Élire l’Arabie saoudite au Conseil des droits de l’homme, c’est comme
nommer un pédophile directeur d’école. Mais ça y est, c’est fait. Cette
monarchie est esclavagiste et corrompue. Pudibonde et obscène, elle se
prosterne devant le dieu-dollar et vomit tout ce qui n’est pas
wahhabite. Elle diffuse à l’échelle planétaire une idéologie débile et
sectaire. Elle invoque le Créateur à chaque virement bancaire, mais elle
décapite comme d’autres font un barbecue. Seulement voilà, elle a
beaucoup d’amis. Et ils trouvent qu’elle a un excellent pedigree pour se
voir confier la promotion des droits de l’homme. Remarquez, on a
échappé au pire. On a failli lui confier les droits de la femme.
Voilà
donc l’Arabie saoudite chargée, avec notre bénédiction, de soutenir les
droits de l’homme comme la corde soutient le pendu. Car les Occidentaux
ont voté comme un seul homme pour la candidature de Riyad. Avec une
bienveillance de marchands de canons soucieux de la réputation du
client, ils ont arrosé d’eau bénite cette fosse à purin. Vus de Paris,
les dix milliards de contrats d’armements valent bien cette petite
mascarade dont personne ne parlera plus dans 48 heures. On leur a vendu
des armes, distribué des médailles, bradé l’honneur national. Tant qu’on
y est, on peut aussi leur permettre de parader au sein de ce conseil
qui de toutes façons ne sert à rien. Puisqu’ils y tiennent !
Le
prince héritier Mohamed ben Nayef, reçu par François Hollande à
l’Elysée pour lui remettre la Légion d’Honneur, mars 2016 |
On
pourrait craindre, bien sûr, que l’ONU y perde de sa crédibilité.
L’organisation internationale s’en remettra-t-elle ? En réalité, aucun
risque. L’ONU est une avaleuse de couleuvres professionnelle.
Elle n’est
pas à un paradoxe près. Elle tente de donner une apparence de réalité à
cette fiction qu’est la communauté internationale, mais personne n’est
dupe. Le Conseil des droits de l’homme a des attributions ronflantes,
mais ce machin onusien est devenu la « bonne-à-tout faire » des
ploutocrates. L’arène internationale est un champ de forces où les
alliances se font et se défont.
Richissime, la monarchie wahhabite a des
moyens de persuasion que n’a pas le Burkina Faso.
Que cette
élection au CDH (28 octobre) ait eu lieu trois semaines après le
massacre perpétré à Sanaa par l’aviation saoudienne (8 octobre) ne
manque pas de sel. Quel symbole ! L’admission en grande pompe au Conseil
des droits de l’homme, c’est la prime à l’assassin.
On a heureusement
échappé au Prix Nobel de Laurent Fabius, l’apologiste alcoolique des
psychopathes d’Al-Nosra. On a frôlé celui des Casques blancs
« auto-reverse », brancardiers le jour et tortionnaires la nuit. Mais
c’était plus fort que tout. On n’a pas pu éviter l’élection des coupeurs
de tête saoudiens au Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
On
aurait dû surtout demander ce qu’il en pense au peuple yéménite. Il
subit tous les jours des bombardements qui ont fait 10;000 morts et
provoqué une crise humanitaire sans précédent. Mais on s’est bien gardé
de lui demander son avis, à ce peuple arabe martyr, avant de coller ce
nouveau fion de hamster au revers du veston wahhabite. Car les droits de
l’homme, en fait, c’est bon pour justifier les bombardements, pas pour
les interdire. Sauf s’ils sont russes. Et même lorsqu’il n’y a pas de
bombardement ! Explication.
Comme par hasard, deux jours avant le
scrutin onusien, une école a été attaquée à Idlib (Syrie). Selon l’ONU,
il y a eu 28 morts dont 22 enfants. L’ONU n’a accusé personne, faute de
preuves. Mais les officines de propagande et les médias occidentaux ont
accusé la Russie. Niant toute implication, le ministère russe de la
Défense a fourni les preuves qu’il n’y avait pas eu de bombardement
aérien. Aucune importance ! L’essentiel, c’est le vacarme organisé
contre Moscou avant l’élection des membres du conseil des droits de
l’homme. Résultat : la Russie a obtenu moins de voix que la Croatie.
Contrairement à l’Arabie saoudite, elle ne fait plus partie du CDH.
Mission accomplie.
Bruno Guigue (29.10.2016)
Bruno Guigue, ex-haut
fonctionnaire, analyste politique et chargé de cours à l’Université de
La Réunion. Il est l’auteur de cinq ouvrages, dont Aux origines du conflit israélo-arabe, L’invisible remords de l’Occident, L’Harmattan, 2002, et de centaines d’articles.
Les dirigeants occidentaux justifient presque toujours leur
politique étrangère par des mots sur la «démocratie» et les «droits de
l'homme». Surtout quand on parle du Moyen-Orient, l'insincérité de ces mots est
évidente. Alors
que ces dirigeants critiquent l'Iran et la Syrie pour des violations présumées
des droits de l'homme, le monde entier peut voir que les alliés des Occidentaux
dans la région font des violations sérieuses des droits de l'homme.
Israël a été largement condamné pour son traitement des
Palestiniens. L'Arabie
saoudite est un pays où même la notion des droits de l'homme n'existe pas. Le
Royaume est une monarchie absolue où les gens peuvent encore être exécutés par décapitation
ou par crucifixion dans ce 21ème siècle. Les
crimes punis par la mort sous le régime saoudien incluent la «sorcellerie» et l’«insulte
au roi». Selon la loi saoudienne, les gens ne sont pas des citoyens avec des
droits, mais plutôt des «sujets» qui sont essentiellement la propriété du roi. Il
en est de même dans les autres États croupions.
Le Qatar est aussi un régime répressif. Comme
l'Arabie Saoudite, c'est une monarchie absolue, où un Roi sert d'autocrate non
élu. Bahreïn est connu non seulement pour son manque de structures
démocratiques, mais pour sa répression de la majorité de sa population qui est musulmane
chiite et qui descend souvent dans la rue pour exiger un minimum de droits.
Les Émirats arabes unis, le Koweït, la Jordanie et presque
tous les autres régimes alignés sur les États-Unis dans le monde arabe ont un
système politique primitif, centré sur une monarchie autocratique. Ces
régimes sont connus pour torturer, décapiter, flageller, réprimer la liberté d'expression, opprimer
les minorités religieuses, et faire toutes sortes de choses auxquelles les
dirigeants occidentaux prétendent
s'opposer. Cela n'empêche pas les États-Unis de vendre des armes à ces régimes
ou d'acheter leur pétrole. Cela
n'empêche pas non plus les États-Unis d'établir des bases militaires sur leur
sol et de les gâter. Le Financial Times décrit comment les Émirats
arabes unis deviennent un «paradis fiscal» bien-aimé par les riches et
puissants dans le monde occidental. Alors
que les dirigeants occidentaux aiment parler des droits de l'homme, ils n'ont
aucun problème avec les émirats autocratiques gérer leur argent.
Hannibal GENSERIC