jeudi 22 octobre 2020

La Chine et le « Siècle de la Honte » (2/5) : Quand la Presse américaine dessinait la Chine, 1869-1905

A l’occasion des 160 ans du Sac du Palais d’Été (le 18 octobre dernier) et afin de mieux comprendre ce grand et complexe pays qu’est la Chine, nous vous proposons aujourd’hui la suite de notre série illustrée consacrée au siècle maudit de la Chine (1839 à 1949), dont les effets et le souvenir pèsent toujours fortement sur le cours de l’histoire chinoise.
Au-delà du travail de synthèse historique, nous avons poussé nos recherches afin de pouvoir vous proposer de nombreuses archives de la presse d’époque de bonne qualité.

Pour ceux qui auraient manqué la première partie, c’est ICI

Dans ce deuxième billet, vous découvrirez une cinquantaine de dessins de presse américains réalisés entre 1869 et 1905.  Bonne lecture !

« Chevalerie du Pacifique – Encouragement à l’immigration chinoise »
Thomas Nast, Harper’s Weekly, 7 August 1869
En 1868, le traité de Burlingame est signé entre les États-Unis et la Chine. Ce traité permit à des milliers de manœuvres chinois de travailler aux États-Unis notamment sur les chantiers des chemins de fer de l’Ouest américain.
Ce dessin vise à dénoncer la propagande selon laquelle Columbia (figure allégorique des États-Unis) introduirait les Chinois de manière respectueuse dans la société américaine. Il ironise ainsi autour d’une « chevalerie du Pacifique », référence aux Chevaliers du travail, une organisation formée pour les intérêts des travailleurs blancs dans les États et territoires occidentaux, souvent instigatrice de la violence contre les Chinois.
À droite, on peut lire sur le bâtiment : " Cours de justice fermé aux Chinois. Taxes supplémentaires pour Yellow Jack." Ce dessin voit les traitements infligés aux immigrés chinois comme un affront aux valeurs d’une société qui se prétend ouverte.
« La Muraille de Chine autour des États-Unis :
Jeter l’échelle par laquelle ils sont montés »

Thomas Nast, Harper’s Weekly, 23 juillet 1870

Les étrangers irlandais et allemands ont été autorisés à entrer aux États-Unis en tant qu’immigrants, ils ont gravi les échelons de l' »émigration » et ont ensuite progressé dans l’échelle sociale de l’Amérique. Dans ce dessin, le dernier des immigrants européens gravit le mur, son dos étant visible alors qu’il jette l’échelle de l’opportunité pour les autres.

Le dessinateur dénonce ici l’hypocrisie de ces nouveaux Américains et leur volonté d’opprimer d’autres personnes qui se trouvent dans les mêmes circonstances que celles dans lesquelles ils se sont trouvés 30 ans plus tôt. Les opprimés d’autrefois sont devenus les oppresseurs d’aujourd’hui.

« Columbia [allégorie des États-Unis] dit
: ‘Bas les pattes, Messieurs ! L’Amérique signifie
fair-play pour tous les hommes
‘ »

Thomas Nast (américain), Harper’s Weekly, 1871
Le dessinateur a reproduit des citations racistes de Wendell Philips sur la « barbarie chinoise » en arrière-plan.
« Les Chinois doivent partir, mais qui les garde ? »
George Frederick Keller, The San Francisco Illustrated Wasp, 11 mai 1878
« L’invasion chinoise »
Joseph Ferdinand Keppler, Puck Magazine, 1880
Ce dessin est composé de neuf dessins, chacun légendé séparément, sur les immigrants chinois aux États-Unis.
« Dévastation »
George Frederick Keller, The San Francisco Illustrated Wasp, 2 octobre 1880
Des immigrants chinois dépeints comme des porcs font irruption par une porte étiquetée « Traité de Burlingame« . Ce traité signé en 1868 permit à des milliers de manœuvres chinois de travailler aux États-Unis notamment sur les chantiers des chemins de fer de l’Ouest américain. Il sera supprimé par la loi d’exclusion des Chinois en 1882.

Sur le dessin, les porcs ravagent un champ de cultures sous le regard de l’oncle Sam et de Columbia. Un épouvantail en lambeaux représente le chef syndical Denis Kearney.

« Le Mur Anti-Chinois
Le mur américain s’élève tandis que l’original chinois s’écroule »

Friedrich Grätz, Puck magazine, 29 mars 1882
Ce dessin montre des ouvriers, parmi lesquels des Irlandais, un Afro-Américain, un vétéran de la guerre civile, un Italien, un Français et un Juif, construisant un mur contre les Chinois. Le mortier du Congrès est utilisé pour monter des blocs de préjugés, de non-réciprocité, de loi contre la race, de peur, etc.

De l’autre côté de la mer, un navire battant pavillon américain entre en Chine, alors que les Chinois abattent leur propre mur et autorisent le commerce de marchandises telles que le riz, le thé et la soie.

« Au pilori – La loi anti-chinois »
Keller, The Wasp, 31 mars 1882

À cause des restrictions de la loi d’Exclusion des Chinois de 1882, de nombreux immigrants de Chine ont été contraints de passer plusieurs années sur Angel Island, à San Francisco, en attendant de pouvoir finalement entrer aux États-Unis (légalement ou illégalement) ou d’être expulsés.

« Ils [Les Chinois] sont en sécurité ici.
Quand les politiciens sont d’accord, leur unanimité est merveilleuse
« Donnez-le-lui, il n’a ni droit de vote ni amis !' »
Bernhard Gillam, Puck Magazine, 1882
Le seul à être exclu
Un élu américain : « Nous devons tracer la ligne quelque part, vous savez. »
Frank Leslie (américain), 1882
Sur le panneau à gauche, on peut lire : « Avis : communistes, nihilistes, socialistes, fainéants et voyous sont les bienvenus, mais les Chinois ne sont pas admis. »
Dehors dans le froid
Bureau de vote : Les femmes et les Chinois ne sont pas admis
Grant Hamilton, Judge magazine, 22 mars 1884

Une femme et un Chinois sont tenus à l’écart des bureaux de vote, tandis qu’un Irlandais et un Afro-Américain se moquent d’eux depuis l’intérieur.

« La Pieuvre de Mongolie »
The Bulletin, 1886
La démonisation de la Chine
Maurice Bartlett, The San Francisco Illustrated Wasp

Ici, il s’agit d’une publicité américaine de 1886 pour du savon. L’Oncle Sam met un Chinois à la porte en brandissant la loi d’exclusion de 1882 et le Magic Washer. L’objectif de cette publicité était de promouvoir le George Dee Magic Washer, dont les fabricants espéraient qu’il remplace un jour les blanchisseurs chinois.

« Comment vont-il frauder le traité chinois ? »
The San Francisco Illustrated Wasp, mai 1888

Ce dessin dénonce le fait que les Chinois puissent encore entrer en Amérique, s’ils possèdent 1000 $ de biens ou s’ils ont déjà de la famille en Amérique.

« De nouveau, la Question chinoise »
The San Francisco Illustrated Wasp, 16 novembre 1889

L’Oncle Sam essaie de garder la porte fermée étiquetée Scott’s Exclusion Act, mais des Chinois sortent de tous les côtés.

Soyez juste – même avec John Chinaman
Grant Hamilton, Judge, 3 juin 1893

Sous le titre on peut lire : « Vous avez permis à ce garçon de venir dans notre école, il serait injuste de le mettre dehors maintenant ; il suffira de garder ses frères dehors à l’avenir ».

En 1892, la loi d’exclusion des Chinois est renouvelée par la loi Geary. Ce dessin montre un élève chinois contraint de quitter l’école de Miss Columbia (allégorie des Etats-Unis d’Amérique). L’élève est représenté avec une planche à repasser à la main, représentant les blanchisseries détenues par des Chinois sur la côte ouest.

Une Interruption
« Les gars ! S’il y a des découpages à faire, je suis là pour la part du lion. »
Louis Dalrymple, Puke Magazine, 19 janvier 1898

Le Lion britannique se tient debout sur une « Carte de Chine » représentant le visage d’un Chinois, et s’adresse à l’Ours russe et à l’Aigle allemand, sous le regard du Coq gaulois.

Commerce versus conquête
Louis Dalrymple, Puke Magazine, 2 février 1898

La gravure montre John Bull (allégorie de l’Angleterre), tenant un navire portant l’étiquette « Commerce ». Il est accompagné de l’Oncle Sam, qui tient également un navire portant l’étiquette « Commerce ». Tous deux se tiennent devant l’empereur chinois qui est effrayé par 3 personnages à l’arrière plan : Guillaume II (Prusse) à gauche, Félix Faure (France) au milieu, et Nicolas II (Russie) à droite.

Le taureau dans le magasin chinois
Que peuvent espérer les européens fauteurs de troubles si l’Angleterre n’obtient pas de ports ouverts en Chine ?
Louis Dalrymple, Puke Magazine, 9 mars 1898

Le dessinateur montre John Bull (allégorie du Royaume-Uni) en taureau dans un magasin chinois, chargeant un meuble étiqueté « rayon chinois ». On note des plats étiquetés « Port Arthur – réservé à la Russie », « Kiao Chau – réservé à l’Allemagne », « Ta-Lien-Wan – réservé à la France ».

A droite, une table porte l’inscription « Hainan », avec des plats « Canton, Hong Kong, [et] Formose » et « Pour la France ». Enfin, sur une étagère, un vase porte l’inscription « Tonquin – remis à la France ».

Aucune chance de critiquer
Louis Dalrymple, Puke Magazine, 25 mai 1898

Au première plan, on reconnait l’Oncle Sam en uniforme militaire. Sur sa table on distingue un plateau portant la mention « Cuba », avec une carafe « Îles Philippines » et une bouteille « Porto Rico » dans un seau à glace.

À gauche, John Bull (en rouge) découpe un gros gâteau sur un plateau portant l’inscription « Chine ». Avec lui autour de la table, quatre personnages représentent la Russie (Nicolas II), la France (Félix Faure), l’Allemagne (Guillaume II) et le Japon (Meiji). Chacun utilise une épée pour découper le gâteau « Chine » en plusieurs parts : « Wei-Hai-Wei, les champs de charbon de Shan-Si, Ta-Lien-Wan, Port Arthur, Hainan, Kai Chau, [et] Formose ». Derrière le mur à l’extrême gauche se trouvent l’Italie (Umberto I) et l’Autriche (François-Joseph I) qui regardent envieux.

La prochaine chose à faire
John S. Pughe, Puke Magazine, 29 juin 1898

Le dessin montre l’oncle Sam debout aux États-Unis en haut d’un mur portant l’inscription « Tarifs prohibitifs », regardant à travers une étendue d’eau la « Muraille de Chine » qui est en train d’être démolie par les dirigeants européens et japonais, étiquetés et caricaturés comme « France » (Félix Faure), « Allemagne » (Guillaume II), « Japon » (Meiji), « Angleterre (George V), et « Russie » (Nicolas II).

Le tir à la corde en Extrême-Orient
J. Udo Keppler, Puke Magazine, 14 septembre 1898

Ce dessin montre l’Oncle Sam avec John Bull (allégorie du Royaume-Uni) et Meiji, l’empereur du Japon, debout sous un drapeau portant la mention « Politique de la porte ouverte », dans un combat à la corde pour la « suprématie commerciale ». Ils sont opposés à la « Russie » (Nicolas II), à l' »Allemagne » (Guillaume II) et la « France » (Félix Faure) qui tirent la corde en direction des « Restrictions commerciales ».

La natte doit disparaître
Louis Dalrymple, Puke Magazine, 19 octobre 1898

La gravure montre une figure féminine portant l’inscription « Civilisation » en train de tirer une natte chinoise sur laquelle est écrit « Traditions usées ». Elle tient une paire de ciseaux portant l’inscription « Progrès du XIXe siècle » et s’apprête à couper la natte. Des poteaux télégraphiques, des charrues et des locomotives sont suspendus à sa taille, symbolisant le progrès.

A cette époque, le port de la natte était l’élément le plus communément associé à l’identité chinoise, et, comme on peut le lire ici, la natte faisait l’objet de nombreuses attaques racistes. Pour en comprendre le sens, et les préjugés, voici quelques extraits de l’article La fin des nattes chinoises, signé L. Kuentz, dans le Journal des Voyages du 28 janvier 1912 :

« Éminemment conservateur, esclave de la tradition, le peuple chinois est le seul dont la civilisation ait pu résister si longtemps dans l’histoire du monde. Et pourtant ce peuple, si rigide et si fidèle dans son culte du passé, est décidé à abandonner la natte, signe caractéristique de sa race depuis le XVIIe siècle.

Ce fut, en effet, en 1621, que Nourhachu, le conquérant mandchou, imposa la natte aux Chinois. Lors de la prise de la ville de Leaouyang, il ordonna aux habitants, sous peine de mort, de modifier leur coiffure, en se rasant la moitié de la tête, pour ne conserver, à la mode des Mandchous, que cette queue que nous trouvons si singulière. […] [Ndt. : la pratique qui consistait pour les hommes à se raser la frange et à porter les cheveux longs tressés en natte était prisée des Mandchous, ethnie transfrontalière vivant au nord de la Grande Muraille. Si les hommes de l’ethnie Han portaient traditionnellement leurs cheveux dans des styles variés, et ils ne se rasaient pas le front par respect pour leurs ancêtres. Dans les années 1650, le refus de se raser le front et de porter la natte devint le symbole de la résistance à la domination Qing, aboutissant à des rébellions et à des massacres de loyalistes Ming]

Cependant, peu à peu, ceux-ci adoptèrent la coiffure imposée et, au bout de quelques générations, ce signe de la servitude était entré dans leurs mœurs. Ce fut au point que la natte devint un objet sacré dont on prit le plus grand soin et dont la perte était regardée comme un déshonneur.

Ce respect profond se maintint trois siècles durant, mais, subitement, les Célestes en sont venus à haïr cet appendice qu’ils coupent actuellement par milliers, de sorte que bientôt la plupart porteront les cheveux tout comme nous. […]

Mais le jour où ils brisèrent les barrières qui séparaient leur pays du monde, ce jour-là fut la date fatale pour les nattes. Les princes se mettaient à voyager en Europe et en Amérique, d’où ils revenaient avec des idées étranges sur cette coiffure dont ils avaient enfin compris l’inutilité et l’absurdité. […]

Les Japonais avaient jadis porté une petite natte, longue de 75 mm environ, se dressant sur leur tête à la façon d’une corne de rhinocéros. Dès qu’ils furent en contact avec le monde européen, ils s’empressèrent d’abandonner cet appendice bizarre, offrant aussi aux jeunes Célestes une admirable leçon de choses dont l’effet devait être énorme sur l’esprit de ceux-ci.

Outre cela, les habitants de l’Empire du Soleil Levant, heureux de susciter des dissensions parmi leurs voisins, ne perdaient pas une occasion pour les tourner en ridicule, à cause de leurs nattes. Et, de retour chez eux, les étudiants, à la fois indignés et honteux, commencèrent à lutter avec ardeur, et non sans succès, pour la suppression de ce fléau national. […]

Ces pauvres coolies [Ndt : les ouvriers chinois expatriés, surtout aux États-Unis] sans cesse en butte aux railleries et aux sarcasmes de leurs compagnons, finirent par rouler ces queues étroitement sur leurs têtes et à les cacher sous leurs casquettes. […]

C’est ainsi que, petit à petit, l’introduction de l’outillage moderne en Chine fut cause, en grande partie, de la réprobation universelle parmi l’élément ouvrier, de la façon démodée de porter les cheveux. Autre signe du réveil de la Chine, c’est le sentiment soudain de répulsion manifesté dans toute l’étendue de l’empire contre l’opium, ce terrible narcotique auquel les Célestes doivent leur décadence actuelle. Sans vouloir être prophète, on peut dire que, dans un bref délai, la consommation de la drogue endormeuse sera, sous n’importe quelle forme, interdite dans toute la contrée.

La suppression de ce funeste poison sera un facteur puissant dans la régénération d’une race forte et, peut-être d’ici peu, nous verrons la Chine s’élever à la grandeur qui lui est due par les deux vertus fondamentales du caractère de son peuple : une volonté et une ténacité admirables, étouffées jusqu’à ce jour, par une routine aveugle et un respect inconsidéré des usages et des traditions. […] [Ndr : et aussi un peu par l’impérialisme occidental, en particulier pour qu’ils consommes de l’opium…]

Toutefois le fameux « péril jaune », venant de la Chine, n’est encore qu’un crainte problématique et éloignée. Car si jamais les Chinois nous envahissent, ils ne le feront pas militairement, d’abord parce qu’ils ne sont pas une nation guerrière, ensuite parce qu’ils n’auront pas besoin de canons pour nous vaincre. Ils le feront avec leurs marchandises, ils occuperont plutôt nos marchés que nos forteresses. » [« La fin des nattes chinoises », signé L. Kuentz, dans le Journal des Voyages du 28 janvier 1912, sources ici et ]

Au XIXe siècle, la natte – comme signe politique de loyauté à la dynastie Qing d’origine mandchoue – était devenue pour beaucoup de Chinois un signe d’authenticité identitaire dans un monde peuplé d’agresseurs impérialistes. Le port de la natte disparut au XXe siècle.

Le fardeau de l’homme blanc (excuses à Rudyard Kipling)
Victor Gillam, Judge magazine, 1er avril 1899

John Bull (Grande-Bretagne) et l’Oncle Sam (États-Unis) portent le « fardeau de l’homme blanc » [NdR : référence au récent poème de Kipling, publié en février 1899], en livrant les peuples du monde à la « Civilisation » : Zoulou, Soudanais, Chinois, Indien, Égyptien pour le premier, Philippin, Portoricain, Hawaïen, Cubain, Samoans pour le second.

Lors de l’annexion des Philippines par les États-Unis, ces derniers ont utilisé le « fardeau de l’homme blanc » comme argument pour le contrôle impérial des Philippines et de Cuba sur la base de la nécessité morale. Il était de leur « devoir moral » de développer et de moderniser les terres conquises afin d’aider à « porter les barbares étrangers vers la civilisation ».

Mettre le pied à terre
John S. Pughe,
Puck Magazine, 23 août 1899

Sous le titre, on peut lire : « Messieurs, vous pouvez découper cette carte [la Chine] autant que vous le souhaitez, mais souvenez-vous, je suis ici pour rester, et vous ne pouvez pas me diviser en sphères d’influence ». Autour de l’Oncle Sam, on reconnait l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre, la Russie et la France. L’Autriche est en arrière-plan, aiguisant sa cisaille.

Et, après tout, les Philippines ne sont que le tremplin vers la Chine
Emil Flohri, Judge, 21 mars 1900

Les Philippines sont considérées en tant que « seul tremplin » qui permet aux États-Unis d’atteindre le marché chinois tant attendu.

En plus de son fardeau d’acier, de trains, de machines à coudre et d’autres biens industriels, l’Oncle Sam porte un livre intitulé « Education, Religion » en clin d’œil à la rhétorique de l’élévation morale qui accompagnait les objectifs commerciaux de la « mission civilisatrice ». Il est accueilli à bras ouverts par un mandarin et des panneaux Wanted lui exposent de prodigieuses opportunités d’affaires.

Un pétard dangereux
Louis Dalrymple, Puke Magazine, 11 juillet 1900

Le dessinateur montre les souverains d’Allemagne, de France, d’Autriche, du Japon ainsi que John Bull, représentant la Grande-Bretagne. Tous regardent le souverain de Russie allumer la mèche d’un grand pétard étiqueté Chine.

Le kopje [colline] chinois : pas si facile que ça en a l’air de loin
J. Udo Keppler, Puke Magazine, 25 juillet 1900

Le dessinateur montre l’Oncle Sam et John Bull avec six personnages représentant les souverains de Russie (Nicolas II), d’Allemagne (Guillaume II), du Japon (Meiji, empereur du Japon), d’Italie (Umberto I), d’Autriche (François-Joseph I) et de France (Emile Loubet). Tous regardent une montagne intitulée « Question chinoise » surmontée du visage d’un Chinois en colère.

Le premier devoir
J. Udo Keppler, Puke Magazine, 8 août 1900

La Civilisation s’adresse à l’empereur chinois : « Ce dragon [boxer] doit être tué avant que nos ennuis ne puissent être réglés. Si vous ne le faites pas, je devrai le faire. » A l’arrière-plan, on distingue un dragon « Boxer » avec des nuages de fumée ondulante étiquetés « Anarchie », « Meurtre » et « Émeute ».

Le vrai problème viendra avec le ‘réveil’
J. F. Keppler,
Puck
Magazine, 15 août 1900

L’auteur anticipe la poursuite des brimades de la Chine par des nations plus fortes, ainsi que leur concurrence pour le butin. Il s’inquiète de la future réaction de la Chine lorsqu’elle aura retrouvé sa puissance.

Confucius et Jésus-Christ – Nos enseignements sont-ils donc vains ?
Joseph Ferdinand Keppler, Puck Magazine, 3 octobre 1900

Confucius et Jésus-Christ observent la confrontation entre les Boxers et les forces de l’alliance des huit nations. Les Boxers portent une bannière avec une citation de Confucius [« Ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse, ne l’inflige pas »] et l’alliance internationale porte une bannière avec une citation de Jésus-Christ [« Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux »], les deux exprimant le même concept.

Bien trop d’amis
J. Udo Keppler, Puke Magazine, 5 décembre 1900

Le dessin montre une femme représentant la Chine aux prises avec l’ours russe, tandis que l’empereur allemand et un diplomate britannique implorent la Russie de ne pas être aussi avide et de partager une partie de la Chine avec eux. L’Oncle Sam est assis sur une clôture à l’arrière-plan, en train de tailler un bâton.

Quelqu’un doit faire marche arrière
Victor Gillam, Judge, 8 décembre 1900

La « Civilisation » et la « Barbarie » se rencontrent alors que le phare du « Camion de la civilisation et du commerce » de l’Oncle Sam, monté sur une arme à feu, éclaire la « Chine » de son « Progrès ». Publié pendant les révoltes des Boxers contre les Occidentaux et les chrétiens, le dessin dépeint la Chine comme un dragon frénétique sous le contrôle d’un « Boxer » tenant une épée ensanglantée et une bannière sur laquelle on peut lire « 400 millions de barbares ». Dans le rapport de force entre le « progrès » technologique et les « barbares » primitifs, le dessin indique clairement qui « doit faire machine arrière ».

Une inquiétante possibilité à l’Est – Le réveil de la Chine
J. Udo Keppler, Puke Magazine, 1901

Au lendemain de la rébellion des Boxers, les observateurs en Europe et aux États-Unis ont commencé à s’inquiéter du fait qu’ils étaient allés trop loin avec la Chine.

Dans ce dessin de Puck, une épée de Damoclès nommée « Le réveil de la Chine » est suspendue au-dessus de la tête des huit puissances étrangères qui s’apprêtent à dévorer les fruits de leur victoire sur les Boxers (l’Oncle Sam et les dirigeants de Russie (Nicolas II), d’Angleterre (Édouard VII), d’Allemagne (Guillaume II), du Japon (Meiji), d’Italie (Victor Emmanuel III), d’Autriche (François-Joseph Ier) et de France (Émile Loubet). Le panier de fruits est étiqueté « Indemnités chinoises ».

Dans le labyrinthe chinois
J. Udo Keppler, Puke Magazine, 6 février 1901

Le dessin montre l’Oncle Sam tenant une lanterne portant l’inscription « Prudence » dans une main et tenant John Bull (allégorie de l’Angleterre), avec l’autre. Ils conduisent l’Autriche, le Japon, la France et l’Allemagne à travers un champ de pièges portant l’inscription « Casus Belli » en Chine pendant la rébellion des Boxers.

Trop de Shylock [usuriers]
John S. Pughe, Puck Magazine, 27 mars 1901

Ce dessin dépeint les conséquences de la rébellion des Boxers comme une scène du Marchand de Venise de Shakespeare. Les usuriers (Shylocks) Russie, Angleterre, Allemagne et Japon réclament chacun leur « livre de chair » à la Chine, alias le marchand Antonio.

En arrière-plan, un enfant (Puck Magazine) presse l’Oncle Sam d’intervenir et de jouer le rôle de Portia, qui sauve Antonio dans la pièce de Shakespeare. Le sous-titre du dessin dit : « Puck à l’Oncle Sam – Ce pauvre garçon a besoin d’une Portia. Pourquoi ne pas jouer ce rôle ?« 

Un œuf difficile à faire éclore
John S. Pughe, Puke Magazine, 6 avril 1901

Le dessin montre les souverains de Russie, d’Allemagne, d’Italie, d’Autriche, de France et d’Angleterre, sous forme de poules essayant de faire éclore un gros œuf étiqueté « Chine ». Une poule étiquetée « Japon » se tient en arrière-plan avec l’Oncle Sam.

La dernière muraille de Chine
John S. Pughe,
Puck
Magazine, 24 avril 1901.

L’ours impérial russe, avec son désir d’expansion territoriale, se dresse contre le reste des puissances étrangères. Au lendemain de la rébellion des Boxers, la Russie a voulu s’emparer de la Mandchourie dans le cadre des réparations de guerre, mais les autres puissances s’y sont opposées.

Néanmoins, le 21 septembre 1900, la Russie s’empara de Jilin et de grandes parties de la Mandchourie, patrie ancestrale des empereurs Qing. En grande partie à cause de cette région clé, les deux anciens alliés ont combattu la guerre russo-japonaise de 1904- 05, que la Russie perdit.

Chine : est-ce ça la chrétienté ?
Victor Gillam, Judge, 4 mai 1901

La Chine en sécurité – pour l’instant
John S. Pughe, Puke Magazine, 9 avril 1902

Le dessin montre l’aigle allemand et l’ours russe en train de se détendre après avoir mangé. On remarque des os étiquetés « Shan-Tung » et « Mandchourie » à leurs pieds.

Premier arrivé, premier servi
J. Udo Keppler, Puke Magazine, 13 mai 1903

Le dessin montre une scène dans un restaurant chinois où la Russie mange dans un bol de nourriture étiqueté « Mandchourie ». A l’arrière-plan, un Chinois dit à la France (Emile Loubet) et à l’Allemagne (Guillaume II) que le premier arrivé est le premier servi.

Bulles
J. Udo Keppler, Puck Magazine, 12 août 1903

Le dessinateur montre l’ours russe en train de souffler des bulles de savon marquées « Promesses » à travers une pipe en écume de mer au visage chinois. Pour cela il utilise un bol marqué « Savon doux de Mandchourie ».

Un château de cartes
J. F. Keppler, Puck Magazine, 20 janvier 1904

Le dessinateur montre l’ours russe avec un château de cartes, chaque carte portant l’inscription d’un pays différent, « Angleterre, France, Allemagne, Japon, États-Unis, Autriche, Chine, Italie, [et] Turquie ». Le roi sur chaque carte porte quelques caractéristiques faciales du dirigeant du pays. Une colombe de « Paix » a atterri sur les cartes, alarmant l’ours. La patte droite et les griffes de l’ours touchent la carte « Japon ».

Les sables du temps
John S. Pughe, Puke Magazine, 3 février 1904

Le dessin montre Mars, le dieu romain de la guerre, attendant que l’établissement des protocoles et l’occupation japonaise de la Corée soient achevés avant que le sablier ne passe de de « Paix » à « Guerre ». La Chine attend tranquillement sur la gauche.

The New Square-Deal Deck
Eugène Zimmerman, (américain) The Judge, 5 août 1905

Théodore Roosevelt déclare aux Chinois : « Venez, messieurs. Il est temps de jeter ce pont usé et d’en essayer un qui nous donnera à tous les deux une bonne affaire« .

La loi d’exclusion chinoise de 1882 a été prolongée à plusieurs reprises, ce qui a suscité la colère du gouvernement chinois et des Chinois d’outre-mer. Sur le dessin, la Chine et l’Oncle Sam jouent à tour de rôle leurs cartes politiques, aucun des deux camps n’étant prêt à céder.

Source : Les Crises

Voici quelques exemples dans la presse française de l’époque : source

« Morts aux étrangers ! », Le Petit Parisien
15 juillet 1900

Les massacres en Chine, Le Petit Parisien
19 décembre, 1891


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