Dans notre article du 31/7/2015, nous écrivions " La Turquie s’apprête à saisir des
zones tampon en Syrie, avec l’aide de
milices oppositionnelles syriennes et le soutien aérien des USA. Cette escalade
fait suite à des semaines de pourparlers entre Ankara et Washington, et une
conversation téléphonique entre le président turc Tayyip Erdogan et le
président américain Barack Obama."
Devant ce défi à sa souveraineté, la Syrie a
fait appel à la Russie en réactivant un ancien contrat de 2007, concernant des
avions capables d'annihiler l'agression turco-américaine. Voici comment.
Hannibal GENSERIC.
En juillet 2015, les forces militaires des Kurdes dans le nord-est de la
Syrie ont décidé de soutenir l’armée syrienne dans sa lutte contre les rebelles
islamistes. Elles opèrent avec le soutien aérien de l’aviation syrienne lors de
leurs offensives contre les mercenaires islamistes, avec des livraisons de
munitions à travers la frontière de la Turquie. La Turquie a immédiatement
réagi, se souvenant brusquement de l’existence du groupe kurde PKK interdit en
Turquie, et a convoqué une réunion de l’OTAN, à la suite de soi-disant menaces
pour sa sécurité. Elle a également déclenché des bombardements aériens contre
les Kurdes dans le nord-est de la Syrie et en Irak (les seuls qui aient
remporté des victoires concrètes contre ISIS, ces derniers temps).
Femmes
kurdes des Peshmerga s’entrainant avant le combat contre Daesh dans leur camp de Sulaimaniya, au nord de l’Irak |
Les États-Unis qui ont dépensé 500 millions de dollars l’an dernier
pour le recrutement, la formation et pour armer les rebelles « modérés »
en Syrie, ont menacé l’armée syrienne, les Irakiens et les combattants
kurdes, c’est-à-dire ceux qui ont vraiment lutté contre ISIS/DAECH, de
ripostes avec des frappes aériennes, si « leurs protégés » étaient
attaqués.
En outre, avec une hypocrisie à couper le souffle, Ahmet Davutoglu,
le premier ministre de la Turquie, a exhorté l’ONU à imposer une zone
d’exclusion aérienne dans le nord de la Syrie, « afin de protéger les
civils kurdes de la zone de combats entre ISIS et l’armée syrienne »,
c’est à dire ceux qui sont ciblés par les bombardements des avions de
l’armée de l’air turque.
Pour ce qui concerne la manière dont les États-Unis et leurs alliés combattent l’ISIS, cela a été amplement
développé dans un article précédent. Il s’avère que la Russie a
pleinement compris le jeu obscur des États-Unis. Avec les systèmes de
missiles AA, elle assure la défense des États qui luttent véritablement
contre ISIS (Irak, Syrie, Iran). Il s’agit des systèmes S-300 et
Pantsir-S1, qui poseront de réels problèmes à l’aviation américaine et
ses satellites de l’OTAN et du Golfe.
Dans ce contexte de tensions et de
faux-semblant de lutte contre ISIS destiné à créer les conditions
propices au passage à des bombardements massifs contre les troupes de
l’armée syrienne et au remplacement de Bachar Al Assad à la direction de
la Syrie, la Russie a fait un geste qui a surpris tout le monde. Le 16
août 2015, l’Agence de presse turque BGN a annoncé que la Russie avait
livré à l’armée syrienne 6 avions MiG-31, qui sont déjà en service sur
la base aérienne de Mezze, dans la banlieue Sud-ouest de Damas.
En fait, c’est un contrat de 2007, d’une
valeur de plus de 1 milliard de dollars concernant 8 avions MiG-31 et
16 MiG-29 M qui avait été suspendu en 2009 à la suite de pressions
exercées par Israël.
Le MiG-31 BM a quelques limitations. Ce
n’est pas un avion multi-rôle, capable d’assurer des combats aériens
nécessitant de grandes manœuvres, mais un avion avec deux sièges (le
pilote et l’opérateur) qui patrouillent à très haute altitude, pendant
plus de deux heures. Il suffit d’une patrouille de MiG-31 pour interdire
la pénétration de l’espace aérien russe sur une ouverture jusqu’à 400
km.
La livraison des avions MiG-31
par la Russie n’est donc pas dirigée contre ISIS, mais contre les
radars à bord des Boeing 737 (AEW&C) et E-3 Sentry (AWACS) qui
constituent la colonne vertébrale d’une zone d’exclusion aérienne.
Mais le MiG-31 est également efficace contre les missiles de croisière
américains. Un ou deux avions AWACS turcs ou américains peuvent couvrir
tout l’espace aérien syrien. Grâce à l’équipement SIGINT embarqué à
bord, l’avion AWACS contrôle le trafic radio et intercepte les rapports
radio des plans de vol approuvés au décollage des avions de combat
syriens.
Aviateurs de la 960ème Airborne Air Control Squadron surveillant le ciel |
Ainsi, les AWACS peuvent détecter des
cibles aériennes ennemies dès le décollage à des distances de 350-450
km. Ils dirigent l’interception par une formation d’avions de chasse des
États alliés des Etats-Unis qui opèrent dans les zones de service
aériennes au-dessus de la Syrie. Tous les avions AWACS sont en mesure de
repérer les colonnes blindées en mouvement sur le territoire syrien, et
diriger vers elles une formation d’avions armés de missiles et de
bombes nécessaires pour une attaque au sol. Abattre un ou plusieurs
avions AWACS modifie considérablement la capacité de fonctionnement de
la « zone d’exclusion aérienne ».
Le MiG-31 est propulsé par deux moteurs
Solovyev D-30F6, chacun avec une poussée de 15 500 kgf, qui permettent
une montée à une vitesse ascensionnelle de 208 m/s. Le temps mis pour
atteindre un plafond de 10 000 m depuis le décollage de la piste est de
deux à trois minutes. Pratiquement, si le MiG-31 n’émet pas dans le
spectre électromagnétique, il a toutes les chances d’entrer dans le
régime supersonique, recevant du sol par le biais d’une ligne de données
les coordonnées de l’avion AWACS, puis occuper la position optimale
pour l’abattre. Le MiG-31 est armé de missiles BVR ( beyond-visual range
) R-33, R-37 et Novator KS-172S-1, d’une portée de 300-420 km,
spécialement conçus pour abattre les AWACS.
Le profil de vol de ces missiles a été
conçu de telle sorte qu’il y a d’abord une montée initiale à une
altitude de croisière de 30 000 mètres, où ils accélèrent à la vitesse
de Mach 4. Ce profil empêche son interception lors de son parcours vers
sa cible, et permet un rapport de consommation carburant/km réduit de
moitié par rapport à un vol à 8-14 000 m. L’attaque de l’avion AWACS se
fait d’en haut, où il existe un angle mort de son antenne radar.
http://reseauinternational.net/la-russie-tente-dannihiler-la-possibilite-dune-zone-dexclusion-aerienne-en-syrie/
Deuxième riposte : Une seconde base militaire russe sur le sol syrien
Le journal
« Al-Qods al-Arabi », citant des sources bien informées a écrit que
Damas était d’accord avec une seconde base militaire russe, sur le
territoire syrien.
Une source bien informée a déclaré dans
un entretien avec « Al-Qods al-Arabi » que la Syrie avait demandé à la
Russie de créer une nouvelle base militaire, dans la ville portuaire de
Jabala. Ce sera, après la base de Tartous, la deuxième base militaire
russe en Syrie.
Selon cette source, Damas a donné son
aval à la construction de cette deuxième base qui sera plus moderne et
plus importante que la base de Tartous. « Al-Qods al-Arabi » a écrit que
le président syrien Bachar al-Assad avait annoncé, dans un entretien
avec une chaîne russe, en mars dernier, que les possibilités de la
construction d’une base militaire russe en Syrie existaient. Le chef de l’État syrien avait dit que son pays attendait une telle proposition et
qu’il l’accepterait bien sûr. Le président syrien avait affirmé que, vu
le rôle important de la Russie dans le rétablissement de la stabilité
mondiale, plus la présence de la Russie est renforcée dans la région,
plus la stabilité régionale sera garantie.
« La décision de Moscou de vouloir construire une nouvelle base en Syrie signifie le fait que la Russie respecte son engagement envers sa coalition stratégique avec Damas et qu’elle ne permettra jamais que le régime syrien soit renversé. Car son alliance avec la Syrie est liée à la nature militaire et politique actuelle de la Syrie, qui s’inscrit, à vrai dire, dans la lignée de l’ère de l’ancien président syrien Hafiz Assad », a conclu « Al-Qods Al-Arabi ».
Hannibal Genséric