Barack Obama
vient de déclarer que la Russie est « un petit pays qui ne produit rien, qui
exporte du pétrole, du gaz et des armes … un pays qui n’innove pas ». La Russie
ne prétend pas à l’hégémonie sur le plan économique, en effet. Elle connaît
parfaitement ses limites. Mais elle ne vole pas le pétrole et le gaz des autres
pays en y fomentant la guerre civile, comme les Occidentaux l’ont fait en
Libye. Elle ne sème pas le chaos à l’étranger sous le prétexte hypocrite des
droits de l’homme. Elle n’envahit ou ne déstabilise aucun État souverain, elle
ne finance aucune organisation chargée d’y semer le trouble.
Elle intervient en
Syrie à la demande du gouvernement légal, et elle affronte les terroristes au
lieu de leur livrer des armes tout en prétendant les combattre.
Les Russes
ne sont pas les plus forts sur le plan militaire. Ils ne détiennent pas le
dixième de la capacité de projection extérieure des forces dont disposent les
USA. En pleine modernisation depuis une décennie, leur appareil militaire sert
à protéger l’immense territoire de la Fédération. Leur stratégie est défensive,
non offensive. Ils ont deux bases militaires à l’étranger, tandis que les USA
en ont 725. Les Russes ne se laissent pas marcher sur les pieds, mais ils ont
le sens de la mesure. C’est l’OTAN qui a relancé la course aux armements en
déployant un bouclier antimissile, et non la Russie. On l’accuse de menacer la
paix, mais son budget militaire (48 milliards) est inférieur à celui du Royaume-Uni
(53 milliards) et il représente 8% de celui des USA (622 milliards).
Mais si les
Russes ont des moyens modestes, ils savent les utiliser. Inutile d’employer des
forces colossales pour parvenir à ses fins, il suffit de le faire à bon
escient. En un mois, sans un coup de feu, la Crimée est revenue au giron de la
Mère-Patrie. Les Occidentaux vont devoir s’y faire. C’est définitif. Les Russes
ont aussi gagné la partie sur le théâtre syrien. En un an, l’intervention russe
a enrayé l’offensive des mercenaires sponsorisés par les puissances
occidentales et les pétromonarchies corrompues. Au terme d’une féroce bataille
de 30 jours, la libération d’Alep, deuxième ville de Syrie, ouvre la voie à la
restauration intégrale de la souveraineté syrienne.
Avec 5 000 hommes
et 70 avions, Moscou a fait basculer le rapport de forces. Il a déjoué les
plans du « changement de régime » conçu par Washington et déclenché en 2011 à
la faveur des « printemps arabes ».
Avec la déroute des bandes armées
d’obédience wahhabite, les apprenti-sorciers occidentaux viennent de recevoir
une dérouillée.
Elle explique sans doute l’amertume d’un président américain en
train de faire ses valises pour laisser la place à un successeur qui veut
reprendre le dialogue avec Moscou. Quelle claque ! A croire qu’il ne suffit pas
d’aligner les porte-avions sur les océans pour peser sur le cours des choses.
Les Occidentaux n’ont rien compris, ou rien voulu comprendre à ce qui se
passait en Syrie. Ces prédateurs arrogants ont perdu la partie.
Ce « petit pays
qui ne produit rien » aura administré une leçon d’humilité à des yankees qui se
prennent pour des génies de la géopolitique. Adossé à une Chine qui est la
puissance montante, il aura donné ses chances à l’instauration d’un monde
multipolaire. Les Américains croyaient mener le bal, et ils sont condamnés à
faire tapisserie. Il va falloir l’admettre. Si les Russes dament le pion aux Occidentaux, ce n’est
pas parce qu’ils sont plus forts. C’est surtout parce qu’ils sont plus
intelligents. Ils comprennent le monde qui les entoure avec
davantage de finesse. Ils captent mieux les inflexions du réel. Ils ont cette
acuité du regard qui repère le point de bascule, l’endroit et le moment où il
faut agir pour influer sur les événements. La supériorité russe n’est pas quantitative, elle est
qualitative. Il en coûte de sous-estimer le pays de Tolstoï et
Dostoïevski. Une culture millénaire lui a appris la patience. Une histoire
tragique lui a donné le sens des réalités.
C’est ce qui
manque le plus aux Américains. Barack Obama peut-il seulement comprendre ce qui
se passe ? Les USA, ce sont les moyens de la civilisation pris pour la
civilisation. Leur
expérience historique montre qu’un PIB colossal ne se monnaye pas toujours en
perspicacité. Aucune loi physique ne fait transfuser la puissance
matérielle, comme par enchantement, en intelligence stratégique. Les yankees se
croient supérieurs, et ce sentiment de supériorité les aveugle. Ils s’imaginent
que l’attrait de leur modèle culturel vaut approbation universelle. Ils pensent
que leur croyance en eux-mêmes est partagée par les autres. Quelle illusion ! Le « moment unipolaire »
inauguré par la chute de l’URSS n’est pas la « fin de l’histoire », mais une
parenthèse aujourd’hui refermée. Un petit pays qui ne produit rien
s’est chargé de cette fermeture à double tour.
18 Décembre
2016