Comme tout document exceptionnel, le texte qu’Arrêt sur Info reproduit ci-dessous, rédigé en 2014, demeure d’actualité.
L’auteur
développe là une analyse unique en son genre, comparant les pratiques
de premières frappes préventives des USA et de leurs associés à celles
des guerres de course menées par les corsaires et les pirates… il y a
seulement quelques siècles. Il y aborde notamment les risques d’une
troisième guerre mondiale, le Pape, ISIS, les Baptistes, l’Ukraine, la
question kurde…
Au XVIe siècle, les pirates et les corsaires semaient la terreur sur les mers
Les
corsaires étaient des particuliers (souvent des armateurs), qui
engageaient des capitaines habiles dans la navigation, pour poursuivre
leurs propres intérêts, en collaboration avec les intérêts politiques
d’une puissance, qui leur fournissait, justement, une « lettre de
course ». Cette lettre les habilitait à attaquer et à piller les
vaisseaux d’autres puissances, sous certaines conditions (en général une
guerre).
Les activités des pirates et celles des corsaires
étaient pratiquement les mêmes. Seules changeaient les couvertures
politiques officielles. Certains corsaires finissaient leur carrière
comme pirates, parfois pendus par les mêmes gouvernements qui les
avaient engagés.
De fait, les corsaires pouvaient se permettre de
faire les choses qu’un État considérait comme politiquement ou
économiquement imprudent de faire lui-même.
« Corsaires »
et pirates ont suscité les fantaisies romantiques et libertaires de
générations de gens qui, par contre, fronçaient le nez devant les
entreprises de leurs mandants.
Pirates |
DAECH / ISIS |
Confrérie des Frères Musulmans |
Aujourd’hui, l’histoire se répète, en pire
Depuis
plus de 30 ans, les groupes armés des soi-disant fondamentalistes
islamiques constituent une forme encore plus perverse de ces grandes
compagnies d’aventuriers, au service de l’Empire étatsunien. Les bases
de cette alliance-service furent jetées pendant la Première Guerre
mondiale par des gens comme St. John Philby [2] et Gertrude Bell [3],
brillants agents anglais parfaitement préparés, qui travaillaient en
contact étroit avec les princes saoudiens.
On a vu cette alliance à
l’œuvre en Afghanistan dans les années 80, sous la savante conduite
criminelle de Zbigniew Brzezinski [4], puis en Bosnie, au Kosovo, en
Tchétchénie, en Libye, en Syrie et maintenant en Irak. Il est
vraisemblable que son bras long s’étendra jusqu’en Inde, via le
Pakistan, et jusqu’au Xinjiang ouighour, en Chine.
L’ISIS,
c’est-à-dire l’État Islamique de l’Irak et du Levant (Syrie), est la
forme la plus sophistiquée de cette stratégie corsaire. Plus encore
qu’Israël [5], l’ISIS est la quadrature du cercle : un État-non-État
qui, étant par définition une entité terroriste, a le « droit » d’être
en dehors de quelque légalité que ce soit. Les USA ont raison, de leur
point de vue, de l’appeler « organisation terroriste » : le soutien
politique direct, le soutien organisationnel via l’Arabie saoudite, et,
justement, cette définition elle-même, constituent la « lettre de
course » que la Superpuissance leur fournit. En d’autres termes, ils ont
le droit-devoir d’être des terroristes.
Exactement comme c’était
le cas des corsaires jadis, sous le déguisement de « combattants de la
liberté » (anti-Assad), ils ont suscité les fantaisies romantiques
d’humanistes ingénus (parfois, hélas, ils sont même tombés dans la
mortelle toile d’araignée) et de soi-disant internationalistes, dont
Jupiter avait décidé la perte. Nous pouvons supposer qu’à présent ils se
sentent un peu perdus. Nous, au contraire, nous commençons à voir plus
clairement les contours d’un dessin assez précis.
La stratégie des premières attaques, analogue à celle des corsaires avec leurs Guerres de course
Dans les années 80 déjà, la Rand Corporation [6]
avait « prévu » que les guerres futures seraient un mixte de conflits
stellaires et de conflits prémodernes menés par des entités
infra-étatiques. Prévision aisée à faire, puisque la Rand faisait partie du complexe qui était en train de préparer ce scénario.
Cette
stratégie s’appuie sur une parfaite logique. En fait, les « guerres des
étoiles », menées jusqu’à leurs dernières conséquences, ne peuvent que
se transformer en conflits nucléaires. Par contre, la guerre de course,
par l’intermédiaire d’entités infra-étatiques, conduite par les USA,
après les premiers coups « orthodoxes » portés par l’engeance des Bush
et Clinton, a permis à la Superpuissance de lancer cette série de
premières attaques (first strikes), qui auraient été très
risqués, et donc impossibles, sous forme de guerres orthodoxes entre
États, même si la nouvelle attitude nucléaire (New Nuclear Posture [7]) élaborée par les néo-cons sous bush Jr. ne les excluait pas.
La
débandade initiale des rivaux stratégiques démontre qu’il y avait là un
coup de génie, évidemment criminel. On a même l’impression que ces
rivaux préfèrent courir le risque de guerres terroristes infra-étatiques
plutôt que celui d’un conflit ouvert avec un adversaire sans scrupules,
et de plus en plus agressif, parce que de plus en plus en difficulté.
Une difficulté toutefois relative, que nous chercherons à préciser.
Un État-non-État à l’abri de son drapeau noir de pirate
Qu’y
a-t-il de mieux pour les USA que d’installer dans le centre névralgique
de l’Eurasie (déjà objet des cauchemars et des désirs du conseiller de
Carter pour la sécurité, le « prophétique » Zbigniew Brzezinski) un
État-non- État, un État-zombie, un être-non-être, une organisation
territoriale qui, à l’abri de son drapeau noir de pirate, peut menacer
d’actions effroyables tous les États voisins, depuis la Syrie, la
Russie, l’Iran, la Chine, les républiques centre-asiatiques, puis, tout
au long du corridor qui, à travers du Pakistan, pénètre en Inde et qui, à
travers le Xinjiang ouighour, prend la Chine à revers ? Difficile
d’imaginer meilleure arme non conventionnelle. Très difficile. C’est un
terrible pieu planté au beau milieu de l’Organisation de coopération de
Shanghaï.
Mais ce n’est pas tout : même l’Europe peut être menacée
(cela n’a-t-il pas déjà été fait ?). Cela peut être utile, si elle se
montrait trop récalcitrante face au projet néo-impérialiste états-unien,
avec des annexes et des connexions du type du criminel Traité
transatlantique de libre-échange (TTIP).
La difficulté où se
trouveraient, disions-nous, les USA, ne réside pas dans un éventuel
déclin inexorable du pays, selon on ne sait quelles lois géopolitiques
ou économiques. En réalité, la difficulté réside dans le système
capitaliste même, qui est aujourd’hui encore centré sur les USA, ce
qu’on ne peut contester que si l’on pense que le système capitaliste est
mesurable en termes de profits, Produit intérieur brut, échanges
commerciaux et réserves de devises. Cela compte aussi, mais pas
uniquement, parce que le système capitaliste est un système de pouvoir.
De
plus, les puissances émergentes ont émergé, pour ainsi dire, « en
retard » (il ne pouvait en être autrement), c’est-à-dire que les
capacités destructrices militaires, industrielles, écologiques et
financières mondiales ont déjà été massivement hypothéquées par un
État-continent appelé États-Unis d’Amérique et par ses vassaux. Il est
vrai que nous, pays capitalistes occidentaux à capitalisme mûr, ne
comptons que pour 1/7e de la population mondiale, mais c’est justement
ce qui donne l’inquiétante mesure du problème, puisque nous comptons
immensément plus pour ce qui est de la capacité destructrice.
Une totale absence de scrupules
Le
réalisateur Oliver Stone et l’historien Peter Kuznick ont fait
remarquer, avec beaucoup d’acuité, qu’avec Hiroshima et Nagasaki, les
USA ne voulaient pas seulement démontrer qu’ils étaient surpuissants,
mais aussi (ce qui encore plus préoccupant) qu’ils n’auraient aucun
scrupule dans la défense de leurs intérêts propres : ils étaient prêts à
réduire massivement en cendres hommes, femmes et enfants.
Les
populations libyennes, syriennes et irakiennes, martyrisées par les
corsaires fondamentalistes, sont l’effroyable démonstration de cette
absence de scrupules : ces épisodes de génocides par étapes sont
accomplis en lieu et place de l’unique extermination nucléaire, jugée
trop risquée. Dans ce sens précis, l’ISIS est utilisée comme une arme de
destruction massive échelonnée.
En Occident, cette stratégie reste incompréhensible pour la plupart des gens
Il
est vrai qu’elle est complexe, parce qu’elle se fonde sur un jeu
complexe d’intérêts différenciés, depuis des intérêts purement
idéologiques jusqu’à des intérêts purement maffieux. Cela n’en reste pas
moins surprenant, parce que, outre que cette stratégie est désormais
claire dans ses objectifs (évidemment parce que les USA eux-mêmes les
ont éclaircis), elle est, comme on l’a vu, la réédition d’une stratégie
connue et bien connue.
Sa perception pouvait être confuse pendant
le conflit afghan des années 80. Il pouvait alors être difficile de
comprendre la connexion entre choc des cultures, invasion soviétique et
naissance de la guérilla islamiste, soutenue et organisée par les USA.
Pourtant, certains chercheurs, en petit nombre, il est vrai, et traités
comme des excentriques, avaient déjà fait remarquer les connexions entre
crise systémique, reaganomics [8], financiarisation, conflits
géopolitiques, et la reprise d’initiative néo-impériale des USA après la
défaite au Vietnam (combien de fois a-t-on présenté les USA comme
fichus !). Je veux parler des chercheurs regroupés dans l’école du
« système-monde ».
Il est en tout cas curieux qu’une gauche aussi
déterminée dans les années 60 et 70 à lutter pour la défense du
prosoviétique Vietnam se soit retrouvée, très peu d’années après, à
faire des clins d’œil aux fondamentalistes soutenus par les USA contre
une Union soviétique maintenant considérée comme l’Empire à détruire à
tout prix.
Les ex-militants de gauche sont devenus des supporters de la nouvelle politique impériale
Avec
les Tours jumelles, début de la Troisième Guerre Mondiale par zones
dont parle même aujourd’hui le Pape (a-t-il vraiment fallu 13 ans au
Vatican pour le comprendre ?), la dérive totale de la gauche était
pré-annoncée par un spectaculaire chant du cygne : les énormes
manifestations contre les guerres de Bush Jr. et les politiques
néo-libérales globalisées. On était sur la bonne voie, car c’étaient là
exactement les deux aspects complémentaires du mariage entre argent et
pouvoir, mis à nu par la crise systémique. Et pourtant, il a suffi de
l’approfondissement de cette crise et de son irruption dans les centres
capitalistes occidentaux, puis de l’élection sanctifiée de Barack
Hussein Obama, pour faire dérailler tout raisonnement : et des centaines
de milliers d’ex-militants ont été transformés en supporters actifs,
passifs ou inconscients de la nouvelle politique impériale. Ce n’est pas
une exagération : il suffit de comparer les 3 millions de personnes
dans la rue à Rome en 2003 contre la guerre contre l’Irak et les 300
(trois cents !) personnes dans la rue à Rome en 2011 contre la guerre
contre la Libye.
Mais le pire, c’est que ce n’est pas le résultat
d’un programme de conditionnement sophistiqué ! C’est le succès des
stratégies de communication introduites en leur temps par le Nazi
Goebbels, redistribuées à travers les vieux et les nouveaux médias, avec
une variante décisive : non seulement des mensonges gros comme des
maisons répétés partout à l’unisson et par tous les médias, mais, en
plus, assaisonnés avec les termes et les concepts qui plaisent le plus à
la gauche. Si lancer des bombes fait froncer le nez, il suffit de dire
qu’elles sont intelligentes ou même humanitaires, voire qu’elles
constituent tout bonnement des aides humanitaires.
L’Empire parle
alors un langage d’un registre étendu, depuis le registre réactionnaire,
jusqu’au registre du progrès technique, social et politique. Ce n’est
pas vraiment une nouveauté, mais sa cible est une société en voie de
désarticulation, à cause de la crise toujours plus féroce, abandonnée et
même trahie par les intellectuels et les politiciens auxquels elle
s’était confiée, et où, hélas, même dans les quelques bastions de
résistance qui restent, les effets mutagènes du langage impérial
exercent leurs ravages.
Comme le commenta alors [2011] une vignette d’Altan [Dessinateur humoriste italien, NdT], il y a un truc, cela se voit parfaitement, mais tout le monde s’en fiche.
Les raisons devraient en être étudiées de façon beaucoup plus
approfondie que dans les rapides propositions qui précèdent, pour
comprendre comment on peut sortir de ces limbes suspendus au-dessus du
gouffre.
De toute façon, la « guerre contre le terrorisme » n’a
abattu aucun terrorisme, parce qu’il n’y avait aucun terrorisme à
abattre. En revanche, elle a détruit des États, d’abord l’Afghanistan,
puis l’Irak.
Entre temps, le terrorisme est entré en sommeil,
et n’est réapparu que pour donner quelques nécessaires preuves de vie, à
Madrid et Londres, au cœur de l’Europe. En réalité, il était en phase
de réorganisation, dans le sens où on était en train de le réorganiser
pour les nouveaux théâtres d’opérations, peut-être, au début, pas encore
très clairs dans l’esprit des stratèges états-uniens parce que, dans
les crises systémiques, même celui qui génère et utilise le chaos en
ressent les conséquences.
La gauche a déployé une stupéfiante capacité à ne rien comprendre
Avec
Obama, les objectifs et la stratégie s’éclaircissent progressivement.
Une fois la nouvelle armée corsaire réorganisée et montée en puissance,
éclate la nouvelle offensive, moyennant deux préludes : le discours
d’Obama à l’Université du Caire en 2009 et les « printemps arabes »
commencés l’année suivante.
Dans les deux cas, la gauche a déployé
une stupéfiante capacité à ne rien comprendre. Ayant désormais
complètement séparé l’anticapitalisme de l’antiimpérialisme, la plus
grande partie du « peuple de gauche » s’est laissé envelopper dans la
mélasse du couple « bonnes intentions-droits humanitaires » [… ],
élevant n’importe quel bla-bla au rang de concept, puis de Verbe. Il
suffit qu’Obama parle, et on s’écrie en chœur : que c’est beau ! Quelle
différence entre Obama et ce belliciste antimusulman de Bush ! Vous avez
entendu ce qu’il a dit au Caire ?
Pas le plus léger soupçon que
l’Empire est en train d’exposer sa nouvelle doctrine d’alliance avec
l’Islam politique (alliance qui a son centre logistique, financier et
organisationnel en Arabie saoudite, le partisan le plus fidèle et le
plus ancien des USA au Moyen-Orient).
C’est encore pire avec les « printemps arabes »
Même
alors que les bombardements sur la Libye ont commencé, la gauche n’a
pas le bon sens de réviser son enthousiasme pour ces « révoltes ».
Paradigmatique fut le démentiel et déplaisant appel de Rossana Rossanda
[9] à s’enrôler dans les rangs des égorgeurs de Benghazi (dont le chef
venait directement de Guantanamo, avec couverture de l’Otan), « comme
les antifascistes l’avaient fait en Espagne ». Cet appel était le signe
de la corruption aristotélicienne, non pas d’un cerveau de vieillard,
mais de plusieurs générations de rêveurs ayant grandi sous le ciel de
l’empire américain, naturel comme le firmament, et invisible comme le
temps, donc non perceptible. Sous cette coupole étoilée et globalisée,
le capitalisme devenait non plus un rapport social vivant dans une
société et des lieux géographiques matériels, mais un simple concept qui
s’opposait à un autre concept, celui du capital à celui du travail. Rien de moins matérialiste depuis les temps des discussions sur le sexe des anges.
Désaccoupler
le capitalisme de l’impérialisme c’est comme prétendre dissocier
l’hydrogène de l’oxygène, tout en voulant en même temps conserver l’eau.
Pour un chrétien, c’est comme dissocier le Christ du Saint-Esprit : il
en reste quelque chose, qui hésite entre l’érudition livresque et les
bons sentiments instinctifs, livré comme une proie à tout démon fourbe
et déterminé.
On est arrivé au point qu’un chef d’état-major
étatsunien, le général Wesley Clark, révèle que la Libye et la Syrie
étaient déjà en 2001 sur une liste d’objectifs sélectionné par le
Pentagone, et que de soi-disant marxistes continuent, tranquillement, à
croire à des « révoltes populaires », ces révoltes populaires
qu’eux-mêmes n’ont pas été et ne sont pas capables de susciter dans leur
propre pays. Bref, ce sont là les effets de crises d’abstinence.
Le Mouvement 5 étoiles et Sinistra Ecologia Libertà, apportent un peu de lucidité en Italie
Mais
ce sont là désormais des détails résiduels, qui concernent des résidus
historiques, privés de valeur politique. Ils servent tout au plus à
illustrer le bien plus grave phénomène de toute une gauche confrontée à
la Troisième Guerre Mondiale, et qui y arrive dans un état
d’impréparation totale, sur les plans théorique, politique et
idéologique. Elle est plus désarmée que le « peuple de droite », et
souvent se range ouvertement dans le camp des bellicistes.
Ah !
Pasolini, comme tu avais raison de tonner contre les « irresponsables
intellectuels de gauche » ! Jusqu’où sommes-nous arrivés !
Il n’y a qu’un petit rayon dans cet été si nuageux. On ne peut qu’être d’accord avec le Mouvement 5 étoiles [10] et le Sinistra Ecologia Libertà [11]
sur leur opposition à l’envoi d’armes aux Kurdes (d’ailleurs à quels
Kurdes ?). Divers raisonnements s’unissent ici, comme l’indécence
d’exporter des armes et l’inutilité de la chose pour résoudre le
conflit. Mais la vraie inutilité et l’indécence résident dans le fait
que ce conflit est un jeu à somme nulle, dans lequel se trouveront
prises des milliers de personnes, à 90 % des civils, comme c’est le cas
dans tous les conflits modernes, et comme nous en avertissent des
organisations comme Emergency.
Les preuves de ces forfaitures sont là, il suffit de les regarder
Le
sénateur John McCain, en apparence franc-tireur, mais en réalité agent
plénipotentiaire de la politique de chaos terroriste d’Obama, s’est mis
d’accord aussi bien avec les leaders du Gouvernement régional kurde en
Irak qu’avec le Calife de l’ISIS, Abu Bakr al- Baghdadi, ex Abu Du’a, ex
Ibrahim al-Badri, un des cinq terroristes les plus recherchés par les
USA, avec une récompense de 10 millions de dollars.
Il y a des
témoignages et des preuves photographiques. Et c’est sur ces photos que
se fonde la dénonciation devant l’autorité judiciaire, présentée par
leurs familles, du sénateur McCain comme complice de l’enlèvement au
Liban, par l’ISIS, de plusieurs personnes.
De même que Mussolini
avait besoin d’un millier de morts à jeter sur la table des négociations
de paix, les USA, l’ISIS et les dirigeants kurdo-irakiens ont besoin de
quelques milliers de morts (civils) à jeter sur la scène de la tragédie
moyen-orientale, afin de mener à bien la tripartition de l’Irak et le
vol de zones du nord-est de la Syrie (ce qui est le contraire d’une
union contre les terroristes de la Syrie et des USA, comme l’écrivent
des voyous frivoles dont la plume est vendue au régime). Le tout au
bénéfice du réalisme du spectacle.
[…]
En 1979, Zbigniew
Brzezinski avait compris et écrit que le futur problème des USA était
l’Eurasie et qu’il fallait donc la balkaniser, en particulier la Russie
et la Chine.
Au début du siècle passé, en pleine hégémonie
mondiale de l’Empire britannique, le géographe anglais Halford Mackinder
[12] écrivait « Qui contrôle l’est de l’Europe commande le
Heartland, qui contrôle le Heartland commande l’Ile-Monde, qui contrôle
L’Ile-Monde commande le monde ».
Les infatigables
déambulations de McCain entre Ukraine et Moyen-Orient ne sont donc pas
un hasard. La pensée dominante est toujours la même. Ce qui a changé,
c’est que les USA ont compris qu’il n’est pas nécessaire que ce soit ses
propres troupes qui fassent tout le sale boulot.
Piotr | 25 Août 2014
[1] Nihil obstat est une locution latine signifiant proprement « rien ne s’oppose ».
[2] Harry St. John Bridger Philby (né
le 3 avril 1885 à Badulla, Ceylan – mort le 30 septembre 1960 à
Beyrouth, Liban), également connu sous les noms de Jack Philby ou Sheikh
Abdullah (الشيخ عبدالله), fut espion britannique, explorateur,
écrivain, et ornithologue (wikipedia, français).
[3] Gertrude Margaret Lowthian Bell,
née le 14 juillet 1868 à Washington Hall dans le comté de Durham en
Angleterre et décédée le 12 juillet 1926 à Bagdad, était une femme de
lettres, analyste politique, archéologue, alpiniste, espionne et
fonctionnaire britannique (wikipedia, français).
[4] Zbigniew Kazimierz Brzeziński (né
le 28 mars 1928 à Varsovie en Pologne) est un politologue américain
d’origine polonaise. Il a été conseiller à la sécurité nationale du
Président des États-Unis Jimmy Carter, de 1977 à 1981 (wikipedia,
français). Il est l’auteur du fameux livre Le grand échiquier (les-crises.fr, français).
[5]
Étant formellement un État internationalement reconnu, Israël doit se
soumettre à la légalité internationale, même s’il ne le fait
pratiquement jamais (il se prévaut de larges dérogations), et il a une
organisation politico-institutionnelle complexe (mais celle-ci compte de
moins en moins, comme chez nous [en Europe, NdT]).
[6] La RAND Corporation,
fondée en 1945, est une institution américaine à but non lucratif qui a
pour objectif d’améliorer la politique et le processus décisionnel par
la recherche et l’analyse (wikipedia, français).
[7] A New Nuclear Posture (armscontrol.org, anglais, 05-2010)
[8] Le terme de Reaganomics,
mot-valise de « Reagan » et « economics » se réfère aux politiques en
matière d’économie du président américain Ronald Reagan. Ses quatre
piliers furent d’augmenter les dépenses du gouvernement, notamment
militaires, de réduire les impôts sur le revenu du travail et du
capital, de réduire la régulation, et de contrôler l’argent utilisé pour
réduire l’inflation (wikipedia, français).
[9] Rossana Rossanda (Pola,
aujourd’hui en Croatie, 23 avril 1924), est une journaliste et une
femme politique italienne, dirigeante du Parti communiste italien dans
les années 1950 et 1960 (wikipedia, français).
[10] Le Mouvement 5 étoiles (en
italien, Movimento 5 Stelle ou Cinque Stelle, M5S) est un mouvement
politique italien qui se qualifie d’« association libre de citoyens »
(wikipedia, français).
[11] Gauche, écologie et liberté, un des petits partis à gauche de la gauche (wikipedia, français).
[12] Halford John Mackinder (15 février 1861 – 6 mars 1947) est un géographe et géopoliticien britannique. D’après sa théorie du Heartland,
on observerait ainsi la planète comme une totalité sur laquelle se
distinguerait d’une « île mondiale », Heartland (pour 2/12e de la Terre,
composée des continents eurasiatique et africain), des « îles
périphériques », les Outlyings Islands (pour 1/12e, l’Amérique,
l’Australie), au sein d’un « océan mondial » (pour 9/12e). Il estime que
pour dominer le monde, il faut tenir ce heartland, principalement la
plaine s’étendant de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale, qui
rayonne sur la mer Méditerranée, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et la
Chine (wikipedia, français).
Note du
traducteur : Nous avons supprimé deux courts passages concernant la
politique intérieure italienne, qui nous paraissent trop spécifiques
pour le public francophone. Nous les avons signalés par la mention […].
Original : Perché gli USA usano l’ISIS per conquistare l’Eurasia
Traduit par Rosa Llorens
Source:https://blogs.mediapart.fr/danyves/blog/030914/le-chaos-s-eclaircit-voici-pourquoi-les-usa-utilisent-l-isis-pour-conquerir-l-eurasie