Dans des pays où le corps de la femme est sanctuarisé et
où sa virginité préside à sa destinée et à l'honneur de sa famille,
disposer du corps de la femme est une arme efficace et mortelle.
Géopolis vous en explique les raisons, les ressorts et les ravages.
Jeunes collégiennes enlevées et à qui on a fait revêtir le niqab |
Il y a deux façons de tuer son ennemi: la première, la plus simple, le
tuer. La deuxième, moins évidente à première vue, s'emparer des femmes
de sa famille, les retenir, les torturer, les violer et, dans la mesure
du possible, le faire savoir.
S'approprier le corps de la femme de son ennemi (ou supposé tel) offre de multiples «avantages». Basiquement, une femme sert à «récompenser» le combattant méritant. Mais bien plus profondément, dans des sociétés traditionnelles et patriarcales, outrepasser le tabou absolu de déflorer et violer les femmes signe la faillite de l'homme: l'époux, le père, le frère. Pire, c'est une façon d'implanter l'ennemi au plus profond du corps des femmes quand, pour comble de malheur, le viol aboutit à une grossesse.
«Actuellement, la femme qui subit un viol est la personne qui est stigmatisée et frappée d’exclusion», déclare le Dr. Denis Mukwege Mukengere, directeur de l’hôpital Panzi à Bukavu, en République démocratique du Congo. Elle est exclue de son groupe, soit que sa famille ne veut ou ne peut assumer le déshonneur, soit qu'elle-même se sente irrémédiablement bafouée. Une enfant violée, si elle survit aux mauvais traitements, à une éventuelle grossesse, voire à diverses maladies sexuellement transmissibles, n'est plus mariable.
A partir de 2004, les milices arabes (djandjaouid) attaquent les réfugiés du Darfour (au sud du Soudan) et violent les femmes. Au cas où elles réussiraient à taire ce qui leur est arrivé, ils ont poussé le sadisme à les marquer de façon caractéristique (sur la face interne de la cuisse) pour attester de leur viol auprès des pères ou époux.
Au nord du Nigeria, la secte Boko Haram, créée en 2002, devient très violente après l'exécution en 2009 de Mohamed Yusuf, son fondateur. Après s'être attaqués aux «mauvais musulmans» et aux chrétiens, les hommes de Boko Haram se mettent à enlever, violer, les jeunes filles scolarisées et tuer les jeunes garçons quand ils ne les enrôlent pas de force dans leur rangs. Boko Haram serait une déformation auditive de «books are haram» (les livres sont un péché). La scolarisation est la première faute de ces jeunes filles, leur chrétienté la seconde. L'éducation est en effet le pire ennemi de ces hommes souvent analphabètes. Convertir ces femmes pour les marier de force est un faux nez pour les violer en toute «légitimité».
En 2014, ce sont les combattants de Daech, irakiens, mais aussi syriens, qui s'en prennent à la communauté Yézidie. C'est une population kurde dont la religion monothéiste relève du zoroastrisme et qui, par méconnaissance ou incompréhension, est accusée de dévotion au diable. Là encore, les femmes sont enlevées. L'existence de plusieurs marchés aux esclaves est attestée en Irak. Les femmes yézidies y sont exposées comme dans les marchés aux esclaves antiques. La culpabilité et la peur de l'opprobre sont si fortes que souvent, quand ces femmes sont interrogées sur le sort qui leur aurait été fait, elles répondent que personnellement elles n'ont pas été violées, mais parlent d'une cousine, d'une voisine, d'une amie, jamais nommée, qui a subi ça. Elles-mêmes auraient «miraculeusement» échappé tant au viol qu'au déshonneur. L'un des buts visés est que la famille, le groupe, la communauté explosent sous le poids de la honte et de l'interdit de parler. A tel point que le leader spirituel des Yézidis a édicté une fatwa historique appelant chaque famille yézidie à accueillir avec chaleur, tendresse, soutien, les femmes de retour de chez Daech, mais aussi à mettre en place tout un réseau de médecins prêt a «régler» le problème des femmes mises enceintes. Ces bébés non yézidis ne devant pas voir le jour. La femme en portant la descendance représente la perpétuation d'une population.
Cela ne date pas d'hier, mais la tendance est à la systématisation. Les exactions sont facilitées par l'amélioration constante des moyens de locomotion et encouragées par la multiplication des moyens de communication. Elles sont d'ailleurs destinées à frapper les esprits, à répandre la terreur et provoquer la fuite des populations visées. Les ONG, comme Human right Watch ou Amnesty International pour les plus connues, dénoncent dès qu'elles le peuvent cette épuration ethnique.
Le peu de cas qui est fait de la femme la transforme en marchandise. Mais aussi en «kamikaze». Une explosion, le 10 janvier 2015, sur un marché du Nigeria était le fait d'une petite fille de 10 ans. Pas question ici de 70 hypothétiques vierges, ni même de la moindre récompense céleste à ce sacrifice (s'il était su et volontaire de la part de la principale intéressée, ce qui est loin d'être sûr), puisque finalement ce n'est qu'une fille. Et qui prête attention à une fillette ? Les statuts de Rome de la Cour pénale internationale qualifient formellement ces agissements de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité relevant du tribunal pénal international (TPI). Depuis l'été 2014, des hommes relèvent et collectent des indices pour traduire un jour les coupables de ces exactions devant un TPI, qu'ils répondent enfin de leurs crimes.
S'approprier le corps de la femme de son ennemi (ou supposé tel) offre de multiples «avantages». Basiquement, une femme sert à «récompenser» le combattant méritant. Mais bien plus profondément, dans des sociétés traditionnelles et patriarcales, outrepasser le tabou absolu de déflorer et violer les femmes signe la faillite de l'homme: l'époux, le père, le frère. Pire, c'est une façon d'implanter l'ennemi au plus profond du corps des femmes quand, pour comble de malheur, le viol aboutit à une grossesse.
«Actuellement, la femme qui subit un viol est la personne qui est stigmatisée et frappée d’exclusion», déclare le Dr. Denis Mukwege Mukengere, directeur de l’hôpital Panzi à Bukavu, en République démocratique du Congo. Elle est exclue de son groupe, soit que sa famille ne veut ou ne peut assumer le déshonneur, soit qu'elle-même se sente irrémédiablement bafouée. Une enfant violée, si elle survit aux mauvais traitements, à une éventuelle grossesse, voire à diverses maladies sexuellement transmissibles, n'est plus mariable.
Au Kosovo, au Darfour, au Nigeria ou en Irak...
Sans être exhaustif, il est possible de citer en 1999, le viol quasi systématique des Albanaises du Kosovo par les Serbes. «C'est le déshonneur total (...). Après les exactions serbes commises sur des femmes, certains époux ont divorcé. Cela signifie que la tradition est vraiment très forte au Kosovo. Une fille violée aura énormément de difficultés pour trouver un mari. Alors, beaucoup se taisent. Le viol est vécu comme une honte terrible car c'est à la fois la pire humiliation pour elles et le pire affront pour leur famille», témoignait à l'époque Miria S.
A partir de 2004, les milices arabes (djandjaouid) attaquent les réfugiés du Darfour (au sud du Soudan) et violent les femmes. Au cas où elles réussiraient à taire ce qui leur est arrivé, ils ont poussé le sadisme à les marquer de façon caractéristique (sur la face interne de la cuisse) pour attester de leur viol auprès des pères ou époux.
Au nord du Nigeria, la secte Boko Haram, créée en 2002, devient très violente après l'exécution en 2009 de Mohamed Yusuf, son fondateur. Après s'être attaqués aux «mauvais musulmans» et aux chrétiens, les hommes de Boko Haram se mettent à enlever, violer, les jeunes filles scolarisées et tuer les jeunes garçons quand ils ne les enrôlent pas de force dans leur rangs. Boko Haram serait une déformation auditive de «books are haram» (les livres sont un péché). La scolarisation est la première faute de ces jeunes filles, leur chrétienté la seconde. L'éducation est en effet le pire ennemi de ces hommes souvent analphabètes. Convertir ces femmes pour les marier de force est un faux nez pour les violer en toute «légitimité».
En 2014, ce sont les combattants de Daech, irakiens, mais aussi syriens, qui s'en prennent à la communauté Yézidie. C'est une population kurde dont la religion monothéiste relève du zoroastrisme et qui, par méconnaissance ou incompréhension, est accusée de dévotion au diable. Là encore, les femmes sont enlevées. L'existence de plusieurs marchés aux esclaves est attestée en Irak. Les femmes yézidies y sont exposées comme dans les marchés aux esclaves antiques. La culpabilité et la peur de l'opprobre sont si fortes que souvent, quand ces femmes sont interrogées sur le sort qui leur aurait été fait, elles répondent que personnellement elles n'ont pas été violées, mais parlent d'une cousine, d'une voisine, d'une amie, jamais nommée, qui a subi ça. Elles-mêmes auraient «miraculeusement» échappé tant au viol qu'au déshonneur. L'un des buts visés est que la famille, le groupe, la communauté explosent sous le poids de la honte et de l'interdit de parler. A tel point que le leader spirituel des Yézidis a édicté une fatwa historique appelant chaque famille yézidie à accueillir avec chaleur, tendresse, soutien, les femmes de retour de chez Daech, mais aussi à mettre en place tout un réseau de médecins prêt a «régler» le problème des femmes mises enceintes. Ces bébés non yézidis ne devant pas voir le jour. La femme en portant la descendance représente la perpétuation d'une population.
Retentissement psychologique
La prise en charge physiologique est importante et communément admise en cas de blessures corporelles, mais la prise en charge psychologique, voire psychiatrique est plus négligée, voire impossible. L'impossibilité résultant du fait que les spécialistes de ces questions ne maîtrisent pas la langue des victimes et qu'établir une relation de confiance, en passant par l'intermédiaire d'un traducteur, est très compliqué. Plus la femme est cachée, voilée, enfermée dans la famille, préservée avec une virginité valorisée, plus leur viol est une arme de désintégration efficace. Camouflé et confiné, le corps de la femme est annulé, nié et, dans le même temps, l'objet de tous les fantasmes et convoitises.
Cela ne date pas d'hier, mais la tendance est à la systématisation. Les exactions sont facilitées par l'amélioration constante des moyens de locomotion et encouragées par la multiplication des moyens de communication. Elles sont d'ailleurs destinées à frapper les esprits, à répandre la terreur et provoquer la fuite des populations visées. Les ONG, comme Human right Watch ou Amnesty International pour les plus connues, dénoncent dès qu'elles le peuvent cette épuration ethnique.
L'émergence du phénomène
De façon plus générale, les conditions sont toujours les mêmes, qui favorisent la multiplication de ces situations. On a besoin de belligérants, êtres frustes et pas éduqués, qui se posent en gardiens d'une religion «vraie» et radicale. Ils s'érigent en censeurs et habillent de religiosité leurs exactions de droit commun. Il faut aussi un pouvoir défaillant ou absent et enfin des convoitises territoriales, dont il faut faire partir les populations autochtones. La publicité urbi et orbi de l'infamie frappant ces femmes par leurs bourreaux, via les caméras et smartphones terrorise, détruit et fait fuir. La guerre favorise les comportements les plus déviants et l'expression des plus bas instincts. Si le mariage de très jeunes femmes (15-17 ans) est communément admis, en revanche un rapport sexuel avec des fillettes de 7 ou 8 ans est unanimement réprouvé.
Le peu de cas qui est fait de la femme la transforme en marchandise. Mais aussi en «kamikaze». Une explosion, le 10 janvier 2015, sur un marché du Nigeria était le fait d'une petite fille de 10 ans. Pas question ici de 70 hypothétiques vierges, ni même de la moindre récompense céleste à ce sacrifice (s'il était su et volontaire de la part de la principale intéressée, ce qui est loin d'être sûr), puisque finalement ce n'est qu'une fille. Et qui prête attention à une fillette ? Les statuts de Rome de la Cour pénale internationale qualifient formellement ces agissements de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité relevant du tribunal pénal international (TPI). Depuis l'été 2014, des hommes relèvent et collectent des indices pour traduire un jour les coupables de ces exactions devant un TPI, qu'ils répondent enfin de leurs crimes.