Qu’ont fait au monde le colonialisme et l’impérialisme? Noam Chomsky dialogue avec le reporteur André Vltchek et démonte quelques idées reçues.«George Orwell disait des humains vivant hors d’Europe, de l’Amérique du Nord et de quelques pays privilégiés d’Asie qu’ils étaient des non-personnes », écrit André Vltchek dans l’avant-propos. Tel est le fil conducteur de ce livre, où l’on évoque des millions de morts par lesquels la conscience occidentale n’a pas été marquée: «non-personnes» des colonies, puis du tiers-monde, victimes de la poursuite occidentale du pouvoir, des ressources et du profit, tuées et rendues insignifiantes.
Après quinze ans d’échanges épistolaires sur ce sujet, deux hommes
décident de se rencontrer pour dialoguer, pendant deux jours, en
enregistrant leur conversation en vue d’un film (actuellement en
production) et d’un livre, publié en anglais en 2013 et aujourd’hui en français. L’un des deux est Noam Chomsky,
figure majeure de la linguistique et intellectuel militant, attelé au
dévoilement du système de propagande qui forge l’opinion dans les pays
démocratiques et à la déconstruction de l’impérialisme américain. Son
interlocuteur, André Vltchek,
est Soviétique de naissance, New-Yorkais d’adoption, philosophe,
romancier, cinéaste, reporter, poète, dramaturge et photographe, selon
l’ordre qu’il retient lui-même pour énumérer ses activités.
«Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le colonialisme et le
néocolonialisme occidentaux ont causé la mort de 50 à 55 millions de
personnes», attaque Vltchek. A celles-ci, «mortes en conséquence directe
de guerres déclenchées par l’Occident, de coups d’Etat militaires
pro-occidentaux et d’autres conflits du même acabit», s’ajoutent «des
centaines de millions de victimes indirectes qui ont péri de la misère,
en silence».
Colonialisme, d’abord: histoires oubliées. «Les premiers camps de
concentration n’ont pas été construits par l’Allemagne nazie, mais par
l’Empire britannique, en Afrique du Sud»: c’était pendant la seconde
guerre des Boers, à l’aube du XXe siècle. Quant à l’Allemagne, avant
l’extermination des Juifs (et des Roms), elle avait été «impliquée dans
de terribles massacres en Amérique du Sud et, en fait, un peu partout
dans le monde» – mais qui connaît la décimation, par ses soins, des
Héréros de Namibie, des Mapuches de Valdivia, d’Osorno et de Llanquihue
(Chili), des natifs des Samoa allemandes? «A propos des connaissances
des Européens sur le colonialisme, je répondrais qu’ils n’en savent
presque rien.»
Néocolonialisme, ensuite. «Des atrocités parmi les plus abominables
ont été commises ces dernières années dans l’est de la République
démocratique du Congo (RDC). De trois à cinq millions de personnes y
auraient perdu la vie. Qui doit-on montrer du doigt? Les milices. Mais
derrière les milices se trouvent les multinationales et les
gouvernements», affirme Chomsky. L’enjeu? «Avoir accès au coltan
(utilisé par les Occidentaux dans leurs téléphones portables) et à
d’autres minéraux précieux.»
Impérialisme, enfin. De l’histoire du Cambodge, on connaît
essentiellement les atrocités commises entre 1975 et 1979 par le régime
communiste des Khmers rouges. «En ce qui concerne les quelques années
qui l’ont précédé, on nage dans l’ignorance.» Mais au début des années
1970, avant le règne de Pol Pot, la terreur venait du bombardement des
zones rurales ordonné par le secrétaire d’Etat américain Henry
Kissinger: un «véritable appel au génocide». Comme au Laos, où «des
millions de personnes ont ainsi été impitoyablement assassinées»,
l’objectif de l’opération était de «dissuader ces pays de se joindre au
Vietnam dans sa lutte de libération». Massacre préventif, donc. Guerre
secrète, en principe. «Eh bien, il a fallu une seule phrase du New York
Times relatant la nouvelle pour que la campagne prenne fin.»
On s’étonnera peut-être, plus loin, dans le chapitre consacré au
«bloc soviétique», de l’indulgence relative avec laquelle Vltchek
considère les anciens pays de l’Est de l’après-Staline. L’existence d’un
double standard de jugement en la matière semble pourtant peu
contestable. La répression du Printemps de Prague par Moscou, en 1968, a
marqué durablement les esprits de l’Occident comme une tragédie
terrible: elle a fait 70 à 90 morts. Trois ans plus tôt, le «coup d’Etat
commandé par Washington» contre l’Indonésie de Soekarno, pays coupable
d’avoir attrapé «le virus du développement autonome», a été suivi de
massacres faisant, selon les estimations, entre un demi-million et trois
millions de victimes. On s’en souvient moins.
Et ce n’est pas tout. «L’URSS subventionnait ses satellites européens
à un point tel que ceux-ci ont fini par devenir plus riches que leur
puissance tutélaire. Dans l’histoire, le bloc soviétique représente le
seul cas d’un empire dont la métropole était plus pauvre que ses
colonies», ajoute Chomsky. Les Soviétiques «n’ont pas siphonné toutes
les ressources du pays comme le font les Etats-Unis ailleurs».
L’étonnement continue lorsque les deux hommes parlent de la Chine:
«La télévision et les journaux chinois sont beaucoup plus critiques du
système économique et politique de leur pays que nos chaînes le sont du
nôtre», relève Vltchek. «Pour avoir vécu sur tous les continents, je
peux affirmer que les «Occidentaux» forment le groupe le plus
endoctriné, le moins bien informé et le moins critique de la Terre, à
quelques exceptions près, bien sûr, comme l’Arabie saoudite» –
financière de l’islamisme radical et alliée de l’Occident.
Chomsky et Vltchek s’accordent sur le principal pôle d’espoir:
«Presque toute l’Amérique est désormais libre. Même certains pays
d’Amérique centrale sont enfin en train de conquérir leur indépendance»,
par rapport à la domination états-unienne. Les deux hommes divergent çà
et là (c’est d’une conversation qu’il s’agit, avec ses flottements et
ses quelques approximations), notamment sur l’avenir: le premier est
plus optimiste que le second quant à la possibilité de «mettre fin au
règne de la terreur» instauré par l’Occident pour faire régner, au
mépris des vies humaines, le «fondamentalisme du marché».
Source : Nic Ulmi, pour Le Temps.ch, le 13 juin 2015.
«L’Occident terroriste, d’Hiroshima… aux drones»
Provocateur, globe-trotteur comme on n’en fait plus, il a rencontré beaucoup de monde pour conclure à l’injustice de ce monde.
Aujourd’hui à presque 88 ans, cet homme aux mille vies continue de
s’interroger et d’interpeller les gens en multipliant les mises en
garde.
Son dernier ouvrage : L’Occident terroriste : d’Hiroshima à la guerre
des drones au titre significatif et ô combien accusateur, est une
alerte qui n’est le fait ni d’un génie fauché ni d’un vagabond
incompris.
Celui qui veut aiguillonner la révolution des consciences est dépité
par «la dégénérescence» des vertus cardinales, gangrenées par les
puissances de l’argent. Dédaignant les joutes idéologiques imposées par
des intellectuels assujettis, le philosophe cohérent et sincère veut
sortir des carcans préfabriqués et des solutions prêt-à-porter. Hussard
sur le toit brûlant d’une planète en ébullition voire en feu, ce
saltimbanque de la pensée en mouvement perpétuel n’en finit pas de tirer
la sonnette d’alarme et sur ceux qu’il considère à l’origine des
désastres présents et à venir…Cet homme, c’est Noam Chomsky, ulcéré par
le fait que la politique a été supplantée par l’économique.
«L’ultralibéralisme économique a ceci de particulier.
En échappant aux institutions et aux régulations, celui-ci trouve un
terreau propice à son expansion sauvage. En poursuivant avec la même
arrogance son pouvoir si caduc en se déployant davantage de manière
hégémonique. On a l’impression de vivre piégés. Cette situation fatale
découlerait d’une ‘‘globalisation’’ dont on ne connaît ni les tenants,
encore moins les aboutissants».
C’est à peu près autour de ces questions que le professeur en
linguistique a consacré une bonne partie de ses travaux. Mais qui est au
juste Noam Chomsky ? Il est né en 1928. Après des études studieuses en
hébreu, il s’oriente vers la linguistique dont il devient l’une des
références les plus en vue.
DE LA RELIGION À L’ANARCHISME
C’est vers 1964 que Chomsky a pris la décision de s’engager
publiquement dans le débat politique. Depuis la publication de
L’Amérique et ses nouveaux mandarins, en 1969, Chomsky a consacré
l’essentiel de ses interventions publiques à une critique radicale de la
politique étrangère des Etats-Unis.
Elle n’est guidée, selon lui, que par la volonté de favoriser coûte
que coûte l’expansion ou le maintien de l’empire américain, si bien que
«les Etats-Unis ne peuvent tolérer le nationalisme, la démocratie et les
réformes sociales dans le tiers-monde parce que les gouvernements de
ces pays devraient alors répondre aux besoins de la population et cesser
de favoriser les intérêts des investisseurs américains».
A ce titre, Chomsky pense notamment que l’étiquette de «terroriste»
est une arme idéologique employée par des gouvernements qui ont été
incapables de reconnaître la dimension terroriste de leurs propres
activités. Il critique largement la politique d’Israël vis-à-vis des
Palestiniens et le soutien des Etats-Unis à cette politique.
Pour lui, loin de conduire à un véritable «processus de paix», le
soutien diplomatique et militaire apporté depuis la résolution 242 par
les Etats-Unis à leurs alliés israéliens au Moyen-Orient bloque toute
initiative concrète en ce sens. En Israël, selon le quotidien Haaretz,
Chomsky est vu par la droite, mais pas seulement, comme un déserteur, un
traître et un ennemi de son peuple. Eveilleur Chomsky ? Il faut bien le
croire en suivant son itinéraire chahuté.
En s’interrogeant en permanence sur notre incapacité à réagir, en
acquiesçant presque toujours tétanisés, vivant non pas sous l’empire de
la fatalité, mais plus banalement sous un régime planétaire dont
l’idéologie évacue le principe même du politique et que sa puissance se
passe du pouvoir et des institutions étant la source et le moteur des
drames planétaires à propos desquels ce pouvoir invisible parvient à
n’être même pas mentionné, car s’il détient la gestion véritable de la
planète il délègue aux gouvernements soumis l’application.
Aussi, la question n’est pas pour ce régime international d’organiser
une société, mais d’accumuler des richesses et des profits, prêt à tous
les ravages. «L’Occident, nous prévient-il, voit la démocratie chez les
autres à travers un prisme bien singulier. Une démocratie à géométrie
variable, penchant au nom de ses intérêts plutôt vers la deuxième
conception de la démocratie qui veut que le peuple doit être exclu de la
gestion des affaires qui le concernent et que les moyens d’information
doivent être étroitement et rigoureusement contrôlés.
On est loin de la participation efficace des citoyens à la gestion
des affaires qui les concernent et qui a cours dans les sociétés
avancées.» Aussi Noam rappelle-t-il certaines évidences, en allant
puiser dans l’histoire tumultueuse de la plus grande puissance mondiale.
«Lippmann, figure de proue des journalistes américains et grand
théoricien de la démocratie libérale, avait déjà reconnu il y a un
siècle l’impact de la propagande censée fabriquer le consentement,
c’est-à-dire pour obtenir l’adhésion de la population à des mesures dont
elle ne veut pas grâce à l’application de nouvelles techniques de
propagande.» Démocratie, que de dégâts a-t-on commis en ton nom ? s’est
interrogé Chomsky : «Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le
colonialisme et le néo-colonialisme occidentaux ont causé la mort de 55
millions de personnes, le plus souvent au nom de nobles idéaux comme la
liberté et la démocratie. Pourtant, l’Occident parvient à s’en tirer en
toute impunité et à entretenir aux yeux du reste du monde le mythe
voulant qu’il soit investi de quelque mission morale.
Comment y arrive-t-il ?» Chomsky dénonce de façon magistrale
l’héritage funeste du colonialisme et l’exploitation éhontée des
ressources naturelles de la planète exercée par les pays du Nord.
Chomsky parle de la censure avec beaucoup de dérision. «Chez nous, la
censure s’exerce aussi d’autres façons.
Nos médias emploient des techniques qui, sans relever précisément de
la censure, nous empêchent de dire quoi que ce soit.» Plus sérieusement,
l’analyste lucide et au fait des choses livre certaines vérités sur les
manipulations et les retournements de situations qu’on a de la peine à
croire. «Au début de l’invasion américaine de l’Afghanistan, j’ai
séjourné à Islamabad. La capitale pakistanaise était l’endroit le moins
éloigné du théâtre des opérations auquel la presse avait accès.
Des hordes de journalistes s’y trouvaient donc pour couvrir
l’événement, et j’ai constaté la même chose : ils étaient tous assis au
bar de l’hôtel à s’amuser. Quand un missile a détruit les bureaux d’Al
Jazeera à Kaboul, ils ont minimisé l’affaire en la qualifiant d’erreur
de tir. Tous les journalistes présents s’en moquaient Ils admettaient
tous qu’on cherchait à pulvériser cet immeuble, mais aucun d’eux n’a
rapporté cette information. Ils ont tous écrit le même texte.
C’était en Afghanistan, mais j’ai constaté la même chose en
Cijordanie et en Amérique centrale (…). Nombreux sont les reporters qui
ne vont jamais sur le terrain. Il existe cependant de courageuses
exceptions qui méritent tout notre respect.»
LE MAL, C’EST L’ULTRALIBÉRALISME
Chomsky évoque les collusions suspectes de l’Amérique. Si l’on
s’intéresse aux tribunaux internationaux, on constate que ce sont
surtout des Africains qui y sont accusés, ainsi qu’une poignée d’ennemis
de l’Occident, tel Milosevic. Et ces Africains font toujours partie du
camp auquel nous nous opposons.
Pourtant, d’autres crimes n’ont-ils pas été commis ces dernières
années ? «Prenez l’invasion de l’Irak : il n’y a rien là qui puisse être
considéré comme criminel — si l’on oublie Nuremberg et le reste du
droit international contemporain. Il en est ainsi pour une raison
d’ordre juridique peu connue : les Etats-Unis se sont immunisés contre
toute poursuite. En 1946, ils ont adhéré à la Cour internationale de
justice en imposant une condition : celle de ne jamais y être
poursuivis en vertu d’un traité international, qu’il s’agisse de la
Charte des Nations unies, de la Charte de l’Organisation des Etats
américains (OEA) ou des Conventions de Genève.
Ils se sont donc mis à l’abri de tout procès relatif à ces
dispositions, ce que la Cour a accepté. Le cas du Sahara occidental est
intéressant. Ses habitants, les Sahraouis, sont de véritables
non-personnes ! Il s’agit de la dernière colonie officielle d’Afrique,
si bien que les Nations unies ont été chargées de son administration et
de sa décolonisation (…) Mais sitôt annoncée la rupture du lien colonial
en 1975, le pays a été envahi par le Maroc, un satellite de la France.
La plus récente récrimination a été soulevée au tout début du
Printemps arabe. En fait, c’est au Sahara occidental que le Printemps
arabe a commencé avant la Tunisie.» Chomsk est formel quant au
financement du terrorisme international alors que les Américains
laissent faire. «Les Saoudiens financent généreusement les variantes les
plus extrémistes de l’islamisme radical — le wahhabisme des madrasas
du Pakistan aux groupes salafistes d’Egypte. Les Etats-Unis n’y voient
aucun problème et ne font rien pour les en empêcher. La thèse voulant
que les Etats-Unis s’opposent à l’islamisme radical est ridicule. L’Etat
islamiste le plus fondamentaliste du monde est l’Arabie Saoudite, un
favori de Washington. Le Royaume-Uni a lui aussi soutenu l’islamisme de
manière assidue.
Cet appui découle de la nécessité de combattre le nationalisme
séculier. La relation de proximité qui existe aujourd’hui entre les
Etats Unis et Israël s’est établie en 1967 quand l’Etat hébreu a
généreusement écrasé le nationalisme séculier.» Le Printemps arabe est
une équation complexe, estime Chomsky, «ce n’est qu’au cours de la
dernière décennie que l’Amérique latine, pour la première fois depuis
les conquistadors, a emprunté le chemin de l’intégration et de
l’indépendance.
Ce continent a aussi entrepris de faire face à certains de ses
propres problèmes sociaux qui sont terribles. Son évolution récente a
une portée historique. Si le Printemps arabe allait dans la même
direction, ce qui est encore possible, l’ordre mondial en sortirait
radicalement transformé. C’est pourquoi l’Occident fait tout pour l’en
empêcher.»
UNE TRIBUNE POUR LES SANS-VOIX
«Je pressens que les gouvernements vont bientôt perdre toute
crédibilité, incapables qu’ils sont de régler les problèmes fondamentaux
qui ont donné lieu aux soulèvements, à savoir les politiques
néolibérales et leurs conséquences. Ils ne font que les reconduire.
Leurs pays vont ainsi s’enfoncer davantage dans le marasme. Prenons la
Libye, par exemple. Le bombardement de ce pays n’a reçu pratiquement
aucun appui au-delà des trois puissances impériales classiques que sont
le Royaume-Uni, la France et les Etats-Unis.
On parle de la ‘‘communauté internationale’’, mais il s’agit d’une
vue de l’esprit. Si les appuis ont été si rares, ce n’est pas sans
raison : en mars 2011, les Nations unies avaient adopté une résolution
appelant à l’établissement d’une ‘‘zone d’exclusion aérienne’’, à la
protection des civils, à l’imposition d’un cessez-le-feu et à
l’ouverture de négociations. Les puissances impériales ne souhaitaient
pas emprunter cette voie. Elles voulaient prendre part à la guerre et
imposer à la Libye un gouvernement correspondant à leurs attentes. Si le
reste du monde s’opposait à l’offensive aérienne, c’est parce qu’il
craignait que celle-ci, en menant à une guerre d’envergure, ne débouche
sur une catastrophe humaine.
Et c’est ce qui s’est produit. C’est d’ailleurs une des raisons pour
lesquelles plus personne n’en parle ; la Libye n’est plus qu’un champ de
ruines.» Le terrorisme international qui semble avoir tissé une toile à
travers le globe avec une facilité déconcertante restera comme une
tache noire, mais aussi une énigme. «On classe les actes terroristes
dans les catégories bien distinctes. Les ‘‘leurs’’ qui sont
épouvantables, et les ‘‘nôtres’’ qui relèvent de la vertu». Vous avez
dit vertu ? Et puis Chamsky de mentionner l’attaque de novembre 2004
contre Falloudja par les forces armées américaines, un des pires crimes
commis dans le cadre de l’invasion de l’Irak. «Cela a commencé par
l’occupation de l’hôpital général.
Cela constitue déjà en soi un grave crime de guerre. Des soldats en
armes ont forcé les patients et les employés de l’hôpital à sortir des
chambres, puis leur ont ordonné de s’asseoir et de se coucher par terre
et leur ont ligoté les mains derrière le dos, rapportait l’article.
Selon ce dernier, ces crimes étaient non seulement justifiés mais
méritoires. En fait, l’hôpital général de Falloudja diffusait
régulièrement des rapports sur le nombre des victimes civiles…».
Source : Hamid Tahri, pour El Watan, le 9 juillet 2015.
=========================
Genre: Essai
Qui ? Noam Chomsky, André Vltchek
Titre: L’Occident terroriste. D’Hiroshima à la guerre des drones (Trad. de l’anglais par Nicolas Calvé)
Chez qui ? Ecosociété, 174 p.
Noam Chomsky. (David Wagnières)
«George Orwell disait des humains vivant hors d’Europe, de l’Amérique
du Nord et de quelques pays privilégiés d’Asie qu’ils étaient
des non-personnes », écrit André Vltchek dans
l’avant-propos. Tel est le fil conducteur de ce livre, où l’on évoque
des millions de morts par lesquels la conscience occidentale n’a pas été
marquée: «non-personnes» des colonies, puis du tiers-monde, victimes de
la poursuite occidentale du pouvoir, des ressources et du profit, tuées
et rendues insignifiantes.
Après quinze ans d’échanges épistolaires sur ce sujet, deux hommes
décident de se rencontrer pour dialoguer, pendant deux jours, en
enregistrant leur conversation en vue d’un film (actuellement en
production) et d’un livre, publié en anglais en 2013 et aujourd’hui en français. L’un des deux est Noam Chomsky,
figure majeure de la linguistique et intellectuel militant, attelé au
dévoilement du système de propagande qui forge l’opinion dans les pays
démocratiques et à la déconstruction de l’impérialisme américain. Son
interlocuteur, André Vltchek,
est Soviétique de naissance, New-Yorkais d’adoption, philosophe,
romancier, cinéaste, reporter, poète, dramaturge et photographe, selon
l’ordre qu’il retient lui-même pour énumérer ses activités.
«Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le colonialisme et le
néocolonialisme occidentaux ont causé la mort de 50 à 55 millions de
personnes», attaque Vltchek. A celles-ci, «mortes en conséquence directe
de guerres déclenchées par l’Occident, de coups d’Etat militaires
pro-occidentaux et d’autres conflits du même acabit», s’ajoutent «des
centaines de millions de victimes indirectes qui ont péri de la misère,
en silence».
Colonialisme, d’abord: histoires oubliées. «Les premiers camps de
concentration n’ont pas été construits par l’Allemagne nazie, mais par
l’Empire britannique, en Afrique du Sud»: c’était pendant la seconde
guerre des Boers, à l’aube du XXe siècle. Quant à l’Allemagne, avant
l’extermination des Juifs (et des Roms), elle avait été «impliquée dans
de terribles massacres en Amérique du Sud et, en fait, un peu partout
dans le monde» – mais qui connaît la décimation, par ses soins, des
Héréros de Namibie, des Mapuches de Valdivia, d’Osorno et de Llanquihue
(Chili), des natifs des Samoa allemandes? «A propos des connaissances
des Européens sur le colonialisme, je répondrais qu’ils n’en savent
presque rien.»
Néocolonialisme, ensuite. «Des atrocités parmi les plus abominables
ont été commises ces dernières années dans l’est de la République
démocratique du Congo (RDC). De trois à cinq millions de personnes y
auraient perdu la vie. Qui doit-on montrer du doigt? Les milices. Mais
derrière les milices se trouvent les multinationales et les
gouvernements», affirme Chomsky. L’enjeu? «Avoir accès au coltan
(utilisé par les Occidentaux dans leurs téléphones portables) et à
d’autres minéraux précieux.»
Impérialisme, enfin. De l’histoire du Cambodge, on connaît
essentiellement les atrocités commises entre 1975 et 1979 par le régime
communiste des Khmers rouges. «En ce qui concerne les quelques années
qui l’ont précédé, on nage dans l’ignorance.» Mais au début des années
1970, avant le règne de Pol Pot, la terreur venait du bombardement des
zones rurales ordonné par le secrétaire d’Etat américain Henry
Kissinger: un «véritable appel au génocide». Comme au Laos, où «des
millions de personnes ont ainsi été impitoyablement assassinées»,
l’objectif de l’opération était de «dissuader ces pays de se joindre au
Vietnam dans sa lutte de libération». Massacre préventif, donc. Guerre
secrète, en principe. «Eh bien, il a fallu une seule phrase du New York
Times relatant la nouvelle pour que la campagne prenne fin.»
On s’étonnera peut-être, plus loin, dans le chapitre consacré au
«bloc soviétique», de l’indulgence relative avec laquelle Vltchek
considère les anciens pays de l’Est de l’après-Staline. L’existence d’un
double standard de jugement en la matière semble pourtant peu
contestable. La répression du Printemps de Prague par Moscou, en 1968, a
marqué durablement les esprits de l’Occident comme une tragédie
terrible: elle a fait 70 à 90 morts. Trois ans plus tôt, le «coup d’Etat
commandé par Washington» contre l’Indonésie de Soekarno, pays coupable
d’avoir attrapé «le virus du développement autonome», a été suivi de
massacres faisant, selon les estimations, entre un demi-million et trois
millions de victimes. On s’en souvient moins.
Et ce n’est pas tout. «L’URSS subventionnait ses satellites européens
à un point tel que ceux-ci ont fini par devenir plus riches que leur
puissance tutélaire. Dans l’histoire, le bloc soviétique représente le
seul cas d’un empire dont la métropole était plus pauvre que ses
colonies», ajoute Chomsky. Les Soviétiques «n’ont pas siphonné toutes
les ressources du pays comme le font les Etats-Unis ailleurs».
L’étonnement continue lorsque les deux hommes parlent de la Chine:
«La télévision et les journaux chinois sont beaucoup plus critiques du
système économique et politique de leur pays que nos chaînes le sont du
nôtre», relève Vltchek. «Pour avoir vécu sur tous les continents, je
peux affirmer que les «Occidentaux» forment le groupe le plus
endoctriné, le moins bien informé et le moins critique de la Terre, à
quelques exceptions près, bien sûr, comme l’Arabie saoudite» –
financière de l’islamisme radical et alliée de l’Occident.
Chomsky et Vltchek s’accordent sur le principal pôle d’espoir:
«Presque toute l’Amérique est désormais libre. Même certains pays
d’Amérique centrale sont enfin en train de conquérir leur indépendance»,
par rapport à la domination états-unienne. Les deux hommes divergent çà
et là (c’est d’une conversation qu’il s’agit, avec ses flottements et
ses quelques approximations), notamment sur l’avenir: le premier est
plus optimiste que le second quant à la possibilité de «mettre fin au
règne de la terreur» instauré par l’Occident pour faire régner, au
mépris des vies humaines, le «fondamentalisme du marché».
Source : Nic Ulmi, pour Le Temps Livres, le 13 juin 2015.
Une réponse à Noam Chomsky : «l’Occident terroriste»
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Hé oui Hitler n’a rien inventé, que se soit de l’eugénisme
scientifique ou le massacre de masse déjà l’Empire britannique qui
règnait sur les océans du monde, les génocides étaient courant et
jusqu’à nos jours malgré Nuremberg qui ne fut qu’une mascarade :
link to worldsworstmassmurderer.blogspot.fr
Les capitalismes des grands Empire du XIX ème siècle étant en
concurrence, ils se firent la guerre par pays ou peuples interposés, ce
que fit que les victimes civiles furent si nombreuses, et le fait pour
les suprémacistes anglo-saxons (anglais, allemand, hollandais ou plus
tard américain) ou latins (espagnols, français, portugais) les
indigènes des nouveaux continents n’étaient rien de plus que des animaux
a peine évolués que les singes !
Les européens dans leur ensemble “se sont toujours” convaincus que
Dieu leur avait donné le droit de supériorité sur les “peuples
indigènes” de la planète au fur et à mesure des découvertes d’autres
terres ou continents. A cette époque le racisme fut souvent “religieux”…
Le pire de cette “croyance élective” fut le XIX siècle ou le racisme
scientifique atteint son apogées après de nombreuses découvertes sur la
connaissance de l’homme et de son milieu etc et ce .malgré “les
Lumières”.passées. le racisme fut là dit scientifique ou biologique.
Aux protestataires qui réclament l’annulation de cette initiative au
motif que Tel-Aviv est la capitale d’un Etat raciste, colonial,
pratiquant un apartheid institutionnel, les élus socialistes parisiens
répondent qu’eux-mêmes sont en désaccord avec la politique «brutale»
du gouvernement israélien mais que Tel-Aviv ne saurait être confondue
avec ce gouvernement, qu’elle est une ville festive, cool…
Qualifier de «brutale» une politique qui a jeté des centaines de milliers de Palestiniens sur les routes de l’exode, qui maintient à Gaza un million et demi de personnes sous un blocus contraire aux règles les plus élémentaires du droit, qui massacre à intervalles fixes ou presque des milliers de femmes, d’enfants, de civils, considérant sans doute que le blocus ne suffit pas comme punition, laisse songeur. Par ailleurs, il n’y a pas de trace dans la presse d’une protestation des élus de Tel-Aviv contre le sort pas très «cool» fait aux Palestiniens…
Ces arguments sont d’autant plus méprisables qu’ils sont répétés sur différents tons par les élus socialistes et LR parisiens, ce qui en dit long sur les connivences entre droite et gauche quand l’essentiel (qui rime avec Israël) est en cause.
Cet événement constitue une illustration de plus de la manière dont fonctionne le monde. Sous le magistère de l’Occident, le monde est régi par une loi non écrite qui dispose que des Etats sont au-dessus des lois et ne définissent leur politique vis-à-vis de l’étranger qu’à la seule aune de leurs intérêts. C’est, donc, en toute liberté que la France investit un pays, la Libye, qu’elle plonge dans le chaos. Responsables de la destruction de l’Irak, à l’issue d’une expédition menée sur la base d’un mensonge avéré, Bush fils coule une retraite paisible tandis que Blair représente le fameux «Quartette» et est chargé, à ce titre, de trouver la formule magique qui ramènera la paix au Proche-Orient !
La majorité des pays du Sud, tenus pour quantité négligeable, ne sont là que pour approvisionner le Moloch insatiable en subissant son arbitraire.
.....
Exemple : Terrorisme sur Seine
Anne Hidalgo, maire de
Paris, a eu une idée «somptueuse». Cette idée porte un nom, Tel-Aviv sur
Seine. Comme son nom l’indique, la capitale israélienne prendra ses
quartiers à Paris-Plage, le 13 août prochain…
Qualifier de «brutale» une politique qui a jeté des centaines de milliers de Palestiniens sur les routes de l’exode, qui maintient à Gaza un million et demi de personnes sous un blocus contraire aux règles les plus élémentaires du droit, qui massacre à intervalles fixes ou presque des milliers de femmes, d’enfants, de civils, considérant sans doute que le blocus ne suffit pas comme punition, laisse songeur. Par ailleurs, il n’y a pas de trace dans la presse d’une protestation des élus de Tel-Aviv contre le sort pas très «cool» fait aux Palestiniens…
Ces arguments sont d’autant plus méprisables qu’ils sont répétés sur différents tons par les élus socialistes et LR parisiens, ce qui en dit long sur les connivences entre droite et gauche quand l’essentiel (qui rime avec Israël) est en cause.
Cet événement constitue une illustration de plus de la manière dont fonctionne le monde. Sous le magistère de l’Occident, le monde est régi par une loi non écrite qui dispose que des Etats sont au-dessus des lois et ne définissent leur politique vis-à-vis de l’étranger qu’à la seule aune de leurs intérêts. C’est, donc, en toute liberté que la France investit un pays, la Libye, qu’elle plonge dans le chaos. Responsables de la destruction de l’Irak, à l’issue d’une expédition menée sur la base d’un mensonge avéré, Bush fils coule une retraite paisible tandis que Blair représente le fameux «Quartette» et est chargé, à ce titre, de trouver la formule magique qui ramènera la paix au Proche-Orient !
La majorité des pays du Sud, tenus pour quantité négligeable, ne sont là que pour approvisionner le Moloch insatiable en subissant son arbitraire.
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Lutter contre le terrorisme, c’est d’abord redonner un peu de crédit à
l’idée de justice. L’initiative de la maire de Paris va dans le sens
contraire. En cela, elle est conforme au contenu du discours dominant en
Occident. Au lendemain du 13 août, quelques nouvelles vocations de
terroristes vont naître. Mais qui fera le lien entre une manifestation
si «fun», si «cool», sur les bords paisibles de la Seine et le masque grimaçant d’un jeune homme s’apprêtant pour une décapitation publique… ?
Brahim Senoussi