lundi 10 août 2015

Guide pratique du fascisme américain : psychopathologie du libéralisme



Les Républicains sont les boucs émissaires tout désignés pour la politique réactionnaire couvrant un large éventail de la culture politique, de la pensée et de l’activité en Amérique. Le contenu est évident, résumé dans la militarisation du capitalisme avancé qui cherche à maintenir son cap unilatéral de suprématie mondiale; cet effort part en lambeau dans un monde de décentralisation des pouvoirs, et force ainsi l’Amérique à des actions de plus en plus extrêmes afin de garder sa suprématie.

Les contraintes révèlent un racisme fondamental, ancré dans la mentalité historique nationale, en repos depuis un certain temps et qui, maintenant, entre une nouvelle fois en éruption. Elles révèlent aussi les opérations secrètes à travers le monde et l’ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, qui dure depuis les années 1940, mais est maintenant si régulièrement impunie qu’elle est à peine remarquée, dans l’urgence; l’utilisation du commerce comme bélier à des fins géopolitiques/géostratégique afin d’assurer l’hégémonie de la balance des pouvoirs à l’égard de la Chine et de la Russie, tout en imposant aux partenaires américains une ingérence financière et commerciale forcée, de sorte qu’ils sont tous également détruits. En somme, rapides à dégainer et à tirer pour assurer un environnement idéologique stable au véritable esprit ethnocentrique et xénophobe de l’Amérique, travaillant consciemment ou inconsciemment pour le compte d’un système corporatiste attaché à accroître les différences dans la répartition des richesses, du pouvoir, des hiérarchies sociales raciales et ethniques, prompt aussi à serrer les boulons de la conformité patriotique, tout ce qui précède est étroitement lové dans une concentration intensive du pouvoir des multinationales et des banques, monopoles amoraux déchaînés, basés en Amérique ou l’utilisant comme protection.
Ceci est le phénomène sociétal essentiel, un système politique capitaliste ne montrant aucune pitié envers des adversaires, parfois réels mais souvent imaginaires, réduisant au silence les critiques internes au travers de l’auto-censure, d’une part, et d’autre part de  l’accoutumance à une soumission au pouvoir par l’intermédiaire de l’addiction à la consommation et aux psychotropes – du pain et des jeux. Tout cela dominé par la terreur instinctive qu’engendre une surveillance domestique massive aux États-Unis, et sur la scène mondiale, auprès des nations convenablement impressionnées par un arsenal nucléaire disproportionné et inégalé, avec toujours l’option sur la table prête à l’emploi, de sorte que la prééminence des États-Unis, considérée comme acquise, se prévaut du soutien et de l’acceptation de l’opinion publique américaine, peu importe le parti politique. En un sens, les Républicains ont une mauvaise réputation, les Démocrates également, sinon plus, eux-mêmes responsables du développement de la structure, de la planification, et des moyens du capitalisme militarisé. Obama est l’incarnation parfaite de l’Amérique prédatrice, un président noir, la complicité des libéraux pour avaliser les politiques d’intervention, les conquêtes et la consolidation du Big Business domestique (il a illustré tout cela aussi bien, sinon mieux, que tous les présidents qui l’ont précédé), sa stature prédatrice gagnée en tant qu’intermédiaire, d’abord pour alimenter la machine de guerre américaine, ensuite pour mettre en place une politique étrangère favorable aux vues des néocons interventionnistes et belliqueux, et enfin en tant que marionnette régulatrice pour le compte du Big Business. En tout cela, il est le représentant apparemment inoffensif, en raison de sa race, de la classe dirigeante américaine et des intérêts du Deep State [l’État profond], malgré les dénégations des libéraux, une élite dirigeante à laquelle certains appartiennent et que d’autres servent volontiers.
Donc, nous proclamons fièrement notre américanisme, nous Républicains, Démocrates et bonimenteurs, notre consensus béat et ravi d’exploiteurs, parfois, ou souvent, exploiteurs de nous-mêmes. Le message étant que nous tirons notre fierté de bien veiller à ce que, en tant que citoyens, beaucoup d’entre nous soient également victimes des processus systémiques utilisés pour soumettre les autres. Nous sommes reconnaissants de servir nos maîtres Leviathan / Mammon, un privilège rare pour ce doublé d’allégeance. Mais comme nous le faisons avec nos ennemis, réels mais souvent imaginés, nous ne devrions pas nous masquer l’évidence : certains sont réels – l’Amérique est haïe, peut-être pas universellement, à extérieur de ses frontières. Certainement là où nous avons imposé un Regime change, des boycotts, sanctions et embargos qui ont abouti à une misère sociale intense et à la destruction des habitats naturels. Là aussi où des bases militaires ont été installées à la fois pour des opérations offensives et pour consolider des gouvernements nationaux amicaux, là enfin ou nous avons imposé l’externalisation des conditions de travail et nos propres arrangements. En bref, partout où l’imperium a montré ses muscles, en installant le business et les militaires dans le siège du conducteur. Pourtant, même les ennemis réels sont arborés, dans les cercles intérieurs américains, comme des trophées, témoignant de l’efficacité de la puissance et du caractère divin de l’exceptionnalisme. Quant à l’ennemi imaginé, en ce qui le concerne, il apparaît lorsque nous projetons chez eux l’agressivité que nous ressentons nous mêmes envers eux. La Russie et la Chine ne sont pas sur le point de détruire l’Amérique. Peut-être un dixième de notre croyance dans ce fait vient-il de notre culpabilité, cette œilleton étroit par lequel nous reconnaissons le mal fait au reste du monde. Mais les neuf dixièmes restants, pour expliquer notre agression manifeste à leur égard, est la politique de puissance, avec la profonde perception inconsciente que l’idéologie que représente le suprématisme, incarnée dans le capitalisme avancé, a atteint ses limites et a commencé sa descente dans ce que Marx pourrait voir comme une contradiction interne, mais qui apparaît tout simplement comme un instinct pur et résolu de survie, nous – ou rien, et que le monde s’écroule.
Le libéralisme est ici la psychopathologie politique portée à des hauteurs stratosphériques, une imposture totale, indigne même de l’individualisme possessif, si bien décrit par Macpherson à partir d’une base philosophique de Locke. Notre libéralisme est un vieux plat réchauffé par l’impérialisme du marché, ficelé dans la camisole du militarisme pour stabiliser un ordre mondial, dans lequel la contre-révolution devient le modus operandi, afin de conjurer le déclin – plus notre force militaire est gargantuesque plus nous nous sentons en sécurité. Chaque poussée pour la démocratisation, marginale ou non, est perçue comme une menace mortelle. Le problème est que le monde ne peut pas vivre avec nos névroses, en fait des psychoses. Après soixante-dix ans de touillage de la soupe anticommuniste, la politique a pris son péage en déplaçant vers la droite tout le spectre idéologique. 
Salutations à 2016 : un choix de leadership présidentiel si pitoyable, si réactionnaire, annonce une confrontation dont ne peut résulter qu’une grande ombre macabre sur la planète. Ayez pitié des Républicains, il ne leur reste rien. Ils ne bénéficient plus du monopole du sentiment guerrier, ni de la préparation à la guerre, ni de la soumission au luxe et à la richesse, ni du mépris de l’environnement, etc. Les Démocrates vont faire le boulot, s’ils ne les mettent pas dehors avant.
Par Norman  Pollack – Le 6 août 2015 – Source counterpunch
Norman Pollack a écrit sur le populisme. Il s’intéresse à la théorie sociale et à l’analyse structurelle du capitalisme et du fascisme. Il peut être joint à pollackn@msu.edu.
Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone