Quel feu d'artifice, mes aïeux, ça part dans tous les sens...
Tandis que les infortunés barbus d'Alep ont, dans la foulée d'hier, perdu la moitié de leur enclave, Erdogan a lâché une véritable bombe : "Pourquoi sommes-nous entrés en Syrie ? Nous n'y avons pas d’intérêt territorial. Il s'agit de redonner la Syrie à ceux qui en sont les vrais propriétaires, de rétablir la justice. Nous sommes entrés en Syrie pour mettre fin au règne du tyran Assad."
Tandis que les infortunés barbus d'Alep ont, dans la foulée d'hier, perdu la moitié de leur enclave, Erdogan a lâché une véritable bombe : "Pourquoi sommes-nous entrés en Syrie ? Nous n'y avons pas d’intérêt territorial. Il s'agit de redonner la Syrie à ceux qui en sont les vrais propriétaires, de rétablir la justice. Nous sommes entrés en Syrie pour mettre fin au règne du tyran Assad."
Si le sultan
nous étonne souvent par son imprévisibilité et ses incessants revirements, il
vient de repousser toutes les limites, nous laissant sans voix.
Si ce qu'il
affirme est vrai, le timing est en effet désastreux. Pourquoi diable dit-il
cela maintenant, alors qu'Alep est en train de repasser entièrement dans le
giron loyaliste, que l'ASL turquisée a toutes les peines du monde devant Al
Bab, menacée sur ses flancs par les YPG kurdes et que son seul espoir serait
une alliance avec Damas pour empêcher la constitution d'un Kurdistan autonome ?
Erdogollum contredit ouvertement les déclarations apaisantes de son Premier
ministre, détruit la légitimité de l'opération turque, suscite la méfiance
définitive de tous. Qu'a-t-il à y gagner ? Un vrai mystère...
Les autres
explications - sauver la face, endormir la méfiance kurde pour mieux s'entendre
avec Assad etc. - se répartissent sur une échelle de probabilité pour le moins
aléatoire. Peut-être le sultan, piètre stratège, est-il tout simplement
incapable de tenir sa langue, provoquant des remous irréparables, au grand dam
de son entourage et de ses généraux.
Toujours
est-il que ça ne pouvait pas plus mal tomber. L'ASL pro-turque patine devant Al Bab et
voit avec horreur l'alliance entre les forces loyalistes et les Kurdes d'Efrin fondre sur elle après avoir
capturé le village stratégique d'Azraq (premier contact entre les
soldats syriens et turcs). Les Syro-kurdes sont maintenant à 4 kilomètres
seulement d'Al Bab :
La saillie
d'Erdogan a dû mettre Moscou dans un certain embarras et donner du grain à
moudre à ceux qui pensent que Poutine s'est un peu trop précipité pour renouer
avec Ankara. Certes, les Turcs ont fortement réduit leur soutien aux
"modérés", ce qui a sans doute facilité la marche victorieuse des
loyalistes à Alep. M'enfin, le sultan en a profité pour mener sa petite
incursion dans le nord syrien, qui eut été impossible sans la réconciliation russo-turque
de l'été. Bref, de quoi refroidir quelque peu l'ours qui ne se presse déjà pas pour
lever toutes les sanctions suite à l'incident du Sukhoï l'année dernière.
Pour
terminer sur la Syrie, notons le douloureux aveu de la mafia médiatique suite à
la libération de la moitié d'Alep-est. Les contorsions de la volaille sont
délicieuses, reconnaissant à demi-mot que les civils "bombardés-par-le-boucher-de-Damas-et-l'ogre-moscovite"
ont profité de la désorganisation des barbus pour se réfugier... dans les zones
gouvernementales ! La BBC ou l'imMonde en
ont encore les dents qui grincent...
En parlant
de retournement de veste, il convient d'évoquer l'inénarrable Juncker :
«L’Union européenne occupe un territoire de 5,5
millions de kilomètres carrés. La Russie, c’est 17,5 millions de kilomètres
carrés. Il faut traiter la Russie comme une grand ensemble et comme une
nation fière. La Russie n’est pas comme le disait le président Obama "un
pouvoir régional". Lourde erreur d’appréciation. Il n’y a pas
d’architecture sécuritaire en Europe sans la Russie, il faut le savoir (...)
L'Union européenne est très ignorante concernant la Russie (...) Les Etats-Unis
feront ce que les Etats-Unis voudront faire. Les Européens ont leurs propres
intérêts et leur propre champ d’actions à gérer».
Soyons
honnêtes, ce n'est pas la première fois que l'ami Jean-Claude tient ce genre de
propos, nous le relevions l'année dernière
:
« Nous devons faire des efforts en vue d'une relation
concrète avec la Russie. On ne peut pas continuer comme ça... L’influence des
États-Unis sur les relations de l'UE avec d'autres pays doit cesser. La Russie
doit être traité de façon décente... Nous ne pouvons pas laisser nos
relations avec la Russie être dictée par Washington ».
Au fond de
lui-même, l'eurocrator luxembourgeois ne doit pas être si russophobe que ça ;
il serait même un chouilla russophile que ça ne m'étonnerait pas. Mais quand on
dirige une institution obéissant au doigt et à l'oeil au système impérial US,
on n'a plus qu'un remède : la dive bouteille.
Dans la même
veine, mais en mode Brutus assumé, l'Australie fait fort. On a déjà vu que
Canberra ne s'embarrassait guère de scrupules
pour passer du TTP américain mort-né au traité de libre-échange de l'Empire du
milieu. Après la défaite de l'hilarante, le pays des kangourous cesse désormais ses dons à
la fondation Clinton. Mémé la tremblotte (expression d'un fidèle lecteur) a
décidément déçu beaucoup de monde...
En parlant
d'allégeance, petite parenthèse libyenne : le chef de l'armée, le général
Haftar, est venu solliciter l'aide de la Russie
pour lutter contre les djihadistes. Encore un pays "libéré" par le
camp du Bien universel mais qui préfère visiblement l'assistance de Moscou aux
belles paroles occidentales.
Mentionnons
enfin l'étonnant article du Financial
Times qui se demande le plus sérieusement du monde si l'establishment n'est
pas en train de vivre son "moment Marie-Antoinette". Le FT
dresse en effet un parallèle acerbe entre l'aveuglement du pouvoir dans la
France pré-révolutionnaire et l'actuelle inconscience têtue des élites
politico-économiques. Le lecteur du ce blog ne sera certes point surpris, mais
que ce genre d'interrogation ébranle maintenant jusqu'au plus grand journal
financier de la planète en dit long sur le degré de panique du système.
30 Novembre 2016
,
Rédigé par Observatus geopoliticus
Réponse mesurée mais ferme de Moscou au "derviche tourneur" Erdogan :
Moscou rappelle à Ankara que seule l'armée russe est légitimement déployée en Syrie
Alors que
Recep Tayyip Erdogan vient d’annoncer que l'armée turque était entrée sur le
sol syrien pour mettre un terme au mandat de Bachar el-Assad, le Kremlin
rappelle que la Russie est le seul pays dont les troupes sont autorisées à être
présentes dans le pays. « Nous sommes entrés (en Syrie, ndlr) pour en finir
avec le règne du tyran Assad », a déclaré hier à Istanbul le leader turc Recep
Tayyip Erdogan lors de son intervention au Symposium de la Plateforme
interparlementaire de Jérusalem.
Le Kremlin
espère toutefois qu'Ankara donnera des explications en la matière. « Cette
déclaration a eu lieu. La déclaration a été entendue partout dans le monde car
la Turquie est notre partenaire et nos chefs d'État ont un contact très intense
et confiant. Cette déclaration est tout à fait nouvelle. Voilà pourquoi nous
attendons avec impatience une explication de cette position avant de prendre
toute décision », a commenté Dimitri Peskov, le porte-parole de Vladimir
Poutine. Il a en outre ajouté que cette déclaration ne coïncidait pas avec les
propos précédents de la Turquie ainsi qu'avec la position de Moscou sur cette
question, en précisant que seules
les troupes russes étaient autorisées à être présentes dans le pays. « Cette
déclaration est discordante par rapport à notre compréhension de la situation,
comme État dont les forces armées sont les seules à se trouver légitimement sur
le territoire de la République arabe syrienne à la demande des autorités
légitimes, il est très important d'avoir cela en vue », a souligné le porte-parole
du numéro Un russe.
Depuis le 24
août, les militaires turcs mènent l'opération terrestre Bouclier de l'Euphrate
dans le nord de la Syrie qui vise à lutter contre le groupe terroriste Daech.
L'armée d'Erdogan a pris le contrôle de la ville frontalière de Jerablus, dans
le nord de la Syrie, et poursuit son offensive dans le sud-ouest du pays. Le
but de la mission, d'après M. Erdogan, est de chasser les terroristes de ce
territoire de 5.000 kilomètres carrés afin d'y créer des zone sécurisées pour
les réfugiés.
Hannibal GENSERIC