Après
l’échec des négociations entre la Russie / Syrie et les Kurdes
d’Afrin, la partie russe a conclu un accord avec la Turquie. Maintenant la
Turquie attaque Afrin pendant que tout le monde regarde ailleurs. La principale
raison de ce développement est la décision des États-Unis d’occuper le nord-est
de la Syrie avec l’aide du YPG / PKK kurde. La stratégie d’occupation
s’avère déjà être un échec. Les Kurdes ont fait le mauvais choix. Ils sortiront
perdants du jeu.
Nous nous
sommes trompés en prédisant que les menaces
turques d’attaquer la zone nord-ouest d’Afrin contrôlée par les Kurdes étaient
des menaces creuses :
« La
menace n’est pas sérieuse :
- …
- Afrin est sous la protection formelle des forces russes et syriennes.
- Le vrai danger pour la Turquie n’est pas Afrin, mais le protectorat kurde beaucoup plus large que les États-Unis ont officiellement annoncé dans le nord-est de la Syrie.
Les menaces
turques et le bruit de l’artillerie ont couvert les protestations de la Syrie
et les conseils plus discrets de la Russie. Le gouvernement syrien veut montrer
qu’il est le protecteur de tous les citoyens syriens, qu’ils soient d’origine
arabe ou kurde. La Russie est fière de jouer le rôle de l’adulte qui apaise
tous les camps. »
La Turquie
attaque maintenant le canton d’Afrin en force. Sous l’inspiration d’un certain
George Orwell, l’opération a été baptisée « Rameau d’olivier ».
L’opération turque
à Afrin a été déclenchée par deux événements. Le plus important a été l’annonce
par les États-Unis d’une occupation permanente du
nord-est de la Syrie avec l’aide d’une « force de protection des
frontières » composée de 30.000 hommes des Forces démocratiques syriennes
(FDS) principalement des Kurdes et des Arabes qui avaient combattu sous les
ordres de l’EI/DAECH. Nous avions noté à ce moment-là :
« Les
États-Unis n’ont pas consulté les Turcs avant d’annoncer leur décision et les
Turcs ne trouvent évidemment pas drôle du tout qu’une ‘bande de terroristes’,
entraînée et armée par les États-Unis, contrôle un long tronçon de leur
frontière méridionale. N’importe quel gouvernement
turc serait obligé de prendre des mesures drastiques pour protéger le pays
d’une telle menace stratégique. »
Les
États-Unis ont fait preuve d’amateurisme. Ils ont ignoré les besoins de
sécurité de la Turquie, leur alliée dans l’OTAN, et lui ont préféré une
occupation illégale qui ne pourra pas durer du nord-est de la Syrie. Le
secrétaire d’État Tillerson a tenté de calmer les Turcs en affirmant que la « force
de protection des frontières » n’était pas destinée à protéger la
frontière !!
Les rapports émanant du terrain où ces forces sont entraînées prouvent que c’est un
mensonge :
« Cette
force sera une force fondamentale pour protéger les frontières du nord de la
Syrie » a déclaré la personne qui présidait la cérémonie qui couronnait la
formation.
La seconde
raison de l’opération turque est le succès remporté par l’armée syrienne à
Idleb-Est où « l’armée syrienne libre » et les takfiris d’al-Qaïda
soutenus par la Turquie ont été éliminés par l’armée syrienne.
L’opération
turque en cours a été précédée de plusieurs séries de négociations.
Le
gouvernement syrien et ses alliés russes ont offert aux Kurdes d’Afrin de les protéger contre
les attaques turques :
« Il y
a près d’une semaine, il y a eu une réunion entre des responsables russes et
des dirigeants kurdes. Moscou a suggéré que l’État syrien devienne l’unique
entité responsable de la frontière nord. Les Kurdes ont refusé. Immédiatement
après, les généraux turcs ont été invités à Moscou. Donner à l’État syrien le
contrôle de sa frontière nord n’était pas la seule exigence russe. L’autre
était que les Kurdes rendent les champs pétrolifères de Deir al Zor. Les Kurdes
ont refusé en laissant entendre que les États-Unis ne le permettraient pas de
toute façon. La réunion n’a pas vraiment été un succès. »
Ce
témoignage a été confirmé par les négociateurs
kurdes :
Aldar Xelil
(@Xelilaldar), membre de la Société libre démocratique Tev-Dem : « Au
cours d’une réunion, la Russie a dit à l’administration d’Afrin que si Afrin
était gouvernée par le régime syrien, la Turquie ne l’attaquerait pas.
L’administration du canton d’Afrin a refusé cette proposition. »
Les Kurdes
ont fait une contre-offre. Ils proposaient de mettre des drapeaux syriens et de
rendre la base aérienne de Menagh (presque entièrement détruite), mais ils ne voulaient pas renoncer au contrôle des
frontières :
La traduction d’un extrait du journal Diken :
« Amberin
Zaman s’est entretenu avec des officiels de Rojava, Nobahar Mustafa et Sinam
Mohammed. Ils ont dit :
- La Russie veut affaiblir le YPG et rendre Afrin au ‘régime’.
- Nous négocions toujours avec la Russie. Elle nous a dit que si on rendait Afrin au régime, ce dernier nous protégerait. Nous avons refusé. Nous avons proposé de rendre la base aérienne de Menagh et d’autres points de contrôle, mais elle a refusé.
- Il se peut que nous nous retirions de la conférence de Sotchi.
- Nous allons former une nouvelle alliance avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte.
- Le commandant des forces de Rojava, le général Mazlum et Ilham Ahmed ont rencontré Brett McGurk pour demander aux États-Unis de mettre fin aux attaques turques. C’est un test de la fiabilité des États-Unis en tant qu’allié. »
Après
l’échec des négociations avec les Kurdes, la Syrie et la Russie − qui
en était le médiateur − ont conclu un accord avec la Turquie. La
Turquie avait accepté la création d’une zone de désescalade à Idleb, mais elle
n’avait jamais procédé à la mise en place des postes d’observation promis dans
la zone gouvernée par Al-Qaïda. La Turquie a soutenu al-Qaïda. Combattre
directement le groupe terroriste est contraire aux intérêts turcs. De nombreux
combattants d’al-Qaïda ont de la famille et des amis en Turquie et cela la rend
vulnérable.
Le nouvel
accord donnera à la Syrie le contrôle de la plus grande partie d’Idleb en
échange du contrôle turc sur Afrin (si les Turcs parviennent à prendre la
région). Au début de l’opération turque, l’armée syrienne a pris la base
aérienne d’Abu Douhour à l’est-Idleb. Elle va éliminer tout ce qui reste
d’al-Qaïda et de l’EI dans le chaudron maintenant scellé. Elle poursuivra
ensuite son avancée dans le gouvernorat d’Idelb.
Ce ne serait
pas bon pour la Syrie que la Turquie prenne le contrôle d’Afrin. Le
gouvernement syrien n’aime pas du tout l’accord que les Russes ont conclu en
son nom, d’autant qu’un accord avec l’instable président turc Erdogan ne tiendra
probablement pas longtemps. Mais voir les Kurdes s’allier aux États-Unis dans
une occupation permanente du nord-est est encore pire pour la Syrie.
Le
gouvernement syrien a rejeté les allégations
turques selon lesquelles la Turquie l’aurait informé de l’attaque et a
officiellement condamné la décision turque. Mais il ne peut pas faire
grand-chose. Son armée est épuisée et engagée ailleurs. Ni la Russie, ni
l’Iran, ne verraient d’un bon œil un conflit ouvert avec la Turquie.
Les médias
turcs sont en mode guerre totale :
Les journaux
turcs de ce matin :
- Hurriyet : Nos avions ont touché #Afrin. Le cœur de la Turquie bat comme un seul homme ;
- Sabah : Nous les frappons dans leur tanière ;
- Haberturk : La poigne de fer pour le terrorisme, le rameau d’olivier pour les civils ;
- Sozcu : Nous avons dit que nous allions frapper malgré les États-Unis et la Russie. Nous avons frappé les traîtres.
L’opération
de la Turquie contre Afrin est assez importante. Ses forces aériennes bombardent
la région. Elle envoie maintenant ses chars les plus modernes. L’« Armée
syrienne libre » d’al-Qaïda soutenue et contrôlée par la Turquie, sera au
front sur le terrain et c’est elle qui va certainement perdre le plus de sang.
Afrin est dans la montagne et ce sera un combat difficile. Deux chars turcs ont
déjà été détruits. Les Kurdes sont bien préparés et bien armés. Les deux camps
auront beaucoup de pertes.
Pendant ce
temps, l’armée syrienne et ses alliés auront le temps de s’emparer d’Idelb.
Les États-Unis
sont en plein marasme. Leur stratégie pour la Syrie, qui date seulement d’une
petite semaine, est déjà en train de s’effondrer. Leur Commandement central
refuse de prendre la responsabilité des Kurdes d’Afrin tout en s’alliant avec
les Kurdes de l’Est. Ce sont pourtant les mêmes. Le commandant militaire kurde
d’Afrin se battait auparavant à Kobane. En ce moment, les avions turcs
décollent de la base aérienne américaine d’Incerlik pour aller bombarder les
Kurdes dans l’ouest de la Syrie, tandis que les avions-citernes américains
décollent d’Incirlik pour aller soutenir l’alliance des États-Unis avec les
Kurdes de l’est.
Le groupe
arabe Jaysh al Thuwar était une des feuilles de vigne arabes qui dissimulait le
commandement kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les
États-Unis à l’est. Il a maintenant changé de camp et est de retour sous la tutelle turque. (MISE À
JOUR : Cela a maintenant été réfuté). D’autres éléments des FSD vont
changer de camp. Nous pouvons nous attendre à des « attaques de
l’intérieur » contre les forces américaines qui les entraînent.
Le
commandement kurde blâme la Russie pour l’attaque turque contre Afrin. C’est
ridicule. La Syrie et les Russes ont soutenu les Kurdes tout au long de la
guerre. Ils ont été les premiers à livrer des armes et des munitions aux Kurdes
pour se battre contre les takfiris. Ce sont les Kurdes qui ont changé de camp
et encouragé l’occupation américaine. Ce sont les Kurdes qui ont annoncé qu’ils
demanderaient le soutien des Saoudiens.
Il y a
quelques mois à peine, le projet kurde en Irak s’est lamentablement effondré.
Le gouvernement irakien a repris tous ce que les Kurdes avaient gagné en une
décennie, et les États-Unis n’ont rien fait pour aider leurs « alliés »
kurdes. Comment les Kurdes de Syrie peuvent-ils s’imaginer que cette nouvelle
entreprise démesurée aura un sort différent ?
Par Moon of Alabama – Le 21 janvier 2018
Traduction :
Dominique Muselet
Les Américains "pédalent dans le couscous" :
Comme à leur habitude, les Américains se réfugient dans les atermoiements. Un coup ici, un coup là... Le 17 janvier, Tillerson affirme qu'on a mal compris le plan US ; le même jour, le porte-parole du Pentagone déclare que les Kurdes d'Afrin ne font pas partie de la "coalition contre Daech" et que Washington ne les soutient pas .La palme revient toutefois au Mad Dog qui déclare le 21 : "La Turquie est un allié de l'OTAN. C'est le seul membre de l'OTAN qui connaisse une insurrection armée sur son territoire, Les préoccupations sécuritaires de la Turquie sont légitimes". Avant de retourner sa veste de général étoilé deux jours après.
La question est de savoir comment ces faux-fuyants seront perçus par les Kurdes SDF, mercenaires de l'empire. Vont-ils enfin se rendre compte du double jeu de l'oncle américain et envoyer paître leur tuteur ? Vont-ils se désengager des opérations sur l'Euphrate, lancées afin de réduire l'arc chiite pour les beaux yeux des Israélo-Soudiens mais qui ne concernent aucunement le Kurdistan, pour revenir vers le nord et aider leurs frères d'Afrin ?
Dernières nouvelles 26/01 à 17h
Les États-Unis et la Turquie sont d'accord pour assassiner des
politiciens et des commandants de terrain kurdes (source)
Après que la Turquie a déclenché une opération militaire dans le
nord de la Syrie, il est devenu évident qu'Erdogan est prêt pour des actions
décisives sur cette question. Le
25 janvier, le commandement kurde a entrepris le redéploiement de ses troupes
de Deir Ezzor et Al Hasakah vers la région de Manbij.
En réponse à ces événements, les autorités américaines ont commencé
à rechercher une sortie de la situation actuelle. Selon
nos sources à Afrin, Washington a accepté l'assassinat de commandants de
terrain et de politiciens kurdes de haut rang et radicaux avec l'aide de
l'armée turque afin d'empêcher une nouvelle escalade de la tension entre les
alliés de l'OTAN.
Commentant les reportages d'Anadolu sur le redéploiement de
combattants PYD / PKK de plusieurs régions du nord-est de la Syrie vers Afrin,
le porte-parole du Pentagone, le Major Adrian Rankine-Galloway, a noté que les États-Unis
ne contrôlaient pas les forces démocratiques syriennes, et ne font que des
recommandations.
Dans le même temps, le porte-parole a précisé
que si les combattants des YPG quittaient la lutte contre l'État islamique pour
participer aux opérations d'Afrin, les Kurdes perdraient le soutien des États-Unis.
Galloway
a précisé que cette décision sera appliquée à la situation autour d'Afrin et de
Tanf.
Il est probable que certains politiciens kurdes et commandants sur
le terrain seront assassinés. Si
cela se produit réellement, les États-Unis montreront une fois de plus que les
Kurdes ne sont qu'une monnaie d'échange pour eux.
Hannibal GENSERIC