Il est devenu habituel pour les institutions juives de
scruter à quel point les nations hôtes haïssent les Juifs et combien les
Juifs ont peur de leurs voisins. Des médias juifs ont rapporté hier que « neuf Juifs Américains sur dix s’inquiètent de l’antisémitisme ».
Pour ma part, je ne pense pas connaître un autre peuple qui investit
autant d’énergie pour mesurer sa détestation. Malgré l’ampleur de
l’islamophobie et du racisme anti-Noir, nous ne sommes pas soumis à un
flot continu de «statistiques» pour nous «mettre en garde», et nous montrer à quel point les Noirs sont haïs ou les musulmans vivent dans l’insécurité.
Les statistiques du Comité juif américain (AJC) suggèrent que «la plupart des Juifs pensent que la situation s’aggrave».
Je trouve leurs statistiques peu fiables, mais je suppose que toute
personne appréciant les mathématiques accepterait que si 9 sur 10 ont
peur, alors la situation ne peut être pire qu’avec 10 sur 10, ce qui ne
constitueraient qu’une augmentation mineure (11%).
Supposons un instant que les statistiques de l’AJC reflètent la
réalité et que la grande majorité (90%) des 1.200 juifs sondés, de tous
les milieux politiques et religieux, considèrent la haine des Juifs
comme un problème sérieux pouvant avoir des conséquences désastreuses.
Alors on peut se demander qui sont les 10% de «méchants» Juifs
qui, contrairement à leurs frères, n’ont pas peur de leurs voisins
Américains. Je suppose que ce sont ceux atteints de la soi-disant «haine de soi», 1 ce groupe infâme d’horribles juifs humanistes qui soutiennent la Palestine et sont dégoûtés par la multitude des récents scandales juifs #MeToo et de réseaux de pédophilie / crime organisé. Cette petite minorité (10%) de Juifs désobéissants pourrait aussi être perturbée par le scandale des opioïdes qui a causé la mort de 400.000 Américains. Ils savent probablement qui ont été les principaux acteurs de cette saga de génocide de classe. Ils sont probablement préoccupés par une série de crimes financiers allant de Madoff aux banques israéliennes évitant les taxes américaines, en passant par les sociétés d’options binaires
israéliennes qui escroquent les citoyens américains. Ces parias juifs
universalistes sont souvent des critiques virulents de leur peuple, de
leur culture et de leur politique.
Ils peuvent dénoncer l’AIPAC et l’ADL, Soros et même la JVP pour
avoir agi en tant qu’opposition sous contrôle. Les statistiques de l’AJC
suggèrent l’existence possible d’un scénario humoristique dans lequel 9
Juifs sur 10 seraient intimidés par ce juif sur 10 qui s’exprime.
Les conclusions de l’AJC sont à interpréter de manière plus
sérieuse qu’humoristique. Il est possible que le grand nombre de Juifs
qui s’inquiètent de l’antisémitisme indique que tous les Juifs sont
conscients des traits inquiétants liés à leur politique, leur culture,
leur identité, leur lobbying et la criminalité israélienne.
Les Juifs peuvent se sentir souillés en tant que groupe par des
personnages problématiques tels que Weinstein, Epstein et Maxwell. Ils
peuvent se sentir pollués par la politique israélienne et le lobbying
sioniste intensif qui pille chaque année des milliards de dollars aux
contribuables américains.
Alors que la Maison Blanche semble tourner le dos à
l’interventionnisme immoral des néocons, certains Juifs peuvent être
déconcertés par le fait que la doctrine de propagande de guerre des
néocons est en grande partie un projet juif. Ari Shavit, chroniqueur de Haartez, écrivait en 2003 : «La guerre en Irak a été conçue par 25 intellectuels néoconservateurs, pour la plupart juifs…» Peut-être que certains Juifs comprennent maintenant que le passage, par les néocons sionistes, d’une «terre promise» à une «planète promise» ne reflète pas bien les Juifs en tant que groupe.
J’essaie de souligner la possibilité que la peur envahissante de «l’antisémitisme»,
bien que pauvrement documentée par l’AJC, puisse bien être l’expression
de la culpabilité. Les Juifs américains peuvent se sentir coupables
collectivement face à la politique, et à la culture désastreuses, de
certaines couches de leur élite corrompue. Ils pourraient même se sentir
coupables, en tant qu’Américains, du sacrifice brutal d’une des valeurs
fondamentales de l’Amérique, celle de la liberté de parole garantie par
le 1er Amendement, sur l’autel de «l’antisémitisme».
De toute évidence, je souhaiterais que l’AJC poursuive son enquête à
ce sujet. Il serait intéressant de connaître la corrélation entre la
peur juive de l’antisémitisme et la culpabilité juive. Il serait
également fascinant de découvrir comment l’anxiété juive se traduit par
une réflexion sur soi. À cet égard, je suggère qu’au lieu de blâmer le
peuple américain, les Juifs tentent l’introspection.
Les Juifs américains voudront peut-être suivre les premiers
sionistes, tels que Theodor Herzl, qui a transformé la culpabilité en
examen de conscience. L’antisémitisme a profondément troublé Herzl, mais
cela ne l’a pas empêché d’en explorer les causes. «Les Juifs riches contrôlent le monde. Le destin des gouvernements et des nations repose entre leurs mains», a écrit Herzl. Il a poursuivi : «Ils
ont opposé les gouvernements les uns aux autres. Lorsque les riches
Juifs tiennent la baguette, les nations et les dirigeants dansent. D’une
manière ou d’une autre, ils s’enrichissent.». Herzl, à l’instar
d’autres premiers sionistes, était convaincu que les Juifs pouvaient
s’émanciper de leurs conditions et même être aimés dans le monde entier
par le moyen d’une métamorphose culturelle, idéologique et spirituelle
avec l’aspiration à un «retour au foyer». Herzl et ses
camarades sionistes de l’époque avaient clairement tort avec le remède
proposé à la question juive, mais ils étaient absolument attentifs à
leur attachement à la réflexion personnelle et à une sévère
auto-critique.
Les Juifs américains ont beaucoup à apprendre de Herzl et d’autres premiers sionistes. Ils devraient se demander comment leur «Médina d’or» américaine, leur terre d’opportunités juive, s’est transformée en un royaume «menaçant».
Que s’est-il passé, qu’est-ce qui a changé ces dernières années ?
S’agissait-il des appels constants à l’antisémitisme, et des tentatives
désespérées et institutionnelles de faire taire les critiques qui ont
transformé leur Médina d’or en un espace décourageant ?
Gilad Altzmon
Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone
- à défaut d’être haï par les autres, haïssons nous nous-mêmes, on n’y échappe pas. NdT ↩
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