vendredi 8 novembre 2019

Yémen : début de la fin de la guerre


L‘accord de partage du pouvoir signé à Riyad le 5 novembre dernier entre le gouvernement yéménite, soutenu par les Saoudiens et dirigé par Abd-Rabbu Mansour Hadi, et le groupe séparatiste du Sud soutenu par les Émirats Arabes Unis connu sous le nom de Conseil de transition du Sud (acronyme anglais STC), laisse espérer que le Prince Mohammed ben Salman s’engage sur une voie politique qui mettra un terme au conflit meurtrier au Yémen.
L’accord en tant que tel fixe des délais manifestement irréalistes et ses termes sont beaucoup trop ambitieux – par exemple, la formation d’un nouveau gouvernement avec la moitié des postes ministériels pour le CST ; la remise de toutes les armes par le CST dans les 15 prochains jours, l’organisation sous une chaîne de commandement politique et militaire unique, etc.

Malgré tout, ce qui ressort, c’est l’orientation politique principale visant à amener le STC à bord pour éviter une « guerre dans la guerre » dans le sud du Yémen, en lui donnant officiellement la parole dans tous les pourparlers de paix avec la principale opposition Houthie, dans l’intention de faire de ce groupe un acteur plutôt qu’un fauteur de troubles.
Pourtant, le déficit de confiance entre Hadi et le STC n’est que trop évident. Hadi et le chef du STC, Aidarous al-Zubaidi, ont laissé à des subordonnés le soin de signer le document de paix, ne se sont apparemment même pas serré la main, et ont rencontré le prince héritier saoudien plus tard, séparément.
Il est clair que ces problèmes découlent en grande partie de l’effritement de sa coalition interventionniste au Yémen. Cette guerre est devenue le fardeau de l’Arabie Saoudite.
Le Soudan suit les pas des Émirats Arabes Unis et retire des troupes du Yémen, après avoir subi de lourdes pertes dans la guerre contre les Houthis. Plus de quatre mille combattants soudanais ont été tués à ce jour depuis l’intervention saoudienne, en 2015. Le Qatar et le Maroc s’étaient déjà retirés de la guerre au Yémen il y a deux ans.
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La grande question est de savoir comment la défaite au Yémen affecterait les relations entre les dirigeants saoudiens et émiratis. Le prince héritier des Émirats Arabes Unis, Cheikh Mohammed ben Zayed, était présent à la cérémonie de signature à Riyad le 5 novembre, mais l’accord de quatre pages ne mentionnait nulle part les Émirats Arabes Unis.
La guerre au Yémen a débuté en 2015 sous la forme d’une entreprise conjointe des princes héritiers saoudien et émirati conçue, dans l’intimité de leur amitié, comme un nouveau front contre l’Iran. Au cours des derniers mois, toutefois, les Émirats Arabes Unis ont procédé à une correction de leur trajectoire en se retirant du Yémen et, en outre, en envoyant des délégations à Téhéran pour améliorer leurs relations.
Le ministère iranien des Affaires étrangères n’a pas perdu de temps pour réagir à l’accord de Riyad. Dans une déclaration du 6 novembre, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a souligné la clause de l’accord selon laquelle les forces gouvernementales de Hadi et les forces militaires du STC quitteront la province d’Aden dans les 30 jours, tandis que la sécurité dans la ville d’Aden sera surveillée par des militaires saoudiens.
Le porte-parole iranien a dit : « La signature de ces documents ne contribuera en aucun cas à régler les problèmes du Yémen, et contribuera à consolider l’occupation du sud du Yémen par l’Arabie Saoudite et ses alliés, directement ou par l’intermédiaire de leurs forces par procuration. Le peuple vigilant du Yémen, qui a toujours lutté contre les occupants, ne permettra pas à ses ennemis et à ceux qui lui veulent du mal de placer le sud du pays sous contrôle et occupation de forces étrangères. »
Téhéran sera attentif à toute tentative des États-Unis et de l’Arabie Saoudite pour éroder son influence sur les Houthis et exclure l’Iran des processus de paix. Malgré la propagande selon laquelle les Houthis sont des forces par procuration de l’Iran, en réalité, les Houthis ont une longue histoire d’indépendance.
Il est certain que Téhéran surveillera de près les intentions saoudiennes. À la suite du retrait des Émirats Arabes Unis, ces dernières semaines, l’Arabie Saoudite a renforcé sa présence militaire dans le sud du Yémen, en apportant des troupes, des véhicules blindés, des chars et autres équipements militaires supplémentaires, et a également pris le contrôle d’Aden en octobre dernier.
Néanmoins, l’accord de paix ne semble pas viser à une escalade de la guerre, mais plutôt à créer une sorte de monnaie d’échange dans les négociations avec les Houthis. Après la signature de l’accord à Riyad, le prince héritier saoudien a déclaré : « L’accord de Riyad est un jalon vers une solution politique visant à mettre fin à la guerre au Yémen ».
Washington et Londres se sont félicités de l’Accord de Riyad et ont encouragé le processus de paix. Le président Trump a déclaré que la signature de l’accord est un « très bon » début, et a appelé toutes les parties au Yémen à poursuivre leurs efforts pour parvenir à un accord final.
Dans une déclaration, le Foreign Office britannique a déclaré qu’il « soutient ce document, une étape importante pour parvenir à une solution politique globale au Yémen ». De même, dans une déclaration, l’envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen, Martin Griffiths, a déclaré : « La signature de cet accord est une étape importante pour nos efforts collectifs en faveur d’un règlement pacifique du conflit au Yémen. »
Il faut tenir compte du fait que l’accord de paix sur le sud du Yémen s’inscrit dans le contexte d’une série de rapports récents selon lesquels les États-Unis et l’Arabie Saoudite sont en pourparlers avec les Houthis (ici et ici). Fait intéressant, le 6 novembre, Riyad a confirmé pour la première fois être en pourparlers avec les Houthis.
La fin de partie a commencé.
Par M.K. Bhadrakumar
Paru sur Indian Punchline sous le titre The endgame begins in Yemen’s war
M.K. Bhadrakumar a travaillé au sein du corps diplomatique indien pendant 29 ans. Il a été ambassadeur de l’Inde en Ouzbékistan (1995-1998) et en Turquie (1998-2001). Il tient le blog Indian Punchline et contribue régulièrement aux colonnes d’Asia Times, du Hindu et du Deccan Herald. Il est basé à New Delhi.
Traduction Entelekheia
Illustration Chickenonline/Pixabay

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