La Russie interprète les rodomontades états-uniennes comme un signe
de guerre Pendant que les politiciens et les experts américains prennent
plaisir à parler en mal de la Russie et à diaboliser le président
Poutine, il y a des signes qui montrent que Moscou ne rigole plus et
qu’elle se prépare à un conflit réel, écrit l’ex-analyste de la CIA Ray
McGovern.
À l’époque
de l’administration Reagan, j’étais l’un des analystes de la CIA
assigné à présenter aux fonctionnaires de la Maison Blanche le Rapport quotidien au Président,
qui résume le point de vue de la CIA sur les questions pressantes du
jour concernant la sécurité nationale. Si je devais faire encore ce
travail – et en supposant que les analystes de la CIA puissent encore
dire la vérité au pouvoir – je serais obligé d’annoncer des nouvelles
alarmantes quant au potentiel d’un affrontement militaire entre les
États-Unis et la Russie.
Nous, les analystes, étions
responsables de collecter les avertissements venant de Moscou ou
d’autres capitales clés que les médias américains ignoraient ou
minimisaient souvent, comme les grands médias d’aujourd’hui ignorent
l’escalade des avertissements de la Russie à propos de la Syrie.
Par
exemple, le porte-parole de la défense russe, le Major Général Igor
Konachenkov, a prévenu, le 6 octobre, que la Russie est prête à abattre
des avions non identifiés – y compris les avions furtifs – sur la Syrie.
C’est un avertissement qui, je pense, devrait être pris au sérieux.
Il
est vrai que les experts divergent quant à savoir si les systèmes
avancés de défense aérienne russes déjà en Syrie peuvent abattre les
avions furtifs, mais ce serait une erreur de rejeter cet avertissement
d’un revers de main. D’ailleurs, Konachenkov a ajouté que la défense
aérienne russe «n’aura pas le temps d’identifier l’origine» de l’avion.
En
d’autres termes, les avions états-uniens, qui patrouillent le ciel
syrien sans l’approbation du gouvernement syrien, pourraient être
vulnérables à une attaque, avec le gouvernement russe avertissant de
façon préventive qu’un tel incident ne sera pas de la faute de Moscou.
En
ce qui concerne les perspectives de relance de la négociation sur la
Syrie, leur disparition n’a jamais été plus clairement énoncée que dans
les remarques du ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans
une longue interview avec Channel One Russian, ce dimanche. Il a terminé par un commentaire acéré :«La
diplomatie a plusieurs alliés dans cette affaire [syrienne], les forces
militaires de l’aérospatiale, de l’Armée et de la Marine russes.»
Lavrov reconnaît que le secrétaire d’État John Kerry a échoué dans ses efforts pour obtenir que les rebelles dit «modérés»
soutenus par les américains se séparent de la filiale syrienne
d’al-Qaïda. Avec cette condition clé du cessez-le-feu parti en fumée,
Lavrov dit que la force militaire est le seul moyen de chasser les
djihadistes de leur bastion dans l’est d’Alep et de rétablir le contrôle
du gouvernement.
Le président Vladimir Poutine et ses conseillers
semblent prêts à assumer le risque d’escalade dans l’espoir que toute
confrontation armée reste limitée à la Syrie. Il semble qu’il y ait
aussi un élément important de synchronisation dans le comportement
actuel de la Russie, considérant qu’il vaut mieux prendre ce risque
maintenant, car elle pense qu’elle risque de faire face à un président
plus belliciste encore le 20 janvier.
De même, il semble qu’un nouveau sentiment de confiance règne au Kremlin, même si la «balance des forces»,
au niveau mondial et au Moyen-Orient, reste en faveur des États-Unis.
La Russie a gagné un allié clé avec la Chine, et les médias chinois ont
fait preuve de compréhension et même de sympathie pour le comportement
de la Russie en Syrie.
Souvent négligé est le fait que la Chine a
minimisé son insistance de longue date sur l’inviolabilité des
frontières souveraines et a évité de critiquer l’annexion russe de la
Crimée en 2014, suite à ce qui a été largement considéré comme un coup
d’État soutenu par les Américains en Ukraine, quand le président élu,
Viktor Ianoukovitch, a été renversé. Les Chinois n’adhèrent pas aux«changements de régime» – que ce soit à Kiev ou à Damas – et regardent de travers l’insistance des États-Unis à vouloir renverser le président Assad.
Plus
important encore, la coopération militaire entre la Russie et la Chine
n’a jamais été aussi proche. Si la Russie se trouve dans une escalade
majeure des hostilités au Moyen-Orient et / ou en Europe, les problèmes
peuvent ne pas s’arrêter là. Les États-Unis doivent s’attendre à de
significatifs bruits de bottes chinois en mer de Chine méridionale.
Tous
ces signes pointent vers des jours très dangereux, mais il y a eu peu
de discussions intelligentes à propos de ces risques dans les grands
médias américains ou même, apparemment, dans les salles du pouvoir à
Washington. On dirait un somnambule marchant vers un abîme.
Par Ray McGovern – Le 11 octobre 2016 – Consortiumnews
Article original publié dans Consortiumnews.
Traduit par Wayan pour le Saker francophone