Il y a deux endroits où les USA et leurs satellites de l’OTAN ont fait à la Russie des guerres par délégation (proxy wars).
Ces deux endroits sont l’Ukraine et la Syrie. Il y a peu, des voix ont
annoncé que les quatre ans de guerre par intérim contre la Syrie
pourraient toucher à leur fin.
Derrière les écrans de fumée et les miroirs
Nos médias n’ont jamais dit la vérité sur ce qui se passe en Syrie.
Or, dès le départ, voici quelle a été la réalité : les USA, avec le
soutien du Royaume Uni, de la Turquie, de l’Arabie Saoudite et d’Israël,
ont recruté, financé, armé et entraîné des groupes de combattants, qui
se sont déguisés sous différents masques politiques ou religieux (l’ISIL/Daech
en faisant partie) dans le but de renverser le gouvernement syrien du
président Assad. Le gouvernement syrien est soutenu par la Russie,
l’Iran et le Hezbollah. Au début, ce sont les seuls agents de l’Occident
qui ont combattu sur le terrain, mais, il y a deux ans, les États-Unis
ont décidé d’intervenir directement, en faisant usage de leurs Forces
Aérienne et Navale pour bombarder des cibles situées à l’intérieur du
territoire syrien. Le plan prévoyait une attaque conjointe des USA et de
la France aux premières heures du samedi matin 31 août 2013. Pourtant,
cette attaque fut contremandée quelques heures seulement avant son
déclenchement. Le fait qu’une telle attaque aurait dû avoir lieu et la
raison pour laquelle elle fut annulée n’ont jamais été évoqués par les
médias dominants occidentaux. Que s’était-il produit pour que l'attaque
soit stoppée au dernier moment ?
La guerre qui n’a pas eu lieu
Tôt le matin du samedi 31 août, un haut fonctionnaire américain a
téléphoné au cabinet du président Hollande, lui demandant de se tenir
prêt à recevoir un appel d’Obama plus tard dans la journée. « Présumant
que ce coup de fil annoncerait le début des frappes aériennes (contre
la Syrie), Hollande a donné l’ordre à son état-major de mettre la
dernière main à son propre plan d’attaque. Les avions de combat Rafale
ont reçu leur chargement de missiles Scalp, les pilotes ayant pour
instruction de tirer ces munitions - d’une portée de 250 miles - depuis
la Méditerranée. » (1) En d’autres termes, les
pilotes français et les forces US étaient prêts, le doigt sur la
gâchette, n’attendant plus que le feu vert final du président Obama.
Cependant, à 18h15’, Obama a appelé le président français pour lui
annoncer que la frappe, prévue pour le 1er septembre à 3
heures du matin n’aurait pas lieu comme prévu. Il lui fallait consulter
le Congrès. Un article paru sur le site de Global Research a dépeint le « déploiement
naval massif des États-Unis et de leurs alliés en Méditerranée
orientale, au large des côtes syriennes ainsi que dans la Mer Rouge et
dans le Golfe Persique » (2). Un mois plus tard environ, Israël Shamir décrivait les événements qui s'étaient produits au large de la Syrie en ces termes :
« Le point de tension culminant, en ce mois de septembre 2013, a été la vision, au large des côtes du Levant, du duel au soleil (“high noon stand-off”)
de cinq destroyers US, leurs Tomahawks pointés sur Damas, avec une
flotte russe de onze navires emmenés par le croiseur tueur de missiles
Moskva, soutenus par des bateaux de guerre chinois. »
« Il semble que deux missiles aient bel et bien été tirés vers la
côte syrienne, mais tous les deux ont échoué à atteindre leur cible. » Et il ajoutait : « Un
quotidien libanais citant des sources diplomatiques a prétendu que les
missiles étaient partis d'une base de l'OTAN en Espagne et s'étaient
fait abattre par le système russe de défense air-air d'un navire. Une
autre explication proposée par l’Asia Times évoque un
détournement des deux missiles par les Russes, dont les GPS puissants et
bon marché auraient rendu inutilisables les Tomahawks chers et
sophistiqués en les égarant et en les faisant chuter. Il y a encore une
autre version, qui attribue leur lancement aux Israéliens, soit qu'ils
aient tenté de provoquer coûte que coûte le déclenchement des
hostilités, soit qu'ils se soient contentés d'observer les nuages, comme
ils le prétendent. » (3)
La carte ci-dessous donne quelque idée de l’impressionnant affrontement naval en puissance.
Donc, pourquoi les États-Unis et la France n’ont-ils pas attaqué la
Syrie ? Il paraît évident que les Russes et les Chinois ont tout
simplement expliqué qu’une attaque de la Syrie par les USA et la France
déclencherait une attaque russo-chinoise des navires US et français.
Obama a sagement décidé de ne pas déclencher la Troisième guerre
mondiale en septembre 2013. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Les plans des USA, du Royaume-Uni et de la Turquie
Depuis lors, les USA et leurs alliés ont poursuivi leur guerre sous
sa forme habituelle, c’est-à-dire par délégation, en y ajoutant un
nouvel acteur : l’ISIL [ISIS, Daech, etc. NdT]. Il est clair cependant
qu’ils ne sont pas complètement satisfaits du résultat de leurs plans et
qu’ils viennent de décider de se lancer dans une nouvelle forme
d’engagement direct. Dans un article récent « The Shuttle Diplomacy to Save Syria »
(« Les navettes diplomatiques pour sauver la Syrie »), Andrew Korybko
explique que les USA et la Turquie ont imaginé un stratagème qu’ils
appellent Division 30…
…« grâce auquel un petit groupe de combattants d’élite [déguisés en djihadistes, NdT]
seraient introduits dans le pays à partir de la Turquie, et s’y
déploieraient sous la protection de frappes aériennes US. Le jour même
où des représentants militaires syriens arrivaient à Moscou, on
apprenait qu’Obama avait autorisé le Pentagone à bombarder quiconque
combattrait ce groupe, fût-ce l’Armée Arabe Syrienne si le cas se
présentait, nouvelle sans doute connue depuis peu des Russes grâce à
leur mondialement célèbre service de renseignements » (4)
Un article similaire de Stephen Lendman daté du 4 août 2015 disait :
« Le 2 août, le journal britannique Sunday Express a titré : “Des
SAS déguisés en combattants de l’ISIS dans une guerre secrète contre
les djihadistes”, poursuivant “Plus de 120 membres du régiment d’élite
sont en ce moment dans ce pays ravagé par la guerre, habillés en noir,
masqués et brandissant des drapeaux de l’ISIS”, engagés dans ce qui est
appelé Opération Shader [Opération Ombrage] – s’attaquant à des
cibles syriennes sous le prétexte de combattre l’ISIS. Il est possible
que des Forces Spéciales US et la CIA fassent secrètement partie de
l'entreprise, suivant le même mode opérationnel. » (5)
On pourrait croire que l’utilisation de ce genre de troupes d’élites
soit gagnante à tous les coups pour les États-Unis. Car, s’il n’y a pas
de résistance de l’Armée syrienne, Assad est fini, mais si, au
contraire, les troupes syriennes tentent de repousser ces forces de
l’OTAN, elles se retrouveront dans une guerre à grande échelle avec
l’OTAN.
Ces articles font plus que suggérer que les USA et le Royaume-Uni ont
jeté dans la balance leurs propres troupes d’élite dans le but d’en
finir avec la Syrie. Étant donné le diktat selon lequel tout groupe armé
qui s’opposerait à elles serait attaqué par la voie des airs, les USA
et leurs alliés montrent sans ambiguïté qu’ils suivent un plan précis
d’intervention militaire directe en Syrie, avec utilisation des avions
et des missiles de l’OTAN. C’est là leur seconde tentative pour obtenir
par la violence dans ce pays le changement de régime qu’ils veulent.
Quelques intéressantes initiatives diplomatiques de la Russie
L’article d’Andrew Korybko montre qu’une fois de plus la Russie
s’active par des voies diplomatiques pour faire avorter les agressions
US contre la Syrie. Une partie de cette stratégie des Russes consiste à
saper les positions américaines en obtenant que certains pays se
retirent de la coalition. En tête de programme : une série de
discussions avec l’Arabie Saoudite. On remarque en effet des contacts
accrus entre les deux pays. Par exemple, le président Poutine et le roi
Salman ont l’intention de se rencontrer d’ici la fin de l’année et de
signer un accord de coopération sur l’énergie nucléaire. On fait état
également d’une rencontre, arrangée par la Russie, entre le ministre
syrien de la Défense Nationale et le ministre saoudien de la Défense.
Selon Korybko :
« L’Arabie Saoudite a fini par se rendre compte que son rejeton
wahhabite est devenu incontrôlable et qu’il lui faut absolument se
sortir du bourbier de la guerre par intérim où elle s’est enfoncée en
Syrie, avant que le retour de flamme ne se fasse sentir de façon trop
insupportable (d’autant qu’) elle préférerait détourner ses ressources
en argent et en temps de cette guerre désormais perdue contre la Syrie
en direction de sa dernière aventure militaire en date le long de sa
frontière méridionale. Ajoutez-y la peur paranoïaque de Ryiad de voir le
Yemen se transformer en base pour les combattants par intérim de
l’Iran, et vous pourrez raisonnablement admettre que le Royaume des
Saoud accepte une défaite en Syrie pour sauver autant de terrain
stratégique que possible au Yemen (et le plus tôt sera le mieux). » (6)
Mais les Russes pourraient faire plus qu’aider la Syrie par les voies diplomatiques.
La Russie peut-elle encore une fois soutenir militairement la Syrie ?
Il faut bien se représenter les graves conséquences qu'implique le
plan US d’attaquer des unités de l’Armée Arabe Syrienne ou qui que ce
soit d’autre s’opposant à la Division 30. Le danger provient de ce qu’Obama a « autorisé
le Pentagone à bombarder toute entité qui combattrait ce groupe, y
compris l’Armée Arabe Syrienne si un tel accrochage se produit ». Évoquant
la rencontre récente de trois officiers supérieurs de l’AAS arrivés à
Moscou le 3 août et des représentants de l’Armée Russe, Korybko écrit :
« Bien sûr, cette provocation pourrait, en quelques secondes,
conduire à une escalade de la guerre contre la Syrie et au bombardement
de toutes les installations militaires et gouvernementales, aboutissant à
un changement de régime aussi rapide que celui infligé à la Libye.
Cette éventualité est donc prise en très sérieuse considération par
Moscou, et des moyens stratégiques d’éviter un scénario aussi
catastrophique ont sans aucun doute été envisagés au cours de la
rencontre. » (7)
Qu’est-ce donc qui pourrait avoir été discuté d’autre par les officiers syriens et russes ?
« L’ordre du jour de la visite comprenait un échange
d’expériences dans la lutte contre le terrorisme, ont indiqué certaines
sources. » (8).
Korybko explique alors que les Russes pourraient adopter la nouvelle stratégie suivante :
« La Russie peut toujours recourir à la mesure préventive d’enkyster ses conseillers militaires basés en Syrie dans les positions frontales de l’AAS. »
L’idée d’enkyster des conseillers russes dans les troupes syriennes
met au pied du mur le bluff US. Voici comment cette stratégie est
supposée fonctionner :
« Au cas où la Russie aurait sérieusement l’intention de bloquer
la possibilité, par les USA, d’utiliser une éventuelle attaque de l’AAS
contre la Division 30 comme motif d’escalade pour exécuter leur
opération “changement de régime”, elle pourrait très bien prendre
bravement et résolument la décision de positionner ses conseillers
militaires anti-terroristes en première ligne ; au coude à coude avec les soldats de l’AAS.
On peut raisonnablement penser que cette décision serait au préalable
communiquée aux USA via les agents secrets des deux parties ainsi que
par la voie diplomatique, de façon qu’à Washington, on soit bien au
courant des indicibles conséquences qu’entraînerait toute frappe contre
une AAS obligée de répondre aux provocations de la Division 30. Quoique
cette stratégie paraisse comporter de grands risques, c’est un fait
avéré que jamais l’armée US ne s’est risquée à prendre pour cibles des
soldats russes, choisissant toujours de s’en remettre à ses intérimaires
pour exécuter ces sinistres tâches (fût-ce les Moudjahidines en
Afghanistan ou les terroristes en Tchétchénie). Et ceci pour une raison
claire : une attaque directe de l’Armée Russe par les USA est un flagrant casus belli,
et même dans les conditions actuelles, si tendues soient-elles, le
recours à une action aussi impensable est, de la part des États-Unis,
simplement hors de question. » (9)
Autrement dit, il se pourrait que la Russie ait les moyens de
subvertir le dernier en date des plans US pour renverser violemment le
gouvernement Assad. En fait, les USA disent aux Syriens : « Si vous vous attaquez à nos troupes (Division 30), c’est la guerre avec les États-Unis. » Les Russes disent – une fois de plus – aux USA : « Si vous vous attaquez à nos troupes en Syrie, c’est la guerre avec la Russie. »
Si les suppositions de Korybko à propos des plans russo-syriens
s'avéraient correctes, nous verrions pour la deuxième fois la Russie
déterminée à tirer un trait à ne pas dépasser sur le sable. On ne peut
qu’espérer, cette fois encore, que la sagesse prévaudra à Washington et
que les projets de guerre jusqu’au-boutistes en Syrie seront abandonnés.
Notes
3. http://www.globalresearch.ca/the-war-on-syria-the-september-2013-military-stand-off-between-five-us-destroyers-and-the-russian-flotilla-in-the-eastern-mediterranean/5355644 et http://www.israelshamir.net/French/NotreCap.htm
Source : La Russie peut-elle, cette fois encore, empêcher un changement de régime en Syrie ?
Australianvoice – 9 août 2015