mardi 1 novembre 2016

SYRAK. Nouvelles mossoulo-alépinnes

Ça chauffe autour des deux villes syrakiennes, ça brûle même, et les développements que nous annoncions sont en train de se réaliser.
Ainsi, sur le théâtre nord-irakien, nous évoquions :
un dernier aspect de la bataille de Mossoul, qui n'est pas le moins important et que l'on pourrait résumer par cette question toute shakespearienne : porte ou pas porte de sortie ?
Selon un certain nombre d'observateurs, l'empire ayant vu son plan A (Assad doit partir) tomber complètement à l'eau et assistant impuissant à la reconquête d'Alep par les loyalistes, il active un plan B à minima : laisser une porte ouverte à l'ouest à Daech pour qu'un flot de djihadistes fuyant Mossoul s'engouffrent en Syrie et y renforcent le sunnistan. Une source anonyme russe confirme (ça vaut ce que ça vaut).
C'est également indirectement corroboré par le comportement d'une partie des combattants de la coalition, ce qui met une nouvelle fois en lumière l'invraisemblable bric-à-brac de celle-ci. Peut-être soupçonneux des intentions américaines et fermement décidées à éviter des difficultés supplémentaires à leur allié Assad, les milices chiites irakiennes annoncent qu'elles vont couper toute retraite possible aux petits hommes en noir du califat. De fait, certaines se dirigent déjà vers Tal Afar, prenant à revers Mossoul et isolant la ville. Si les Américains pensaient utiliser la grande bataille du nord de l'Irak pour mettre Damas en difficulté, leurs "alliés" au sein de la coalition sont en train de court-circuiter le stratagème...
Eh bien nous y sommes ! Il y a trois jours, les milices chiites ont lancé le grand mouvement d'encerclement à l'ouest de Mossoul, libérant un territoire conséquent. Le but est de faire la jonction avec le territoire kurde au nord (en jaune sur la carte), en prenant notamment la ville de Tal Afar (cercle rouge), et de tuer ainsi dans l'oeuf toute possibilité de retraite de Daech vers la Syrie.
Sauf que, Moyen-Orient oblige, les choses ne sont évidemment pas si simples. Si la "rencontre" entre chiites et Kurdes barzanistes ne devrait pas trop poser de problème (quoique, à voir...), Erdogan refait des siennes ! Le sultan avale couleuvre sur couleuvre ces temps-ci, notamment en Syrie (nous y reviendrons plus bas) et il voit avec horreur les cartes lui échapper en Irak.
En l'occurrence, c'est la course des milices chiites vers Tal Afar qui le préoccupe, du moins officiellement. La raison invoquée est la protection de l'importante population turkmène de la ville, qui avait d'ailleurs fourni certains des plus hauts cadres de Daech. Derrière se cache évidemment une lutte d'influence irano-turque (notez que même les rares fois qu'elle informe relativement sérieusement, la MSN ne peut se départir de son habituel ton pro-sunnite, c'est-à-dire pro-pétromonarchique et anti-iranien). Mais c'est plus globalement le futur des frontières irakiennes qui est en jeu ainsi que l'avenir de la guerre en Syrie voisine.
Toujours est-il que le sultan éructe et, comme d'habitude, menace d'intervenir, sans que l'on sache s'il est vraiment sérieux (voir cette concentration de tanks turcs à la frontière) ou si c'est un énième coup de voix dans l'eau. Le führerinho d'Ankara semble de plus en plus allumé. Ne vient-il pas d'ailleurs de déclarer que les îles grecques de la mer Egée étaient turques ? Il n'arrive décidément pas à tenir sa langue, quitte à se couper de tout et de tous. Car si, de manière ponctuelle, des réconciliations peuvent avoir lieu, plus aucun dirigeant ne lui fait confiance. Témoin, le nord syrien...
Nous avons décrit la course vers Al Bab entre les YPG kurdes et l'ASL soutenue par les Turcs, ainsi que les coups bas que se donnent joyeusement les deux groupes chemin faisant. Nous avions aussi évoqué :
le ton très menaçant du gouvernement syrien. Après les bombardements aériens turcs sur les Kurdes, Damas (et Moscou derrière ?) a sèchement averti que tout avion turc serait désormais purement et simplement abattu et que les troupes turques seraient considérées comme des "forces d'invasion". Lavrov n'est pas non plus resté muet, mettant en garde Ankara que toute nouvelle incursion aérienne "rencontrerait une résistance", sans préciser s'il s'agirait des systèmes anti-aériens russes ou syriens.
Chose promise, chose due : les avions turcs ne s'aventurent plus en territoire syrien depuis le 22 octobre ! Les S-300 et 400 refont parler d'eux... Il se dit même que des F16 ottomans téméraires se sont retrouvés nez à nez avec quelques Sukhois venus faire la causette et ont fait demi-tour. Le sultan en a avalé son loukoum de travers. S'il pensait que, sous couvert de réconciliation, Poutine lui avait donné carte blanche, il a dû sérieusement déchanter.
Conséquence immédiate sur le terrain : l'ASL fait du surplace tandis que les Kurdes, en coopération avec l'armée syrienne, ont sécurisé leur flanc sud - et le flanc nord des loyalistes qui font le siège d'Alep - et ont les mains libres pour avancer vers Al Bab. Sur la carte ci-dessous, les hommes de paille d'Ankara sont au même endroit que la semaine dernière (Tal Jijan, Ablah) alors que les YPG ont largement rattrapé leur retard :
Aux toutes dernières nouvelles, elles ont même pris un peu d'avance, bloquant partiellement la route à leur concurrent. Rappelons que de l'identité de celui qui occupe Al Bab dépendra une partie de la recomposition syrienne d'après-guerre...
Ca ne sera en tout cas vraisemblablement pas l'armée syrienne, hypothèse que nous évoquions la dernière fois sans lui donner d'ailleurs beaucoup de crédit. Les loyalistes sont en effet trop occupés à Alep où la grande offensive djihadiste annoncée a débuté et où d'importants moyens ont été mis en oeuvre afin de la repousser.
Car le premier jour, Al Qaeda, Ahrar al-Cham & co ont quelque peu semé la panique dans les rangs gouvernementaux, envoyant bulldozer piégé sur bulldozer piégé et réussissant à percer et même à mettre la main sur quelques points importants. Cela faisait craindre le pire pour le million et demi d'habitants de la zone gouvernementale (ceux dont la presstituée ne parle jamais) où des obus de mortier commençaient à tomber (on a également relevé une attaque au gaz).
Dès le deuxième jour cependant, l'armée, le Hezbollah et autres alliés réussissaient à stopper l'avance barbue et même à contre-attaquer, mouvement amplifié par la suite. La situation semble désormais stabilisée et le terrain perdu presque repris. Surtout, les djihadistes, qui avaient tout mis dans la bataille, doivent avoir pris un petit coup au moral en réalisant qu'il leur sera quasiment impossible de rompre le siège d'Alep.