Une vision historique du
tristement célèbre accord de Münich qui nous permet de mieux comprendre
pourquoi il fut signé par la France et l’Angleterre.
En signant
les accords de Munich avec Adolf Hitler le 30 septembre 1938, les puissances
européennes qu’étaient la France et l’Angleterre ont voulu passer ce message à
l’Allemagne nazie : Engagez vous à l’est et l’on ne vous fera pas de mal,
selon ce qu’a confié à Sputnik le professeur Grover Carr Furr de l’université
d’État de Montclair.
Goering à gauche qui rigole, Mussolini qui serre la main de Chamberlain à l’automne 1938 à Munich .AP photo/Hoffman |
L’accord de
Munich, signé à l’aube du 30 septembre 1938 par la Grande-Bretagne, la France,
l’Italie et l’Allemagne nazie (excluant l’URSS et la Tchécoslovaquie) a ouvert
les portes à l’agression hitlérienne et entériné le début réel de la Seconde
Guerre mondiale.
En vertu de
cet accord, l’Allemagne a eu l’autorisation de saisir les parties
septentrionales et occidentales de la Tchécoslovaquie, dénommées les Sudètes,
qui étaient essentiellement habitées par des germanophones.
Dès le 19-20
mai, les forces militaires allemandes avaient commencé à se concentrer sur les
frontières tchécoslovaques, entraînant une mobilisation partielle du pays. Les
intentions d’Hitler étaient parfaitement claires pour les puissances
européennes. Mais elles n’avaient aucune envie d’aider le gouvernement
tchécoslovaque à faire face à l’évidente agression allemande.
L’accord de Munich a livré la Tchécoslovaquie à Hitler
Le 20
juillet, le ministre français des affaires étrangères, Georges Bonnet, a
informé son homologue tchèque, Stefan Osuky, que la France ne fera pas la
guerre pour les sudètes… Le gouvernement tchécoslovaque doit comprendre que la
France, comme l’Angleterre, ne partiront pas en guerre. Il est important que
les choses soient bien claires à ce sujet. (Voir Michael J. Carley : Seule
l’URSS a les mains propres : la perspective soviet sur l’échec de la
sécurité collective et l’effondrement de la Tchécoslovaquie, 1934-1938)
Le
gouvernement tchèque a été littéralement forcé, par la France et
l’Angleterre, à se soumettre.
Le 15
septembre, le premier ministre britannique, Neville Chamberlain, a rencontré
Adolf Hitler à Berchtesgaden pour négocier la cession des territoires tchèques.
Trois jours plus tard, une rencontre s’est tenue entre Hitler et le Premier
ministre français Edouard Daladier sur le même sujet. Inutile de préciser
qu’aucun représentant tchèque n’a été invité à la table des négociations.
Explication
de l’expert américain en histoire soviétique, le professeur Grover Carr
Furr à Sputnik :
«En vérité, l’accord de Munich provoqua ce
que les menteurs prétendent être le fait du pacte Molotov-Ribbentrop,
lequel, pour sa part, ne provoqua rien. L’accord de Munich livra un
pays à Hitler. En plus, les alliés le firent sans demander son avis au
gouvernement ou au président tchèque. La Pologne fut complice. Elle s’empara de
la région de Teschen, très industrialisée et peuplée d’une minorité polonaise.
Winston Churchill a comparé la Pologne à un chacal s’emparant des restes alors
que les lions, les grandes puissances, se réservaient les meilleurs morceaux.
En 1939, quand Hitler envahit le reste de la Tchécoslovaquie, la Banque
d’Angleterre livra à Hitler les réserves d’or tchèque.»
Qui contrôle le passé contrôle le futur : Pourquoi Staline
est-il haï par l’Ouest? Staline Truman et Churchill de G à D. Wikipédia © |
La
Tchécoslovaquie fut vraiment une bonne prise pour Hitler : le pays
hébergeait une industrie militaire très développée et représentait 40% du
marché mondial des armements. Les dix premières usines militaires pouvaient
produire, chaque mois, 1 600 mitraillettes lourdes, 3 000
mitraillettes légères, 130 000 fusils, 7 000 lance-grenades, et des
centaines d’autres armements dont des tanks et des avions.
Après s’être
emparé du reste de la Tchécoslovaquie, Hitler profita de son énorme
arsenal militaire. Ainsi, en laissant Hitler annexer les Sudètes et en ne
faisant pas un geste lorsqu’il s’empara de tout le territoire tchèque, les
puissances occidentales ont fourni au Führer une base industrielle militaire
unique.
Furr
continue son explication :
«Mais pourquoi donc? Je pense que c’est
assez clair. Le Royaume-Uni et la France voulaient laisser entendre à Hitler
qu’il pouvait s’étendre vers l’est sans qu’ils ne réagissent. Rappelez-vous que
lorsque la Pologne a été attaquée, le 1er septembre 1939, ni les
Britanniques ni les Français n’ont dit quoi que ce soit, malgré leurs accords
d’entraide avec la Pologne. Ils n'ont rien fait jusqu’en mai 1940, lorsque
Hitler les a attaqués.»
Chamberlain au centre, Ribbentrop à droite, le 16
septembre après la rencontre avec Hitler à Bertchesgaden. A gauche Alexander von Dörnberg © Wikipédia. Bundesarchiv |
Les accords de Munich ont été un encouragement à Hitler pour qu’il attaque l’URSS.
Furr
poursuit son analyse :
«Les accords de Munich furent une
tentative pour encourager Hitler à attaquer l’URSS. Ils ne peuvent être
interprétés différemment car l’URSS fut exclue des négociations. Les
Britanniques et les Français se doutaient bien que les Soviétiques le
comprendraient ainsi et ils n’y tenaient pas. L’idée était probablement que
l’Allemagne, la Pologne et le Japon allaient tous attaquer l’URSS, ce qui
aurait été une très bonne chose pour les gouvernements britannique et
français.»
Le mystère du pacte Germano-Soviétique. Pourquoi l’URSS a-t-elle signe un pacte de non agression? ©AP/Photo |
En fait, en
dehors de l’Allemagne nazie, le Japon et la Pologne espéraient aussi étendre
leur Lebebsraum (espaces vitaux) aux dépens de l’URSS. Jusqu’au début de
1939, Varsovie réfléchissait à s’unir à l’Allemagne nazie dans une guerre
contre l’URSS pour s’emparer de plus de territoires, remarque Furr dans son
livre Mensonges sanglants : la preuve que toutes les accusations de
Timothy Snyder sont fausses, où il cite le ministre des Affaires étrangères
nazi, Joachim Van Ribbentrop, disant en janvier 1939 : «J’ai, encore
une fois, parlé à M. Beck (le ministre des Affaires étrangères polonais Josef
Beck) à propos de la stratégie envisagée par la Pologne et l’Allemagne contre
l’Union Soviétique… M. Beck n’a pas caché le fait que la Pologne a des vues sur
l’Ukraine afin d’avoir une ouverture sur la mer Noire…»
D’un autre
côté, à la suite de l’occupation de la Mancdhourie en 1931, le Japon a montré
un intérêt pour les territoires orientaux de l’URSS. Entre mai et août 1939, le
Japon, l’URSS et la Mongolie communiste ont été impliqués dans un conflit
militaire à Khalkhin-Gol, en Sibérie. Les Japonais vaincus ont abandonné
temporairement leurs plans d’attaque contre les Soviétiques.
Le
professeur Furr a expliqué à Sputnik :
«L’URSS était engagée dans une bataille
intense contre le Japon à Khalkhin-Gol, en Sibérie. Pas de doutes que l’attaque
japonaise avait pour but d’obliger l’URSS à se battre sur deux fronts, si cela
avait réussi. Mais cela a raté. Pourquoi? Parce que les conspirateurs russes de
l’Armée d’Extrême-Orient ont été destitués et arrêtés, dont le Maréchal Vasily
Bliukher. Si ces conspirateurs n’avaient pas été arrêtés, ils auraient aidé le
Japon, et l’URSS aurait eu à combattre sur deux fronts. Rappelez vous que ce
furent les troupes sibériennes qui, libérées par la paix avec le Japon, se sont
précipitées à la défense de Moscou et plus tard à la défense de Stalingrad.»
Les
Britanniques étaient tout à fait au courant des plans militaires de l’Allemagne,
du Japon et de la Pologne. Citant des documents d’archives britanniques, le
chercheur canadien Clement Leibovitz a remarqué que le Premier ministre anglais
Neville Chamberlain considérait l’Union Soviétique comme un pays qui risque
d’être la cible d’une agression allemande, peut être avec l’aide de la Pologne,
et d’une agression japonaise. (Dans L’accord Chamberlain – Hitler,
1993)
Les accords de Munich, le résultat d’une collaboration cynique?
Il est naïf
de croire que les Accords de Munich ont été le résultat d’un irresponsable esprit
d’apaisement des appétits nazis de la part des gouvernements français et
britannique, remarque Leibovitz, en montrant des preuves qu’ils sont plutôt le
résultat d’une collaboration cynique.
Leibovitz écrit dans son livre The
Chamberlain-Hitler Deal :
«J’affirme que Chamberlain faisait face à un choix : soit empêcher, et
plus tard résister, à la politique d’expansion agressive de l’Allemagne,
soit permettre à l’Allemagne de
s’étendre en Europe orientale. Chamberlain était certain que l’Allemagne
finirait par déclarer la guerre à l’Union soviétique. Motivé par son
anti-communisme, il a donc fait le deuxième choix et, avec un tel choix, il
jouait avec la sécurité britannique… De plus, on peut prouver que l’accord
n’était pas une stratégie adoptée dans l’urgence mais le résultat d’efforts
continus pour encourager le Japon et l’Allemagne à prendre leur part de l’Union
soviétique.»
Les US ont envisagé une attaque nucléaire massive sur l’URSS
en 1945 © EAST NEWS/ USA/SCIENCE PHOTO LIBRARY |
Il est
révélateur de voir que, dans une lettre adressée au roi Georges VI, le 13
septembre 1938, Chamberlain écrit que «Herr Hitler a décidé d’attaquer la
Tchécoslovaquie et d’aller plus loin vers l’est». Inexplicablement, dans
cette même lettre, Chamberlain assure au roi que l’Allemagne et
l’Angleterre… [sont] les deux piliers de la paix européenne et les deux
remparts contre le communisme.
Furr
souligne que, selon son opinion, l’Union soviétique et Staline ont été chanceux
que les Britanniques et les Français rejettent l’accord de sécurité
collective :
«Pourquoi ? Parce que les Anglais et les
Français auraient probablement violé un tel accord. Ils n’auraient probablement
pas attaqué l’Allemagne quand l’Allemagne a envahi la Pologne, même s’ils
avaient promis de le faire. Et pourquoi ont-ils agi ainsi? Pourquoi n’ont-ils
pas attaqué l’Allemagne quand celle-ci a attaqué la Pologne? La seule réponse
est que les gouvernements anglais et français voulaient continuer à signaler à
Hitler : Allez vers l’est et l’on ne vous fera pas de mal.
Rappelez vous, l’Angleterre et la France
ont essayé d’envoyer des forces combattre l’URSS aux cotés de la Finlande
durant la guerre Finlande–Russie en 1939 – 1940. Ils n'ont pas pu le faire,
mais ils l’avaient planifié. Ainsi, alors qu’ils étaient officiellement en
guerre contre l’Allemagne, l’Angleterre et la France
ont aidé la Finlande, et ont même prévu
d’y envoyer des hommes combattre à ses côtés, alors que celle-ci était une
alliée de l’Allemagne contre l’Union soviétique, qui elle se battait contre
l’Allemagne.
De tout cela, on peut déduire que l’URSS a
été le seul pays à avoir agi non seulement honorablement mais aussi
intelligemment au cours de la Seconde Guerre mondiale. L’Union soviétique a
sauvé l’Europe du nazisme.»
L'UE, c'est ça !! |
Par Ekaterina Blinova – Le 1er octobre 2015
– Source sputniknews
Traduit par Wayan, relu par jj et Diane pour le SakerFrancophone
Titre original : Les Accords de Munich- Le dessous des cartes