dimanche 4 octobre 2015

USA. Pays de la violence légalisée

« Permettre ces fusillades est un choix politique » : c’est par ce résumé bien senti que Obama a commenté une nouvelle tuerie. A défaut d’avoir agi pour proposer à son pays un nouveau choix politique, arrivera-t-il à recadrer le débat pour remettre en cause cet élément mortifère de l’identité étasunienne ?

Un massacre régulier et accepté ?

Vu d’Europe, il est sans doute un peu compliqué de comprendre la relation des États-Unis avec les 300 millions d’armes à feu de la population (plus d’une par adulte…). Le fait que ce soit le second amendement qui garantisse le droit d’en avoir en dit long dans la place que cela a pris dans la construction du pays, et à quel point les armes à feu font profondément partie de sa culture. Au point que le sujet n’a jamais vraiment été évoqué dans les campagnes présidentielles, tant il semble y avoir une solide majorité de la population qui soutient ce droit et que s’y opposer semblerait disqualificatoire pour tout candidat à la Maison Blanche. D’où le fait, sans doute, que Barack Obama ne se soit jamais aventuré plus loin sur ce sujet, même si, avec le temps, il se fait plus critique, comme il l’a indiqué dans cette phrase.



Pourtant, les chiffres parlent d’eux-même. Obama a évoqué la comparaison entre le nombre d’étasuniens tués dans des attaques terroristes et ceux tués avec des armes à feu. Avec plus de 10 000 décés par an, les chiffres font froid dans le dos par rapport aux pays européens (quelques centaines par an en France ou en Allemagne). Le taux d’homicide aux Etats-Unis est quatre fois supérieur à l’Europee. Et la comparaison est encore plus cruelle quand on note qu’il est équivalent à la Palestine, deux fois plus haut qu’en Israël et trois fois plus qu’en Afrique du Nord ! Pour Barack Obama, « nous ne sommes pas le seul pays sur Terre où il y a des gens qui sont malades et qui veulent faire du mal aux autres. Mais nous sommes le seul pays développé sur Terre où l’on voit aussi souvent de tels massacres ».

Révélateur de loi de la jungle ?

Déjà, après Charleston, il avait dit « ce type de massacre ne se passe pas dans les autres pays avancés ». Malheureusement, l’opinion ne semble pas évoluer, comme le notait alors The Economist. Les massacres rendent en effet les étasuniens davantage rassurés par le fait d’avoir une arme à la maison (plus de 60% aujourd’hui contre moins de 40% en 2000) ! Pourtant, le cas de l’Australie montre qu’il est possible de faire marche arrière. Après une tuerie de 35 personnes en 1996, le gouvernement a imposé un contrôle précis des armes (enregistrement au nom du propriétaire et justification de l’achat). Plus de 600 000 armes ont été rachetées, environ un cinquième de toutes les armes à feu. De 1995 et 2006, les homicides par armes à feu ont diminué de 59% et les suicides par armes à feu de 65%.

La difficulté du débat à progresser outre-Atlantique s’explique sans doute par des raisons culturelles. On peut y voir une méfiance instinctive vis-à-vis de l’Etat, qui expliquerait que la majorité de la population ne souhaite pas abandonner un possible recours à la force la plus brutale et la laisser seulement à l’autorité étatique. On peut également y voir un rapport absolutiste à la liberté, le refus de toute limite à ce que peut faire ou avoir un individu. En somme, les États-Unis semblent avoir un certain goût pour la loi de la jungle jusque dans ses aspects les plus durs et violents. Après tout, dans la jungle, une arme peut sembler plus nécessaire que dans des sociétés plus civilisées de cette vieille Europe. Tout le problème est que cette loi de la jungle tend sans doute à auto-entretenir la barbarie.

Cependant, même si on y est opposé, il faut respecter le choix souverain et démocratique des Etats-Unis de persévérer (sans être aveugle sur les pratiques de la NRA). Mais on peut aussi y voir le produit direct d’une idéologie de la loi de la jungle, qui fait des milliers de morts chaque année.

http://www.gaullistelibre.com/