jeudi 7 janvier 2016

Diagnostic américain sur l’intervention russe en Syrie : objectifs atteints

Remarque : Cet article est édité par Reuters, agence de presse occidentale, et non pas par Sputnik News. Il ne peut donc pas être classé dans la case propagande russe. Il n’en est que plus révélateur de la situation sur le terrain syrien.
Après trois mois d’intervention militaire en Syrie, le président russe Vladimir Poutine a atteint son principal objectif de stabilisation du gouvernement Assad et, grâce à son coût relativement faible, pourrait continuer à soutenir de telles opérations, selon des militaires et des analystes américains.



Le diagnostic américain non officiel sur l’intervention russe en Syrie
Cette constatation est en contradiction avec les déclarations publiques du président Barack Obama et de ses principaux conseillers affirmant que Poutine s’est lancé dans une mission de soutien au président syrien très mal planifiée, qu’il aura des difficultés à financer et qui risque donc fort d’échouer.
«Je pense qu’il est indéniable que le régime d’Assad, grâce à l’aide militaire russe, est probablement en meilleur posture qu’il ne l’était précédemment», déclare un responsable de la hiérarchie administrative ayant requis l’anonymat. Cinq autres officiels interrogés par Reuters sont d’accord avec le point de vue que la mission russe est couronnée de succès et ceci à un coût relativement bas.
Ces officiels américains font aussi remarquer que Poutine risque de se retrouver confronté à de sérieux problèmes s’il reste trop longtemps impliqué dans cette guerre civile, qui dure depuis plus de quatre ans.
Depuis le début de sa campagne militaire, le 30 septembre, la Russie a subi un nombre minimal de pertes et, malgré ses problèmes budgétaires domestiques, couvre facilement le coût d’une opération que les analystes estiment à 1 à 2 milliards par an. Cette guerre est financée par le budget de défense habituel qui tourne autour de 54 milliards par an, nous révèle un responsable des renseignements américains.
Selon ces analystes, les dépenses sont contenues grâce à la baisse des prix du pétrole qui, même si elle touche l’économie globale du pays, a aidé le budget de défense à rester bas en réduisant les coûts en essence des avions et bateaux impliqués dans le conflit. L’utilisation d’un stock de bombes conventionnelles datant de l’ère soviétique a aussi permis de contenir ce budget.
Poutine a assuré que son intervention est destinée à stabiliser le gouvernement Assad et à l’aider dans son combat contre EI, même si les dirigeants occidentaux et les groupes d’opposition syriens affirment que ses bombardements ont surtout ciblé les rebelles modérés.
Les Syriens et les Iraniens, partenaires de la Russie, sont parvenus à regagner quelques territoires au sol.
Mais l’intervention de Poutine a bloqué la dynamique de l’opposition, permettant aux forces pro-Assad de reprendre l’initiative. Avant l’intervention russe, les responsables américains et occidentaux disaient que le gouvernement d’Assad semblait de plus en plus menacé.
Plutôt que de repousser l’opposition, la Russie peut plutôt choisir de renforcer la mainmise d’Assad sur les centres peuplés que forme la minorité alaouite, nous dit ce responsable des services de renseignement.
La Russie profite de cette opération militaire pour tester ses nouvelles armes en situation réelle de bataille et utiliser ces données pour les intégrer dans sa stratégie. Elle affine son utilisation des drones de surveillance, ajoute cet officiel.
«Les Russes n’y sont pas allés à l’aveuglette, ils retirent quelques bénéfices de cet investissement militaire», constate-t-il.

Un bourbier ?

De plus, l’intervention russe lui a permis de renforcer sa présence à la table des négociations. Ces dernières semaines, Washington a travaillé de manière plus étroite avec la Russie, cherchant un règlement à ce conflit et en faisant marche arrière sur son refus qu’Assad puisse prendre part à la transition politique.
Obama a encore récemment suggéré que Moscou était embourbée dans cette aventure à l’étranger qui va vider ses caisses et affaiblir son armée.
«Cette tentative de la part de la Russie et de l’Iran de renforcer Assad et de pacifier la population va se terminer dans un bourbier et ne marchera pas», a déclaré Obama le 2 octobre dernier.
Le 1er décembre, il voyait la Russie «complètement coincée au milieu d’une guerre civile paralysée et sans issue.»
Le haut fonctionnaire américain ne voit aucune contradiction entre ses dires et les déclarations d’Obama.
«Je pense que le président a été… Cela ne marchera pas sur le long terme», dit il. Les Russes «se sont retrouvés coincés dans une guerre civile de telle façon qu’il va être extrêmement difficile pour eux d’en sortir.»
Les officiels américains n’ont pas publiquement décrit quel genre de bourbier cela pourrait devenir pour la Russie. Mais Obama a parlé de la désastreuse occupation soviétique de l’Afghanistan en 1979.
Les responsables américains ont souligné que la présence militaire russe est relativement légère. Elle comprend des facilités portuaires à long terme à Tartous, une importante base aérienne à Lattaquié, une autre en train de se mettre en place près de Homs et quelques autres postes de moindre importance.
Le nombre du personnel militaire russe en Syrie est estimé à 5 000, dont les pilotes, le personnel au sol, les hommes du renseignement, les unités de protection des bases russes et les conseillers auprès des forces syriennes.
La Russie a perdu un avion de ligne dans un attentat, au dessus de l’Égypte qui a fait 224 morts, revendiqué par EI. Un avion de chasse Su-24 a aussi été abattu par la Turquie. De même, elle est alliée à une armée syrienne complètement épuisée, en manque d’hommes et faisant face à des rebelles soutenus par les États-Unis et utilisant des missiles anti-tanks.
«Ça va être un sacré boulot», nous dit le responsable des renseignements, ajoutant qu’en terme d’avancées sur le terrain «les Russes n’ont pas atteint ce qu’ils espéraient.»
Les pertes humaines sont encore minimes pour les Russes avec, officiellement, trois morts. Les estimations américaines tournent autour de 30 pertes russes en tout.
Vasily Kashin, un analyste du Centre d’analyse stratégique et technologique basé à Moscou, soutient que cette guerre ne soumet pas la Russie à un stress financier.
«Toutes les données disponibles montrent que le niveau actuel de l’effort militaire est insignifiant pour l’économie et le budget russes, dit-il. Il peut être maintenu au même niveau pendant des années.»
Par Jonathan Landay et Warren Strobel
 Le 28 décembre 2015 – Source Reuters.
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