Le président français Emmanuel Macron a fait savoir
qu’il ordonnerait des frappes aériennes contre la Syrie si les rumeurs
disant que le gouvernement utilise des armes chimiques contre des civils
sont confirmées. Jamais confirmés par des preuves concrètes, des
rapports de ce genre apparaissent épisodiquement dans les médias
occidentaux. Dans certains cas, l’Organisation pour l’Interdiction des
Armes Chimiques (OIAC) a affirmé que les traces conduisaient en réalité
aux terroristes, pas au gouvernement syrien. D’autres affaires d’armes
chimiques se sont présentées dernièrement. Pourquoi maintenant ? Quelques informations de base peuvent fournir plusieurs indices.
La situation en Syrie s’est fortement aggravée. La France n’est pas le seul acteur menaçant d’incursion. Les Israéliens viennent d’attaquer certains sites en Syrie, ainsi que ce qu’ils appellent « les forces iraniennes en Syrie », et ont déclaré qu’il n’hésiterait pas à recommencer. Ils ont abattu un drone iranien et ont perdu [1] un chasseur F-16. Il est fort probable que la confrontation directe entre Israël et l’Iran aura lieu. Israël a renforcé ses défenses à la frontière syrienne [sur le Golan].
L’administration Trump, qui a adopté une
posture rigide envers l’Iran, soutient fermement Israël. Selon lui, les
États-Unis ne permettront pas à l’Iran de s’enraciner en Syrie, si près
de la frontière israélienne. Un conflit entre Israël et l’Iran mettrait
en péril les forces étasuniennes dans tout le Moyen-Orient. Les
missiles mobiles iraniens ayant un rayon de frappe de 2000 kilomètres,
toutes les bases étasuniennes de la région, y compris celles du Qatar,
du Koweït, des Émirats Arabes Unis, et la 5ème flotte basée à Bahreïn,
sont à leur portée. Ce rayon de frappe suffit à rendre vulnérables les
avant-postes étasuniens en Syrie et en Afghanistan. Israël se trouve
aussi dans l’espace couvert par ces missiles. Bien que les missiles
balistiques iraniens n’aient rien à voir avec l’accord nucléaire de
2015, les États-Unis ont quand même imposé des sanctions à Téhéran pour
son programme de missiles.
Les tensions ont augmenté au moment où
les Russes et leurs partenaires en Syrie – la Turquie et l’Iran – ont
fait de grandes avancées diplomatiques. Le Congrès national syrien, qui s’est tenu à Sotchi
le 30 janvier, a réuni plus de 1500 Syriens pour relancer le dialogue
national. Ce nouveau forum a toutes les chances de devenir une tribune
réunissant tous ceux qui participent aux négociations à Genève et à
Astana. L’envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Staffan De
Mistura, a reconnu tout le mérite de l’événement.
Le 15 février, le président russe
Vladimir Poutine s’est entretenu avec le roi Abdallah II de Jordanie.
Les deux dirigeants ont abordé plusieurs problèmes en privé. Les
perspectives du règlement pacifique de la crise syrienne étaient la
priorité de l’ordre du jour. Lors d’un entretien avec le quotidien gouvernemental russe Rossiyskaya Gazeta, le roi jordanien a parlé du Président Poutine en l’appelant « mon frère. »
Le Président palestinien Mahmoud Abbas
s’est rendu à Moscou le 12 février. Cette visite historique indiquait un
changement majeur : la direction de la médiation entre Palestine et
Israël quittant les États-Unis pour passer en Russie. Le dirigeant
palestinien a privé de ce rôle les États-Unis après l’annonce du
Président Trump du 6 décembre 2017, sur la reconnaissance de Jérusalem
capitale d’Israël. Cette décision a sapé
considérablement la crédibilité des États-Unis au Moyen-Orient.
Impressionné par le travail diplomatique russe visant à remettre en état
le processus de paix syrien, Mahmoud Abbas a sollicité Moscou pour
organiser une conférence internationale de paix visant à régler le
conflit israélo-palestinien.
Si Moscou accepte le rôle qui lui est
offert et parvient à faire quelques progrès, montant en flèche dans la
région, son influence dépassera celle des États-Unis, qui ont déjà vu
leur réputation s’affaiblir après leurs déboires en Irak, en
Afghanistan et ailleurs. Contrairement à Moscou, Washington ne peut
offrir aucune alternative au travail effectué à Astana et à Sotchi. La
contribution étasunienne dans l’impasse des pourparlers de Genève, a été
au mieux modeste. À l’Assemblée générale des Nations Unies,
l’humiliation subie par les États-Unis [2] à cause de leur politique sur
Jérusalem, a mis au grand jour le déclin de l’influence de Washington.
La présence illégale des États-Unis en Syrie est devenue plus compliquée [à expliquer] et pleine d’embûches.
La nécessité de combattre l’État islamique est devenue l’excuse
boiteuse après la défaite de la meute de djihadistes [coupeurs de têtes].
La prétendue menace iranienne sert désormais à justifier leurs
opérations militaires dans un pays lointain. Les États-Unis ne
s’épargnent rien pour tenter de ramener l’époque où ils étaient la seule
puissance dominante au Moyen-Orient. Pour ce faire, ils dirigent par
exemple la coalition anti-iranienne: la Syrie est le meilleur endroit
pour affronter l’Iran et commencer à réduire son influence. Si
l’éventualité se présente, la France est prête à se joindre à
Washington. Envenimer l’impasse israélo-iranienne sert cet objectif,
mais le principal obstacle est le processus de paix dont la Russie est
le fer de lance. Et plus la Russie travaille dur, plus surgissent des
situations artificielles visant à contrer l’accomplissement de ses
nobles objectifs.
Strategic Culture Foundation, Peter Korzun
Original : www.strategic-culture.org/news/2018/02/16/exacerbation-tensions-syria-who-stands-gain.html
Traduction Petrus Lombard
Traduction Petrus Lombard