samedi 21 novembre 2020

Hongrie - Pologne : si proches, si différentes

En Europe orientale, l'amitié historique entre la Pologne et la Hongrie est chose proverbiale. Du Moyen Âge au joug soviétique en passant par la période impériale habsbourgeoise, l'une et l'autre se sont souvent porté mutuellement secours, militairement, politiquement ou symboliquement. Un proverbe résume d'ailleurs assez bien cette fraternité :
Polak, Węgier, dwa bratanki, i do szabli i do szklanki

Polonais, Hongrois, deux frères - Pour le sabre et pour le verre
(qui combattent et boivent ensemble).
L'époque contemporaine n'a rien effacé de cette amitié et l'on retrouve régulièrement les deux compères bras dessus bras dessous pour s'opposer aux diktats des Kommissar bruxellois et mettre en péril l'édifice euronouillique.

 

Ce n'est pas nouveau et nous l'évoquions déjà en 2016 :

L'Europe américaine sera-t-elle mise à mort par ceux-là même qui étaient censés la régénérer ? L'on peut sérieusement se poser la question quand on voit le divorce grandissant entre l'UE et les pays d'Europe centrale et orientale, fers de lance de la "Nouvelle Europe" si chère aux néo-cons. Le pied droit de Washington donne des coups au pied gauche et c'est tout le système vassalique européen qui risque de tomber. On comprend qu'Obama préfère penser à autre chose en jouant au golf...
Rappelons d'abord que la construction européenne fut, dès le départ, un projet américain. Des archives déclassifiées montrent que les soi-disant "pères de l'Europe" - Schuman, Spaak ou le bien-nommé Monet - travaillaient en réalité pour les Etats-Unis. Pour Washington, il était en effet plus aisé de mettre la main sur le Vieux continent par le biais d'une structure globale noyautée de l'intérieur que de négocier pays par pays avec des dirigeants indépendants.
La chute du Mur et l'intégration à l'UE des anciennes démocraties populaires n'étaient que le cache-sexe de l'avancée de l'OTAN vers la Russie. Mieux encore, ces pays nouvellement libérés de la tutelle soviétique et férocement anti-russes pour des raisons historiques compréhensibles étaient susceptibles d'établir un nouveau rapport de force très favorable aux États-Unis au sein de l'UE face à certaines poussées de fièvre frondeuse toujours possibles de la "vieille Europe" (De Gaulle, Chirac et Schroeder...)
Or, au moment où les institutions européennes sont noyautées et soumises comme jamais aux désidératas US, le château de cartes est en train de s'écrouler... Ce sont d'abord les sanctions anti-russes qui ont créé une brèche. Si elles furent accueillies avec des transports de joie par la Pologne et les pays Baltes, leur réception en Hongrie, en Slovaquie et même en République tchèque fut bien plus mesurée, c'est le moins qu'on puisse dire. Première cassure au sein de la "nouvelle Europe".
Et maintenant, la question des réfugiés pourrait bien sonner l'hallali. La Pologne, pays ô combien pro-US, refuse tout à fait d'obéir aux injonctions des institutions elles aussi ô combien pro-US de Bruxelles. Diantre, Brzezinski n'avait pas prévu ça...
Varsovie, ainsi que Budapest ou Bratislava, rejettent totalement ce qu'ils considèrent comme un diktat de Bruxelles et ses menaces d'amende (250.000 euros par réfugié refusé). Les mots sont intéressants :
Jaroslaw Kaczynski, chef du PiS au pouvoir : "Une telle décision abolirait la souveraineté des États membres de l'UE. Nous refusons cela car nous sommes et serons en charge de notre propre pays".
Peter Szijjarto, ministre hongrois des Affaires étrangères : "La menace d'amende de la part de la Commission est du chantage pur et simple".
Notons en passant la naïveté confondante de ces dirigeants qui croyaient apparemment benoîtement que l'entrée dans l'UE allait préserver la souveraineté de leur pays...

Plus de quatre ans ont passé et rien n'a changé. Vous avez sans doute entendu dire que Pologne et Hongrie bloquent actuellement le plan de relance de 750 Mds d'euros concoctés par les petits génies de Bruxelles :

« Varsovie et Budapest sont farouchement opposés à un mécanisme conditionnant le versement de fonds européens au respect de l'Etat de droit (indépendance de la justice, des médias...). Il doit être entériné à la majorité qualifiée des Etats - donc sans eux.
En représailles, ils se sont opposés lundi à une décision permettant à l'UE de lever des fonds pour financer son plan de relance de 750 milliards d'euros, bloquant - faute de l'unanimité requise - le budget européen 2021-2027 auquel il s'adosse.
Et la Slovénie, qui pourtant ne s'était pas opposée à l'adoption du budget, a apporté son soutien mercredi aux deux frondeurs. »

En réalité, ce qui se cache derrière le tant vanté "Etat de droit" est, à terme, la fin de l'Etat si chère à Soros : dépossession du pouvoir politique, gouvernement des juges, démantèlement des frontières, médias récupérés par l'oligarchie, idéologie politiquement correcte etc. Pas étonnant que l'imMonde se lamente devant le refus de ces vils Polonais et Hongrois, forcément "nationalistes".
Si Budapest et Varsovie sont d'accord sur à peu près tout, il est un point, cependant, où les deux frères divergent totalement. Vous l'avez deviné, se profile l'ombre de la Russie... Il est étonnant que ces deux-là, si proches sur tout, soient si antinomiques dès que l'on parle de Moscou. Le contraste est saisissant ; à la maturité responsable de l'un répond l'hystérie prépubère de l'autre.
Les bonnes relations entre Orban et Poutine sont désormais entrées dans l'ordre des choses et nos Chroniques en ont parlé à plusieurs reprises. Le dernier exemple en date concerne le fameux vaccin contre le Covid. Si notre chère presse libre (défense de rire) s'est précipitée pour louer avec force dithyrambes le vaccinho de Big Pharma, Pfizer en l'occurrence, le Spoutnik V est plus avancé, moins cher et moins contraignant. Et en dehors du bocal des salles de rédaction, ça se sait...
Une cinquantaine de pays ont déjà pré-commandé le vaccin russe [1]; l'un des plus grands hôpitaux israéliens a balayé d'un revers de main les critiques occidentales et vient de commander 1,5 million de doses ; quant à l'Argentine, n'arrivant pas à sortir des affres de la pandémie, elle a décidé de ne pas faire les choses à moitié : 25 millions de doses spoutnikiennes devraient arriver dans les trois prochains mois pour vacciner toute la population. La Hongrie a logiquement suivi la même voie et regardé du côté de Moscou, ce qui a comme de bien entendu provoqué les cris d'orfraie de nos plumitifs.
Le Point pique une amusante crise de nerfs exclamative...

 

... tandis que Le Temps suisse tombe dans la désinformation la plus grotesque, faisant état d'un Orban : « critiqué par l’ensemble de ses adversaires politiques pour sa gestion erratique de l’épidémie ». Ah bon ? L'UE compte cinq pays dont la population s'élève à environ dix millions d'habitants. Voici le nombre de morts pour chacun d'entre eux : Belgique (15000) - République tchèque (6900) - Suède (6300) - Portugal (3700) - Hongrie (3500). Gestion "erratique" qu'ils disent...
Sans surprise, l'Union soviétique européenne est très en colère contre le Premier ministre hongrois et tente par tous les moyens de l'empêcher de recourir au Spoutnik, sous l'argument spécieux que tous les États membres doivent marcher dans les clous et acheter (cher) au même labo (occidental). Mais Budapest n'a pas l'intention de s'en laisser compter.
La Pologne par contre, malgré tout son mépris pour les eurocrates, devrait sagement suivre leurs recommandations. Car voyez-vous, pour elle, l'abomination des abominations reste et restera toujours l'ours. Les petits génies de Varsovie ont même trouvé une formidable explication à tous leurs malheurs : si le pays est en bisbilles avec Bruxelles, c'est en réalité... à cause des Russes ! [2]
La "démonstration" est tellement vaseuse et alambiquée qu'un contorsionniste s'y romprait les os, mais l'essentiel est de sauver la face. Même si c'est au prix de la risée générale...

Source : Chroniques du Grand Jeu

NOTES de H. Genséric

[1] Les nouvelles sur les vaccins russes sortent enfin du placard

Le Jackpot du PDG de Pfizer de 5,6 millions de dollars le jour de l’annonce de « l’efficacité de son vaccin »
« La nouvelle d’un vaccin, efficace à 90%, contre le Covid-19 » a généré une envolée du cours de l’action Pfizer de 7% et de celle de BioNTech de près de 14%. Les bourses mondiales ont également profité de cette annonce.
Selon le site d’information financière Citywire, après avoir appris la découverte scientifique faite par Pfizer-BioNTech, une trentaine de marchés ont enregistré des hausses « parfois énormes ».
Mais le rebond du cours de l’action Pfizer a profité aussi à Albert Bourla, le PDG du laboratoire américain. Comme le rappelle le site de Boursorama « selon un document déposé auprès des autorités boursières américaines de la SEC, Albert Bouria a en effet vendu lundi 9 novembre 132.508 titres au prix de 41,94 dollars à Wall Street, équivalant à près de 5,6 millions de dollars. La vice-présidente des laboratoires, Sally Susman, a aussi cédé le même jour pour 1,8 million de dollars, vendant 43.662 titres« .

La température à laquelle le vaccin de Pfizer doit être conservé – soit -65 °C – risque d’entraîner des défis en matière de transport, de distribution et d’entreposage., donc de coût additionnels importants.

«Pour les vaccins, la chaîne de froid est très fragile. Il faut la surveiller de très près. Quand on arrive avec un vaccin qu’on va devoir conserver à -65 °C, c’est une grosse étape à franchir parce que ça nécessite un déploiement d’équipements qui ne sont pas disponibles actuellement dans la quasi-totalité des pays.

[2]  La Loi Russe :

 

Selon Wikipédia, la loi de Godwin est une règle empirique énoncée en 1990 par Mike Godwin, d'abord relative au réseau Usenet, puis étendue à l'Internet :  
 « Plus une discussion en ligne dure, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1. »
La loi de Godwin  peut se généraliser de la manière suivante à la presse mainstream occidentale, pour devenir « La Loi Russe » :
 « Pour tous les grands médias et les responsables politiques occidentaux, il existe un unique thème : « c’est la faute à la Russie » ou « c’est la faute à Poutine », tel que, plus une discussion dure (relative à n’importe quel problème rencontré par l’Occident), plus la probabilité que ce thème soit abordé tend vers 1. ». 
À la conférence des ministres des affaires étrangères du G7, qui s'est tenue les 10 et 11 avril 2017, le ministre italien a rappelé à ses homologues occidentaux un théorème diplomatique éprouvé par l'Histoire: on ne parle pas avec la Russie à coups d'ultimatums (ou de sanctions).

 Hannibal GENSÉRIC

1 commentaire:

  1. Il faut souhaiter que le front du refus envers Bruxelles tienne bon. Le problème avec le vaccin Pfizer, sa conservation à très basse température.

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