Les
Républicains sont les boucs émissaires tout désignés pour la
politique réactionnaire couvrant un large éventail de la culture
politique, de la pensée et de l’activité en Amérique. Le contenu est évident,
résumé dans la militarisation du capitalisme avancé qui cherche à
maintenir son cap unilatéral de suprématie mondiale; cet effort part en
lambeau dans un monde de décentralisation des pouvoirs, et force ainsi
l’Amérique à des actions de plus en plus extrêmes afin de garder sa suprématie.
Les
contraintes révèlent un racisme fondamental, ancré dans la
mentalité historique nationale, en repos depuis un certain temps et qui,
maintenant, entre une nouvelle fois en éruption. Elles révèlent aussi les
opérations secrètes à travers le monde et l’ingérence dans les affaires
intérieures des autres pays, qui dure depuis les années 1940, mais
est maintenant si régulièrement impunie qu’elle est à peine
remarquée, dans l’urgence; l’utilisation du commerce comme bélier à des fins
géopolitiques/géostratégique afin d’assurer l’hégémonie de la balance des
pouvoirs à l’égard de la Chine et de la Russie, tout en imposant
aux partenaires américains une ingérence financière et commerciale
forcée, de sorte qu’ils sont tous également détruits. En somme, rapides
à dégainer et à tirer pour assurer un environnement idéologique stable
au véritable esprit ethnocentrique et xénophobe de l’Amérique,
travaillant consciemment ou inconsciemment pour le compte d’un système
corporatiste attaché à accroître les différences dans la répartition des richesses,
du pouvoir, des hiérarchies sociales raciales et ethniques, prompt aussi
à serrer les boulons de la conformité patriotique, tout ce qui
précède est étroitement lové dans une concentration intensive du pouvoir des
multinationales et des banques, monopoles amoraux déchaînés, basés en
Amérique ou l’utilisant comme protection.
Ceci est le
phénomène sociétal essentiel, un système politique capitaliste ne montrant
aucune pitié envers des adversaires, parfois réels mais souvent imaginaires,
réduisant au silence les critiques internes au travers de
l’auto-censure, d’une part, et d’autre part de l’accoutumance à une
soumission au pouvoir par l’intermédiaire de l’addiction à la consommation et
aux psychotropes – du pain et des jeux. Tout cela dominé par la terreur
instinctive qu’engendre
une surveillance domestique massive aux États-Unis, et sur
la scène mondiale, auprès des nations convenablement impressionnées par un
arsenal nucléaire disproportionné et inégalé, avec toujours l’option sur
la table prête à l’emploi, de sorte que la prééminence des États-Unis,
considérée comme acquise, se prévaut du soutien et de l’acceptation de
l’opinion publique américaine, peu importe le parti politique. En un sens, les
Républicains ont une mauvaise réputation, les Démocrates également, sinon plus,
eux-mêmes responsables du développement de la structure, de la
planification, et des moyens du capitalisme militarisé. Obama est
l’incarnation parfaite de l’Amérique prédatrice, un président noir, la
complicité des libéraux pour avaliser les politiques d’intervention,
les conquêtes et la consolidation du Big Business domestique (il a illustré
tout cela aussi bien, sinon mieux, que tous les présidents qui l’ont précédé),
sa stature prédatrice gagnée en tant qu’intermédiaire, d’abord pour
alimenter la machine de guerre américaine, ensuite pour mettre en place
une politique étrangère favorable aux vues des néocons interventionnistes
et belliqueux, et enfin en tant que marionnette régulatrice pour le compte
du Big Business. En tout cela, il est le représentant apparemment
inoffensif, en raison de sa race, de la classe dirigeante américaine et des
intérêts du Deep State [l’État profond], malgré les dénégations des
libéraux, une élite dirigeante à laquelle certains appartiennent et que
d’autres servent volontiers.
Donc, nous
proclamons fièrement notre américanisme, nous Républicains,
Démocrates et bonimenteurs, notre consensus béat et
ravi d’exploiteurs, parfois, ou souvent, exploiteurs de nous-mêmes.
Le message étant que nous tirons notre fierté de bien veiller à ce que, en tant
que citoyens, beaucoup d’entre nous soient également victimes des
processus systémiques utilisés pour soumettre les autres. Nous sommes
reconnaissants de servir nos maîtres Leviathan / Mammon, un
privilège rare pour ce doublé d’allégeance. Mais comme nous le faisons avec
nos ennemis, réels mais souvent imaginés, nous ne devrions pas
nous masquer l’évidence : certains sont réels – l’Amérique est
haïe, peut-être pas universellement, à extérieur de ses frontières. Certainement
là où nous avons imposé un Regime change, des boycotts, sanctions et
embargos qui ont abouti à une misère sociale intense et
à la destruction des habitats naturels. Là aussi où des bases
militaires ont été installées à la fois pour des opérations offensives et pour
consolider des gouvernements nationaux amicaux, là enfin ou nous avons
imposé l’externalisation des conditions de travail et nos
propres arrangements. En bref, partout où l’imperium a montré ses
muscles, en installant le business et les militaires dans le siège du
conducteur. Pourtant, même les ennemis réels sont arborés, dans les
cercles intérieurs américains, comme des trophées, témoignant de l’efficacité
de la puissance et du caractère divin de l’exceptionnalisme. Quant
à l’ennemi imaginé, en ce qui le concerne, il apparaît lorsque nous
projetons chez eux l’agressivité que nous ressentons nous mêmes
envers eux. La Russie et la Chine ne sont pas sur le point de détruire
l’Amérique. Peut-être un dixième de notre croyance dans ce fait vient-il
de notre culpabilité, cette œilleton étroit par lequel
nous reconnaissons le mal fait au reste du monde. Mais
les neuf dixièmes restants, pour expliquer notre agression manifeste
à leur égard, est la politique de puissance, avec la profonde perception
inconsciente que l’idéologie que représente le suprématisme, incarnée
dans le capitalisme avancé, a atteint ses limites et a commencé sa
descente dans ce que Marx pourrait voir comme une contradiction
interne, mais qui apparaît tout simplement comme un instinct pur et
résolu de survie, nous – ou rien, et que le monde s’écroule.
Le
libéralisme est ici la psychopathologie politique portée à des hauteurs
stratosphériques, une imposture totale, indigne même de l’individualisme
possessif, si bien décrit par Macpherson à partir d’une base philosophique
de Locke. Notre libéralisme est un vieux plat réchauffé
par l’impérialisme du marché, ficelé dans la camisole
du militarisme pour stabiliser un ordre mondial, dans lequel la
contre-révolution devient le modus operandi, afin de conjurer le
déclin – plus notre force militaire est gargantuesque plus nous nous
sentons en sécurité. Chaque poussée pour la démocratisation,
marginale ou non, est perçue comme une menace mortelle. Le problème est
que le monde ne peut pas vivre avec nos névroses, en
fait des psychoses. Après soixante-dix ans de touillage de
la soupe anticommuniste, la politique a pris son péage en déplaçant
vers la droite tout le spectre idéologique.
Salutations à 2016 :
un choix de leadership présidentiel si pitoyable, si réactionnaire,
annonce une confrontation dont ne peut résulter
qu’une grande ombre macabre sur la planète. Ayez pitié des Républicains,
il ne leur reste rien. Ils ne bénéficient plus du monopole du sentiment
guerrier, ni de la préparation à la guerre, ni de la soumission au
luxe et à la richesse, ni du mépris de l’environnement, etc. Les
Démocrates vont faire le boulot, s’ils ne les mettent pas dehors avant.
Par Norman Pollack
– Le 6 août 2015 – Source counterpunch
Norman Pollack a écrit sur le populisme. Il
s’intéresse à la théorie sociale et à l’analyse structurelle du
capitalisme et du fascisme. Il peut être joint à pollackn@msu.edu.
Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker
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