Je cherche parmi les crânes pour retrouver mes fils”

Les Palestiniens fouillent les décombres de Gaza à la recherche de leurs proches disparus.

Une mère palestinienne de la ville de Rafah a retrouvé dans les décombres de sa maison ce qu'elle pense être le corps décomposé de son fils. Elle a couru et s'est approchée du corps, dont il ne restait que le crâne et les ossements. Elle a embrassé le crâne et l’a serré contre elle en pleurant, parlant au crâne qu'elle tenait dans ses bras. C'était son fils.

La mère a dit à son fils qu'elle est venue le chercher, qu'elle l'a retrouvé. Les gens se sont rassemblés autour d'elle et l’ont regardé pleurer, saisissant l'intensité de sa souffrance dans ses mots. Elle leur a dit qu'il était son fils unique, et qu'elle n'a pas peur d'embrasser son crâne.

“J'ai senti ça mon fils, mon âme, mon cœur… Je ne me suis pas trompée, et je suis venue à toi. Je suis venue à toi toute seule, mon fils bien-aimé, pour te retrouver et te recueillir. Personne ne t'a cherché, je suis venue toute seule à ta recherche”.

Une vidéo de la mère s'est répandue sur les réseaux sociaux sans aucune information sur la mère, si ce n'est qu'elle prononce le nom de son fils en le pleurant.

“Hassan, Hassan, Hassan !” La mère a serré le crâne entre ses bras et s’est adressée à lui :

“Je n'ai pas dormi de la nuit pour venir te chercher, mon fils”.

Cette mère incarne la souffrance de milliers de familles qui ont perdu des proches pendant la guerre, car on parle sans doute de plus de 10 000 personnes ensevelies sous les décombres à Gaza. Dès le début du cessez-le-feu, les familles qui ont pu rentrer se sont précipitées à la recherche de leurs proches à l'état de corps décomposés, dont il ne reste pour la plupart que des ossements et des crânes. Cette scène se répète dans toute la bande de Gaza, comme dans la ville méridionale de Rafah, d'où de nombreux disparus ont été extraits des ruines sous forme de squelettes non identifiés.

Avertissement : Ces photos comportent des images de restes humains.

Des équipes de La protection civile récupèrent des restes de Palestiniens sous les décombres à Rafah. Photo © Hassan Eslieh

Des équipes de la protection civile récupèrent des restes de Palestiniens sous les décombres à Rafah. (Photo : Hassan Eslieh)

À Rafah, les équipes de la protection civile s'efforcent de récupérer les corps sous les décombres depuis que les habitants ont pu revenir. De nombreuses scènes similaires se produisent lorsqu'ils rentrent : les équipes de la protection civile étendent un morceau de plastique sur le sol, et récupèrent les ossements et les crânes de leurs voisins et de leurs proches.

Haitham Al-Homs, directeur adjoint des services ambulanciers de la protection civile à Rafah, a déclaré à Mondoweiss qu'ils ont reçu plus de 150 rapports de citoyens identifiant la présence de corps décomposés dans les décombres.

“Dès que l'armée israélienne s'est retirée, les équipes de la protection civile ont commencé à s'occuper des corps et à les récupérer. Certains ont pu être identifiés grâce aux informations fournies par leurs familles, et pas d'autres.

“Dans tous les quartiers à l'est et à l'ouest de Rafah, il y a des corps sous les décombres, et on doit y faire face”, dit M. Al-Homs.

Jusqu'à présent, les équipes de la protection civile ont récupéré des corps coincés sous les décombres dans tout Gaza, soit un peu plus de 166 corps, dont la plupart sont des ossements et des crânes non identifiés, selon un rapport publié vendredi par la protection civile sur sa chaîne Telegram.

Osama Saleh, un habitant de Tal al-Sultan à Rafah, a déclaré à Mondoweiss que les scènes découvertes à son retour dans la ville sont terrifiantes, et que des corps gisent un peu partout. La plupart sont décomposés et il ne reste d'eux que des ossements et des crânes. Lorsqu'il est rentré chez lui, il a trouvé un corps inconnu et l'a signalé aux autorités.

“La scène était tragique, et dévastatrice. Nous avons trouvé des gens sous forme de squelettes, de crânes, d'ossements. Pour un peuple victime de tant d'injustices, ces scènes sont lugubres, très douloureuses. Les corps se sont décomposés à même le sol, sans parler de ceux qui ont disparu sous terre”, raconte M. Saleh.

“Je suis entré chez moi, et y ai trouvé un corps en décomposition. Je ne savais pas qui c'était, car rien ne permettait de l'identifier, ni de distinguer quoi que ce soit d'autre qu'un crâne et quelques ossements”,

raconte Saleh, indiquant que le corps était dans sa maison depuis au moins 4 ou 5 mois pour s'être décomposé à ce point.

“Nous sommes terrorisés et assistons à des scènes épouvantables, un sentiment atroce qui m'a fait verser des larmes amères. Nous sommes très affectés lorsque nous découvrons des corps décomposés et démembrés, ou dont il ne reste rien d'autre que le crâne. La tragédie est immense, et les scènes sont éprouvantes. J'étais terrifié quand j'ai vu les corps, nous sommes un peuple dévasté”.

Des Palestiniens recueillent les restes de plus de 50 corps sous les décombres des maisons détruites par l’armée israélienne lors de ses opérations militaires à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 janvier 2025. Photo © Dooa El-Baz / APA Images.

Mahmoud Al-Qatati, 53 ans, se trouve aux côtés des équipes de la protection civile à la recherche de ses proches disparus à Rafah depuis cinq mois. Il est à la recherche de deux fils et de deux fils de sa sœur. Ils étaient venus prendre des nouvelles les uns des autres, et ont été bombardés par les avions israéliens, mais personne n'a pu entrer dans la zone pour les évacuer.

“J'ai attendu impatiemment le cessez-le-feu pour pouvoir retourner dans notre quartier et chercher mes fils. Les deux étaient venus ici pour chercher leurs cousins assiégés par l'armée israélienne à Tel al-Sultan, et n'ont pas pu s'enfuir. Lorsque mes deux fils sont partis à leur recherche, un avion les a bombardés et leurs corps sont restés sur place pendant des jours. Je suis là pour tenter de les retrouver, et à prendre des nouvelles de tout le monde au cas où quelque chose me permette de reconnaître mes enfants”, explique M. Al-Qatati.

“Je regarde les crânes que la protection civile collecte pour essayer d'identifier mes fils”, a déclaré M. Al-Qatati à Mondoweiss.

Il n'a pas encore pu les retrouver, car la plupart des corps n'ont pas été identifiés. La tâche d'identifier ses fils parmi les nombreux crânes et squelettes restants s'annonce difficile.

“Mes fils ont été bombardés en un lieu que je connais bien, et je suis allé les chercher là-bas, mais je ne pense pas que leurs corps soient restés là tout au long de la guerre. Peut-être que les chiens et les chats les ont traînés ailleurs, peut-être que l'armée israélienne les a déplacés avec leurs bulldozers et leurs chars. Des dizaines de scénarios me traversent l'esprit, mais je ne suis sûr d'aucun d'entre eux, et je n'ai pas encore retrouvé mes garçons”.

Par Tareq S. Hajar, le 24 janvier 2025

Source : Spirit's FreeSpeech

janv. 24