les Israéliens voient un Palestinien dans un
fauteuil roulant – il a perdu ses deux jambes – à Gaza. Il tient un drapeau.
Ils lui tirent une balle juste entre les yeux, un tireur d’élite. Tout le monde
voit ça en vidéo. Aucun Israélien ne s’en est soucié. Puis un autre
enfant est tué. Dans ce cas, le deuxième cas, un enfant est tué. Une troisième
personne est tuée. Tout le monde s’en moque. Mais il y a une chose dont les
Israéliens se soucient : la jeune fille, Ahed Tamimi, a giflé un
soldat israélien. Cela provoque l’hystérie. Comment un Palestinien ose-t-il
gifler un soldat israélien ? Mais les atrocités quotidiennes...
Transcription :
[...] Amy Goodman : Je
voulais vous poser une question sur Benjamin Netanyahu et sur les
enquêtes de corruption auxquelles il est confronté. Bien sûr, Benjamin
Netanyahu a récemment parlé de sa relation très proche avec les Kushner,
du fait qu’il avait dormi dans la chambre de Jared Kushner lorsqu’il a visité
les États-Unis, alors qu’il était encore un petit garçon. Le Premier ministre
israélien Benjamin Netanyahu fait face à une controverse politique
interne après qu’une chaîne de télévision israélienne a diffusé un
enregistrement audio secret de son fils devant un club de strip-tease en 2015.
Dans l’enregistrement, on entend Yair Netanyahu parler de prostituées,
exigeant de l’argent au fils d’un magnat du gaz israélien. Yair sous-entend
que son père, le Premier ministre Netanyahu, a aidé à faire passer un
accord de 20 milliards de dollars au profit de l’homme d’affaires,
disant : « Mon père a arrangé 20 milliards de dollars pour le tien
et tu chicanes pour 400 shekels [120 dollars] ? », ce au moment
où le Premier ministre Netanyahu est confronté à de multiples enquêtes
de corruption.
En septembre, Yair Netanyahu
a également fait polémique en publiant une caricature antisémite sur Facebook.
Des suprématistes blancs, y compris l’ancien dirigeant du Klan David Duke,
ont félicité Yair Netanyahu pour avoir posté une image représentant
l’investisseur milliardaire George Soros au sommet d’une chaîne
alimentaire, faisant miroiter le monde devant un reptile et devant l’ancien
Premier ministre Ehud Barak, un critique fréquent de son père, Benjamin
Netanyahu. Par la suite, David Duke l’a félicité sur Twitter.
C’est une histoire stupéfiante, rapportée par Slate et d’autres médias.
Pouvez-vous nous parler de ce qui se
passe actuellement ? Est-ce que les enquêtes de corruption mettent
Netanyahu en péril ? Et qu’en est-il de son fils ?
Norman Finkelstein : Eh bien, je vais évoquer le
dernier point brièvement et ensuite aller au cœur de la question – ce qui me
parait être le cœur des questions que vous posez. La relation entre son fils et Netanyahu, entre Yair
[Netanyahu] et son père, Benjamin Netanyahu, est très similaire à celle entre Jared
et Donald Trump. Ce sont des individus privilégiés, gâtés-pourris et
remarquablement insignifiants.
Mais la question que vous avez posée
sur la corruption en général est une question intéressante. Vous n’êtes pas
tout à fait aussi âgée que moi, mais vous pouvez remonter assez loin (dans
votre mémoire) pour vous souvenir que durant notre jeunesse, Israël était très
austère. C’était un endroit simple et relativement « honnête ». C’est
cette image d’Israël qui reste dans l’esprit de beaucoup de Juifs américains,
disons, âgés de plus de 50 ans. Et donc, à l’époque, si on prend par exemple,
dans les années 1970, Yitzhak Rabin, qui était le Premier ministre, il a
dû quitter son poste. Il a été contraint de démissionner parce que sa femme
avait ouvert un compte bancaire – un simple compte bancaire – aux États-Unis.
Et apparemment, il n’y avait même pas d’argent sur ce compte, si ma mémoire est
bonne. Mais de nos jours, c’est juste un scandale après un autre scandale après
un autre scandale après un autre scandale. Et ce qui est remarquable, c’est que
cela n’affecte pas vraiment la position de Benjamin Netanyahu. Malgré une succession de
scandales, il est resté au pouvoir pendant une période remarquablement longue.
La question est donc :
pourquoi ? Et je pense que la réponse est celle-ci : parce que, que
cela plaise ou non, Benjamin Netanyahu est le
vrai visage d’Israël. C’est un individu ignoble, une grande gueule, un raciste,
un suprématiste juif. Et c’est maintenant le cas de toute la
population. Maintenant, je ne dis pas que c’est dans leur ADN. Je ne dis pas
que c’est génétique. Mais l’Etat d’Israël a dégénéré en quelque chose de
vraiment navrant. Et c’est…
Amy Goodman : Attendez, ce n’est
clairement pas le cas de toute la population. Il y a beaucoup de critiques. Il
y a un mouvement de paix.
Norman Finkelstein : Eh bien, non, je dirais...
Vous savez, Amy, j’aimerais bien que ce soit le cas. J’aimerais que ce soit le
cas. Mais si vous posez la question aux critiques eux-mêmes, si vous posez la
question à un Gideon Levy, à une Amira Hass, à...
Amy Goodman : Qui écrivent pour Haaretz.
Norman Finkelstein : Oui. Si vous posez la question
à B’Tselem, à...
Amy Goodman : Le groupe de défense des
droits de l’homme.
Norman Finkelstein : Oui. (Si vous posez la question à) Brisez
le Silence, le groupe de soldats, ils vous diront qu’ils ne
représentent personne. Ils vous diront qu’ils ne représentent plus personne. Il
y a eu une période où ils représentaient au moins un facteur dans la vie
israélienne. Mais ce n’est plus le cas. Et le fait que Benjamin Netanyahu reste au pouvoir,
malgré la succession de scandales, montre à quel point cette société a dégénéré.
Il me semble que c’est Gideon
Levy, le chroniqueur, qui a fait un commentaire l’autre jour que j’ai
trouvé très intéressant. Il a dit : les Israéliens voient un type dans un
fauteuil roulant – il a perdu ses deux jambes – à Gaza. Il tient un drapeau.
Ils lui tirent une balle juste entre les yeux, un tireur d’élite. Tout le monde
voit ça en vidéo. Il dit qu’aucun Israélien ne s’en est soucié. Puis un autre
enfant est tué. Dans ce cas, le deuxième cas, un enfant est tué. Une troisième
personne est tuée. Tout le monde s’en moque. Mais il y a une chose dont les
Israéliens se soucient : la jeune fille, Ahed Tamimi, a giflé un
soldat israélien. Cela provoque l’hystérie. Comment un Palestinien ose-t-il
gifler un soldat israélien ? Mais les atrocités quotidiennes...
Amy Goodman : Rappelons qu’elle a giflé le
soldat après que son cousin de 14 ans a reçu une balle au visage tirée de très
près par des soldats israéliens, et il sortait tout juste du coma.
Norman Finkelstein : Et vivre sous l’occupation,
vivre à travers le saccage, le ravage de votre maison, de vos quartiers, ces
soldats qui vous harcèlent sans cesse, vous tyrannisent, vous intimident, vous
menacent. Mais la seule question pour Israël est : Comment cette fille
ose-t-elle gifler un soldat au visage ? Quant aux (Palestiniens) tués, ils
n’ont aucune importance. [...]
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