lundi 3 octobre 2016

Le Pentagone sous-traite aux sociétés privées la création de fausses vidéos terroristes



Le Bureau du journalisme d'investigation a révélé comment le Pentagone a payé des cabinets de relations publiques pour lancer ses programmes de propagande top secret en Irak.

Le cabinet de relations publiques de Bell Pottinger, connu pour ses clients douteux et controversés, comme le gouvernement saoudien et le dictateur chilien Augusto Pinochet, a travaillé avec l'armée américaine pour créer de fausses vidéos terroristes en Irak dans une opération ultra secrète.
manufactured-terrorism-ciaLorsque l'insurrection irakienne  faisait rage contre l'invasion américaine, de fausses vidéos de propagande d'Al-Qaïda ont été fabriquées dans un bâtiment hautement sécurisé d’une base militaire américaine arborant les signes "ne pas entrer" et «classifiés».
Ce cabinet rapportait régulièrement à la CIA, au Conseil de Sécurité Nationale et au Pentagone sur le projet,  avec comme mandat (a) de dépeindre Al-Qaïda de manière négative et (b) de suivre à la trace ses sympathisants présumés.
Aussi bien la Maison Blanche que le général David Petraeus, l'ancien général qui a partagé des informations classifiées avec sa maîtresse, ont contre signé (donc agréé) les contenus produits par l'agence.
L'opération de Bell Pottinger a commencé peu après l'invasion américaine de l'Irak. Il a été chargé pour l'administration américaine de la promotion des «élections démocratiques» avant de passer à des opérations psychologiques et d'information plus lucratives.
L’ancien employé Martin Wells a dit au Bureau comment il s’est trouvé lui-même travaillant en Irak après avoir été embauché comme un éditeur de vidéo par Bell Pottinger. Dans les 48 heures, il a atterri à Bagdad pour éditer le contenu des «opérations psychologiques» secrètes à Camp Victory, à Bagdad.
La société de Bell Pottinger a créé des pubs montrant Al-Qaïda avec une lumière négative, accompagnées de contenus simulés comme s’ils étaient émis par "Arabic TV". Les équipes de tournage ont été envoyées pour filmer de faux attentats avec une faible qualité vidéo. L'entreprise devait ensuite les éditer (les modifier) pour les faire ressembler à des images nouvelles.
Ils concevaient des scripts pris dans les feuilletons télévisés arabes, dans lesquels les personnages rejettent le terrorisme avec des conséquences heureuses. L'entreprise a également créé de fausses vidéos de propagande d'Al-Qaïda, qui ont ensuite été secrètement introduites par les militaires dans les maisons irakiennes qu’ils ont par la suite attaquées en accusant leurs habitants de terrorisme.
Les employés ont reçu des instructions spécifiques pour créer les vidéos. "Nous devons faire ce style de vidéo et nous avons à utiliser les séquences d'Al-Qaïda", dit Wells. "Nous en avons besoin pour faire 10 minutes, et il faut ce format de fichier, et nous devons coder d’une certaine manière."
Les vidéos ont été créées pour jouer sur Real Player qui a besoin d'une connexion Internet pour fonctionner. Les CD ont été intégrés avec un code lien vers Google Analytics qui a permis à l'armée de suivre les adresses IP de tous ceux qui lisent ou voient ces vidéos.
Selon Wells, les vidéos ont été distribuées en Iran, en Syrie et aux Etats-Unis.
« Si une heure, 48 heures ou une semaine plus tard, on les regarde dans une autre partie du monde, alors c'est ça le plus intéressant», explique Wells. "Et voilà ce qu'ils cherchent le plus, parce que cela leur donne une piste."
Le Pentagone a confirmé que le cabinet de relations publiques a fait un travail pour eux dans le cadre du Groupe de travail sur les opérations d'information (IOTF) pour la création de contenus qu'ils disent être «la vérité». Le cabinet a également travaillé dans le cadre du Groupe de travail mixte psychologique des opérations (JPOTF). Le Pentagone a déclaré qu'il ne pouvait pas commenter sur les opérations de JPOTF.
La loi américaine interdit au gouvernement d'utiliser la propagande pour sa population, d'où l'utilisation d'une firme externe pour créer ces contenus.
Les documents montrent que le Pentagone a payé 540 millions $ à Bell Pottinger dans les contrats entre 2007 et 2011, avec un autre contrat pour 120 millions $ en 2006. La société a achevé ses travaux avec le Pentagone en 2011.
En 2009, il a été rapporté que le Pentagone avait embauché un autre cabinet de relations publiques controversé, le Rendon Group, pour surveiller la déclaration des journalistes embarqués avec l'armée des Etats-Unis, pour déterminer s’ils donnaient une couverture «positive» à leurs missions.
Il a également été révélé qu’en 2005, la société de relations publiques basée à Washington, le Groupe Lincoln, avait placé des articles dans les journaux en Irak qui ont été secrètement écrits par l'armée américaine. Une enquête du Pentagone a lavé le groupe de tout acte répréhensible.