Ces dernières semaines, les téléspectateurs de France et
d'ailleurs ont vu et entendu des propos absolument ahurissants sur
l'Islam et les musulmans de France. Madame Laurence Rossignol, Ministre de l'Enfance, des
Familles et des Droits des Femmes a comparé en Mars dernier, les
femmes musulmanes revêtant le foulard à «des nègres américains qui
étaient pour l’esclavage». Manuel Valls, le Premier Ministre, affirmait il y a
peu, que la «compatibilité entre Islam et République reste à démontrer»
tout en stigmatisant un peu plus encore les femmes voilées en affirmant
que le voile visait à «nier» la femme. L’inévitable "philosophe tout-terrain" que les médias
«bien-pensants» s’arrachent, Alain Finkelkraut (alias Alain-La-Crotte) déclarait en Février
dernier que l'Islam est un danger pour le bien-vivre en France.
Ce ne sont là que quelques exemples d'une série de
déclarations tous azimuts en provenance de nos élites qui inquiète et
questionne.
Bruno Drewski, Maître de conférence à l'Institut
National des Lagues et Civilisations Orientales, historien, politologue
et Imadeddine Hamrouni, Président du Collectif Français Pour La Liberté
des Peuples ont répondu à mes questions.
1/ Au vu de cette explosion islamophobe qui
touche maintenant et de façon ouverte la sphère politique, ma question :
Pourquoi un tel discours et surtout pourquoi maintenant ?
B. Drweski : Parce que le monde
capitaliste occidental, en particulier la France, est dans une crise
profonde, sociale, économique, idéologique, culturelle, et que le
mécontentement est tel que les pouvoirs manipulent les amalgames, créent
des peurs de substitution, divisent les couches sociales mécontentes et
amarrent la France traditionnellement rebelle et méditerranéenne au
bloc atlantique et pro-israélien.
I. Hamrouni :
L'islamophobie n'a pas commencé aujourd'hui, elle date depuis les
années 90 du siècle dernier. Elle a pris de l'importance après les
attentats de New-York en 2001. Aujourd'hui, face à la menace terroriste
qui pèse en occident et après les attentats meurtriers à Paris et
Bruxelles au cœur de l'Europe, les actes islamophobes ont explosé dans
notre pays. Bien sûr, nos chers hommes politiques profitent de cette
montée de l'islamophobie. Gauche et droite surfent sur le sentiment de
peur des citoyens et ils emploient un discours mensonger à l'égard de
L'Islam et des musulmans. Ils influencent l'opinion publique pour des
raisons purement électorales et politiques.... Parce que, dans l'absence
de projet politique, le seul discours c'est de faire peur et ainsi
stigmatiser Le MUSULMAN .
2/ Qu'en est-il chez nos voisins européens ?
Est- ce que la crise des migrants peut être une des raisons de cet
affolement anti musulman ?
B. Drewski : Les voisins de la France
occupent une position moins stratégique et ont une plus faible part de
leur population liée à l'espace méditerranéen et africain. La question
des migrants est venue à point nommé pour exacerber les tensions entre
demandeurs d'emplois, pour le plus grand profit du patronat.
I. Hamrouni : La crise des migrants est
réelle, mais l'affolement des européens est exagéré, d'un problème
purement humain, la classe politique et les élites bourgeoises la
transforment en crise identitaire et sociale et bien sûr, ça participe à
l'affolement anti musulman.
3/ Après les attentats, les grandes victimes du
durcissement si ce n'est de la radicalisation du plan sécuritaire
français, furent les musulmans. Cette « guerre des
identités »n'était-elle pas suffisante pour faire taire toute velléité
anti gouvernementale? Finalement, est-ce que les musulmans font peur à
la France ?
I. Hamrouni : Face à cet acte de guerre
commis par des jeunes musulmans européens en plein cœur de Paris et de
Bruxelles on a le droit de réagir face à cette menace terroriste d'un
genre nouveau c'est à dire des combattants qui cherchent à mourir en
faisant le maximum des victimes civiles au Nom de leur croyance sans
aucune revendication politique, oui on a raison d'avoir peur de ce genre
de musulmans car la menace est réelle et permanente. Le problème c'est
comment ne pas faire l'amalgame avec l'Islam qui est une religion
universelle de paix et de solidarité, les musulmans qui sont dans leur
majorité pacifistes et bien intégrés dans les sociétés Européennes.
B. Drweski : Les musulmans constituent,
avec d'autres segments des couches populaires, un potentiel de
contestation du règne de l'exploitation, de l'usure et de la spéculation
autant pour les pouvoirs arabes qu'européens et nord-américains. C'est
pour cela qu'ils leur font peur. D'où les manœuvres visant à diriger
d'abord les jeunes vers la «radicalisation» d'un «islam de terreur»
socialement stérilisé soutenu contre des pays indépendants comme
l'Algérie ou la Syrie, avant de les culpabiliser pour cette même raison.
4/ En Mars dernier, le philosophe que vous
connaissez certainement, Raphaël Liogier avait averti le gouvernement
français, dans le quotidien Libération, qu'«en faisant de l’islam,
l’ennemi absolu, il organisait le marketing de Daech, vers qui se
tournent les désaxés». Qu'en pensez-vous ?
B. Drweski : Mais il existe une
alliance au moins objective entre «Daech», le néo-islamisme takfiri des
pétrodollars et les intérêts des élites conservatrices occidentales
depuis au moins la première guerre d'Afghanistan de 1979, ce qui s'est
répété ensuite en Yougoslavie, en Algérie, en Irak, en Afghanistan, en
Syrie, etc. On ne peut pas fermer les yeux d'un côté sur les takfiris
quand cela arrange puis les dénoncer ensuite comme si c'était un «corps
extérieur» à l'Occident mondialiste en crise.
I. Hamrouni : Il a raison, mais on doit
aussi comprendre ce phénomène, ces racines, l'Islam wahhabite est une
réaction à un sentiment d'abandon de la société à l'égard de ses jeunes
délinquants, à ses désaxés comme vous le dites. Le phénomène salafiste
est un symptôme d'une maladie qui touche la jeunesse européenne qui
cherche un sens et une direction, un projet de vie anti individualiste
et matérialiste.
5/ Nous avons entendu maintes fois, auprès de
nos intellectuels ou encore ministres, cette théorie du choc des
civilisations, qui (pour faire court) explique tel un zoologue ou un
orientaliste, que nous pouvons accepter l'autre tout en constatant sa
différence ou plutôt son infériorité. Quel intérêt représente cette
théorie pour nos gouvernants?
I. Hamrouni: Le choc des civilisations ?
Depuis presque deux siècles et demi nous vivons dans une seule
civilisation occidentale bourgeoise et matérialiste. l'hégémonie de
l'occident capitaliste aujourd'hui est le seul créateur du désordre
mondial et s'il y a un choc c'est à l'intérieur même de cette
civilisation qui vit son déclin depuis 1991!le monde change, la
géographie change et aussi les identités, c'est ce qui fait peur aux
dominants comme aux dominés.
B. Drweski : Diviser pour régner,
stigmatiser et manipuler les populations potentiellement les plus
marginalisées et porteuses de ferment révolutionnaire a toujours été la
tactique des pouvoirs dominants en panne de projet novateur. Ce fut le
cas avec les juifs européens avant 1945, c'est aujourd'hui celui des
musulmans.
6/ Dans le même temps, des rapports fleurissent
ci et là, le dernier en date provient de Gilles Keppel sur la Seine
Saint Denis, qui avance que la montée de l'islamisation est une des
causes de la crise économique et sociale en France. Et vous Messieurs,
qu'en dites-vous ?
I. Hamrouni : Gilles KEPPEL l'ami
proche des frères musulmans et l'un des meilleurs VRP en France de
cette confrérie qui domine la vie associative musulmane depuis une
vingtaine d'années n'est, à mon humble avis ni économiste ni sociologue.
C'est d'ailleurs le contraire. Si on regarde la plupart
des statistiques et des études économiques, sociales et financières on
constatera que les musulmans en EUROPE contribuent pleinement à
l'économie de leurs sociétés ainsi qu'à la culture, au sport et aux
arts. Il n'y a pas en France d'islamisation, il y a des citoyens qui
vivent suivant leurs consciences et leurs pratiques religieuses
garanties par les lois de la République.
B. Drweski : Bien sûr. L'islam, par son
souci de justice, a pris la place des mouvements révolutionnaires ou
réformistes en crise qui existaient dans les mêmes banlieues. Il ne faut
pas confondre islamisation avec sa déviance manipulée, takfiri.
7/ Ce comportement ultra agressif envers la
communauté musulmane de France, alors que la diplomatie française
souffre déjà d'un rejet toujours plus cinglant dans le monde arabe, ne
risque-t-il pas de signer son arrêt de mort ? Si oui, pourquoi prendre
un tel risque ?
B. Drwesk : La France a cessé au moins
depuis les deux dernières présidences d'être un Etat souverain, donc
aussi un membre de la famille méditerranéenne. Les élites qui contrôlent
Paris travaillent objectivement en faveur de la puissance mondialiste
d'outre-Atlantique et ses succursales. La mort de la France au sommet
est déjà réalisée. Mais son peuple, je le crois, n'a pas encore dit son
dernier mot.
I. Hamrouni : La politique Française
depuis l'ère du Président Sarkozy a fait le choix d'être dépendante de
la politique Atlantiste Américaine d'une part et d'autre part de se
ranger aux côtés des pétrodollars sur le plan régional concernant le
Moyen-Orient. Et puis, la politique étrangère Française est prisonnière
de son lien financier avec le royaume wahhabite saoudien et le lien
politique fort avec l'entité sioniste. La France peut toujours jouer un
grand rôle dans la stabilité du monde arabe et empêcher le chaos.
8/ Entre une dialectique dangereuse dans
laquelle s'est engouffrée notre élite politico-médiatico-intellectuelle
et cette déclaration de notre Premier Ministre Manuel Valls, affirmant
qu’antisionisme valait antisémitisme. Une question se pose Monsieur
Drweski, n'est-ce pas symptomatique de la déliquescence sioniste (qui
souhaite il faut tout de même le rappeler, la fin de l'ère islamique) ?
B. Drweski : Monsieur Valls a voulu
faire oublier que pour qu'il y ait antisémitisme, il faut d'abord qu'il y
ait sémitisme. Or, aujourd'hui, ce sont surtout les musulmans qui
représentent l'élément dynamique du souffle sémitique qui a irrigué les
convictions unicitaires, juive, chrétienne, islamique et aussi laïques.
Souffle qui tend à balayer le règne de l'usure et de l'injustice
sociale. D'où la nécessité de le stigmatiser, de le stériliser et de
l'amener à perdre sa sève comme cela a déjà été le cas pour le
christianisme, la foi mosaïque et les mouvements émancipateurs laïcs en
partie égarés par le «clash des civilisations».
I. Hamrouni : Monsieur le Premier
Ministre Manuel Valls lorsqu'il est venu en France en 1984 ne pensait
pas pouvoir un jour espérer devenir le Président de la République
Française. Depuis il a fait du chemin et comme tous ceux qui espèrent le
devenir, il a choisi la voie du sionisme alors que sur sa longue route
vers Matignon, le même Valls était à un moment de sa vie un supporteur
de la cause Palestinienne. le sionisme à la Française n'est pas
idéologique mais mercantile et opportuniste, on a des fachistes qui sont
sionistes, des FN qui le sont aussi , les sionistes de France sont les
pires antisémites.
9/ A quelles conséquences peut-on s'attendre de cette épidémie anti-musulmane en fusion aujourd'hui ?
B. Drweski : Soit à la guerre de tous
contre tous, soit au réveil des courants mobilisateurs à la recherche
d'une alternative civilisationnelle face aux dérives des pouvoirs
actuels.
I. Hamrouni : Le monde change, on vit
une mutation sociale qui dépasse le phénomène de l'islamophobie, il y a
de vrais problèmes économiques, sociaux et identitaires, cela crée des
troubles et même des tragédies sur le plan individuel et aussi
collectif.
Source : French.alahednews
http://www.french.alahednews.com.lb/essaydetails.php?eid=18665&cid=323#.V0NEuPmLTX4