lundi 13 janvier 2025

Normaliser l’expansion : Israël lorgne sur le Sinaï égyptien

Alors qu'Israël accuse l'Égypte de renforcement militaire dans la péninsule du Sinaï, les tensions entre les deux États - liés par leur traité de normalisation de 1979 - atteignent le point d'ébullition. Les responsables israéliens et les think tanks néoconservateurs qui leur sont alliés s'emploient désormais à amplifier la rhétorique selon laquelle Le Caire aurait violé le traité de paix, tout en faisant allusion aux ambitions de Tel-Aviv de s'étendre sur le territoire égyptien.

En septembre 2024, la Foundation for the Defense of Democracies (FDD), basée à Washington, a publié un rapport accusant l'Égypte d'aider le Hamas au moyen de tunnels menant à Gaza pour permettre au mouvement de résistance palestinien de renforcer ses capacités militaires. Ces accusations sont surprenantes, compte tenu du rejet de longue date par le Caire des organisations liées aux Frères Musulmans.

Intensification du conflit autour du Sinaï

Ces affirmations sont en outre contredites par des documents qui ont récemment fait l'objet d'une fuite et montrent que l'Égypte a pris des mesures radicales pour détruire plus de 2 000 tunnels entre 2011 et 2015. De hauts responsables militaires égyptiens ont même envisagé la construction d'un canal pour neutraliser ces réseaux souterrains.

En septembre également, l'analyste militaire israélien Alon Ben-David a admis sur Channel 13 News

qu'“aucun tunnel n'a été découvert sur le territoire égyptien. Aucun tunnel fonctionnel n'a été découvert sous le couloir de Philadelphie”.

Cependant, les allégations de Tel-Aviv ne se sont pas arrêtées là. L'ancien ambassadeur d'Israël en Égypte, David Govrin, accuse désormais Le Caire de violer le traité de normalisation en renforçant sa présence militaire dans le Sinaï. Cité par Yedioth Aharonoth, il a déclaré :

“Après toutes ces années, et même après le 7 octobre 2023, des questions se posent encore sur la véritable reconnaissance d'Israël par l'Égypte de ses frontières de 1948”.

Le 7 janvier, l'État d'occupation a officiellement demandé des explications à l'Égypte concernant ses activités militaires dans le Sinaï, invoquant des violations du traité relatives à la démilitarisation. Les États-Unis, qui ont négocié le traité de 1979, ont rejoint le chœur en suspendant 95 millions de dollars d'aide militaire à l'Égypte - une tactique récurrente pour faire pression sur le Caire.

Washington a ensuite redirigé ces fonds vers les Forces armées libanaises (FAL), rappelant les coupes similaires effectuées en 2023 lorsque l'aide destinée à l'Égypte a été réorientée vers Taïwan. Cette mesure va dans le sens d’une intensification de la pression sur Beyrouth, destinée à contraindre et à encourager la présence de l'influence américaine dans ses affaires intérieures, en particulier avec l’élection toute récente du président, Joseph Aoun.

Bien que les violations des droits de l'homme commises par l'Égypte aient été abondamment documentées, les États-Unis sortent régulièrement cette carte pour contraindre leur allié nord-africain à se plier à leurs exigences. Rappelons que l'Égypte est historiquement le deuxième bénéficiaire de l'aide américaine à l'étranger, après Israël.

Impasse au Sinaï

En 2005, à la suite du retrait d'Israël de la bande de Gaza vers sa périphérie, un accord a été conclu permettant à 750 membres du personnel de sécurité égyptien l'accès à la péninsule du Sinaï.

À l'époque, Yuval Steinitz, alors président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense d'Israël, s'est opposé avec véhémence à l'accord, le qualifiant de de journée noire et mettant en garde :

“Nous sommes sur le point d'inviter le chat à manger la crème. C'est une véritable aberration pour le gouvernement, qui renonce à démilitariser le Sinaï en échange d'un plat de lentilles fait de complicités et de promesses”.

Depuis, Le Caire a soumis des centaines de demandes de déploiement de forces et d'équipements supplémentaires dans le Sinaï, dont la plupart ont été approuvées par Tel-Aviv, en particulier après la montée d'une insurrection takfiri en 2013. En 2018, le New York Times a révélé qu'Israël a effectué des frappes aériennes à l'intérieur du Sinaï à la demande du président égyptien Abdel Fattah el-Sisi pour contrer l'activité des insurgés.

À la suite de l'opération “Al-Aqsa Flood”, les relations entre Le Caire et Tel-Aviv se sont considérablement détériorées. L'État occupant a d'abord proposé que l'Égypte contribue au nettoyage ethnique via une expulsion massive de la population de Gaza dans le Sinaï, créant ainsi une zone tampon entre Gaza et la Palestine occupée. Le président Sisi a rejeté catégoriquement ce plan, ravivant ainsi les tensions.

Début 2024, l'armée occupante a intensifié son invasion de Gaza, le Premier ministre Benjamin Netanyahu annonçant un assaut sur Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza. L'Égypte a immédiatement émis des avertissements contre toute tentative de reprise du couloir Philadelphi, une zone frontalière qui sépare l'Égypte et Gaza, arguant que de telles actions violeraient le traité de normalisation de 1979.

Le 6 mai, Israël a lancé l'offensive de Rafah, le jour même où le Hamas acceptait une proposition de cessez-le-feu. Cette offensive, qui a inclus la prise du checkpoint de Rafah et du couloir Philadelphie, a même suscité la condamnation de l'ancien Premier ministre israélien Ehud Barak, qui l'a décrite comme “une violation flagrante de l'accord de paix avec l'Égypte”. Malgré les menaces du Caire d'annuler le traité, la principale réponse de Sisi a été de se joindre à la plainte de l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ), accusant Israël de génocide à Gaza.

Lorsque les chars israéliens ont franchi pour la première fois le checkpoint de Rafah, ils ont profané la zone et nargué les gardes égyptiens qui y étaient stationnés. Plus tard dans le mois, un affrontement a éclaté et des soldats israéliens ont tué un soldat égyptien. Israël a ensuite lancé une série de frappes aériennes en juin contre diverses cibles dans la péninsule du Sinaï.

La vision sioniste de l'expansion en Égypte

L'année dernière, des documents découverts dans les archives nationales britanniques ont mis en lumière la campagne historique d'Israël pour légitimer sa revendication sur la péninsule du Sinaï. Pendant l'occupation du Sinaï par Israël à la suite de la guerre de 1967, les lobbyistes pro-israéliens et les think tanks occidentaux ont diffusé des récits destinés à délégitimer la souveraineté égyptienne sur cette région stratégique.

Deux ans seulement après l'occupation du Sinaï, conséquence directe de la guerre d'agression menée par Israël en juin 1967, le Jewish Observer et le Middle East Review ont publié un article dont la couverture provocante s'intitulait “Sinai without the Egyptians - a new look at the past, present and future” [Le Sinaï sans les Égyptiens - une nouvelle vision du passé, du présent et de l'avenir].

La Zionist Federation of Britain a même soutenu que, puisque le Sinaï a été sous contrôle turc jusqu'en 1923, il aurait dû être incorporé au mandat britannique sur la Palestine, posant ainsi les jalons des prétentions d'Israël sur le territoire.

Aujourd'hui, des arguments similaires refont surface pour justifier les ambitions expansionnistes d'Israël. Le 6 janvier, des réseaux sociaux israélo-arabes ont publié une carte représentant les territoires supposés des anciens royaumes de Juda et d'Israël, déclenchant la condamnation de la Jordanie et des États du golfe Persique. Si ces revendications visent ouvertement les terres jordaniennes, libanaises et syriennes, elles incluent aussi discrètement des zones de l'Égypte moderne, en particulier le Sinaï.

En juillet dernier, le ministre israélien du Patrimoine, Amichai Eliyahu, a retweeté un message posté sur X qui appelait l'armée d'occupation à occuper la péninsule du Sinaï, ainsi que le Sud-Liban, le Sud de la Syrie et, à terme, une partie de la Jordanie.

En septembre, alors qu'Israël lançait son assaut sur le Liban, le Jerusalem Post a publié un article intitulé Le Liban fait-il partie du territoire promis à Israël ?, article par la suite retiré en raison de l'ampleur des réactions.

Une menace existentielle pour la région WANA*

* WANA : Régions de l’Asie de l’ouest et de l’Afrique du Nord

À l'heure actuelle, Israël parle ouvertement de se maintenir au Sud-Liban même après la période de mise en œuvre du cessez-le-feu de 60 jours, alors qu'il étend chaque jour un peu plus son occupation en territoire syrien. Il cherche également à annexer de manière imminente la Cisjordanie occupée. Tous ces déplacements sont révélateurs de la détermination d'Israël à étendre progressivement ses frontières illégales.

En mars 2023, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich , a délibérément exhibé une carte du “Grand Israël”, alimentant les spéculations sur les objectifs à long terme des dirigeants sionistes. La vision du “Grand Israël” englobe des parties du Liban, de l'Égypte, de la Syrie, de la Jordanie, de l'Arabie saoudite et de l'Irak.

Les chefs israéliens ont recours à des justifications fluctuantes - historiques, religieuses et politiques - pour faire avancer ces revendications, une stratégie dont le défunt secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait averti qu'elle se poursuivrait sans relâche si elle n'était pas confrontée à une résistance arabe unifiée.

Par Robert Inlakesh - 10 janvier 2025

 Source : The Cradle

Traduction: Spirit Of Free Speech

5 commentaires:

  1. Ce qui arrive à l'Égypte et aux Etats arabes est la conséquence évidente de leur refus de s'opposer fermement à l'invasion de Gaza et au génocide qui y a cour.
    Ils en avaient les moyens il leur suffisait de rompre toute relation ( économique commerciale diplomatique e...avec l'entité occupante et de mettre en alerte leurs différentes armées.
    Mais ce fut le contraire la Jordanie l'Égypte la Syrie le Liban l'Arabie saoudite...ont même comploté contre le Hezbollah pour le compte de l'ennemi ils ont soutenu l'ennemi contre les bombardements de l'Iran ... résultats les voici à la croisée des chemins.

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    1. Tout a fait , le silence complice et traitre de ces pays dit Arabe d 'avoir comploté hypocritement contre GAZA et le Hezbollah ,ces pays seront les prochains dans la ligne de mire d'Israël et ses alliés de l'Otan en particulier Washington ,Londres et même Ankara et Abu Dhabi que leurs régimes représente un danger existentiel pour les pays arabes où de qui en reste
      dans le cas où Israël décide de lancer pour réaliser le programme du grand etat hebreu , je l'approuve dans ses oeuvres expansionnistes

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    2. les criminels sont capable de mettre le gendre de gamal nasser comme espion a leurs solde et ne sont pas capable de trouver les os de eli cohen .

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  2. En 2025 on va trouver normal que les pays s'accaparent la terre des autres. Après l'ensauvagement des sociétés, nous avons l'ensauvagement des nations

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