agression japonaise a uni les peuples du Sud-est et Asie de l'Est contre l’ennemi japonais impérial commun. Pour ces amateurs militaires en histoire de l'Asie, c’est comme si l'attaque japonaise du 7 Décembre 1941 sur Pearl Harbor a eu lieu dans une réalité virtuelle.
Comme le PACOM se déplace à l'ouest dans l'océan Indien et que le  CENTCOM fixe ses yeux à l'Est, il y aura éventuellement une rivalité intra-militaire sur ce gouvernorat militaire pour gérer la présence navale chinoise en expansion à Djibouti et sur la Corne de l'Afrique. Le gouvernorat américain propose des bases militaires sur l'île yéménite stratégique de Socotra dans le golfe d'Aden, l’un des objectifs à la fois des USA, d’Israël et de l’Arabie dans leur guerre contre le Yémen.
Une question a la priorité absolue sur toutes les autres. Selon les lois américaines et internationales, les généraux et amiraux américains n’ont aucun droit de diviser le monde en terrains de jeux personnels. Soit ces Cocos deviennent des notes annexes et obscures de l'Histoire, comme leurs ancêtres romains, soit les principes de base du droit international doivent être officiellement mis au rebut sous l’Imperium Americana.

http://www.strategic-culture.org/
Traduction/adaptation : Hannibal GENSERIC 



Conclusion

En bombardant la Syrie samedi, et en tuant une centaine de militaires (dont probablement des conseillers russes), les USA savaient exactement qui ils allaient attaquer et quand. La frappe était à la veille des élections parlementaires en Russie où toute l'attention était axée sur la politique intérieure. Une telle approche caractérise la machine militaro-politique des États-Unis. Bien que les hommes politiques russes aient réagi immédiatement, Washington avait besoin de connaître la réaction militaire de Moscou: Est-ce que les forces russes vont attaquer les bases américaines en Syrie ou seulement utiliser la rhétorique diplomatique. Et quelles seront les réactions des alliés des Russes actuels (la Chine et l'Iran). La Russie a légalement déployé ses troupes en Syrie. Les Russes sont un partenaire stratégique du gouvernement d'Assad. Les États-Unis ont occupé une partie de son territoire dans le nord, et ont fait la preuve de leurs intentions agressives malgré les accords signés avec la Russie.
Conformément au droit international, les États-Unis ont commis un crime, mais ne l’ont-ils pas fait souvent auparavant ?
Washington n'a pas fait face aux conséquences de son occupation illégale de l'Irak, faite sans aucune résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Ainsi, si la logique du moment unipolaire continue, rien de crucial ne se passera. Cependant, nous avons maintenant un nouveau système de multipolarité.
La situation en Syrie est directement liée à l'élection présidentielle américaine.  
Comme Trump est le gagnant le plus probable, les faucons et les globalistes ont peu de chances de poursuivre leur politique et de maintenir l'ordre mondial unipolaire. Ainsi, ils tentent de lancer la nouvelle guerre mondiale.
Il y a deux options:
-                    En entrant officiellement en guerre, ils introduisent un état d'urgence et Barack Obama poursuit sa présidence.
-                    Si Trump gagne, il sera placé dans de telles conditions qu'il devra poursuivre la campagne militaire enclenchée par ses prédécesseurs, et que les Commandants Combattants, ces seigneurs de la guerre, seraient prompts à agrandir pour en profiter un maximum.
Ainsi, nous allons être en face d’une confrontation féroce, au sein de l’establishment américain, durant les prochaines deux semaines. Un nouvel ordre mondial ou la troisième guerre mondiale sont deux conséquences possibles.


VOIR AUSSI :

Syrie. Le Pentagone sabote l’accord Kerry–Lavrov sur le cessez-le-feu