Le Bureau du journalisme d'investigation a révélé comment
le Pentagone a payé des cabinets de relations publiques pour lancer ses
programmes de propagande top secret en Irak.
Le cabinet de relations publiques de Bell Pottinger, connu
pour ses clients douteux et controversés, comme le gouvernement saoudien et le dictateur
chilien Augusto Pinochet, a travaillé avec l'armée américaine pour créer de
fausses vidéos terroristes en Irak dans une opération ultra secrète.
Lorsque l'insurrection irakienne faisait rage contre l'invasion
américaine, de fausses vidéos de propagande d'Al-Qaïda ont été fabriquées dans
un bâtiment hautement sécurisé d’une base militaire américaine arborant les
signes "ne pas entrer" et «classifiés».
Ce cabinet rapportait régulièrement à la CIA, au Conseil de Sécurité
Nationale et au Pentagone sur le projet, avec comme mandat (a) de dépeindre Al-Qaïda de
manière négative et (b) de suivre à la trace ses sympathisants présumés.
Aussi bien la Maison Blanche que le général David Petraeus,
l'ancien général qui a partagé des informations classifiées avec sa maîtresse, ont
contre signé (donc agréé) les contenus produits par l'agence.
L'opération de Bell Pottinger a commencé peu après
l'invasion américaine de l'Irak. Il a été chargé pour l'administration américaine
de la promotion des «élections démocratiques» avant de passer à des opérations
psychologiques et d'information plus lucratives.
L’ancien employé Martin Wells a dit au Bureau comment il s’est
trouvé lui-même travaillant en Irak après avoir été embauché comme un éditeur
de vidéo par Bell Pottinger. Dans
les 48 heures, il a atterri à Bagdad pour éditer le contenu des «opérations
psychologiques» secrètes à Camp Victory, à Bagdad.
La société de Bell Pottinger a créé des pubs montrant
Al-Qaïda avec une lumière négative, accompagnées de contenus simulés comme s’ils
étaient émis par "Arabic TV". Les équipes
de tournage ont été envoyées pour filmer de faux attentats avec une faible qualité
vidéo. L'entreprise
devait ensuite les éditer (les modifier) pour les faire ressembler à des images
nouvelles.
Ils concevaient des scripts pris dans les feuilletons télévisés
arabes, dans lesquels les personnages rejettent le terrorisme avec des
conséquences heureuses. L'entreprise
a également créé de fausses vidéos de propagande d'Al-Qaïda, qui ont ensuite
été secrètement introduites par les militaires dans les maisons irakiennes qu’ils
ont par la suite attaquées en accusant leurs habitants de terrorisme.
Les employés ont reçu des instructions spécifiques pour
créer les vidéos. "Nous
devons faire ce style de vidéo et nous avons à utiliser les séquences
d'Al-Qaïda", dit Wells. "Nous
en avons besoin pour faire 10 minutes, et il faut ce format de fichier, et nous
devons coder d’une certaine manière."
Les vidéos ont été créées pour jouer sur Real Player qui a
besoin d'une connexion Internet pour fonctionner. Les
CD ont été intégrés avec un code lien vers Google Analytics qui a permis à
l'armée de suivre les adresses IP de tous ceux qui lisent ou voient ces vidéos.
Selon Wells, les vidéos ont été distribuées en Iran, en
Syrie et aux Etats-Unis.
« Si une heure, 48 heures ou une semaine plus tard, on
les regarde dans une autre partie du monde, alors c'est ça le plus
intéressant», explique Wells. "Et
voilà ce qu'ils cherchent le plus, parce que cela leur donne une piste."
Le Pentagone a confirmé que le cabinet de relations
publiques a fait un travail pour eux dans le cadre du Groupe de travail sur les
opérations d'information (IOTF) pour la création de contenus qu'ils disent être
«la vérité». Le
cabinet a également travaillé dans le cadre du Groupe de travail mixte
psychologique des opérations (JPOTF). Le
Pentagone a déclaré qu'il ne pouvait pas commenter sur les opérations de JPOTF.
La loi américaine interdit au gouvernement d'utiliser la
propagande pour sa population, d'où l'utilisation d'une firme externe pour
créer ces contenus.
Les documents montrent que le Pentagone a payé 540 millions
$ à Bell Pottinger dans les contrats entre 2007 et 2011, avec un autre contrat
pour 120 millions $ en 2006. La société a achevé ses travaux avec le Pentagone
en 2011.
En 2009, il a été rapporté que le Pentagone avait embauché un
autre cabinet de relations publiques controversé, le Rendon Group, pour
surveiller la déclaration des journalistes embarqués avec l'armée des
Etats-Unis, pour déterminer s’ils donnaient une couverture «positive» à leurs
missions.
Il a également été révélé qu’en 2005, la société de
relations publiques basée à Washington, le Groupe Lincoln, avait placé des
articles dans les journaux en Irak qui ont été secrètement écrits par l'armée
américaine. Une
enquête du Pentagone a lavé le groupe de tout acte répréhensible.
Sources : version anglaise ; version française