Au Café du Commerce, dans quelques milieux politiques et au sein de l’Association Suisse vigilance islam (ASVI) fondée il y a peu par Mireille Vallette (voir «Tribune de Genève» du 5 août), d’aucuns aiment bien affirmer bruyamment que l’impérialisme théocratique et la violence seraient consubstantiels à l’islam.
Dès
lors, confrontés à l’accroissement du nombre des adeptes de la religion
musulmane dans notre pays, ils voient la patrie en danger par «islamisation de la Suisse».
Sonnant le tocsin, ils montent en épingle les provocations de quelques
extrémistes islamistes sévissant en Suisse et en Europe et y répondent
de manière outrancière. En vérité ils se révèlent bien plus dangereux
pour la paix sociale que ceux qu’ils visent. Car leurs propos véhéments
génèrent et amplifient dans une partie de la population peurs et
phénomènes de rejet.
En fait ces pseudo-observateurs n’ont pas
compris ce qui se passe au sein du monde musulman. Prenant à la lettre
les textes du coran, ils interprètent et généralisent avec une grande
légèreté la portée des luttes que les guerriers islamistes mènent au
Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Déterminés à éliminer les régimes en
place et à les remplacer, les chefs de ces combattants sont certes
cruels, prêts à tout pour s’imposer mais en aucun cas des utopistes. De
concert avec les Saoudiens qui les financent et les Frères musulmans qui
les aident, ils n’ambitionnent que d’asseoir par l’intégrisme religieux
leur prédominance sur les communautés musulmanes de la région. Pas
étonnant donc que les principales victimes de ces luttes soient les
musulmans des pays concernés, pas les Occidentaux.
Les attentats que quelques «fous de Dieu»
téléguidés ont commis et qu’ils pourraient commettre encore sur le
Vieux-Continent et aux USA ne témoignent pas d’un complot
anti occidental. Ils s’inscrivent dans la stratégie sunnite destinée à
isoler le monde musulman de l’Occident, à alarmer celui-ci et à le
convaincre de renoncer à intervenir en terre d’islam. Pourquoi diable (si l’on ose dire!) les Saoudiens et leurs alliés voudraient-ils islamiser la Suisse et les USA? Quel intérêt pour eux?
Chez ceux qui discourent et écrivent sur le «péril islamiste»,
au-delà de l’aveuglement, il y a de la paranoïa, ce mal qui conduit à
s’angoisser devant des coutumes un peu dérangeantes rompant avec celles
dont on a l’habitude. Un mal qui entraîne des peurs déraisonnables, par
exemple d’imaginer qu’une infime minorité de nos concitoyens, d’origine
culturelle et de racines religieuses différentes des nôtres, serait
capable de renverser les institutions helvétiques et nos us.
Un
mal qui fait croire que les recettes du respect rigoureux des lois mais
aussi de la reconnaissance des différences, de la tolérance, du
compromis, du pragmatisme auraient disparu des fondements de notre vivre
ensemble.
Pierre Kunz (Tribune de Genève – 18/8/15)*Pierre Kunz est président de l'Institut national genevois
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