Ce sont les
États-Unis qui ont cédé et qui sont revenus sur leur position (indéfendable)
selon laquelle l’Iran n’avait pas le droit d’enrichir de l’uranium. C’est cette
concession des États-Unis – et non pas les sanctions – qui a ramené l’Iran à la
table des négociations et qui a permis de mettre fin au conflit sur le
programme nucléaire de l’Iran.
Des gens qui
croient avoir tout compris disent que la mise en œuvre de l’accord sur le
nucléaire iranien montre que «les sanctions ont marché». Par exemple Doug
Saunders.
DougSaunders@Doug
Saunders
Le paradoxe
iranien: cette semaine a prouvé que les sanctions marchent. C’était donc la
pire semaine que le Congrès des États-Unis pouvait choisir pour imposer de
nouvelles sanctions
10h42 – 17
janvier 2016
C’est
complètement faux. Les sanctions n’ont pas marché en ce qui concerne le
problème nucléaire avec l’Iran. Les sanctions ne marcheront pas davantage
contre le programme de missiles balistiques de l’Iran.
D’autres
auteurs ont déjà expliqué cela en détail, mais il faut y revenir.
L’Iran
considère, et a toujours considéré, le développement d’un programme nucléaire
civil pour l’électricité et autres choses, comme le seul moyen de devenir un
État moderne entièrement développé. Les États-Unis et Israël ont voulu l’en
empêcher. Israël considère l’Iran comme une puissance concurrente au
Moyen-Orient et les États-Unis pensent que l’Iran est trop indépendant et trop
puissant pour le laisser faire ce qu’il veut. Ces deux pays veulent limiter le
développement de l’Iran, tant que l’Iran n’accepte pas de redevenir
l’État-client qu’il était autrefois.
Le vecteur
idéal pour faire pression sur l’Iran était son programme nucléaire et ils ont
affirmé que «l’Iran n’avait pas le droit de disposer d’uranium enrichi». Cette affirmation n’avait aucune valeur juridique car tout État a le droit
naturel d’utiliser ses ressources comme il l’entend, mais les États-Unis se
sont donné beaucoup de mal pour essayer d’imposer cette vision des choses.
S’ils y étaient parvenus, cela leur aurait donné un droit de veto sur la
manière dont l’Iran, et d’autres pays, géraient ou utilisaient leurs ressources
naturelles.
C’est la
résistance iranienne à la volonté des États-Unis d’imposer cette donnée qui a
fait durer le conflit plus de 10 ans. Après les premières affirmations
(fausses) selon lesquelles l’Iran développait des armes nucléaires, il y a eu
des négociations qui ont fait des progrès rapides. L’Iran était disposé à
restreindre ses activités et à autoriser une inspection complète de son
programme nucléaire. Mais c’est l’affirmation étasunienne qu’il n’avait «pas
droit à l’enrichissement» qui a empêché toute solution. Le négociateur
britannique Peter Jenkins écrit:
Comme j’ai
fait partie de l’équipe de négociation anglo-iranienne en 2004 et 2005 sur le
nucléaire, je sais qu’en mars 2005, le président Hassan Rouhani et le ministre
Javad Zarif, qui avaient alors des fonctions différentes, étaient prêts à
sceller un accord très similaire, pour l’essentiel, à l’JCPOA.
A cette
époque, l’Iran avait seulement quelques centrifugeuses expérimentales et peu
d’uranium enrichi.
Mais les
États-Unis ont voulu à toute force imposer l’idée que l’Iran n’avait pas le
droit d’enrichir de l’uranium et cela a sonné le glas des négociations. Les
sanctions ont suivi et l’Iran a réagi en développant ses capacités
d’enrichissement. Plusieurs rounds de sanctions se sont succédés et l’Iran a
répondu à chaque fois en augmentant davantage ses capacités. Après le dernier
round de sanctions, l’Iran a annoncé qu’il allait fabriquer de l’uranium
fortement enrichi pour construire des sous-marins nucléaires.
C’est à ce
moment que les États-Unis ont finalement compris qu’ils n’arriveraient pas à
augmenter assez les sanctions internationales pour stopper le programme
nucléaire de l’Iran. Cela leur laissait deux possibilités : une violente
agression militaire très coûteuse contre l’Iran suivie d’une longue occupation,
scénario dont le peuple américain ne voulait absolument pas, ou des
négociations et des concessions pour régler la question.
Un nouveau
round de négociations a commencé en novembre 2013 et au cœur des discussions,
il y avait toujours le droit de l’Iran à
l’enrichissement:
La question
de savoir si l’Iran a ou non le droit d’enrichir de l’uranium au regard du
droit international est au cœur du différend vieux de dix ans sur son programme
nucléaire et a compliqué la tâche de la diplomatie pour trouver une solution.
Les
officiels iraniens ont clairement dit vendredi, le troisième jour des
pourparlers de Genève, que le droit de l’État islamique d’enrichir l’uranium
devait faire partie de tout accord provisoire visant à freiner son activité
atomique en échange d’un allégement des sanctions.
[…]
Les
États-Unis affirment qu’aucun pays n’a ce droit explicite aux termes du Traité
de non-prolifération (TNP), le Pacte mondial conclu en 1970 pour empêcher la
prolifération de bombes atomiques.
Au cours de
ces négociations, en 2013, les États-Unis ont finalement cédé et quelques jours
plus tard, un accord préliminaire était conclu:
L’accord
nucléaire initial conclu avec l’Iran, pendant le week-end, stipule clairement
que la deuxième étape – ou solution globale – «comprendra un programme
d’enrichissement défini conjointement avec des limites pratiques».
Le libellé
permet à Téhéran d’affirmer que les États-Unis et cinq autres puissances
impliquées dans les négociations ont accepté que l’accord final, qui doit se
faire dans les six mois, laisse l’Iran avec un programme d’enrichissement
d’uranium à usage interne.
L’Iran a
interprété cela comme la reconnaissance de son droit à enrichir de l’uranium.
Une fois cette question clé résolue, la suite des négociations a porté sur
diverses concessions mutuelles secondaires.
Comme on l’a
appris seulement par la suite, les États-Unis avaient renoncé à imposer la
clause «pas droit à l’enrichissement» même avant les négociations de novembre
2013:
Les relations
diplomatiques secrètes américano-iraniennes, qui ont contribué à faire avancer
l’accord nucléaire intérimaire l’an dernier, ont démarré après qu’un message du
président américain Barack Obama a été transmis à l’Iran. Les États-Unis
seraient prêts à accepter un programme limité d’enrichissement iranien à usage
interne dans le cadre d’un accord nucléaire dans lequel l’Iran prendrait
des mesures concrètes et vérifiables pour garantir au monde entier que son
programme nucléaire resterait exclusivement pacifique.
[…]
Le message
d’Obama qu’il serait prêt à accepter un programme d’enrichissement iranien
limité dans un accord par ailleurs acceptable a été transmis à l’Iran lors
d’une réunion secrète à Oman en mars 2013, par une délégation américaine
conduite par le secrétaire d’État adjoint Bill Burns. Celle-ci comprenait
également Jake Sullivan, aujourd’hui conseiller à la sécurité nationale du
vice-président Joe Biden, ainsi qu’Einhorn et Puneet Talwar, le conseiller sur
l’Iran de la Maison Blanche.
Ce sont les
États-Unis qui ont cédé et qui sont revenus sur leur position (indéfendable)
selon laquelle l’Iran n’avait pas le droit d’enrichir de l’uranium. C’est cette
concession des États-Unis – et non pas les sanctions – qui a ramené l’Iran à la
table des négociations et qui a permis de mettre fin au conflit sur le
programme nucléaire de l’Iran.
Le 18 janvier 2016 – Source Moon of Alabama
http://lesakerfrancophone.fr/
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