L‘accord de
partage du pouvoir signé à Riyad le 5 novembre dernier entre le gouvernement
yéménite, soutenu par les Saoudiens et dirigé par Abd-Rabbu Mansour Hadi, et le
groupe séparatiste du Sud soutenu par les Émirats Arabes Unis connu sous le nom
de Conseil de transition du Sud (acronyme anglais STC), laisse espérer que le
Prince Mohammed ben Salman s’engage sur une voie politique qui mettra un terme
au conflit meurtrier au Yémen.
L’accord en
tant que tel fixe des délais manifestement irréalistes et ses termes sont beaucoup trop ambitieux – par exemple, la
formation d’un nouveau gouvernement avec la moitié des postes ministériels pour
le CST ; la remise de toutes les armes par le CST dans les 15 prochains jours,
l’organisation sous une chaîne de commandement politique et militaire unique,
etc.
Malgré tout,
ce qui ressort, c’est l’orientation politique principale visant à amener le STC
à bord pour éviter une « guerre dans la guerre » dans le sud du
Yémen, en lui donnant officiellement la parole dans tous les pourparlers de
paix avec la principale opposition Houthie, dans l’intention de faire de ce
groupe un acteur plutôt qu’un fauteur de troubles.
Pourtant, le
déficit de confiance entre Hadi et le STC n’est que trop évident. Hadi et le
chef du STC, Aidarous al-Zubaidi, ont laissé à des subordonnés le soin de
signer le document de paix, ne se sont apparemment même pas serré la main, et
ont rencontré le prince héritier saoudien plus tard, séparément.
Il est clair
que ces problèmes découlent en grande partie de l’effritement de sa coalition
interventionniste au Yémen. Cette guerre est devenue le fardeau de l’Arabie
Saoudite.
Le Soudan
suit les pas des Émirats Arabes Unis et retire des troupes du Yémen, après
avoir subi de lourdes pertes dans la guerre contre les Houthis. Plus de quatre
mille combattants soudanais ont été tués à ce jour depuis l’intervention
saoudienne, en 2015. Le Qatar et le Maroc s’étaient déjà retirés de la guerre
au Yémen il y a deux ans.
La grande
question est de savoir comment la défaite au Yémen affecterait les relations
entre les dirigeants saoudiens et émiratis. Le prince héritier des Émirats
Arabes Unis, Cheikh Mohammed ben Zayed, était présent à la cérémonie de
signature à Riyad le 5 novembre, mais l’accord de quatre pages ne mentionnait
nulle part les Émirats Arabes Unis.
La guerre au
Yémen a débuté en 2015 sous la forme d’une entreprise conjointe des princes
héritiers saoudien et émirati conçue, dans l’intimité de leur amitié, comme un
nouveau front contre l’Iran. Au cours des derniers mois, toutefois, les Émirats
Arabes Unis ont procédé à une correction de leur trajectoire en se retirant du
Yémen et, en outre, en envoyant des délégations à Téhéran pour améliorer leurs
relations.
Le ministère
iranien des Affaires étrangères n’a pas perdu de temps pour réagir à l’accord
de Riyad. Dans une déclaration du 6 novembre, le porte-parole du ministère
des Affaires étrangères a souligné la clause de l’accord selon laquelle les
forces gouvernementales de Hadi et les forces militaires du STC quitteront la
province d’Aden dans les 30 jours, tandis que la sécurité dans la ville d’Aden
sera surveillée par des militaires saoudiens.
Le
porte-parole iranien a dit : « La signature de ces documents ne
contribuera en aucun cas à régler les problèmes du Yémen, et contribuera à
consolider l’occupation du sud du Yémen par l’Arabie Saoudite et ses alliés,
directement ou par l’intermédiaire de leurs forces par procuration. Le peuple
vigilant du Yémen, qui a toujours lutté contre les occupants, ne permettra pas
à ses ennemis et à ceux qui lui veulent du mal de placer le sud du pays sous
contrôle et occupation de forces étrangères. »
Téhéran sera
attentif à toute tentative des États-Unis et de l’Arabie Saoudite pour éroder
son influence sur les Houthis et exclure l’Iran des processus de paix. Malgré
la propagande selon laquelle les Houthis sont des forces par procuration de
l’Iran, en réalité, les Houthis ont une longue histoire d’indépendance.
Il est
certain que Téhéran surveillera de près les intentions saoudiennes. À la suite
du retrait des Émirats Arabes Unis, ces dernières semaines, l’Arabie Saoudite a
renforcé sa présence militaire dans le sud du Yémen, en apportant des troupes,
des véhicules blindés, des chars et autres équipements militaires
supplémentaires, et a également pris le contrôle d’Aden en octobre dernier.
Néanmoins,
l’accord de paix ne semble pas viser à une escalade de la guerre, mais plutôt à
créer une sorte de monnaie d’échange dans les négociations avec les Houthis.
Après la signature de l’accord à Riyad, le prince héritier saoudien a déclaré : « L’accord de Riyad est un jalon vers une
solution politique visant à mettre fin à la guerre au Yémen ».
Washington
et Londres se sont félicités de l’Accord de Riyad et ont encouragé le processus
de paix. Le président Trump a déclaré que la signature de l’accord est un
« très bon » début, et a appelé toutes les parties au Yémen à
poursuivre leurs efforts pour parvenir à un accord final.
Dans une
déclaration, le Foreign Office britannique a déclaré qu’il « soutient ce
document, une étape importante pour parvenir à une solution politique globale
au Yémen ». De même, dans une déclaration, l’envoyé spécial des Nations
unies pour le Yémen, Martin Griffiths, a déclaré : « La signature de cet
accord est une étape importante pour nos efforts collectifs en faveur d’un
règlement pacifique du conflit au Yémen. »
Il faut
tenir compte du fait que l’accord de paix sur le sud du Yémen s’inscrit dans le
contexte d’une série de rapports récents selon lesquels les États-Unis et
l’Arabie Saoudite sont en pourparlers avec les Houthis (ici et ici). Fait intéressant, le 6 novembre, Riyad a confirmé pour la première fois être en pourparlers avec les
Houthis.
La fin de
partie a commencé.
Par
M.K. Bhadrakumar
Paru
sur Indian Punchline sous le titre
The endgame begins in Yemen’s war
M.K. Bhadrakumar a travaillé au sein du corps
diplomatique indien pendant 29 ans. Il a été ambassadeur de l’Inde en
Ouzbékistan (1995-1998) et en Turquie (1998-2001). Il tient le blog Indian
Punchline et contribue régulièrement aux colonnes d’Asia Times, du Hindu et du
Deccan Herald. Il est basé à New Delhi.
Traduction Entelekheia
Illustration Chickenonline/Pixabay
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