Il a beau éructer, écumer, se démener, rien n'y fait : Erdogan continue de se prendre camouflet sur camouflet.
En Irak, malgré ses menaces, les milices chiites sont arrivées autour de Tal Afar, la prunelle des yeux sultanesques, coupant d'ailleurs toute voie de retrait
aux petits soldats daéchiques vers la Syrie. Impuissants devant cette
offensive, les Turcs ruminent, obligés qu'ils sont de mettre de l'eau
dans leur arak ; aux sommations succède un langage bien plus mesuré, le porte-parole présidentiel déclarant qu'Ankara "ne restera pas silencieuse". Ah ok...
Mais c'est en Syrie que ça chauffe vraiment, les dernières vingt-quatre heures ayant vu d'étonnantes choses. Al Bab d'abord. Les combats font rage
entre les YPG kurdes et l'ASL turquisée, cette dernière attaquée sur
son flanc par les premières (cercle jaune). On le voit, les "modérés"
pro-turcs commencent à se retrouver dans une position ô combien
inconfortable, pris en tenaille par les deux mâchoires kurdes.
La situation était déjà suffisante brûlante quand deux très grosses surprises sont tombées en ce 24 novembre (date anniversaire de l'incident du Sukhoï, ne l'oublions pas).
L'aviation syrienne a vraisemblablement bombardé les forces turques accompagnant l'ASL au nord d'Al Bab, tuant trois militaires ! La presse d'Ankara rapporte également l'info tandis que le principal parti d'opposition appelle à la retenue,
ne doutant toutefois pas de la responsabilité syrienne. Diantre, voilà
qui fera parler dans les chaumières de Beyrouth à Téhéran...
A chaud, les analystes se perdent en conjectures. Représailles contre les bombardements de l'artillerie
ottomane sur l'armée syrienne dans le nord de la province de Lattaquié
la veille ? Avertissement au sultan, lui signifiant que sa petite
aventure syrienne n'ira pas plus loin ? Volonté de Damas de reprendre
soi-même Al Bab ? Tout cela en même temps ? Seul le temps nous le dira.
Mais
cette bombe (à tous les sens du terme) est peut-être à mettre en
relation avec une autre nouvelle tout aussi surprenante : les généraux
syriens ont enfin bougé dans la région d'Al Bab. Plus exactement, nous
assistons, ô choc amer pour le sultan, à une opération conjointe
armée syrienne-Kurdes d'Efrin (rouge à points jaunes sur la carte) en
train de se diriger à toute allure vers les lignes ASL-turques et vers
Al Bab :
La
bonne entente entre les forces loyalistes et les Kurdes d'Efrin n'est
pas nouvelle, au contraire de ce qui se passe dans l'autre partie du
Kurdistan syrien où des chamailleries meurtrières
ont à nouveau éclaté, à Qamishli cette fois. Si l'expédition syro-kurde
continue et fait la jonction avec les YPG de Manbij, la porte se
refermera au nez du sultan, comme dans le nord irakien pour cause de
milices chiites. Surtout, son pire cauchemar verra le jour avec la
constitution du fameux Rojava. A l'échelon supérieur, Moscou, Washington
(Trump plus qu'Obama) et leurs alliés à Damas et à Hassaké se sont-ils
entendus, sur le dos d'Erdogan, pour l'établissement d'un Kurdistan
autonome au sein d'une Syrie fédérale ? A suivre...
Et puisque l'on parle de manoeuvres internationales, autre coup de tonnerre : des chasseurs égyptiens
seraient arrivés en Syrie ! C'est ce que rapporte un journal libanais
mais aussi certains sites rebelles. Est-ce vraiment une surprise ?
Depuis la chute des Frères musulmans de Morsi, Le Caire s'est rangé sans
ambiguïté du côté syro-russe, ce qui a d'ailleurs provoqué des vagues
dans les relations egypto-saoudiennes. Le rift s'agrandit chaque jour un
peu plus et, il y a quelques semaines, Riyad a même suspendu ses livraisons de pétrole à l'Egypte qui se tourne toujours plus vers l'Iran.
En
Syrie, de hauts pontes étoilés égyptiens avaient rendu une petite
visite à leurs confrères russes à Tartous le mois dernier et nous avions évoqué :
les exercices militaires conjoints russo-égyptiens,
là encore une première du genre. Sans remonter à Nasser, Le Caire et
Moscou sont en harmonie depuis plusieurs années (on se rappelle la
visite pharaonesque de Poutine début 2015) et partagent la même position
sur le dossier syrien. Le net rafraîchissement des relations entre
l'Egypte et les Etats-Unis après 2013 a, loi des vases communicants
oblige, pleinement profité à Moscou et l'on parle même maintenant d'une possible base russe en Egypte (Sisi a démenti mais...)
Suite
presque logique, l'aviation pharaonique arrive en Syrie pour, selon le
journal libanais, "participer aux opérations contre l'Etat Islamique
tout en fournissant un soutien logistique à l'armée de l'air syrienne".
Et puisque l'on parle de bases, terminons sur les gros travaux visant à transformer Tartous en un centre naval intégral susceptible d'accueillir, selon un haut responsable russe de la défense, "des porte-avions, des sous-marins nucléaires et d'autres navires". L'ours est là pour rester, et en force, au Moyen-Orient et en Méditerranée orientale...
Rédigé par Observatus geopoliticus