Remarque : Cet article est édité par
Reuters, agence de presse occidentale, et non pas par Sputnik News. Il ne peut
donc pas être classé dans la case propagande russe. Il n’en est que plus
révélateur de la situation sur le terrain syrien.
Après
trois mois d’intervention militaire en Syrie, le président russe
Vladimir Poutine a atteint son principal objectif de stabilisation du
gouvernement Assad et, grâce à son coût relativement faible, pourrait
continuer à soutenir de telles opérations, selon des militaires et des
analystes américains.
Cette constatation est en
contradiction avec les déclarations publiques du président Barack Obama
et de ses principaux conseillers affirmant que Poutine s’est lancé dans
une mission de soutien au président syrien très mal planifiée, qu’il
aura des difficultés à financer et qui risque donc fort d’échouer.
«Je
pense qu’il est indéniable que le régime d’Assad, grâce à l’aide
militaire russe, est probablement en meilleur posture qu’il ne l’était
précédemment», déclare un responsable de la hiérarchie administrative ayant requis l’anonymat. Cinq autres officiels interrogés par Reuters sont d’accord avec le point de vue que la mission russe est couronnée de succès et ceci à un coût relativement bas.
Ces
officiels américains font aussi remarquer que Poutine risque de se
retrouver confronté à de sérieux problèmes s’il reste trop longtemps
impliqué dans cette guerre civile, qui dure depuis plus de quatre ans.
Depuis
le début de sa campagne militaire, le 30 septembre, la Russie a subi un
nombre minimal de pertes et, malgré ses problèmes budgétaires
domestiques, couvre facilement le coût d’une opération que les analystes
estiment à 1 à 2 milliards par an. Cette guerre est financée par le
budget de défense habituel qui tourne autour de 54 milliards par an,
nous révèle un responsable des renseignements américains.
Selon
ces analystes, les dépenses sont contenues grâce à la baisse des prix du
pétrole qui, même si elle touche l’économie globale du pays, a aidé le
budget de défense à rester bas en réduisant les coûts en essence des
avions et bateaux impliqués dans le conflit. L’utilisation d’un stock de
bombes conventionnelles datant de l’ère soviétique a aussi permis de
contenir ce budget.
Poutine a assuré que son intervention est
destinée à stabiliser le gouvernement Assad et à l’aider dans son combat
contre EI, même si les dirigeants occidentaux et les groupes
d’opposition syriens affirment que ses bombardements ont surtout ciblé
les rebelles modérés.
Les Syriens et les Iraniens, partenaires de la Russie, sont parvenus à regagner quelques territoires au sol.
Mais
l’intervention de Poutine a bloqué la dynamique de l’opposition,
permettant aux forces pro-Assad de reprendre l’initiative. Avant
l’intervention russe, les responsables américains et occidentaux
disaient que le gouvernement d’Assad semblait de plus en plus menacé.
Plutôt
que de repousser l’opposition, la Russie peut plutôt choisir de
renforcer la mainmise d’Assad sur les centres peuplés que forme la
minorité alaouite, nous dit ce responsable des services de
renseignement.
La Russie profite de cette opération militaire pour
tester ses nouvelles armes en situation réelle de bataille et utiliser
ces données pour les intégrer dans sa stratégie. Elle affine son
utilisation des drones de surveillance, ajoute cet officiel.
«Les Russes n’y sont pas allés à l’aveuglette, ils retirent quelques bénéfices de cet investissement militaire», constate-t-il.
Un bourbier ?
De
plus, l’intervention russe lui a permis de renforcer sa présence à la
table des négociations. Ces dernières semaines, Washington a travaillé
de manière plus étroite avec la Russie, cherchant un règlement à ce
conflit et en faisant marche arrière sur son refus qu’Assad puisse
prendre part à la transition politique.
Obama a encore récemment
suggéré que Moscou était embourbée dans cette aventure à l’étranger qui
va vider ses caisses et affaiblir son armée.
«Cette tentative
de la part de la Russie et de l’Iran de renforcer Assad et de pacifier
la population va se terminer dans un bourbier et ne marchera pas», a déclaré Obama le 2 octobre dernier.
Le 1er décembre, il voyait la Russie «complètement coincée au milieu d’une guerre civile paralysée et sans issue.»
Le haut fonctionnaire américain ne voit aucune contradiction entre ses dires et les déclarations d’Obama.
«Je pense que le président a été… Cela ne marchera pas sur le long terme», dit il. Les Russes «se sont retrouvés coincés dans une guerre civile de telle façon qu’il va être extrêmement difficile pour eux d’en sortir.»
Les
officiels américains n’ont pas publiquement décrit quel genre de
bourbier cela pourrait devenir pour la Russie. Mais Obama a parlé de la
désastreuse occupation soviétique de l’Afghanistan en 1979.
Les
responsables américains ont souligné que la présence militaire russe est
relativement légère. Elle comprend des facilités portuaires à long
terme à Tartous, une importante base aérienne à Lattaquié, une autre en
train de se mettre en place près de Homs et quelques autres postes de
moindre importance.
Le nombre du personnel militaire russe en
Syrie est estimé à 5 000, dont les pilotes, le personnel au sol, les
hommes du renseignement, les unités de protection des bases russes et
les conseillers auprès des forces syriennes.
La Russie a perdu un
avion de ligne dans un attentat, au dessus de l’Égypte qui a fait 224
morts, revendiqué par EI. Un avion de chasse Su-24 a aussi été abattu
par la Turquie. De même, elle est alliée à une armée syrienne
complètement épuisée, en manque d’hommes et faisant face à des rebelles
soutenus par les États-Unis et utilisant des missiles anti-tanks.
«Ça va être un sacré boulot», nous dit le responsable des renseignements, ajoutant qu’en terme d’avancées sur le terrain «les Russes n’ont pas atteint ce qu’ils espéraient.»
Les
pertes humaines sont encore minimes pour les Russes avec,
officiellement, trois morts. Les estimations américaines tournent autour
de 30 pertes russes en tout.
Vasily Kashin, un analyste du Centre
d’analyse stratégique et technologique basé à Moscou, soutient que
cette guerre ne soumet pas la Russie à un stress financier.
«Toutes
les données disponibles montrent que le niveau actuel de l’effort
militaire est insignifiant pour l’économie et le budget russes, dit-il. Il peut être maintenu au même niveau pendant des années.»