samedi 17 février 2018

Exacerbation des tensions en Syrie : Qui est en position de gagner ?

Le président français Emmanuel Macron a fait savoir qu’il ordonnerait des frappes aériennes contre la Syrie si les rumeurs disant que le gouvernement utilise des armes chimiques contre des civils sont confirmées. Jamais confirmés par des preuves concrètes, des rapports de ce genre apparaissent épisodiquement dans les médias occidentaux. Dans certains cas, l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC) a affirmé que les traces conduisaient en réalité aux terroristes, pas au gouvernement syrien. D’autres affaires d’armes chimiques se sont présentées dernièrement. Pourquoi maintenant ? Quelques informations de base peuvent fournir plusieurs indices.

La situation en Syrie s’est fortement aggravée. La France n’est pas le seul acteur menaçant d’incursion. Les Israéliens viennent d’attaquer certains sites en Syrie, ainsi que ce qu’ils appellent « les forces iraniennes en Syrie », et ont déclaré qu’il n’hésiterait pas à recommencer. Ils ont abattu un drone iranien et ont perdu [1] un chasseur F-16.  Il est fort probable que la confrontation directe entre Israël et l’Iran aura lieu. Israël a renforcé ses défenses à la frontière syrienne [sur le Golan].
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L’administration Trump, qui a adopté une posture rigide envers l’Iran, soutient fermement Israël. Selon lui, les États-Unis ne permettront pas à l’Iran de s’enraciner en Syrie, si près de la frontière israélienne. Un conflit entre Israël et l’Iran mettrait en péril les forces étasuniennes dans tout le Moyen-Orient. Les missiles mobiles iraniens ayant un rayon de frappe de 2000 kilomètres, toutes les bases étasuniennes de la région, y compris celles du Qatar, du Koweït, des Émirats Arabes Unis, et la 5ème flotte basée à Bahreïn, sont à leur portée. Ce rayon de frappe suffit à rendre vulnérables les avant-postes étasuniens en Syrie et en Afghanistan. Israël se trouve aussi dans l’espace couvert par ces missiles. Bien que les missiles balistiques iraniens n’aient rien à voir avec l’accord nucléaire de 2015, les États-Unis ont quand même imposé des sanctions à Téhéran pour son programme de missiles.
Les tensions ont augmenté au moment où les Russes et leurs partenaires en Syrie – la Turquie et l’Iran – ont fait de grandes avancées diplomatiques. Le Congrès national syrien, qui s’est tenu à Sotchi le 30 janvier, a réuni plus de 1500 Syriens pour relancer le dialogue national. Ce nouveau forum a toutes les chances de devenir une tribune réunissant tous ceux qui participent aux négociations à Genève et à Astana. L’envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Staffan De Mistura, a reconnu tout le mérite de l’événement.
Le 15 février, le président russe Vladimir Poutine s’est entretenu avec le roi Abdallah II de Jordanie. Les deux dirigeants ont abordé plusieurs problèmes en privé. Les perspectives du règlement pacifique de la crise syrienne étaient la priorité de l’ordre du jour. Lors d’un entretien avec le quotidien gouvernemental russe Rossiyskaya Gazeta, le roi jordanien a parlé du Président Poutine en l’appelant « mon frère. »
Le Président palestinien Mahmoud Abbas s’est rendu à Moscou le 12 février. Cette visite historique indiquait un changement majeur : la direction de la médiation entre Palestine et Israël quittant les États-Unis pour passer en Russie. Le dirigeant palestinien a privé de ce rôle les États-Unis après l’annonce du Président Trump du 6 décembre 2017, sur la reconnaissance de Jérusalem capitale d’Israël. Cette décision a sapé considérablement la crédibilité des États-Unis au Moyen-Orient. Impressionné par le travail diplomatique russe visant à remettre en état le processus de paix syrien, Mahmoud Abbas a sollicité Moscou pour organiser une conférence internationale de paix visant à régler le conflit israélo-palestinien.
Si Moscou accepte le rôle qui lui est offert et parvient à faire quelques progrès, montant en flèche dans la région, son influence dépassera celle des États-Unis, qui ont déjà vu leur réputation s’affaiblir après leurs déboires en Irak, en Afghanistan et ailleurs. Contrairement à Moscou, Washington ne peut offrir aucune alternative au travail effectué à Astana et à Sotchi. La contribution étasunienne dans l’impasse des pourparlers de Genève, a été au mieux modeste. À l’Assemblée générale des Nations Unies, l’humiliation subie par les États-Unis [2] à cause de leur politique sur Jérusalem, a mis au grand jour le déclin de l’influence de Washington.
La présence illégale des États-Unis en Syrie est devenue plus compliquée [à expliquer] et pleine d’embûches. La nécessité de combattre l’État islamique est devenue l’excuse boiteuse après la défaite de la meute de djihadistes [coupeurs de têtes]. La prétendue menace iranienne sert désormais à justifier leurs opérations militaires dans un pays lointain. Les États-Unis ne s’épargnent rien pour tenter de ramener l’époque où ils étaient la seule puissance dominante au Moyen-Orient. Pour ce faire, ils dirigent par exemple la coalition anti-iranienne: la Syrie est le meilleur endroit pour affronter l’Iran et commencer à réduire son influence. Si l’éventualité se présente, la France est prête à se joindre à Washington. Envenimer l’impasse israélo-iranienne sert cet objectif, mais le principal obstacle est le processus de paix dont la Russie est le fer de lance. Et plus la Russie travaille dur, plus surgissent des situations artificielles visant à contrer l’accomplissement de ses nobles objectifs.

[1]   Netanyahou humilié : Les Syriens détruisent deux vagues de missiles de croisière israéliens

[2] Jérusalem. L'ONU fait un doigt d’honneur à Trump et à Netanyahou