Selon un ancien employé du Département d'Etat US, les
islamistes entraînés par la CIA et munis de faux visas américains sont
ceux-là mêmes qui ont formé le noyau de la nébuleuse terroriste Al-Qaïda
et plus tard de Daech (EI).
Les islamistes formés par la
CIA pour lutter contre les troupes soviétiques en Afghanistan ont par
la suite été munis de faux visas américains et transférés dans les
Balkans, en Irak, en Libye et en Syrie, a déclaré à Sputnik Mike
Springmann, auteur du livre "Visas pour al-Qaïda" et ancien employé du
service consulaire américain en Arabie saoudite de 1987 à 1989.
Il a dit avoir surnommé ces visas spécifiques de "passe-partout pour les agents de la CIA".
"Un
jour, Eric Qualkenbush, responsable de la CIA en poste à Djeddah, m'a
interpellé alors que je me promenais dans la cour du consulat américain.
Il avait un service à me demander. Il m'a prié de délivrer un visa à
l'un de ses agents, un Iranien dont la famille possédait un magasin de
tapis orientaux (…). +Nous avons besoin de ses consultations à
Washington+, a-t-il dit", a indiqué M.Springmann à Sputnik.
Il a
en outre dit avoir reçu quotidiennement des consignes concernant
l'octroi de visas de la part de Jay Freres, consul général des
Etats-Unis en Arabie saoudite. Selon M.Springmann, il s'agissait de
personnes dont il aurait dû rejeter les demandes conformément à la loi
et aux normes américaines. Certains demandeurs de visas menaçaient de se
plaindre auprès de M.Freres si leur demande était rejetée.
La
plupart de ces personnes étaient, d'après M.Springmann, des "types
douteux" qui ont obtenu des visas et se sont rendus aux Etats-Unis pour y
prendre notamment des cours d'entraînement. Les responsables américains
qui ont réglé leurs papiers ont ainsi violé l'Acte sur l'immigration et
la citoyenneté et beaucoup d'autres normes formulées par le Département
d'Etat.
En tant que personne chargée de veiller au respect des
lois américaines relatives à l'immigration, M.Springmann s'est opposé à
ces dérogations aux normes, en vain.
M.Springmann a enfin compris que sa mission principale à Djeddah était d'accorder des visas aux étrangers recrutés par la CIA.
"J'ai
enfin compris avec consternation que les demandeurs de visas étaient
des recrues pour la guerre en Afghanistan contre les troupes
soviétiques. Plus tard, ces combattants entraînés aux Etats-Unis sont
allés sur d'autres champs de bataille: en Yougoslavie, en Irak, en Libye
et en Syrie", a-t-il révélé.
La réponse est simple et cynique: la
CIA se tenait à l'écart de ces manipulations de papiers douteuses pour
en rejeter la responsabilité sur de simples clercs si l'affaire devait
être rendue publique. Si l'employé remplissait les papiers nécessaires
sans poser trop de questions, il gardait son poste. S'il respectait la
loi à la lettre et s'opposait à la délivrance des visas aux personnes
n'ayant pas le droit d'entrer aux Etats-Unis, il risquait d'être limogé
pour incompétence.
"Mon nom figurait sur les visas et j'étais donc personnellement responsable de ces actes", déplore M.Springmann.
"Un
officier a exigé d'accorder un visa à un réfugié soudanais sans emploi
résidant en Arabie saoudite. J'ai refusé conformément à la loi. Elle
s'est adressée à Justice (Stevens) et le visa a été délivré. J'ai plus
tard demandé à Justice pourquoi il avait permis d'accorder un visa à une
personne sans liens avec le Soudan ou l'Arabie saoudite, il a répondu
simplement +sécurité nationale+", a noté M.Springmann.
"Ce n'était
pas une simple fraude au visa, mais quelque chose de plus sérieux: +un
programme de visas pour terroristes+ mis en place pour recruter et
entraîner aux Etats-Unis des assassins, des criminels de guerre et des
violateurs des droits de l'homme (…). Ces hommes sont devenus les
membres fondateurs d'Al-Qaïda", a estimé Joe Trentko, journaliste au
Public Education Center de Washington, lors d'une rencontre avec
M.Springmann.
"Les agents secrets américains ont recruté et formé
ceux qui étaient alors des moudjahidines avant de devenir Al-Qaïda et
l’Etat islamique (Daech). J'ai vu leurs débuts à Djeddah sans le savoir.
Nous avons tous vu plus tard ce qui arrive lorsque les services de
renseignement contrôlent la politique étrangère et la diplomatie: les
gens qu'ils ont recruté ont œuvré pour l'éclatement de la Yougoslavie,
la destruction de l'Irak, l'effondrement de la Libye et la guerre en
Syrie", a conclu M.Springmann.
Un récent article paru dans le journal américain The New York Times confirme les révélations de M.Springmann.
Selon
le journal, la CIA collabore depuis des années avec l'Arabie saoudite,
qui a versé autant de fonds que les Etats-Unis aux moudjahidines afghans
à l'époque où ils combattaient les troupes soviétiques. Les fonds
transitaient par des comptes de la CIA en Suisse dans le cadre du
programme Al-Yamamah de 1985. Ce programme a permis aux Britanniques et
aux Saoudiens d'échanger du pétrole contre des armes et de créer des
comptes offshore clandestins pour financer et armer des rebelles dans
plusieurs pays et notamment la guerre en Afghanistan. Le programme
d'armement de rebelles syriens, approuvée par le président Barack Obama
en 2013, est le plus récent résultat de cette coopération.
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