lundi 6 juillet 2020

Rappel. La colonisation française de l'Algérie

La colonisation française commença à l'époque de Charles X (1757-1836), petit-fils de Louis XV et frère cadet de Louis XVI et de Louis XVIII. Devenu roi de France à la mort de Louis XVIII en 1824, Charles X imposa aussitôt une politique autoritaire, cléricale et conservatrice, ce qui ébranla la stabilité de son règne.
 La conquête de l’Algérie s'inscrivait dans une tentative de restaurer l'autorité royale remise en question dès 1827. Sous prétexte de se débarrasser des corsaires turcs dans la Méditerranée, Charles X prépara, à la mi-décembre de 1829, une expédition d'envergure en vue de conquérir l'Algérie soumise à la suzeraineté du sultan turc d'Istanbul depuis trois siècles, sous le nom de «Régence d'Alger». La France mit à contribution toute sa marine, avec l'accord des puissances européennes qui renouaient ainsi avec les grandes croisades chrétiennes contre les musulmans «infidèles».

Charles X choisit le comte Louis de Bourmont, ministre de la Guerre dans le gouvernement Polignac, qu'il nomma par ordonnance du 11 avril 1830 «commandant en chef de l'expédition en Afrique». Juste avant l'embarquement (le 10 mai), le général de Bourmont déclara solennellement à ses troupes:
La cause de la France est celle de  l'humanité. Montrez-vous dignes de votre belle mission. Qu'aucun excès ne ternisse l'éclat de vos exploits; terribles dans le combat, soyez justes et humains après la victoire...  Rendant la guerre moins longue et moins sanglante, vous remplirez les vœux d'un souverain aussi avare du sang de ses sujets que jaloux de l'honneur de la France.
C'est souvent par de beaux discours du genre qu'on tente de justifier la plupart des conquêtes militaires.
1 Les forces d'occupation

Les troupes françaises, formées de quelque 37.000 soldats et de 27.000 marins, répartis dans 675 bâtiments, débarquèrent, le 14 juin 1830, dans la presqu'île algérienne de Sidi-Ferruch à 25 km à l'ouest d'Alger. De là, le général de Bourmont marcha sur la capitale qu'il fit bombarder jusqu'à la capitulation du dey, le 5 juillet. L'expédition coûta 48 millions de francs (env. six millions d'euros à l'époque) à la France, en plus des quelque 500 morts et 2000 blessés. En débarquant à Alger, les Français chassèrent aussitôt les Turcs, mais beaucoup de chefs locaux prirent les armes parce qu'ils n'acceptaient pas cette incursion chrétienne en terre d'islam. À la suite de leur victoire, les militaires français se livrèrent au pillage d'Alger, oubliant leurs vœux et l'honneur de la France.
En France, l'occupation de la ville fut accueillie avec une certaine indifférence. Le roi Charles X fut renversé quelques semaines plus tard. Louis-Philippe, qui lui succéda, conserva quelques troupes à Alger et se limita à une occupation restreinte du littoral afin de pas donner l'impression de céder à la Grande-Bretagne qui exigeait le retrait de la France. Pendant cinq ans, les Français se contentèrent d'occuper Alger et ses environs, puis Oran, Mostaganem, Bougie et Bône (Annaba).  Le 26 février 1834, le général Louis-Alexis Desmichels signa un traité par lequel il reconnaissait l'autorité de l'émir Abd-el-Kader sur la région d'Oran. À ce moment-là, le gouvernement français n'avait aucune envie de s'aventurer dans l'arrière-pays ni de soumettre celui-ci. De toute façon, les troupes d'occupation suscitèrent de grandes résistances de la part des  populations arabes et berbères habituées à une autorité turque plus «indirecte». C'est pourquoi le roi Louis-Philippe avait décidé de s'allier les chefs traditionnels musulmans qui contrôlaient l'intérieur du pays, dont l'émir Abd-el-Kader.
À partir de 1839, la France entreprit la véritable conquête de l'Algérie en y disposant d'une armée de 100.000 hommes. Cependant, cette conquête de l’Algérie fut longue, contrairement au Maroc et à la Tunisie où quelques accords avaient suffi pour imposer un «protectorat». La conquête se fit par la force des armes, ville après ville, village après village. Certaines villes furent dévastées par les troupes d'occupation françaises: Alger, Constantine, Médéa, Miliana, Tlemcen, etc. Les Français réussirent à conquérir le Nord en 1839, mais la résistance armée de l'émir Abd-el-Kader perdura durant seize longues années. En automne 1841, les principales villes du pays tombèrent aux mains des Français, y compris Taqdemt, capitale de l'émir. L'armée française parvint à occuper entièrement le pays seulement en 1848, lorsqu’ Abd-el-Kader déposa les armes et se rendit aux forces d’occupation. La France le garda prisonnier jusqu'à ce que Louis-Napoléon Bonaparte autorise sa libération en 1852. Il se réfugia en Syrie où il devint une véritable autorité morale et spirituelle internationale, une sorte de pont entre l'Occident et l'Orient; il mourut à Damas le 26 mai 1883.
Certains intellectuels français ont qualifié l’émir Abd-el-Kader de «meilleur ennemi de la France». On résume ainsi les trois grandes étapes de sa vie: «Notre adversaire, seize ans; notre prisonnier, quatre ans; notre ami, trente et un ans
Dès 1839, les territoires d'Afrique du Nord situés entre le royaume du Maroc à l'ouest et le beylicat de Tunis à l'est furent appelés Algérie, mot créé à partir d'Alger. Le 14 octobre 1839, le général Antoine Virgile Scheider, ministre de la Guerre sous la monarchie de Juillet, avait adressé une lettre à Sylvain-Charles, comte Valée, gouverneur général des possessions françaises en Afrique du Nord :
Le pays occupé par les Français dans le nord de l'Afrique sera, à l'avenir, désigné sous le nom d'Algérie. En conséquence, les dénominations d'ancienne Régence d'Alger et de Possessions françaises dans le nord de l'Afrique cesseront d'être employées dans les actes et les correspondances officielles.  
Même si cette nouvelle appellation d'Algérie allait être acceptée par les Algériens eux-mêmes, il n'en demeure pas moins qu'elle avait pour effet de nier la dénomination originelle El Djazaïr, signifiant «royaume de Ziri». Le mot Ziri renvoie à Bologhin Ibn Ziri de la tribu des Zirides. Celui-ci fut le fondateur de la dynastie berbère des Zirides régnant sur l'Ifriqiya de 972 à 1152. Le nom arabe de Bologhine devint 'abû al-futûh sayf al-dawla bulukîn ben zîrî.

2 Le saccage des Français
Les archives algériennes et les œuvres d'art en bois servirent souvent de combustion pour les feux de camp des militaires. Les méthodes utilisées par l’armée française furent généralement brutales, comme en fait foi ce témoignage du lieutenant-colonel Lucien-François de Montagnac, officier durant la conquête d’Algérie (Lettres d’un soldat, 15 mars 1843):
Toutes les populations qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout doit être pris, saccagé, sans distinction d'âge ni de sexe: l'herbe ne doit plus pousser où l'armée française a mis le pied [...]. Voilà comment il faut faire la guerre aux Arabes: tuer tous les hommes jusqu'à l'âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger les bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs. En un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens. [1]
Les Français se livrèrent à une guerre bactériologique en empoisonnant les puits, sans parler de la destruction systématique des cultures. Le général Thomas-Robert Bugeaud (1784-1849), par exemple, organisa de façon systématique le massacre de populations civiles en enfermant les gens dans des grottes afin de les gazer en les enfumant. Il se vantait même de chercher à exterminer les Arabes: «C’est la guerre continue jusqu’à extermination… Il faut fumer l’Arabe!» En réalité, seules quatre ou cinq «enfumades» auraient été recensées; elles auraient été étalées sur une période de cinq ans.
Néanmoins, des tribus entières arabes et berbères furent rayées de la carte.
Alors que la population algérienne était estimée à quelque trois millions en 1830, elle n'en comptait plus que deux millions en 1845.
Aujourd'hui, on n'hésiterait guère à parler d'une forme de génocide. En 1843, le général Bugeaud reçut la grande croix de la Légion d'honneur, puis fut fait maréchal de France en récompense de ses loyaux services. Ce genre de reconnaissance nationale n'a pas été inventé par les Français; d'autres puissances impérialistes, notamment chez les Britanniques, l'ont pratiqué également sur une grande échelle.
3 L'arrivée des colons européens
Quant à la colonisation française proprement dite, elle avait commencé aussitôt après la prise d’Alger, alors que des dizaines de milliers de Français venaient s'installer en Algérie. Le général Louis Juchault de Lamoricière (1806-1865) résumait ainsi en 1843 la position des militaires par rapport à la colonisation:
En vue d'atteindre cet objectif, il est nécessaire de faire appel aux colons européens, et ce, parce que nous ne pouvons en aucun cas faire totalement confiance aux indigènes. Ces derniers profiteront de la première occasion pour se soulever contre nous. La soumission des Arabes à notre autorité ne constitue qu'une phase transitoire nécessaire entre la guerre d'occupation et la véritable conquête. La seule chose qui nous permette d'espérer pouvoir un jour affermir nos pas en Algérie, c'est de peupler ce pays par des colons chrétiens s'adonnant à l'agriculture…Pour cela, nous nous devons de tout mettre en œuvre pour attirer le plus grand nombre de colons immédiatement en Algérie et les encourager à s'y établir en leur attribuant des terres dès leur arrivée.
Les colons firent main basse sur les terres arabes en achetant à vil prix de vastes domaines aux Turcs ottomans. Déjà, en 1841, dans ses Notes sur l’Algérie, le député Alexis de Tocqueville (1805-1859) dénonçait ainsi les spoliations dont étaient victimes les «indigènes»:
Un marin qui était là et qui possède des terres reprenait avec vivacité qu'on avait tort de traiter les colons de cette manière; que sans colonie il n’y avait rien de stable ni de profitable en Afrique; qu'il n’y avait pas de colonie sans terres et qu'en conséquence ce qu'il y avait de mieux à faire était de déposséder les tribus les plus proches pour mettre les Européens à leur place. Et moi, écoutant tristement toutes ces choses, je me demandais quel pouvait être l’avenir d’un pays livré à de pareils hommes et où aboutirait enfin cette cascade de violences et d’injustices, sinon à la révolte des indigènes et à la ruine des Européens.
Néanmoins, Alexis de Tocqueville ne s'empêchait pas d'ajouter: «Quoi qu'il en soit, on peut dire d'une manière générale que toutes les libertés politiques doivent être suspendues en Algérie.» Bref, malgré certaines réticences, de Tocqueville, comme la plupart de ses contemporains, se faisait l'avocat de mesures radicales dans la conquête de l'Algérie. Cette conquête apparaissait à l'époque comme une nécessité pour maintenir la France dans son entreprise d'expansion coloniale (à l'exemple de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de l'Italie, etc.). En octobre1870, le décret Crémieux (du nom d'Adolphe Crémieux) accorda la nationalité française aux seuls Algériens de confession juive (35 000 personnes):

Du 24 octobre 1870.

LE GOUVERNEMENT DE LA DÉFENSE NATIONALE DÉCRÈTE :

Les Israélites indigènes des départements de l'Algérie sont déclarés citoyens français ; en conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française, tous droits acquis jusqu'à ce jour restant inviolables.

Toute disposition législative, tout sénatus-consulte, décret, règlement ou ordonnances contraires, sont abolis.

Fait à Tours, le 24 0ctobre 1870.

Signé AD. CRÉMIEUX, L. GAMBETTA, AL. GLAIS-BIZOIN, L. FOURICHON
Cette mesure discriminatoire heurta les autres communautés, notamment les Berbères. Le décret 136 fut complété par le décret no 137 portant «sur la naturalisation des «indigènes musulmans et des étrangers résidant en Algérie».  Ainsi, la qualité de citoyen français ne pouvait pas être automatique, car elle ne pouvait «être obtenue qu’à l’âge de vingt et un ans accomplis» et sur demande.
4 La «mission civilisatrice» de la France
L'idéologie de l'époque trouvait en partie sa justification dans la présumée «supériorité de la race française» sur la «race indigène».
Jules Ferry (1832-1893), l'un des fondateurs de l'éducation moderne française à l'origine des grandes lois scolaires républicaines instituant la gratuité, l'obligation et la laïcité de l'école, avait déclaré à ce sujet, le 28 juillet 1885, lors d'un débat à la Chambre des députés:
Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder [...] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. [...] Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. [...] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. [...]

Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation.[...] La politique coloniale est fille de la politique industrielle.
Ferry avait été promu ministre des Colonies (1883-1885), après avoir été ministre de l'Instruction publique (1879-1883). Très expansionniste, il était convaincu que la France avait une «mission civilisatrice outre-mer».
Il croyait aussi que la France civilisatrice avait un rang à tenir : «La France ne peut être seulement un pays libre; [...] elle doit être aussi un grand pays, exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient [...] et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie.» Cet idéal justifiait la grande entreprise coloniale française promue par Jules Ferry. Le 30 juillet 1885, dans son discours à la Chambre des députés, Georges Clémenceau, farouche opposant à la colonisation, lui avait répondu par ces paroles:
Je passe maintenant à la critique de votre politique de conquêtes au point de vue humanitaire. [...] "Nous avons des droits sur les races inférieures." Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu’elles exercent et ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir de civilisation. Voilà, en propres termes, la thèse de M. Ferry et l’on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures! Races inférieures! C’est bientôt dit. Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure ! [...]
Je ne comprends pas que nous n’ayons pas été unanimes ici à nous lever d’un seul bond pour protester violemment contre vos paroles. Non, il n’y a pas de droit des nations dites supérieures contre les nations inférieures. [...] La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit, c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie.
C'est sous l’autorité de Jules Ferry que le fameux Code de l’indigénat fut promulgué, le 12 juin 1881. Pendant que la France adoptait des lois anti-arabes, elle se préparait à donner le nom de Jules Ferry à des centaines d'écoles et de rues. L'école préconisée par Jules Ferry, c'était aussi celle du «racisme d'État» au nom d'un certain «credo républicain» qui obéissait aux intérêts de la bourgeoisie industrielle et financière française. Aujourd'hui, des mouvements sont à l'œuvre en France pour débaptiser les écoles qui portent encore le nom de Jules Ferry.
À partir du 23 mars 1882, l’Assemblée nationale française imposa aux «indigènes» de s’inscrire sur les registres du Code civil. Toutefois, les noms arabes transcrits en français dans les registres de l'état civil conduisirent à de nombreuses erreurs de transcriptions, sinon des incongruités. C'est que les moyens dont disposaient les fonctionnaires pour retranscrire correctement les noms algériens, arabes ou berbères étaient inadéquats. La transcription des noms faite en français, sans modèle de transcription uniforme, ne pouvait qu'aboutir à un système anarchique. Le passage de l’oral arabe ou berbère à l'écrit en français occasionna de multiples erreurs dans les patronymes. Souvent, les Algériens durent faire les frais de l’imagination des agents de l'état civil, qui pouvaient donner des noms en fonction des circonstances, des professions ou métiers ou de toutes sortes d'attributs peu flatteurs. Il est même arrivé que des transcripteurs français ont enregistré des insultes ou des noms d'animaux en pensant qu'il s'agissait de noms propres (patronymes), ce qui allait poser d'énormes problèmes pour les générations suivantes. Il était, bien sûr, possible de porter plainte devant les tribunaux, mais il fallait alors assumer des frais coûteux, ce qui n'était pas à la portée de tous.
5 Une colonie de peuplement
L'Algérie fut tout de suite perçue comme une «colonie de peuplement». La France fit appel à une importante population européenne, française d'abord, mais également espagnole, italienne, maltaise, etc. Le rapport de la commission d'étude algérienne de 1833 précisait ainsi les choix de peuplement:
Les colons doivent être recrutés non seulement parmi les Français, mais aussi parmi les étrangers, notamment les Allemands, aux qualités solides, les Maltais et les Mahonnais, moins recommandables, mais s'adaptant facilement au pays. Du reste il serait imprudent de se montrer exigeant sur la qualité là où on a besoin de la quantité.
Les statistiques publiées régulièrement montrent que la population non française constituait une proportion importante de la population européenne en Algérie (voir le tableau ci-dessous, tiré de l'Annuaire statistique de l'Algérie, 1932), ce qui ne manquera pas d'inquiéter les autorités de la colonie. Leur préoccupation était d'empêcher les communautés étrangères de menacer la souveraineté française et en cas de crise politique de faire appel à leur pays.
Année
Français d'origine
Naturalisés français
Total des Français
Étrangers
Total des Européens
Proportion d'étrangers
1833
   3 478
 -
   3 478
   4 334 
    7 812
55,5 %
1836
   5 485
 -
5 485
    9 076
  14 561
62,3 %
1839
  11 000
 -
11 000
  14 000
  25 000
56,0 %
1841
  15 497
 -
15 497
  20 230
  35 527
56,9 %
1846
  46 339
 -
46 339
  49 780
  96 119
51,8 %
1847
  42 274
 -
42 274
  67 126
109 400
61,4 %
1851
  66 050
 -
66 050
  65 233
131 283
49,7 %
1856
  92 738
 -
92 738
  66 544
159 282
41,8 %
1866
122 119
 -
122219
  95 871
218 090
43,9 %
1876
156 365
 -
156367
155 072
311 439
49,8 %
1886
219 627
 -
219627
203 169
422 796
48,1 %
1891
244 000
 27 000
271000
226 000
496 000
45,6 %
1896
268 000
 50 000
318137
212 000
530 137
40,0 %
1901
292 464
 71 793
364257
219 380
583 637
37,6 %
1906
300 672
148 748
449 420
166 198
615 618
27,0%
1911
304 592
188 068
492 660
189 112
681 772
27,7 %
1921
405 208
123 484
528 392
188 774
717 186
26,3 %
1926
549 146
709 93
620 139
175 718
795 857
22,1 %


Le poids des populations non françaises dans la population européenne qui était de 43,9 % en 1866, passait à 48,1 % en 1871 et à 45,6 % en 1891, puis à 37,6 % en 1901 et à 26,3 % en 1921 pour atteindre 22,1 % en 1926. Dans un document intitulé Dans l'organisation gouvernementale de l'Algérie (1901), le républicain socialiste André Mallarmé écrivait:
Nous savons pourquoi les Français de race et de naissance doivent, en Algérie, attacher tant de prix aux idées françaises et à leur maintien intégral dans un pays si diversement peuplé: les statistiques sont là pour nous prouver quelle est la gravité d'une pareille question. Mais, à l'inverse, on doit repousser, en Algérie plus qu'ailleurs, les doctrines étroites et fanatiques, émises de nos jours, grâce auxquelles, contre tout sentiment d'humanité et de civilisation, on priverait gratuitement le pays de forces vives et utiles. Il faut, au contraire, attirer en Algérie, avec prudence et ménagement, le courant de l'émigration étrangère, car, à tout prendre, il vaut encore mieux peupler un pays avec des étrangers que de ne pas le peupler du tout. Nous travaillerons ensuite à nous les assimiler, à les pénétrer de notre génie national et à les incorporer dans la patrie française.
Le peuplement de l'Algérie, par des Européens non français, était nécessaire pour faire face au poids démographique de la population indigène dont l'existence en Algérie menaçait la pérennité de la présence française. Autrement dit, la population européenne de nationalité non française était perçue comme un mal nécessaire. C'est pourquoi son assimilation apparaissait comme une exigence pour contrer un danger potentiel susceptible de compliquer les relations diplomatiques entre la France et les autres pays européens (surtout l'Espagne et l'Italie).
6 La politique de spoliation
En 1872, sur une population estimée à deux millions d’habitants, quelque 245.000 étaient d’origine européenne (12,2 % de la population) et possédaient au moins le quart de l’espace agricole algérien; en 1886, plus de sept millions d’hectares de terres étaient passés aux mains des colons. Ceux-ci n'étaient pas uniquement d'origine française; certains provenaient, par exemple, de l'Italie, de l'île de Malte, de la Suisse et de l'Espagne. Pendant que les Français, les Suisses et les Espagnols s'établissaient dans l'Ouest, les Italiens et les Maltais s'installaient dans l'Est.
Par la suite, certaines communautés arabes et berbères perdirent jusqu’à 50 %, voire 80 %, de leurs terres. Capitalistes métropolitains, fonctionnaires et officiers firent le trafic des terres abandonnées par leurs propriétaires ou confisquées à la suite de la conquête. La politique française à l'égard des Algériens ne pouvait que favoriser l'émergence du nationalisme musulman. Dès 1846, Alexis de Tocqueville avait probablement raison d'écrire: «Nous avons rendu la population musulmane plus barbare qu’elle ne n’était.» Le mot «barbare» était sans doute mal choisi, car dans le contexte de l'époque il signifiait que les Français avaient certainement «empiré» les choses.
7 La question scolaire
 
En 1881, l'Algérie fut intégrée directement à la France et fut divisée en trois départements: Alger (54 861 km²), Oran (67 262 km²) et Constantine (87 578 km²), auxquels s'ajouteront plus tard les Territoires du Sud (1 981 750 km²). Tous ces départements furent rattachés au ministère français de l'Intérieur et dirigés par un gouverneur général. Au moment de la promulgation des lois scolaires de 1881 et de 1882, Jules Ferry, qui désirait en réalité l'assimilation des musulmans par l'école, tenta en vain de généraliser leur scolarisation, mais les colons européens lui opposèrent un refus catégorique en criant : «Autant abandonner l'Algérie!» Les Français d'Algérie évoluèrent indépendamment des Arabes. Ils se regroupèrent dans des villes comme Oran et Alger, et habitèrent dans leurs quartiers petits-blancs. Dans chaque ville de l'Algérie coloniale, il y eut un quartier européen, distinct des quartiers «indigènes». La connaissance de l'arabe se perdit. Il ne se produisit jamais un rapprochement avec les «indigènes». Dans les milieux ruraux, la France créa des dizaines de «villages de colonisation», un peu comme aujourd'hui les colonies de peuplement en Palestine par les Israéliens.
En général, les Arabes fréquentaient leurs écoles coraniques en arabe dans un système d'éducation parallèle. L'éducation autochtone était financée par les collectivités locales, non par le pouvoir central. Lorsque les Français proposèrent aux Algériens un enseignement financé par l'État, ceux-ci trouvèrent l'offre suspecte, car ils associaient cette éducation à une «opération d'évangélisation».  À partir de 1870, l'enseignement traditionnel arabe suscita l'hostilité des colons européens qui parlèrent d'«écoles du fanatisme». Les Arabes perçurent cette réaction comme un refus de leur droit à l'éducation, une atteinte à leur intégrité culturelle et à leur religion. Ils refusèrent par conséquent d'envoyer leurs enfants dans les écoles françaises publiques. À ce sujet, voici ce qu'en pense l'historien algérien Mohammed Harbi (dans La guerre commence en Algérie, 1984):
À l'encontre de ce qui s'est passé en Tunisie et en Égypte, les Algériens ne cherchent pas, pendant plus d'un demi-siècle, à s'approprier les secrets du vainqueur. Les rares éléments qui prennent le chemin des écoles françaises sont considérés par la grande masse comme des renégats, tombés dans le ''piège tendu à leur ethnie et à leur religion''.
La République française finit par capituler et renonça à la scolarisation massive des musulmans, puis créa pour eux les «écoles gourbis» avec un programme spécial, des instituteurs spéciaux et un diplôme également spécial. Par exemple, les maîtres affectés dans les bleds algériens devaient enseigner, mais il leur fallait aussi être cuisiniers, maçons, menuisiers, médecins (ou vétérinaires), jardiniers et conseillers agronomes pour les adultes, puis secrétaires et écrivains publics. La seule innovation: l'introduction de la langue française.
Mais le français ne se propagea pas chez les petits Arabes et ce sont les Français de souche et les étrangers assimilés qui profitèrent de l'enseignement public en français. Il faut aussi signaler que les Européens ne se montrèrent pas très enthousiastes à dépenser des fonds publics pour «instruire les indigènes». Le nombre d'enfants arabes scolarisés en français fut si minime qu'un haut fonctionnaire pouvait déclarer en 1880: «Nous avons laissé tomber l'instruction des indigènes bien au-dessous de ce qu'elle était avant la conquête.» Voici un autre témoignage: «L'Arabe, en 1830, savait lire et écrire. Après un demi-siècle de colonisation, il croupit dans l'ignorance» (cité par M. Lacheraf dans L'Algérie, nation et société, 1978).
8 L'imposition de la langue française
Quant aux colons français d'Algérie, ils réussirent à développer une sorte de «français régional», dont les caractéristiques étaient l'emploi du conditionnel derrière si et celui de nombreux mots empruntés à l'arabe, à l'italien et à l'espagnol. À cette époque, les Européens croyaient que leur civilisation était supérieure. Citons à ce sujet William Marçais, un dialectologue qui a occupé le poste d'administrateur colonial en Algérie dans les années 1900 et qui écrivait en 1931:
Quand l'une des langues est celle des dirigeants, qu'elle ouvre l'accès d'une grande civilisation moderne, qu'elle est claire, que l'expression écrite et l'expression parlée de la pensée s'y rapprochent au maximum; que l'autre est la langue des dirigés, qu'elle exprime dans ses meilleurs écrits un idéal médiéval, qu'elle est ambiguë, qu'elle revêt quand on l'écrit un autre aspect que quand on la parle, la partie est vraiment inégale: la première doit fatalement faire reculer la seconde.
Encore au début du XXe siècle, les Algériens résistaient au modèle colonial français. Pendant que quelques grandes familles envoyaient leurs enfants au Proche-Orient, la plupart des Algériens préféraient laisser leurs enfants grandir dans l'ignorance. Certes, il existait une petite élite bilingue, ouverte aux idées occidentales, qui favorisait l'éducation en français. Ces deux attitudes entraîneront plus tard des conflits entre les «francisants modernistes» et les «arabisants islamisants traditionnalistes».
Au cours de la Première Guerre mondiale, le recrutement indigène fournit 173.000 militaires (dont 67.500 «engagés»), alors que 25.000 soldats musulmans et 22.000 Français d'Algérie tombèrent sur les champs de bataille. Au même moment, quelque 119.000 «travailleurs» algériens vinrent travailler en métropole.
Un décret de 1919 accorda la nationalité française à quelque 20 000 Algériens, mais à des conditions considérées comme particulièrement sévères comme la renonciation au statut personnel de musulman (c'est-à-dire, selon le point de vue, la «conversion» ou l'«apostasie»). Les musulmans demeurèrent, dans leur immense majorité, des «sujets français» jamais des «citoyens» à part entière, à moins d'abandonner leur religion et de prendre celle des «infidèles». Mais la France fit pire en imposant à l'Algérie (ainsi qu'à toutes ses autres colonies) le Code de l’indigénat qui correspondrait aujourd'hui à une forme déguisée d’esclavage des populations autochtones, car elle les dépouillait de toute leur identité. Évidemment, les colons et certains immigrés français purent dominer la société algérienne et imposer leur langue qui devint quasi exclusive dans l'Administration, l'enseignement et l'affichage. En 1930, le gouvernement colonial pouvait célébrer avec faste le «Centenaire de l'Algérie française». Une loi française de 1938 déclara même l'arabe comme «langue étrangère en Algérie». Pendant que les Français et d'autres Européens d'Algérie occupaient les villes et les meilleures terres, disposaient d'écoles, de routes et de services publics efficaces, l'Algérie musulmane habitait les bidonvilles et devait se contenter des plus petits champs séchés, le tout sans soins, sans instruction et sans administration.
Source : https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/algerie-2Histoire.htm#4_La_colonisation_fran%C3%A7aise_
VOIR AUSSI :
[1] On croirait lire du Michel Houellebecq, de l'Eric Zemmour ou du René Guénon, mais au goût du jour, afin de plaire aux beaufs de base. Voici ce qu'ils écrivent dans "Soumission" :
Le thème sur lequel est présenté le contenu de ce livre est l’arrivée au pouvoir par les urnes d’un parti islamiste en France suite à un second tour avec le Front National. Un parti islamiste soutenu par l’ensemble des forces républicaines traditionnelles, dont le but secret est de détruire la France pour la dissoudre dans l’Europe.
La polygamie est rétablie. Les aides sociales baissent de 85%. L’enseignement devient confessionnel. La gauche ne trouve rien à redire. La droite non plus. François Bayrou (un horrible anti raciste) en profite pour se faire nommer Premier Ministre. Le tout après une période de campagnes émaillées de violences urbaines qui sont passées sous silence par les médias français à l’exception des sites de partage vidéo russes.
Bref dans la première partie du roman Soumission dans un ouvrage écrit à quatre mains par Eric Zemmour et Renaud Camus pendant une nuit d’ivresse dans le cossu château de ce dernier. Ne manquent même pas les clichés sur les militants de la mouvance identitaire radicale (dont l’auteur a d’ailleurs une vision idéologique assez floue que ne reconnaitraient pas les intéressés) en infiltrés résistants. Et l’Islam ramené à une vision certes pas extrémiste mais en tous cas fortement réactionnaire.
Vivement un pogrom !!

Hannibal GENSÉRIC

















6 commentaires:

  1. JUSTE TEXTE CONFIRMé PAR DUROSELLE ET MONNIER DANS MON LIVRE DE PREMIERE (Nathan, 1960). "POPULATION POUSSEE AU DESESPOIR"...

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  2. Il y a sans doute du vrai, mais quand on lit un article plus négatif que dans les médias mainstream, peu suspects de sympathie pour le colonialisme, on peut se poser des questions.

    J'ai bien peur que ce genre d'article incite plus à la division qu'à la paix.

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  3. Lorsqu'on a un problème, il vaut mieux en parler et crever l'abcès. Cela ne sert personne de cacher l'histoire, et de se dire : nous sommes les plus beaux et les plus Gentils. Chez tous les peuples, il y a eu des hauts et des bas durant leur histoire, des brebis galeuses et des gens d'honneur. La France et l'Algérie ne font pas exception.
    N'y voyez aucune intention de diviser, mais d'expliquer d'où viennent et comment raisonnent les gens comme Le Pen, Zemmour et consorts.
    Si un jour vous visitez le Maghreb, vous n'y verrez aucune animosité envers la France et les Français.

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  4. Merci, cher Hannibal Genséric, pour cette réaction apaisée. Ce n'est pas le lieu ici d'un débat. Gardons-nous de procurer la moindre des satisfactions à l'ennemi principal et implacable auquel nous sommes confrontés.
    Bravo pour votre travail et, un jour peut-être, aurons-nous l'occasion d'aborder sans fard et sans faux semblant, entre hommes, ce qui fait notre différence.

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  5. Cher Hannibal Genséric, merci pour votre réaction.

    Vous avez raison, cacher l'histoire est contre-productif et il vaut toujours mieux crever l'abcès, quand on y est prêt.

    C'est juste qu'à la lecture de l'article, j'ai eu l'impression qu'il se concentre surtout sur les aspects les plus négatifs.

    Il y aura toujours de part et d'autre des personnes pour utiliser ce genre de débats pour semer la discorde, mais je sais que telle n'est pas votre intention, ni la mienne, je vous rassure.

    J'en profite pour vous remercier pour le travail de fond que vous accomplissez au quotidien.

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  6. EMMERDONS LES OXYDENTAUX
    https://nicolasbonnal.wordpress.com/2020/07/10/le-maire-de-new-york-interdit-tout-sauf-black-live-matters-vous-savez-quoi-lecteurs-la-repentance-blanche-memmerde-les-blancs-memmerdent-alors-on-va-parler-de-leurs-crimes-frithjof-schuon/

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