« Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insufflée aux faibles et aux timides. » Nietzsche
L’attentat contre la mosquée
du QG des forces spéciales à Abha, le 6 Août 2015, paraît devoir
conduire l’Arabie saoudite à reconsidérer ses priorités dans la
désignation de son ennemi principal en ce que cette opération
revendiquée par Daech s’est produite dans un périmètre hautement
sécurisé, –la mosquée des forces spéciales et non une mosquée chiite
faiblement protégée-, de surcroît dans un secteur qui représente la
profondeur stratégique sunnite du royaume, la province d’Al Assir, dans
le sud du pays- et non une province de mixité démographique.
Cet attentat, qui a fait 15 morts, représente l’une des attaques les
plus meurtrières ayant visé les forces de sécurité depuis la vague
d’attentats d’Al Qaida ayant frappé le royaume entre 2003 et 2006.
Revers majeur pour le prince héritier Mohamad Ben Nayef, en charge de la
sécurité interne du Royaume et adoubé à ce titre par les Américains, il
devrait donner une plus grande marge de manœuvre au gouverneur effectif
de l’Arabie, le propre fils du Roi, Mohamad Ben Salmane.
La nouvelle guerre du Yémen lancée, en Mars 2015, par l’Arabie
saoudite, avec son cortège de mobilisation sectaire, a entraîné une
stigmatisation plus marquée des chiites dont se réclament les miliciens
houthistes yéménites. Le Royaume saoudien a été toutefois, dans la
foulée, la cible de quatre attentats revendiqués par Da’ech, dont trois
attentats meurtriers contre des lieux de culte, faisant au total de 42
morts.
Outre l’attentat d’Abha, un attentat suicide à la voiture piégée a eu
lieu à Ryad, le 16 juillet, en pleine fête du Fitr qui marque la fin du
jeune du ramadan, blessant deux policiers à un point de contrôle de la
capitale. Deux mois auparavant, en Mai, la province orientale de
l’Arabie saoudite a été secouée par deux attentats contre des mosquées
chiites ayant fait 25 morts. L’attentat de Koudeih, le 22 mai 2015, a
fait 21 morts et 81 blessés. La responsabilité de cet attentat a été
revendiquée par Daech au nom des «Soldats du califat dans la province
du Najd. Le Royaume a par ailleurs déjoué un attentat contre l’ambassade
des États Unis à Ryad, interceptant un camion chargé de 80 kg
d’explosif, en provenance de Bahreïn.
Dans les années 2004-2005, l’Arabie saoudite avait été secouée par
une vague d’attentats commis par Al-Qaïda, la matrice de Daech, contre
des intérêts étrangers. Ces derniers mois, plusieurs incidents ont été
recensés contre des policiers saoudiens et des étrangers, qui sont avec
les «hérétiques chiites», les ennemis déclarés des djihadistes sunnites.
Dans une opération de diversion, s’explique dans ce contexte
l’incarcération du chef spirituel de la communauté chiite saoudienne,
Cheikh Nimr Al-Nimr, arrêté en novembre 2014 et condamné à mort.
L’accord nucléaire iranien et la nouvelle guerre saoudienne contre le
Yémen, déclenchée quatre mois plus tôt précisément pour en entraver la
conclusion, a bouleversé la donne, au point d’être considérée désormais
par les cercles dirigeants saoudiens comme une conjonction
cauchemardesque.
A l’arrière plan d’une politique d’austérité rendue nécessaire par
les coûts des guerres de Syrie et du Yémen, de la chute du prix de
pétrole, et du coût des programmes d’armement exorbitants, -autant
d’éléments générateurs de mécontentement interne-, la nervosité est
grande à Ryad: Un publiciste saoudien Zouheir Katabi (62 ans) a fait les
frais de cette fermentation intellectuelle sur fond de grenouillage
subversif.
Pour avoir préconisé l’instauration d’une «monarchie
constitutionnelle» et la dissolution de la police religieuse ainsi que
la cessation de la répression politique et religieuse, -des propos jugés
apparemment subversifs par le pouvoir-, ce journaliste respecté de la
profession a été traduit en justice.
La flambée de violence interne tend à justifier le bien fondé de la
mise en garde du président Barack Obama adressée aux pétromonarchies
lors de leur rencontre de Camp David, au printemps 2015, pointant le
fait que «le plus grand danger qui mime le pétromonarchies est le front
intérieur» avec une jeunesse désœuvrée et maintenue à l’écart de la vie
publique nationale, de toute participation à la vie politique. Elle tend
de surcroît à démentir la guerre psychologique menée depuis trente ans
par la famille royale saoudienne visant à diaboliser l’Iran et les
Chiites. A mettre à nu la démagogie wahhabite.
60 % de la jeunesse saoudienne sympathisante de Daech.
La conjonction est si cauchemardesque qu’un notable saoudien a tiré
la sonnette d’alarme, révélant sur la chaîne de télévision saoudienne
«Al Arabiya» que 60 pour cent des jeunes saoudiens sont des
sympathisants de Daech. L’homme, Khalil Al Khalil, ancien membre du
Conseil consultatif, un expert dans le domaine du terrorisme, n’a fait
l’objet d’aucune mesure disciplinaire.
Une mansuétude qui ne doit rien au hasard dans un pays hermétique à
l’extrême. Sans doute en raison du fait que Khalil Al Khalil a avancé
des chiffres au dessous de la réalité en ce que le nombre de
sympathisants pro Daech au sein de la jeunesse saoudienne se situerait
autour de 92 pour cent selon un sondage réalisé sur les réseaux sociaux.
Une véritable bombe à retardement pour l’Arabie saoudite.
Les contrats d’armement des pétromonarchies : des contrats d’assurance déguisés.
Le Golfe, une zone hyper protégée mais nullement hermétique.
Depuis l’avènement de la République islamique à Téhéran, l’Iran était
désigné comme l’ennemi principal des Saoudiens et des Sunnites. Un
credo qui justifiait tous les abus sur le plan interne et tous les excès
sur le plan externe, avec l’appui immuable du bloc atlantiste.
L’Iran a d’ailleurs constitué une véritables mine d’or pour le
complexe militaro industriel américain, à en juger par les contrats
mirifiques qui se sont succédé entre les pétromonarchies du Golfe et les
firmes américaines, dont les derniers en date se chiffrent à 130
milliards de dollars. Les emplettes portent aussi bien sur un bouclier
anti-missiles que John Kerry a vendu aux gérontocrates du Golfe, -sur le
modèle du dôme d’acier israélien, mais en moins perfectionné- que sur
des chasseurs-bombardiers F15, des missiles Hellfire (Lockheed Martin)
et des véhicules blindés Humvee-(AM General). Pour se prémunir à la fois
contre le danger iranien que l’État Islamique.
SOS International, dont un des dirigeants n’est autre que Paul
Wolfowitz, ancien sous secrétaire d’état à la défense sous Georges Bush
Jr, et un des artisans de l’invasion de l’Irak, en 2003, a emporté un
appel d’offres prévoyant la mise à disposition de l’armée américaine de
plusieurs centaines de bodyguard, de traducteurs confirmés, de
convoyeurs, majoritairement recrutés au sein de la grande réserve de
retraités militaires américains, en vue de protéger les deux nouveaux
camps établis par les États-Unis en Irak, pour la formation de la
nouvelle armée irakienne, le camp de Samaya et le Camp de Taji. Un
contrat de 400 millions de dollars. 3.500 soldats américains sont
revenus en Irak à la faveur de la nouvelle guerre déclenchée contre
Daech, l’été 2014, et 6.300 retraités de l’US Army s’apprêtent à
reprendre du service «contractuel» pour le compte de SOS international.
Ce bilan ne tient compte ni de la commande Rafale faite par le Qatar à
la France, ni de la transaction saoudienne de l’ordre de 16 milliards de
dollars pour la fourniture par la France de réacteurs EPR pour le
nucléaire civil saoudien.
Le précédent gros contrat, de l’ordre de 123 milliards de dollars,
avait été conclu en 2010 entre l’Amérique et quatre pays du Golfe
(Arabie saoudite, Koweït, Abou Dhabi, Qatar), précisément en vue de
renforcer leur capacité défensive «face à l’Iran». Soixante milliards de
dollars pour la vente à l’Arabie saoudite de 87 chasseurs bombardiers
«F-15», de 70 hélicoptères de combat «Apache» et de 72 hélicoptères
«Black Hawk», 36 hélicoptères Little Bird AH-6, ainsi que des bombes,
des missiles, y compris la bombe guidée par GPS, JDAM, produite par
Boeing et le missile guidé par laser Hellfire. Trente milliards de
dollars complémentaires seront affectés à la fourniture de bâtiments de
guerre et d’un système de défense balistique, complémentaire au réseau
de missiles de type Patriot et au reconditionnement des anciens
appareils de l’armée de l’air et de la marine.
Bases militaires, barrages électroniques et compagnies militaires privées: le Golfe, une zone hyper protégée mais nullement hermétique.
De surcroît, des barrages électroniques ont été édifiés aux
frontières de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis pour
décourager toute invasion ou infiltration. Le barrage électronique
saoudien a été édifié avec le concours des Français, celui d’Abou Dhabi,
avec le concours de la firme israélienne AGT (Asia Global
Technologies), dont le contrat de trois milliards de dollars concerne
aussi bien la protection des frontières que la protection de quinze
sites pétroliers de l’émirat, ainsi que la fourniture de Drones, les
avions de reconnaissance sans pilote, de fabrication israélienne.
Faiblement peuplées, entourées de puissants voisins tels l’Iran et
l’Irak, de création récente et inexpérimentées, les pétromonarchies ont
longtemps confié leur protection à des pays amis aguerris, ou, à défaut,
à des compagnies militaires privées, les mercenaires des temps
modernes, et, les fabuleux contrats d’armement étaient généralement
perçus comme des polices d’assurance déguisées, en raison des mirifiques
rétro commissions qu’ils généraient.
La protection de l’espace aérien saoudien a été longtemps confiée aux
aviateurs pakistanais, le territoire national du Sultanat d’Oman aux
bédouins de la légion arabe jordanienne, les mercenaires occidentaux se
chargeant du reste, avec une répartition des rôles entre les Anglais,
surtout présents dans leur ancienne zone d’influence, notamment les
émirats pétroliers du Golfe, et les Américains ayant la haute main sur
l’Arabie Saoudite et le reste du Moyen-Orient.
La protection du Cheikh Zayed Ben Sultan Al-Nahyane, Émir d’Abou
Dhabi et président de la Fédération des Émirats du Golfe, ainsi que
l’encadrement des troupes omanaises dans la répression de la guérilla
marxiste du Dhofar, dans les années 1965-1970, ont relevé de la
responsabilité de «Watchguard», une des deux compagnies de mercenaires
britanniques, dont le siège est à Guernesey. Fondée en 1967 par David
Sterling, un ancien des commandos de l’air britanniques (Special Air
Services), elle passe pour être un instrument d’influence de la
diplomatie britannique. Outre Blackwater, qui s’est fâcheusement
illustrée en Irak, les États-Unis comptent, eux, deux grandes sociétés
privées militaires: Vinnell Corp, dont le siège est à Fairfax, en
Virginie, et BDM international. Toutes deux filiales de la
multinationale Carlyle, elles apparaissent comme les bras armés
privilégiés de la politique américaine en Arabie et dans le Golfe.
Vinnel corp, dont la mission saoudienne a fait l’objet d’un attentat à
Khobbar en 1995, a la haute main sur la formation de la Garde nationale
saoudienne, tandis que BDM gère la formation du personnel de l’armée de
l’air, de la marine et des forces terrestres saoudiennes
Face à l’Iran, la constellation des pétromonarchies du Golfe s’est
ainsi transformée en une véritable base flottante américaine au point
que se pose la question de la viabilité stratégique et de la pertinence
politique des gros contrats d’armement jamais conclu dans l’histoire, en
temps de paix, entre les États Unis et les pays de la zone. Le contrat
de 2010 comme celui de 2015 outrepassent les capacités d’absorption des
bénéficiaires de même que les capacités d’assimilation de cet armement
par ses servants locaux.
Preuve de l’inanité de ces contrats, la transaction de 2010 portant
sur des chasseurs bombardiers F.15 n’a pas empêché le Royaume saoudien
de recourir à des pilotes mercenaires américains, français et
pakistanais – 7.500 dollars la sortie aérienne- pour pilonner les
positions de leurs contestataires houthistes au Yémen.
Si l’on excepte sa piètre démonstration militaire au Yémen, en 2015,
l’Arabie saoudite n’a en fait jamais mené de guerre directe contre aucun
de ses adversaires potentiels, encore moins contre Israël, l’ennemi
officiel du monde arabe, dont elle est le principal opposant sur le plan
théorique, se bornant à financer des guerres obliques de
déstabilisation toujours contre les pays arabes ou musulmans.
La zone pétro monarchique est couverte d’un réseau de bases
aéronavales anglo-saxonnes et françaises le plus dense du monde, dont le
déploiement pourrait à lui seul dissuader tout éventuel assaillant
éventuel, rendant superflu de tels contrats. Elle abrite à Doha (Qatar),
le poste de commandement opérationnel du Cent Com (le commandement
central américain) dont la compétence s’étend sur l’axe de crise de
l’Islam qui va de l’Afghanistan au Maroc; A Manama (Bahreïn), le
quartier général d’ancrage de la V ème flotte américaine dont la zone
opérationnelle couvre le Golfe arabo-persique et l’Océan indien.
Si le 10 ème de cette somme avait été consacré par les pétromonarchies du Golfe à la libération de la Palestine, et non à polluer la planète du djihadisme takfiriste, non seulement la Palestine aurait été libérée depuis belle lurette de même que la sécurisation de l’espace national arabe assurée, mais le Monde arabe aurait forcé le respect du Monde en accédant au seuil critique, condition indispensable pour accéder au rang d’acteur majeur de la scène internationale et non de supplétifs de stratégies atlantistes.
Si le 10 ème de cette somme avait été consacré par les pétromonarchies du Golfe à la libération de la Palestine, et non à polluer la planète du djihadisme takfiriste, non seulement la Palestine aurait été libérée depuis belle lurette de même que la sécurisation de l’espace national arabe assurée, mais le Monde arabe aurait forcé le respect du Monde en accédant au seuil critique, condition indispensable pour accéder au rang d’acteur majeur de la scène internationale et non de supplétifs de stratégies atlantistes.
Le croquemitaine n’est peut pas celui que l’on croit
A l’Iran s’est superposée depuis la créature saoudo-américaine,
Daech. Ses prises de guerre sur l’ennemi notamment le matériel de
guerre pris à l’armée irakienne conduit au renouvellement des stocks. Le
jackpot est ainsi assuré pour l’industrie américaine d’armement avec
l’appauvrissement consécutif des pays arabes et l’accentuation de leur
dépendance.
Par un subterfuge que les politologues américains désignent du
vocable de «Politics of Fears, l’Iran sert depuis trente ans de prétexte
pour éponger le surplus de pétrodollars arabes en alimentant le
complexe militaro-industriel américain, et Israël, un prétexte pour
maintenir la dépendance technologique arabe.
Alors que le Monde arabe accuse un retard manifeste tant au niveau de la recherche scientifique que du développement des nouvelles technologies et que le chômage atteint des proportions rarement égalées ailleurs dans le monde, quatre pétromonarchies auront débloqué la colossale somme de 253 milliards de dollars en cinq ans (123 milliards en 2010+130 milliards en 2014-2015), pour résorber le chômage…. des États-Unis.
Alors que le Monde arabe accuse un retard manifeste tant au niveau de la recherche scientifique que du développement des nouvelles technologies et que le chômage atteint des proportions rarement égalées ailleurs dans le monde, quatre pétromonarchies auront débloqué la colossale somme de 253 milliards de dollars en cinq ans (123 milliards en 2010+130 milliards en 2014-2015), pour résorber le chômage…. des États-Unis.
Force est pourtant de constater que l’unique intervention militaire
iranienne contre les pétromonarchies s’est produite à l’époque où l’Iran
se situait dans la mouvance occidentale dans la décennie 1970 sans que
la protection américaine n’ait été d’un grand secours aux protégés
arabes qui se sont vus amputer ce jour là de trois îlots appartenant à
l’Émirat d’Abou Dhabi: (la grande et la petite Thomb et l’île d’Abou
Moussa. Il est vrai que le Chah d’Iran Mohamad Reza Pahlevi faisait
office à l’époque de gendarme du Golfe pour le compte des Américains et
que les princes arabes ne pouvaient qu’obtempérer, sur injonction
américaine, au super gendarme régional qui leur avait été assigné.
Disparité de traitement entre Arabes et Israéliens
En contrechamps, Israël a bénéficié de cinquante et un milliards de
dollars de subventions militaires depuis 1949, la majeure partie depuis
1974, plus qu‘aucun autre pays de la période postérieure à la II me
Guerre mondiale, selon une étude du spécialiste des affaires militaires
Gabriel Kolko, parue dans la revue «Counter punch» en date du 30 mars
2007.
A cette somme, il convient d’ajouter 11,2 milliards de dollars de
prêts pour des équipements militaires ainsi que 31 milliards de dollars
de subventions économiques, sans compter la promesse de George Bush Jr,
au terme de son mandat, de fournitures de l’ordre de trente milliards de
dollars, dont des missiles à guidage laser, des bombes à fragmentation,
des bombes à implosion, un dôme d’acier de protection anti balistique,
en vue de préserver la suprématie militaire israélienne au Moyen Orient.
A l’apogée de sa puissance, au plus fort de son alliance avec l’Iran,
l’Amérique n’a jamais réussi à faire restituer à leur propriétaire
arabe légitime ces trois îlots. En phase de puissance relative,
saura-elle au moins protéger durablement ces relais régionaux, au moment
où ses déboires en Afghanistan, en Irak et en Syrie la place sur la
défensive, alors que, parallèlement, l’Iran, fort de sa maîtrise de la
technologie nucléaire et des succès militaires des ses alliés régionaux,
le Hezbollah (Liban), Moqtada Sadr (Irak) se pose en parfait contre
exemple de la servitude monarchique, avec un rayonnement se projetant
bien au-delà des zones à fortes minorités chiites arabes dans les
régions pétrolifères d’Arabie Saoudite, de Bahreïn, du Koweït, d’Irak,
et dans la zone limitrophe d’Israël dans le sud du Liban pour s’étendre à
l’ensemble de la sphère arabo-musulmane?
Le Monde arabe a engagé près de deux mille milliards de dollars au
titre des dépenses militaires depuis le dernier tiers du XX me siècle,
soit environ 50 milliards de dollars par an en moyenne, sans avoir pu se
doter ni d’une capacité de projection de puissance, ni d’une capacité
de dissuasion nucléaire, encore moins de la capacité spatiale du
renseignement, autant d’attributs de la puissance moderne qui lui font
cruellement défaut à l’ère de la société de l’information et de son
application militaire, l’info guerre.
Une telle disparité de traitement entre Israéliens et Arabes au
regard des Américains, l’un s’équipant à titre gracieux, les autres
contraints de payer l’intégralité des commandes rubis sur ongle, en
dépit de la contribution financière et humaine des pays arabes aux
équipées américaines tant en Afghanistan qu’au Nicaragua contre le bloc
soviétique, de même que leur comportement erratique à l’égard de leurs
alliés naturels (l’Union soviétique et l’Iran) ainsi que
l’autodestruction systématique des pays arabes sous couvert de
djihadisme takfiristes expliquent le discrédit du Monde arabe sur la
scène internationale et une part de son collapsus stratégique.
La rencontre Ali Mamlouk-Mohamad Ben Salmane: une rencontre «miraculeuse» par suite de bons offices de la Russie.
Face à la prolifération de Daech dans les pétromonarchies, quatre
pays amis du Royaume,-l’Égypte, le Sultanat d’Oman, le Koweït et Abou
Dhabi son allié dans la bataille du sud Yémen-, ont pressé l’Arabie
saoudite de renouer le dialogue avec sa bête noire, la Syrie. Un premier
contact a ainsi lieu entre le Prince Mohamad Ben Salmane, l’homme fort
du clan wahhabite, avec le chef des services de renseignements syriens,
le général Ali Mamlouk, le 19 juin 2015, au lendemain de l’attentat
contre une mosquée chiite au Koweït, une principauté déjà érigée en
«Émirat islamique sunnite».
Qualifiée de «miraculeuse» mais virile, la rencontre syro saoudienne a
eu lieu par suite de «bons offices» de la Russie , un pays dont
l’influence a été longtemps quasi inexistante dans la zone
pétro-monarchique, mais qui constitue néanmoins un indice d’une
évolution préfigurant de nouvelles démarcations diplomatiques.
Certes l’Arabie saoudite a cherché à minimiser la portée de cette rencontre sans doute tant pour ne pas démoraliser ses alliés engagés sur le terrain, -ses alliés étatiques (Turquie, Qatar) et para étatiques, (les groupements djihadistes Daech et Jabhat An Nosra)-, que pour se donner le temps de justifier ce rétropédalage en maintenant sa posture maximaliste en prévision d’éventuels marchandages.
Certes l’Arabie saoudite a cherché à minimiser la portée de cette rencontre sans doute tant pour ne pas démoraliser ses alliés engagés sur le terrain, -ses alliés étatiques (Turquie, Qatar) et para étatiques, (les groupements djihadistes Daech et Jabhat An Nosra)-, que pour se donner le temps de justifier ce rétropédalage en maintenant sa posture maximaliste en prévision d’éventuels marchandages.
L’Arabie saoudite, le plus grand déstabilisateur régional, connaît à
son tour les affres de la déstabilisation… par ses propres pupilles. Le
croquemitaine iranien paraît ainsi céder le pas à «l’ennemi intérieur»,
autrement plus dangereux en ce qu’il se pose en concurrent direct de
l’idéologie wahhabite, assises de la dynastie saoudienne.
Sauf à se projeter dans une impasse fatale, la famille royale
saoudienne devra, volens nolens, reconsidérer ses priorités dans la
désignation de son ennemi principal.
Après trente ans de mobilisation intensive anti chiite, la dynastie
wahhabite pourrait bien se rendre compte que le croquemitaine n’est pas
celui que l’on croit. Sans doute un peu tard et à ses dépens. Ah quelles
seront douloureuses les révisions déchirantes.
René Naba
RÉFÉRENCES :
92 % des jeunes saoudiens adhérent à l’idéologie de Da’ech : http://www.raialyoum.com/?p=297684
René Naba
: ournaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au
service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de
RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe
consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de
l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de “L’Arabie saoudite, un
royaume des ténèbres” (Golias), “Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans
l’imaginaire français” (Harmattan), “Hariri, de père en fils, hommes
d’affaires, premiers ministres (Harmattan), “Les révolutions arabes et
la malédiction de Camp David” (Bachari), “Média et Démocratie, la
captation de l’imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias).
Copyright © René Naba, Mondialisation.ca, 2015
En publiant 61.229 nouveaux câbles et memos diplomatiques saoudiens,
révélant des demandes de financement de plusieurs hommes politiques ou
patrons de presse libanais, le site lanceur d’alerte Wikileaks confirme
une réalité déjà de notoriété publique. La publication de ces
informations menée en partenariat avec un journal pro-Hezbollah, révèle
plutôt les difficultés du métier de journaliste.
En rendant publics des milliers de télégrammes échangés entre le ministère saoudien des Affaires étrangères et ses ambassades dans le monde ainsi qu’avec les ministères de l’Intérieur et du Renseignement, Wikileaks s’attaque une nouvelle fois de front au royaume Wahhabite.
Julian Assange, cofondateur du site qui prévoit de publier encore quelque 500.000 documents, explique: «Saudi Cables a mis en lumière une dictature qui devient de plus en plus imprévisible. Cette année, elle n’a pas seulement célébré sa centième décapitation, elle est aussi devenue une menace pour ses voisins ainsi que pour elle-même.»
Lors d’un premier scoop mondial, en novembre 2010, Wikileaks s’en était déjà pris à l’Arabie Saoudite en révélant, entre autres, un télégramme selon lequel le roi Abdallah demandait à Washington de «couper la tête du serpent», à savoir«attaquer et détruire le programme nucléaire de l’Iran.»
Wikileaks attaque l’Arabie Saoudite et sa politique de corruption des médias
Julian Assange |
En rendant publics des milliers de télégrammes échangés entre le ministère saoudien des Affaires étrangères et ses ambassades dans le monde ainsi qu’avec les ministères de l’Intérieur et du Renseignement, Wikileaks s’attaque une nouvelle fois de front au royaume Wahhabite.
Julian Assange, cofondateur du site qui prévoit de publier encore quelque 500.000 documents, explique: «Saudi Cables a mis en lumière une dictature qui devient de plus en plus imprévisible. Cette année, elle n’a pas seulement célébré sa centième décapitation, elle est aussi devenue une menace pour ses voisins ainsi que pour elle-même.»
Acheter le silence des journalistes
Outre les rapports de complaisances politico-financières entretenus avec Riyad par des personnalités politiques libanaises, Amine Gemayel ou Boutros Harb, par exemple, les télégrammes révèlent aussi ceux avec la presse libanaise et arabe en général pour acheter leur silence. L’ambassadeur d’Arabie Saoudite y révèle par exemple une course entre l’Iran et l’Arabie Saoudite pour contrôler la chaîne de Pierre Daher, LBCI.Lors d’un premier scoop mondial, en novembre 2010, Wikileaks s’en était déjà pris à l’Arabie Saoudite en révélant, entre autres, un télégramme selon lequel le roi Abdallah demandait à Washington de «couper la tête du serpent», à savoir«attaquer et détruire le programme nucléaire de l’Iran.»