lundi 5 février 2018

La Russie et la Chine sont déterminées à enterrer le dollar


« Les nations d’Eurasie développent des moyens propres pour assurer la croissance de leurs économies à l’abri des sanctions financières du Trésor américain. »
Le gouvernement russe a récemment annoncé qu’il émettra l’équivalent de près d’un milliard de dollars en obligations d’État, mais non pas libellées en dollars américains, ce qui est généralement le cas, mais plutôt en yuan chinois. Il s’agit de la première vente d’obligations russes dans cette devise.

Alors que un milliard de dollars peut sembler peu par rapport à la dette totale de la Banque populaire de Chine de plus de 1 000 milliards de dollars ou à la dette fédérale américaine de plus de 20 000 milliards de dollars, sa signification dépasse le faible montant nominal. Il s’agit, pour les deux gouvernements – Russie et Chine – de tester le potentiel de financement par l’État de ses infrastructures, et d’autres projets, à l’abri du risque du dollar provenant d’événements tels que les sanctions financières du Trésor américain.
Dette russe et Yuan chinois
Depuis le défaut souverain de la Russie, en août 1998, déclenché par l’Occident, les finances publiques du pays ont été prudentes. Le volume de la dette publique nationale russe est le plus faible de tous les grands pays industriels, à peine 10,6% du PIB pour l’année en cours [98% en 2016 pour la France]. Cela a permis à la Russie de résister aux sanctions de la guerre financière imposée par les États-Unis depuis 2014 et a obligé la Russie à chercher ailleurs pour sa stabilité financière. Cet « ailleurs » s’appelle de plus en plus la République populaire de Chine.
Maintenant, le ministère russe des Finances planifie, pour la première fois, la vente de la dette russe sous forme d’obligations libellées en monnaie chinoise. La taille de la première offre, testée sur le marché, sera de 6 milliards de yuans, soit un peu moins de un milliard de dollars. La vente est organisée par la société publique russe Gazprombank, la Bank of China Ltd. et la plus grande banque publique chinoise, Industrial & Commercial Bank of China. Le mouvement est accéléré par des rapports annonçant que le Trésor américain étudiait les conséquences potentielles d’une extension des pénalités, jusqu’à présent concentrées sur les projets pétroliers et gaziers russes, pour inclure la dette souveraine russe dans sa guerre commerciale de sanctions. Le nouvel emprunt en yuan sera négocié à la Bourse de Moscou et destiné à être vendu aux investisseurs de Chine continentale ainsi qu’aux emprunteurs internationaux et russes à des taux d’intérêt intéressants.
Les sanctions occidentales ou les menaces de sanctions forcent la Russie et la Chine à coopérer de façon plus stratégique sur ce qui devient le germe d’une véritable alternative au système du dollar. Les offres de dette russe en yuan donneront également un coup de pouce significatif à la volonté de la Chine d’installer le yuan comme devise internationalement acceptée.
Le pétro-yuan chinois
Les démarches pour commencer à émettre la dette de l’État russe en yuans vont de pair avec un autre développement majeur pour promouvoir une acceptation internationale plus large du yuan vis-à-vis du dollar américain. Le 13 décembre, les autorités de réglementation chinoises ont achevé les tests finaux en vue du lancement d’un contrat à terme sur le pétrole, non soutenu par le dollar, mais par le yuan, et  négocié sur le Shanghai Futures Exchange. Les implications sont potentiellement importantes.
La Chine est le plus grand pays importateur de pétrole au monde. Jusqu’à présent, le contrôle des marchés financiers à terme du pétrole a été la chasse gardée étroitement surveillée des banques de Wall Street et des marchés à terme de New York, Londres et d’ailleurs, qu’elles contrôlent. L’émergence de Shanghai en tant que grand centre de contrats à terme sur le pétrole, adossés au yuan, pourrait considérablement affaiblir la domination du dollar sur le commerce du pétrole.
Depuis le choc pétrolier des années 1970 et la hausse de 400% du prix du pétrole provoquée par les pays de l’OPEP, Washington a maintenu un régime strict dans lequel le produit le plus précieux au monde, le pétrole, serait négocié uniquement en dollars américains. En décembre 1974, le Trésor américain a signé à Riyad, avec l’Agence monétaire saoudienne, un accord secret visant à « établir une nouvelle relation, par le truchement de la banque centrale de New York, avec les opérations d’emprunt du Trésor américain » pour acheter la dette du gouvernement américain avec les pétrodollars excédentaires.
Les Saoudiens ont accepté de faire exécuter, seulement en dollars, les ventes de pétrole de l’OPEP en échange de ventes américaines d’équipements militaires de pointe (achetés en dollars bien sûr) et d’une garantie de protection contre d’éventuelles attaques israéliennes. Ce fut le début de ce que le secrétaire d’État américain de l’époque, Henry Kissinger, a appelé le recyclage du pétrodollar. À l’heure actuelle, seuls deux dirigeants de pays exportateurs de pétrole, l’Irakien Saddam Hussein et le libyen Kadhafi, ont tenté de changer ce système et de vendre du pétrole contre des euros ou des dinars d’or [pour leur plus grand malheur, et pour celui des Arabes, ils ont été sauvagement assassinés; NdT]. Maintenant, la Chine conteste le système du pétro-dollar d’une manière différente avec le pétro-yuan [Est-ce que l'Empire anglo-sioniste va aussi assassiner les présidents Vladimir  Poutine et Xi Jinping ? NdT].
Chine-Russie : l’axe du basculement du monde
La différence avec Saddam Hussein ou Kadhafi est que des pays beaucoup plus influents, la Russie et maintenant l’Iran, avec le soutien implicite de la Chine, coopèrent pour éviter que le dollar ne soit imposé par la pression américaine. C’est un défi beaucoup plus important pour le dollar américain que ceux que représentaient l’Irak ou la Libye.
Le contrat à terme sur le pétrole, libellé en yuan chinois, permettra maintenant aux partenaires commerciaux de la Chine de payer avec de l’or ou de convertir le yuan en or sans avoir besoin de placer leur argent dans des actifs chinois ou de le changer en dollars américains. Les exportateurs de pétrole, comme la Russie, l’Iran ou le Venezuela, qui sont tous ciblés par les sanctions américaines, peuvent maintenant y échapper en évitant les transactions pétrolières en dollars. En septembre dernier, le Venezuela a réagi aux sanctions américaines en ordonnant à la compagnie pétrolière d’État, et aux négociants, de libeller les contrats de vente de pétrole en euros et de ne plus payer, ni être payés, en dollars américains.
De l’or pour le pétrole ?
Le Shanghai International Energy Exchange lancera bientôt des contrats à terme sur le pétrole brut libellés en yuans. Le contrat à terme du Shanghai International Energy Exchange rationalisera et consolidera le processus de vente de pétrole en yuan à la Chine, que la Russie a initié après les sanctions en 2014. Cela permettra également aux autres producteurs de pétrole du monde de vendre leur pétrole en yuan plutôt qu’en dollars. Le contrat à terme sur le pétrole brut sera le premier contrat de marchandises en Chine ouvert aux fonds d’investissement étrangers, aux maisons de courtage et aux sociétés pétrolières. Le contournement du commerce en dollar américain pourrait permettre aux exportateurs de pétrole comme la Russie et l’Iran, par exemple, d’ignorer les sanctions américaines.
Pour rendre l’offre plus attrayante, la Chine a lié le contrat à terme sur le pétrole brut avec l’option de convertir facilement le yuan en or physique à Shanghai et à Hong Kong. Selon Wang Zhimin, directeur du Centre pour la mondialisation et la modernisation de l’Institut chinois de l’économie et du commerce extérieur, la possibilité de convertir les contrats à terme sur le yuan en or donnera aux contrats à terme chinois un avantage concurrentiel sur les indices de référence actuels du marché, le Brent et West Texas Intermediate.
Maintenant, la Russie, l’Iran ou d’autres producteurs de pétrole sont en mesure de vendre du pétrole à la Chine en yuans ou en roubles, en contournant entièrement le dollar. Le changement aura lieu dans les semaines à venir lorsque le contrat à terme sur le pétrole en yuan sera officiellement lancé. En octobre, la Chine et la Russie ont mis en place un système de compensation (PVP) entre le yuan chinois et le rouble russe, ce qui réduira les risques de règlement pour le pétrole et d’autres marchandises.
Les ventes de pétrole et de gaz russes à la Chine sont déjà effectuées en roubles et yuans depuis la tentative stupide des États-Unis pour isoler le Qatar dans le golfe Persique. Ce pays qui est un important fournisseur de gaz naturel liquéfié à la Chine s’est tourné vers une tarification en yuans. La pression de la Chine est forte pour que l’Arabie saoudite rompe son pacte de 1974 avec Washington et vende son pétrole également en yuans.
L’Iran va rejoindre l’Union économique eurasienne (EEU)
L’Iran va se joindre à la coopération croissante en Eurasie centrée sur la Chine et la Russie. Selon Behrouz Hassanolfat de l’Organisation iranienne de promotion du commerce, dans une déclaration diffusée par la chaîne publique iranienne Press-TV, l’Iran devrait devenir membre de l’Union économique eurasiatique (EEU) pilotée par la Russie, dès février 2018. Actuellement, l’UEE, créée en 2015, comprend la Russie, le Kazakhstan, le Bélarus, l’Arménie et le Kirghizstan et offre une vaste zone de libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des travailleurs entre les États membres. Actuellement, l’UEE représente un marché de 183 millions de personnes. L’addition de l’Iran, avec ses plus de 80 millions de citoyens, donnerait un coup de fouet aux économies de l’UEE et à son importance économique, créant un marché commun de plus de 263 millions d’individus, avec une main-d’œuvre qualifiée, ingénieurs, scientifiques et un savoir-faire industriel.
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F. William Engdahl

Article original en anglais : Russia and China Are Dead Serious About Ditching the Dollar, Russia Insider, le 24 janvier 2018.
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
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Chine-Russie : l’axe du basculement du monde
Le président chinois Xi Jinping a déclaré lors de son allocution du Nouvel An, être prêt à travailler avec son homologue russe Vladimir Poutine pour « raffermir la confiance politique et stratégique mutuelle, et développer la coopération pragmatique bilatérale dans tous les domaines ».
 « Promouvoir la coordination stratégique »
Après les tensions et les rapprochements des périodes tsariste et communiste, les relations sino-russes se sont rapidement normalisées. En 1996, Moscou et Beijing concluent un partenariat stratégique.
Cinq ans plus tard, les deux gouvernements signent un traité d’amitié et de coopération, stipulant les principes et les directions de la coopération bilatérale dans la politique, l’économie, le commerce, la science et la technologie, la culture et les problèmes internationaux.
A cela s’ajoute, une vision commune des relations internationales via le respect scrupuleux des souverainetés étatiques, l’application à la lettre des décisions du Conseil de sécurité de l’ONU, le droit d’élaborer son propre modèle de développement. Enfin, les deux pays ont mit fin à leurs contentieux territoriaux en 2004.
Mais, les Russes ont surtout compris « depuis longtemps l’intérêt stratégique du rapprochement entre les deux pays. L’alliance russo-chinoise n’est pas seulement une affaire de gaz et de pétrole« , a expliqué Bruno Guigue, chroniqueur en politique internationale.
D’après ce dernier, « c’est l’axe autour duquel s’opère le basculement du monde. L’hinterland stratégique prend sa revanche sur les puissances maritimes. C’est comme un déplacement de plaques tectoniques, les phénomènes s’enchaînent insensiblement ».
D’ailleurs, « le projet chinois de ‘Route de la soie’ transasiatique donnera corps au projet eurasien de la Russie. Dans ce vaste mouvement vers l’Est, Moscou et Pékin ont une vision commune, et ils peuvent entraîner avec eux une grande partie de l’Asie », a estimé ce dernier auprès du site SputnikNews.
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En 2016, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont atteint près de 70 milliards de dollars (62,3 milliards d’euros). l’objectif est d’accroître les échanges, à 80 milliards de dollars (71,2 milliards d’euros) dès 2018 et 200 milliards UAD (178 milliards d’euros) d’ici 2020.

De nombreux pays ont fermement critiqué la nouvelle «Revue de la posture nucléaire» du Pentagone qui expose les ambitions nucléaires sous la présidence Trump et détaille ce qu’il perçoit comme les menaces nucléaires dans les décennies à venir. Bien qu’il se focalise essentiellement sur la Russie, le rapport évoque aussi un manque de transparence dans l’arsenal nucléaire chinois. Parmi les autres menaces potentielles, sont également cités la Corée du Nord et l'Iran.
Un projet qui n'a fait que faire rapprocher l'Iran, la Russie et la Chine, qui ont toujours été des partenaires anciens et importants sur la scène internationale pour défendre des intérêts communs. Ces pays se sont fermement opposés au rapport du Pentagone, d’autant plus que son objectif va à l’encontre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Si les États-Unis, la première et la plus grande économie du monde, se retirent du Traité, le terrain sera propice au retrait d'autres pays.
Outre l'accord sur le nucléaire iranien, la Russie et la Chine sont dans le collimateur américain. Dès le début de l'année 2017, Trump a entamé une « guerre commerciale » avec la Chine et foulé au pied un grand nombre des accords internationaux.
Le journal anglais The Observer a rapporté dans une récente édition que les États-Unis étaient en passe de bouleverser la structure du droit international, laissant libre cours aux velléités de n’importe quel pays voulant développer son arsenal nucléaire pour diverses raisons.
De ce fait, l’administration Trump ne se conforme à aucun cadre international : les traités internationaux, et les enjeux environnementaux et sécuritaires du monde la laissent de marbre.
D'autre part, le site Russia Today a rapporté que Moscou répondrait à l’hostilité des États-Unis et ferait tout pour préserver sa sécurité. Évoquant la campagne anti-russe, il précise : « Trump a déclenché une guerre psychologique contre la Russie dont les conséquences se retourneront contre lui. »
L’union de l’axe Russie-Iran-Chine va inciter davantage de pays occidentaux à s'opposer au piétinement de l'accord sur le nucléaire iranien par les États-Unis.
En substituant le dollar américain dans leurs échanges commerciaux, ces pays mettraient la pression sur l'économie des États-Unis. Cette initiative ferait chuter la valeur du dollar sur le marché mondial et engendrerait de nombreuses crises financières.
La Chine est devenue la deuxième puissance militaire mondiale et s'active à combler le fossé qui la sépare encore des États-Unis. Parallèlement à son essor économique, la Chine a développé une armée moderne qui pourrait devenir la première force mondiale à l'horizon 2050. Mais le développement des armes nucléaires ne figure pas dans ce plan. L'Iran a également parlé à plusieurs reprises du renforcement de sa puissance de défense.
Attendons donc de voir quelle sera la réponse de la Russie de Vladimir Poutine à la menace nucléaire des États-Unis.

Hannibal GENSERIC