Moins
spectaculaire que les guerres américaines ratées, moins médiatique que les
tentatives de putsch qui ne prennent plus, le mouvement tectonique du reflux de
l'empire suit son cours, inexorable. Le schéma est classique, presque
mécanique...
Années 90 : après l'éclatement de l'URSS, le
système impérial est à son apogée. Il est alors pris d'une véritable folie des grandeurs qui finira par causer sa perte.
Années 2000 (ère Bush) : victime d'hybris,
il s'engage dans un certain nombre de fiascos coûteux et retentissants (Irak,
Afghanistan), et provoque la résurgence de ses rivaux (Russie, Chine, OCS).
Années 2000-2010 (ère Obama) : sentant le vent
tourner, ils s'arc-boute sur ses fondamentaux (Europe totalement vassalisée, presstituée noyautée
comme jamais) pour tenter de durer, au risque d'imploser.
A bien des
égards, la géopolitique ressemble à la physique pure. Plus un corps, soumis à
une pression intense, se comprime, plus il est instable et susceptible de
provoquer des réactions en chaîne. C'est ce qui finit par arriver...
Qui aurait imaginé, même dans ses rêves les plus fous,
voir le système impérial US se décomposer aussi rapidement ? Certes, il y avait
eu des signes avant-coureurs : crise grecque, montée des
""populismes"" (entre huit guillemets) en Europe,
multiplication des voix discordantes concernant la politique anti-russe
(Hongrie d'Orban, Italie, Slovaquie, République tchèque, Grèce, industriels
allemands etc.), record d'impopularité des hommes de paille de Washington
(Flamby Ier rejoignant les rois fainéants mérovingiens dans le
palmarès des dirigeants les plus détestés de l'histoire de France)...
Mais l'année 2016 restera comme l'apothéose de ce
détricotage. En mai dernier, avant le sommet du G7 à Tokyo, un
eurocrate envisageait le "scénario de l'horreur" :
Imaginez si, au lieu de Barack Obama, François
Hollande, David Cameron et Matteo Renzi, nous avons Donald Trump, Marine Le
Pen, Boris Johnson et Beppe Grillo.
Un mois plus tard, le scénario tant honni commençait à
se mettre en place, au grand dam de Washington, Bruxelles et de leurs relais
médiatiques. Le
Brexit envoya des ondes de choc (...) Ce n'était pourtant rien en comparaison de ce
qui allait se passer trois mois plus tard, au cœur même de l'empire, la
deuxième étape du "scénario de l'horreur", le changement
tectonique représenté l'élection du Donald.
2016 fut en effet le début de la fin : Brexit, Trump, guerre
pétrolière américano-saoudienne, perte ou trahison des alliés, dédollarisation, fiasco ukrainien, dégringolade de la branche médiatique... Ce qui avait été patiemment bâti
au cours de longues décennies se défaisait à vue d’œil. Et si le Deep State
réussissait à sauver quelques meubles, par exemple en récupérant partiellement
le Donald, plus rien ne serait comme avant. Comme la marée basse laisse sur le
sable les traces de son passage, le reflux de l'empire mettait à jour ses
contradictions criantes et ses dysfonctionnements inhérents.
Les
éléments, auparavant maintenus sous la chape (de plomb) du manteau américain,
étaient désormais livrés à eux-mêmes. Certains comme les euronouilles, complètement perdus, couraient
dans tous les sens comme des poulets sans tête. D'autres, tel le sultan,
jouaient les électrons libres et se rapprochaient dangereusement de l'autre
camp. Partout, l'unité faisait place à la dissension. Sur le Vieux continent :
L'Europe américaine sera-t-elle mise à mort par
ceux-là même qui étaient censés la régénérer ? L'on peut sérieusement se poser
la question quand on voit le divorce grandissant entre l'UE et les pays
d'Europe centrale et orientale, fers de lance de la "Nouvelle Europe"
si chère aux néo-cons. Le pied droit de Washington donne des coups au pied
gauche et c'est tout le système vassalique européen qui risque de tomber.
Rappelons d'abord que la construction européenne fut, dès le départ, un projet américain. Des archives déclassifiées
montrent que les soi-disant "pères de l'Europe" - Schuman, Spaak ou
le bien-nommé Monet - travaillaient en réalité pour les États-Unis. Pour
Washington, il était en effet plus aisé de mettre la main sur le Vieux
continent par le biais d'une structure globale noyautée de l'intérieur que de
négocier pays par pays avec des dirigeants indépendants.
La chute du Mur et l'intégration à l'UE des anciennes
démocraties populaires n'étaient que le cache-sexe de l'avancée de l'OTAN vers
la Russie. Mieux encore, ces pays nouvellement libérés de la tutelle soviétique
et férocement anti-russes pour des raisons historiques compréhensibles étaient
susceptibles d'établir un nouveau rapport de force très favorable aux États-Unis
au sein de l'UE face à certaines poussées de fièvre frondeuse toujours
possibles de la "vieille Europe" (De Gaulle, Chirac et Schroeder...)
Or, au moment où les institutions européennes sont
noyautées et soumises comme jamais aux désidératas US, le château de cartes est
en train de s'écrouler... Ce sont d'abord les sanctions anti-russes qui ont créé
une brèche. Si elles furent accueillies avec des transports de joie
par la Pologne et les pays Baltes, leur réception en Hongrie, en Slovaquie et
même en République tchèque fut bien plus mesurée, c'est le moins qu'on puisse
dire. Première cassure au sein de la "nouvelle Europe".
Et maintenant, la question des réfugiés pourrait bien
sonner l'hallali. La Pologne, pays ô combien pro-US, refuse tout à fait d'obéir
aux injonctions des institutions elles aussi ô combien pro-US de Bruxelles.
Diantre, Brzezinski n'avait pas prévu ça...
La grande affaire très commentée de ces derniers jours
est la mise au ban du Qatar par l'Arabie saoudite et ses quelques affidés de
circonstance. Si c'était dans
les tuyaux depuis une bonne semaine, c'est un véritable séisme dans la région, les
précédentes querelles n'ayant jamais conduit à une rupture des relations
diplomatiques (...)
Le Conseil de
Coopération du Golfe est la pierre angulaire de l'empire américain dans la
région - un peu
comme l'UE en Europe - et il est aujourd'hui au bord
du gouffre. Après le Brexit, le Qatarxit ? A Washington, les
stratèges impériaux ne doivent pas être aux anges... Le Koweït et Oman ont en
tout cas refusé de suivre leurs collègues et de rompre leurs relations avec
Doha, ce qui fissure encore un peu plus l'organisation (...)
Deux piliers du
pétrodollar et soutiens du djihadisme en conflit, CCG en crise, Turquie ballotée,
Etat profond US divisé... Il faut prendre la rupture saoudo-qatarie pour ce
qu'elle est : une énième convulsion du "camp du Bien", un émiettement
supplémentaire de l'empire.
Il n'en fallait pas plus à CNN pour
accuser... les
hackers russes ! Audiard nous avait prévenu : les
cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. Derrière
cette nouvelle dégénérescence de la presstituée se cache tout de même une
réalité : c'est Noël au Kremlin, qui se garde toutefois de tout triomphalisme.
Un mélancolique
article du
Jerusalem Post intitulé "Les sommets d'Asie centrale qui montrent que
Washington perd prise" nous rappelle une nouvelle fois, si l'en était
besoin, que derrière les strass et paillettes de l'événementiel, l'empire
américain est inexorablement engagé sur la pente descendante.
A Bichkek, au Kirghizstan, a eu lieu la grand-messe
annuelle de l'Organisation de Coopération de Shanghai, incluant désormais
l'Inde et le Pakistan. On y a vu Modi et Khan échanger
des blagues, Xi et Rouhani renforcer
leur coopération, Poutine
rencontrer ses homologues chinois, iranien, indien ou pakistanais. Si le président iranien, Etat observateur, s'est
fait remarquer en critiquant vertement l'unilatéralisme US et en
offrant des privilèges économiques aux membres de l'OCS qui investiraient en
Iran, il n'a pas été le seul. A Bichkek, on a parlé multipolarité, Routes de la
Soie et intégration de l'Eurasie, pour le plus grand malheur de qui vous
savez...
Le jour suivant, au Tadjikistan voisin, le sommet CICA
(Conférence pour l'Interaction et la Confiance en Asie) a réuni du beau monde.
Les représentants d'une trentaine de pays y participaient dont Poutine, Xi
(qui a fêté son 66ème anniversaire avec le président russe),
Rouhani, Erdogan ou encore Al Thani, l'émir du Qatar. On sait que ce
dernier, depuis la
rupture avec l'Arabie saoudite, a une
furieuse tendance à se rapprocher de Téhéran et des géants de l'Eurasie.
Ses multiples rencontres bilatérales d'hier sont là pour le prouver, notamment avec
la Chine et l'Iran, qui a par ailleurs également reçu le
soutien turc face au harcèlement américain.
L'hybris impériale - sanctions contre la Russie et l'Iran, guerre économique
contre la Chine, menaces contre la Turquie, sanctions saoudiennes contre le
Qatar - tend naturellement à rapprocher ces pays et accélère
l'inévitable mouvement d'intégration du grand continent, bientôt irrigué par le
gaz russe et les Routes de la Soie chinoises. Le monde multipolaire du XXIème
émerge sous nos yeux...
Ce qui nous
amène aux délectables nouvelles de ces derniers jours, qui remuent encore un
peu plus le couteau dans le cœur des petits génies de Washington. Au
Royaume-Uni, l'énième report du Brexit par les manigances des députés a poussé
le Premier ministre Johnson à organiser des élections générales, prévues dans
cinq semaines. Sans surprise, elles mettront aux prises les conservateurs de ce
même Johnson et le Labour de Jeremy Corbyn. Si certains articles versent allègrement dans
l'hyperbole, parlant de "lutte pour l'âme britannique", un aspect
fondamental n'est pourtant jamais abordé : l'accélération
du détricotage de l'empire.
Johnson est
en effet favorable à l'OTAN mais ne peut, on le sait, voir en peinture l'Union
européenne et fut l'un des principaux leaders de la campagne du Leave. A
l'opposé, Corbyn est un de ces européistes indécrottables mais a toujours été
très critique vis-à-vis de l'impérialisme américain et favorable à un
rapprochement avec la Russie. S'il ne réclame plus l'abolition de l'Alliance
atlantique, comme c'était encore le cas en
2012, nul doute
que la politique étrangère de Londres prendrait un tour nouveau s'il était élu.
OTAN contre
UE, alors que ces deux piliers de l'hégémonie américaine en Europe étaient
auparavant synonymes, Brexit ou OTANxit (ou du moins une sérieuse prise de
distance). Heureusement que McCain n'est plus là pour voir ça...
Et puisqu'on
parle d'elle, les déclarations tonitruantes de Macron affirmant que l'OTAN est
"en état de mort cérébrale" ont jeté un énorme pavé dans la mare, provoquant les cris d'orfraie de Berlin et de Bruxelles, la
fébrilité dans les salles de rédaction et l'amusement de Moscou, qui a
d'ailleurs tout lieu de se réjouir des appels du même à "rouvrir un
dialogue stratégique avec la Russie".
Ce n'est pas
la première fois que l'actuel président français s'écarte de la ligne vassale
de son prédécesseur. S'il n'a pu s'empêcher d'y retomber en certaines
occasions, par exemple lors du false flag chimique n°3, l'occupant de l'Élysée
est capable de faire montre d'une relative indépendance, comme nous le relations il y a plus de deux ans :
Alerte dans les officines du système impérial, la
plaque européenne commence à dangereusement se rapprocher de sa consœur russe
et nos hypothèses se voient une nouvelle fois confirmées. Après la réception de
Poutine par Macron à Versailles, nous
écrivions :
D'abord, pourquoi inviter Poutine, dans les fastes de
Versailles qui plus est ? Notons que, mis à part le traditionnel voyage du 15
mai à Berlin pour retrouver Merkel, c'est le premier dirigeant étranger que
rencontre Macron dans un format bilatéral (les discussions avec Trump, Trudeau,
Erdogan & Co ayant eu lieu en marge des sommets de l'OTAN et du G7).
Relevons également que la somptueuse réception du "tsar de toutes les
Russie" au château du roi-soleil n'a pas
été du goût des habituels thuriféraires du système impérial.
Ainsi, le président français était
demandeur, ce que l'enguirlandement médiatique fanfaron tente d'occulter (...)
Un reset
franco-russe, qu'évoque
également le peu russophile Financial Times, serait donc dans
les tuyaux à la demande de Paris. Ceci pourrait expliquer pourquoi,
au-delà des pathétiques flonflons médiatiques et du sauvetage de face macronien
sur des questions aussi existentielles que les LGBT de Tchétchénie ou les
méchants médias russes, on a furieusement l'impression que Bobobankster s'est
aligné sur Poutine.
Sur la Syrie, "l'objectif absolu est la lutte
contre le terrorisme, l'éradication des groupes terroristes,
en particulier Daech". Tiens, il y aurait des modérés pas si modérés que
ça finalement et Assad ne doit plus partir... Plus intéressant encore, la
fameuse phrase sur les armes chimiques que toute la MSN saoudisée a rapportée,
persuadée qu'elle est dirigée contre Damas, mais que personne n'a pris la peine
de décrypter :
"J'ai indiqué qu'une ligne rouge très claire
existe de notre côté : l'utilisation d'une arme chimique par qui que ce soit
fera l'objet de représailles et d'une riposte immédiate."
Les mots importants sont en gras. Ainsi, Assad ne
serait pas le seul à disposer et à être susceptible d'utiliser des armes
chimiques... Est-ce une reconnaissance en creux du false flag de Khan
Cheikhoun ? A noter que le soir même, Vladimirovitch a répété
dans une
interview destinée au public français qu'il n'y avait aucune preuve de l'implication
du gouvernement syrien dans cette attaque. Pour mieux appuyer ce qu'il a dit,
voire prouvé, quelques heures plus tôt à Macron sous les lambris versaillais ?
Concernant l'Ukraine, Poutine a pris le bâton,
déclarant que c'était une affaire intérieure à ce pays et qu'il fallait tenir
Kiev pour responsable des atteintes aux accords de Minsk, le tout sans être
contredit par son hôte. Et je ne mentionne pas les formules répétées sur "le
rôle indispensable de la Russie"...
Assiste-t-on à un changement de direction de
l'euronouillerie, désormais
orpheline de son maître américain ? Si Macron dit tout haut ce que Merkel pense tout
bas - et il y a de bonnes raisons de croire que le premier est le porte-parole
de la seconde -, on est peut-être en train d'assister à un rééquilibrage du
Vieux continent. L'avenir nous le dira... Mais on comprendrait mieux alors la
flagornerie de la caste médiatique, cachant sous les épithètes dithyrambiques
une redirection peu glorieuse pour elle.
On en prend le chemin... Dans la foulée de la
visite du réaliste
Le Drian à Moscou, c'est en effet une véritable bombe qu'a lancé Macron dans un
entretien à huit
quotidiens européens paru aujourd'hui. Dans le texte :
Le vrai
aggiornamento que j'ai fait sur ce sujet, c'est que je n'ai pas énoncé que la
destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Personne ne m'a présenté son successeur légitime.
Assad est un ennemi de son peuple [tous les éléments de langage n'ont pas
disparu du jour au lendemain, ndlr] mais pas de la France. Mes lignes
sont claires. Un : la lutte absolue
contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. Deux : la Syrie ne doit pas devenir un Etat
failli [failed State]. Nous avons besoin de la coopération de tous pour
éradiquer les terroristes, en particulier de la
Russie.
Dios mio, McCain, Barack à frites, Flamby,
l'hilarante, le Seoud et autres joyeux lurons de la clique impériale doivent
s'arracher les cheveux. L'imMonde est vert de rage et la presse israélienne
rapporte l'info pour le moins fraîchement.
Le président Macron semble en passe de devenir
nettement plus sage que le candidat Macron. Un Trump inversé en quelque
sorte... Si le Donald a tout le mal du monde à contrer le Deep State, c'est néanmoins son élection qui
a
permis le détricotage de
l'empire dont les
composantes s'égaillent maintenant dans la nature.
En plein
dans le mille. Le reflux américain a laissé sur la grève les composantes du
système impérial qui, nouvellement autonomes, s'éparpillent et prennent des
directions inimaginables il y a peu encore.
Pire ! les
propres pions de Washington arrivés fraîchement au pouvoir se mettent eux aussi
à tourner casaque, notamment en Amérique latine. Au Brésil, Bolsonaro a fait un
flip flop digne d'une grande patineuse en allant courtiser les investissements chinois. Ce
n'est pas une surprise pour le fidèle lecteur de nos Chroniques, car
certains signes étaient annonciateurs :
Un mot encore sur le traditionnel sommet des BRICS en
marge du G20. Il était intéressant de voir le comportement de l'américanolâtre
néo-président brésilien dans cette structure de facto opposée à Washington. Les
bruits alarmistes et peut-être inventés sur une possible
exclusion du Brésil ne se sont pas traduits dans les faits et les oreilles
de Bolsonaro ont dû quelque peu sursauter en entendant
Poutine
appeler à la dédollarisation ou défendre le Venezuela, point sur lequel le leader
brésilien a préféré éviter
de polémiquer avec son homologue russe. Bolsonaro, que d'aucuns pensaient il y a
quelques mois qu'il mettrait des bâtons dans les roues des BRICS, a même
partiellement épousé les discours
sur le multilatéralisme en critiquant
le protectionnisme unilatéral d'un certain pays...
Entre un
Bolsonaro qui met de l'eau dans son maté et un Lula qui vient de sortir de prison et pourrait reprendre le chemin du
pouvoir, l'expérience "américaine" du Brésil a peut-être tourné
(très) court. L'occasion de redonner un regain d'énergie aux BRICS, d'autant
que le grand voisin argentin pourrait à nouveau être de la partie. Nous l'expliquions en août :
En Argentine, le président Mauricio Macri, gentil
toutou des USA, vient de se
prendre une volée aux élections primaires, répétition générale de
l'élection présidentielle du mois d'octobre. Pour Washington, c'est une bien
mauvaise nouvelle, d'autant que le grand vainqueur est le parti de l'ancienne
présidente Cristina Kirchner, elle aussi bien
connue des lecteurs. Nous en parlions entre autres dans
un billet consacré à l'établissement d'une base radar chinoise dans la pampa :
L'accord sino-argentin avait été
signé en 2015, du
temps de Cristina Kirchner, égérie de la multipolarité. Ironie du sort, l'objet
de l'accord se réalise sous son successeur et adversaire, pion de l'empire
comme nous
l'expliquions il y a deux ans :
Macri, dans la plus pure tradition des leaders
latino-américains dévoyés, est l'homme de paille des Etats-Unis en Argentine,
permettant l'installation de deux bases US dans son pays, plaçant sa fortune chez son maître, s'attirant les louanges de son suzerain.
... et acceptant avec gloutonnerie tout accord avec le
FMI visant à esclavagiser un peu plus son pays. Sans surprise, la Cristina,
maintenant sénatrice, s'y
oppose résolument
et préfère les prêts de la banque des BRICS ou de la Chine. D'où la base radar,
facilité donnée au dragon contre des espèces sonnantes et trébuchantes à un
moment où l'Argentine était étranglée financièrement. Le combat continue entre
la pasionaria et le vassal. Macri est largement devancé par C.K dans les projections du
premier tour (39%-30%). Quel que soit le résultat, la base chinoise est là pour
rester, l'accord ayant été signé pour 50 ans.
C'était l'année dernière et les sondages étaient en
deçà de la réalité. Si Cristina ne s'est pas présentée elle-même, son parti a
gagné par 47% contre 32%. Un retour du clan Kirchner à la Casa Rosada
apporterait à coup sûr un regain d'activité au processus de multipolarité en
Amérique du Sud, un temps mis à mal par la destitution de Dilma au Brésil et
l'élection de Macri. On se rappelle que l'Argentine de Cristina, bien que ne
faisant pas officiellement partie des BRICS, y faisait souvent figure de membre
associé, ce qui sera sans doute à nouveau le cas dans deux petits mois...
Bingo. Le 27
octobre, Alberto Fernández, protégé de Cristina, a gagné dès le premier tour, renvoyant
Macri à ses chères études. Si sa prise de fonction se fera en décembre, les
stratèges américains commencent déjà à se ronger les ongles. Dans un geste ô
combien symbolique, Fernández a accordé sa première interview
internationale à Correa, l'ancien président équatorien et bête noire de l'imperium
US, sur la chaîne russe RT.
Le renouveau
de la multipolarité qui se prépare en Amérique du Sud va de pair avec le rôle
jamais vu qu'y joue Moscou, au grand dam du Deep State dont les think
tanks sonnent le tocsin :
« Il est
clair que la Russie est en Amérique latine pour y rester et qu'elle étend son
influence - notamment en essayant d'assurer les moyens de menacer les USA au
sein même de l'hémisphère occidental. Le désarroi de la politique étrangère
américaine a clairement facilité cette évolution. Étant donné l'actuel chaos à
Washington [ ! ], il faudra un temps considérable avant que les États-Unis
ne puissent établir une stratégie coordonnée visant à contrer ou, au moins,
atténuer ces menaces. L'Amérique latine est devenue un théâtre d'opérations
réel pour les Russes à cause de la négligence des Etats-Unis et de leurs
politiques erronées. »
Au-delà de
l'alarmisme peut-être exagéré de l'establishment impérial, trop longtemps
habitué à l'hégémonie et qui voit surgir avec horreur son rival là où il ne
l'attendait pas, une chose est sûre : en Amérique, comme en Europe ou au
Moyen-Orient, l'empire US recule terriblement...
Source : Chroniques du Grand Jeu
LE MONDE Ê se recomposer ait Donc
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