Au Pentagone, personne ne peut expliquer comment
et pourquoi la Russie est une menace, il sait juste que c’est comme
ça! Le concept se porte bien pour nourrir la machine militaire américaine,
mais les Russes ne restent pas les bras croisés.
Le chef d’état-major inter-armes US, Martin Dempsey,
est entré en territoire certifié par Donald-connu inconnu-Rumsfeld, quand
il a récemment essayé de conceptualiser la menace : «Les menaces sont la
combinaison, ou l’ensemble, des capacités et des intentions. Permettez-moi de
mettre les intentions de côté pour le moment, parce que je ne sais pas quelles
sont les intentions de la Russie.»
Le Pentagone : siège de la secte mystique |
Donc Dempsey admet qu’il ne sait pas de quoi il parle.
Ce qu’il semble savoir est que la Russie est une menace quoi qu’elle fasse
– dans l’espace, le cyberespace, les missiles de croisière, les sous-marins.
Et surtout, une menace pour l’Otan : «Une des choses
que la Russie me semble faire est de discréditer, ou même plus inquiétant,
de créer les conditions de l’échec de l’Otan.»
Donc, la Russie semble discréditer une Otan déjà
largement auto-discréditée. Cela n’a pas grande allure pour une menace.
Tous ces jeux rhétoriques ont lieu tandis que
l’Otan semble se préparer à une confrontation directe avec la Russie.
Et ne vous méprenez pas : Moscou considère la belligérance de l’Otan comme une
menace réelle.
PGS [Prompt Global Strike ou Première Frappe Globale, NdT] contre S-500
La menace surgit juste au moment où les cercles
de réflexion Boum-Boum des Etats-Unis ressortent des placards de la Guerre
Froide la notion de confinement de la Russie. L’homme-sandwich de la CIA, Stratfor,
a colporté un morceau de propagande louant l’âme damnée de la Guerre Froide, George Kennan, en tant qu’auteur de la politique d’endiguement
de la Russie.
L’appareil du renseignement US ne rigole pas ;
avant sa mort, Kennan a déclaré que c’étaient les États-Unis qui devaient
être contenus, pas la Russie.
Le confinement de la Russie – par l’intermédiaire de
l’expansion de l’Otan et de l’UE – a toujours été à l’œuvre, car l’impératif
géopolitique a toujours été le même ; comme le Docteur-Grand Échiquier-Brzezinski
ne se lasse pas de le souligner, il s’agissait toujours de prévenir la menace
émergente d’une puissance eurasiatique capable de défier les États-Unis.
En fin de compte, la notion de containment peut
aller jusqu’au démantèlement de la Russie elle-même. Elle porte aussi
en elle le paradoxe inhérent que l’expansion infinie de l’Otan vers
l’est a fait de l’Europe de l’Est une région moins sûre, et non l’inverse.
En supposant même qu’il y ait une confrontation
mortelle Russie–Otan, les armes nucléaires tactiques russes
annihileraient tous les aéroports de l’Otan en moins de vingt minutes.
Tout cela, Dempsey – énigmatique – l’admet.
Ce qu’il ne peut absolument pas admettre, par contre,
c’est que si une décision avait été prise à Washington, il y a longtemps,
d’empêcher l’expansion infinie de l’Otan, l’action concertée de la
Russie pour mettre à niveau son arsenal d’armes nucléaires aurait été inutile.
Sur le plan géopolitique, le Pentagone a finalement vu
dans quel sens souffle le vent du partenariat stratégique : vers la Russie et
la Chine. Ce changement majeur dans le jeu de l’équilibre mondial du pouvoir se
traduit également par le fait que les actifs militaires combinés de la Chine et
de la Russie dépassent ceux de l’Otan.
En termes de puissance militaire, la Russie a, sur les
États-Unis, une supériorité offensive et défensive dans le domaine
des missiles, avec le système de nouvelle génération de missile surface–air, le
S-500, capable d’intercepter des cibles supersoniques et
d’étanchéifier totalement l’espace aérien russe.
En outre, malgré les turbulences financières à court
terme, la stratégie combinée sino-russe pour l’Eurasie, une
interpénétration de la Nouvelle Route de la Soie et de l’Union économique
eurasienne (EEU), est appelée à développer leurs économies et la région
dans son ensemble à un point qui peut dépasser l’UE et les États-Unis
combinés d’ici 2030.
Ce qui reste à l’Otan est la mise en
scène de la force militaire pour la télévision dans des émissions comme Atlantic
Resolve pour rassurer la région, en particulier l’hystérie dont sont
sujettes la Pologne et les pays baltes.
Moscou, quant à lui, a clairement fait savoir que les
nations qui déploient des systèmes de missiles anti-balistiques américains sur
leurs territoires devront faire face aux systèmes d’alerte antimissile
déployés à Kaliningrad.
Et le major-général Kirill Makarov, chef adjoint de
Forces de la défense aérospatiale de la Russie, a déjà fait savoir que Moscou
modernise ses capacités de défense aérienne et de missiles pour écraser toute
menace réelle d’une Première Frappe Globale US (PGS).
Dans la doctrine militaire russe de décembre 2014, le
renforcement des capacités militaires de l’Otan et la PGS sont répertoriés
comme des hautes menaces pour la sécurité de la Russie. Le ministre
adjoint de la Défense Iouri Borisov l’a souligné, «la Russie est capable de
faire, et devra développer, un système comme la PGS».
Où est notre butin?
Les jeux rhétoriques du Pentagone servent aussi à
masquer de véritables enjeux très importants ; essentiellement une
guerre de l’énergie – centrée sur le contrôle du pétrole, du gaz naturel et des
ressources minérales de la Russie et de l’Asie centrale. Cette richesse
sera-t-elle contrôlée par des hommes de paille, oligarques supervisés par
leurs maîtres à New York et à Londres, ou par la Russie et ses partenaires
d’Asie centrale? D’où l’implacable guerre de propagande.
On pourrait bien penser aussi que les Maîtres de
l’Univers ont ressuscité les mêmes vieux alibis géopolitiques sur la
menace et le confinement, colportés par ce que nous pourrions caricaturer comme
une connexion Brzezinski–Stratfor, pour couvrir ou dissimuler, un
autre fait frappant.
Et ce fait c’est que la vraie raison de la guerre
froide 2.0 est la perte de milliards de dollars, et plus, que subiront
les puissances financières de New York/Londres lorsque le président
Poutine mettra la Russie, et ses alliés, à l’abri de leurs pillages.
Et la même chose vaut pour l’affaire du coup d’État de
Kiev, forcé par les mêmes puissances financières de New York/Londres pour
empêcher Poutine de contrecarrer leurs opérations de pillage de
l’Ukraine (qui, soit dit en passant, continuent sans relâche, au moins dans le
domaine agricole).
Kingdom Come |
Le duo menace/confinement est également déployé en
mode turbo pour empêcher par tous les moyens un partenariat stratégique
entre la Russie et l’Allemagne – que la connexion Brzezinski/Stratfor voit
comme une menace existentielle pour les États-Unis.
Le rêve glauque de la connexion, partagé
d’ailleurs par les néo-cons, serait un retour glorieux à la phase de pillage de
la Russie des années 1990, lorsque le complexe militaro-industriel russe
s’était effondré et que l’Occident a pillé les ressources naturelles de Kingdom Come.
Cela n’arrivera plus jamais. Alors, quel est le
plan B du Pentagone? Créer les conditions pour transformer l’Europe en théâtre potentiel d’une guerre nucléaire. Voilà
une véritable menace – si jamais il devait y en avoir une.
Pepe Escobar – Le 26 août 2015 – Source Russia
Insider
Titre original : La mystérieuse menace russe du Pentagone
Version française: le Saker Francophone
Version française: le Saker Francophone