Les gouvernements américain et britannique lancent une
nouvelle campagne de presse pour diaboliser la Russie, avec de grandes
déclarations selon lesquelles le Kremlin infiltre des partis politiques
et des médias d’information. L’ignoble but des Russes, nous dit-on, est
de détruire l’Union européenne.
Nous avons déjà vu des versions de cette tactique de la peur à propos de l’Ukraine et de Poutine le nouvel Hitler.
Mais ce que qu’illustre cet exercice à faire bâiller d’ennui est que le
vieux sortilège agité par leurs dirigeants n’agit plus sur le public
occidental. L’opium de la propagande occidentale est périmé.
Peu importe la Russie. L’UE n’a personne d’autre à blâmer sinon
elle-même pour ses tensions et difficultés présentes, dues à sa lâche
soumission à la politique irresponsable de Washington.
Vingt-cinq ans après la fin de la Guerre froide et la dissolution de
l’Union soviétique, Washington et son fidèle acolyte de Londres
cherchent désespérément à revenir en arrière, au bon vieux temps où ils pouvaient contrôler leur opinion publique avec des histoires cauchemardesques.
Rappelez-vous ces bons vieux croquemitaines de Rouges sous le lit, la menace rouge, l’Empire du mal,
et toute cette sorte de choses, lorsque les autorités occidentales
mobilisaient leurs populations par la peur et l’appréhension que «les Russes arrivent» [avec le couteau entre les dents, NdT].
Si on regarde en arrière aujourd’hui, il semble incroyable que ce
lavage de cerveau occidental ait réussi avec de telles tactiques
d’épouvante. À l’époque, il fonctionnait très bien. Cela a permis aux
États-Unis et à leurs alliés de l’Otan de construire un immense arsenal
d’armes nucléaires capables de réduire plusieurs fois la planète en
cendres ; cela a permis en particulier aux États-Unis d’intervenir
militairement dans des douzaines de pays dans le monde, de renverser
leurs gouvernements et d’y imposer des dictatures brutales – sous le
prétexte de défendre le monde libre contre les méchants Russes.
La semaine dernière, nous avons eu un remake de la recette de lavage de cerveau de la Guerre froide. Le Daily Telegraph britannique, un fourrier notoire de la guerre psychologique, a publié un reportage décrivant la Russie et le président Vladimir Poutine comme un spectre malfaisant qui tente de briser l’unité européenne en «finançant des partis politiques» et en tentant une «déstabilisation soutenue par Moscou».
Le journal, appelé par dérision le Torygraph en raison de
ses liens profonds avec l’establishment politique de droite en
Grande-Bretagne, citait anonymement des responsables du gouvernement
disant :
«C’est vraiment une nouvelle Guerre froide, là. Juste en face de l’UE, nous voyons une preuve alarmante des efforts russes pour défaire le tissu de l’unité européenne sur toute une série de questions stratégiques vitales.»
Le même article déclarait que le Congrès américain avait ordonné à
James Clapper, le directeur du service de renseignement national
étasunien, de «procéder à un examen approfondi du financement
clandestin par les Russes des partis européens au cours de ces dix
dernières années».
Les partis politiques européens soupçonnés de prétendues
manipulations par les Russes incluent le Parti travailliste britannique
sous Jeremy Corbyn, Le Front national dirigé par Marine Le Pen en
France, ainsi que d’autres partis aux Pays-Bas, en Hongrie, en Italie,
en Autriche et en Grèce, selon le Daily Telegraph.
Pas une ombre de preuve n’est apportée à l’appui de l’histoire de la supposée conspiration russe pour déstabiliser la politique européenne. Typiques de la vieille propagande occidentale de la Guerre froide déguisée en informations,
les accusations portées contre le gouvernement russe reposaient sur des
insinuations, des préjugés et la diabolisation. La Russie et son
dirigeant Vladimir Poutine sont malfaisants, parce que… eh bien, euh, parce que nous disons qu’ils sont malfaisants.
Ce qu’il se passe réellement ici est que les coutures de l’Union
européenne craquent à cause du nombre massif de citoyens ordinaires
extrêmement déçus de sa monstruosité antidémocratique. Cette
désaffection à l’égard de l’UE concerne les électeurs des partis de
droite comme de gauche.
Les politiques économiques d’austérité impitoyables, qui accroissent le chômage et la pauvreté, et les coupes draconiennes dans les services publics – tandis que les banques, les bénéfices des entreprises et une minorité de riches deviennent toujours plus riches – ont aliéné de larges couches de la population parmi les 500 millions de personnes qui composent l’UE.
Les dirigeants politiques de l’UE, qu’ils s’intitulent conservateurs,
libéraux, socialistes ou autre, se sont montrés impuissants à
apporter davantage de politiques démocratiques et à répondre aux besoins
des gens. Aux yeux de beaucoup d’Européens, les partis politiques
établis sont tous les mêmes, tous suivent servilement une forme de
bien-être capitaliste au profit des super-riches déjà bien gavés.
Une grande partie du problème vient de ce que l’Union européenne n’a
manifesté aucune indépendance à l’égard de Washington. Les gouvernements
européens, sous le harnais de l’Otan, l’alliance militaire dirigée par
les Américains, ont aveuglément rejoint les États-Unis dans leurs
guerres désastreuses et illégales pour obtenir des changements de régime
en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie. Ces guerres se sont à
leur tour retournées contre l’Europe en lui léguant la pire crise des
réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale.
Aggravant encore la difficulté, il y a l’impasse totalement inutile
et futile entre la Russie et l’Europe à propos de la crise en Ukraine.
Les agriculteurs, les entreprises et les travailleurs européens
souffrent à cause de Washington et de la politique de Bruxelles qui a
déstabilisé l’Ukraine afin d’isoler la Russie au profit d’un certain
agenda politique. Sur ce point, les gouvernements européens sont
particulièrement exécrables, puisqu’il devrait être clair que Washington
veut isoler la Russie avec le seul objectif de la remplacer comme
fournisseur principal d’énergie du continent. C’est ce qu’on appelle se
tirer une balle dans le pied.
Étant données toutes ces composantes du problème, il n’est pas
étonnant que les citoyens européens soient mécontents de ce qu’on
appelle leurs dirigeants politiques. Le mépris populaire pour Bruxelles a
atteint des niveaux record, et à juste titre.
La pathétique déférence servile à l’égard des politiques économique
et étrangère de Washington se manifeste sous la forme de protestations
et de dissidence à l’égard du projet européen dans son entier. La montée
de la droite en Pologne, où le parti nationaliste est au pouvoir, est
un autre signe des temps.
Mais plutôt que de se mettre à l’écoute du mécontentement généralisé à travers l’Europe, ce que tentent Washington et ses alliés pro-atlantistes comme la Grande-Bretagne est de faire de la Russie un bouc émissaire.
L’ironie de la chose est que Washington et Londres cherchent à lui
imputer les misères et la désunion croissantes en Europe. Alors que
c’est Washington et Londres qui sont les raisons principales pour
lesquelles l’Europe part en lambeaux.
À cette fin, les États-Unis et la Grande-Bretagne relancent les
vieilles épithètes de la Guerre froide pour diaboliser la Russie, comme
moyen de détourner l’attention de leur propre influence malfaisante et
destructrice sur le reste de l’Europe.
Il y a des décennies, la diffamation antirusse a pu agir sur le
public. En particulier lorsque des agences de presse occidentales et
leurs journalistes infiltrés par la CIA et le MI6 jouissaient d’un
monopole efficace sur l’opinion publique. Mais ces temps sont révolus.
Le public occidental n’est plus sous l’emprise des histoires effrayantes
comme le seraient de petits enfants. Il y a beaucoup de sources
d’information alternatives à leur disposition qui leur permettent de se
faire une image plus précise.
Et cette image précise des problèmes de l’Europe n’a rien à voir avec
de prétendus méfaits russes. La malfaisance est plutôt abondamment
attribuée à Washington et à ses gouvernements européens laquais.
La tentative de remake de la peur rouge par Washington et
Londres peut facilement être écartée. Mais l’intéressant est que cela
manifeste profondément combien ces deux acteurs sont à court d’idées de
propagande avec laquelle distraire les populations occidentales de plus
en plus inquiètes et en colère.
Les gens veulent des solutions réelles pour surmonter les problèmes
sociaux et économiques, et non d’idiotes histoires à faire peur,
périmées depuis des dizaines d’années. Plus l’opinion publique
occidentale se sent insultée par un tel non-sens, plus elle méprise ses
dirigeants. Les puissances capitalistes occidentales, en déroute et
impuissantes, sont dans un cul-de-sac. Allez-y, pointez-vous, on vous
attend !
Finian Cunningham
Traduit par Diane, vérifié par jj, relu par Diane pour le Saker francophone
http://lesakerfrancophone.fr/la-peur-des-rouges-ca-marche-plus
http://lesakerfrancophone.fr/la-peur-des-rouges-ca-marche-plus
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